Radiothérapie externe des carcinomes hépatocellulaires

Radiothérapie externe des carcinomes hépatocellulaires

Cancer/Radiothérapie 15 (2011) 49–53 Revue générale Radiothérapie externe des carcinomes hépatocellulaires External radiotherapy for hepatocellular ...

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Cancer/Radiothérapie 15 (2011) 49–53

Revue générale

Radiothérapie externe des carcinomes hépatocellulaires External radiotherapy for hepatocellular carcinoma N. Girard a,b , F. Mornex c,∗,d a

Service de pneumologie, hôpital Louis-Pradel, hospices civils de Lyon, 28, avenue du Doyen-Jean-Lépine, 69500 Bron, France UMR 754, université Claude-Bernard Lyon-1, 43, boulevard du 11-Novembre-1918, 69622 Villeurbanne cedex, France c Département de radiothérapie-oncologie, centre hospitalier Lyon-Sud, 165, chemin du Grand-Revoyet, 69495 Pierre-Bénite cedex, France d EA 37-38, université Claude-Bernard Lyon-1, 43, boulevard du 11-Novembre-1918, 69622 Villeurbanne cedex, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 30 septembre 2010 Accepté le 12 octobre 2010 Disponible sur Internet le 14 janvier 2011 Mots clés : Carcinome hépatocellulaire Asservissement respiratoire Radiothérapie Protonthérapie Modulation d’intensité

r é s u m é La radiothérapie a longtemps été exclue de l’arsenal thérapeutique du carcinome hépatocellulaire, du fait de sa toxicité sur le parenchyme hépatique. Les progrès technologiques ont permis le développement des techniques de conformation, autorisant une escalade des doses d’irradiation, et une association concomitante à d’autres approches thérapeutiques anti-tumorales, notamment la chémo-embolisation artérielle. La radiothérapie offre de nombreux avantages : disponibilité, non invasivité, possibilité de traiter plusieurs lésions tumorales de fac¸on concomitante, d’atteindre des lésions profondes inaccessibles aux techniques percutanées, et de prendre en charge des patients atteints de cirrhose et/ou en mauvais état général. Récemment, de nouvelles techniques ont permis d’optimiser la délivrance de l’irradiation : l’asservissement respiratoire et la modulation d’intensité, qui pourraient permettre une meilleure focalisation de la balistique, l’irradiation en conditions stéréotaxiques et la protonthérapie, actuellement peu disponible en Europe. Au vu des taux de réponse tumorale élevés, la radiothérapie pourrait être intégrée dans la stratégie thérapeutique à visée curative du carcinome hépatocellulaire, aux côtés de la chirurgie, de la radiofréquence ou de l’alcoolisation percutanée. Son évaluation complémentaire au cours d’essais de phase III randomisés reste indispensable, en particulier afin de déterminer sa place dans l’algorithme complexe des stratégies thérapeutiques du carcinome hépatocellulaire. © 2011 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

a b s t r a c t Keywords: Hepatocellular carcinoma Radiotherapy Respiratory gating Protontherapy Intensity-modulated radiotherapy

For a long time radiotherapy has been excluded from the therapeutic strategy for hepatocellular carcinoma, given its significant toxicity on the non-tumoral liver parenchyma. Conformal radiation is a recent advance in the field of radiotherapy, allowing dose escalation and combination with other therapeutic options for hepatocellular carcinoma, including trans-arterial chemo-embolization. Conformal radiotherapy is associated with interesting features, especially in cirrhotic patients: wide availability, non-invasiveness, possibility to target multiple localizations anywhere within the liver parenchyma, and favorable tolerance profile even in patients with cirrhosis and/or in a poor medical condition. Recently, radiation delivery has been optimized through several technical developments: respiratory gating and intensity-modulated radiotherapy, which allow a better focalization of the ballistics, stereotactic techniques and proton-beam radiotherapy, whose availability is currently limited in Europe. Given the high response rates of hepatocellular carcinoma to radiation, conformal radiotherapy may be regarded as a curative-intent treatment for hepatocellular carcinoma, similar to surgery and per-cutaneous techniques. Yet the impact of radiotherapy has to be evaluated in randomized trials to better integrate in the complex therapeutic algorithm of hepatocellular carcinoma. © 2011 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

1. Introduction ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Mornex).

Le carcinome hépatocellulaire est une tumeur maligne fréquente qui se développe le plus souvent sur un foie cirrhotique.

1278-3218/$ – see front matter © 2011 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). doi:10.1016/j.canrad.2010.11.011

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Les traitements sont décevants et le pronostic est généralement défavorable (médiane de survie inférieure à 18 mois), du fait d’une évolution tumorale importante dès le diagnostic dans près de 80 % des cas, rendant seul un traitement palliatif envisageable [1]. Lorsque le carcinome hépatocellulaire est diagnostiqué précocement, plusieurs approches thérapeutiques sont possibles : résection chirurgicale, transplantation hépatique, destructions radiologiques percutanées [1]. Cependant, peu de patients peuvent bénéficier de ces traitements, dont le caractère potentiellement curatif est en outre limité par l’émergence fréquente de nouveaux foyers tumoraux, notamment en cas de cirrhose hépatique. La radiothérapie a longtemps été exclue de l’arsenal thérapeutique du carcinome hépatocellulaire, du fait de sa toxicité sur le parenchyme hépatique [2]. Les progrès technologiques ont permis le développement des techniques de conformation, autorisant une escalade des doses d’irradiation, et une association concomitante à d’autres approches thérapeutiques anti-tumorales, notamment la chimioembolisation artérielle (association présentée par Merle et Mornex dans un article de ce numéro [3]). Plus récemment, de nouvelles techniques ont permis d’optimiser la délivrance de l’irradiation : l’asservissement respiratoire et la modulation d’intensité, qui pourraient permettre une meilleure focalisation de la balistique : l’irradiation en conditions stéréotaxiques, faisant l’objet d’une revue détaillée par Bujold et Dawson [4] ; et la protonthérapie, actuellement peu disponible en Europe. Ces développements font de la radiothérapie l’une des thérapeutiques les plus prometteuses dans le traitement du carcinome hépatocellulaire.

2. Radiothérapie externe dans le carcinome hépatocellulaire : données historiques La radiothérapie externe classique s’est avérée historiquement très décevante dans le traitement du carcinome hépatocellulaire car peu efficace et mal tolérée, notamment chez les patients cirrhotiques. Il a été rapporté dans une série de 356 patients atteints de carcinome hépatocellulaire localement évolué les résultats obtenus avec la radiothérapie non conformationnelle, soit de la totalité du foie ne permettant de délivrer qu’une faible dose (8 à 32 Gy ; 24 Gy en moyenne), soit plus focalisée sur la tumeur autorisant une dose plus élevée (24 à 60 Gy ; 37,5 Gy en moyenne) [5]. Les deux stratégies étaient similaires tant en termes de régression tumorale (13 à 15 % de réponses tumorales objectives) que de taux de survie (35 % à un an et 0 % à cinq ans). Malgré ces résultats décevants, la radiothérapie permettait une réduction importante des douleurs induites par les métastases cérébrales et osseuses de carcinome hépatocellulaire. Ces données suggéraient une radiosensibilité de la tumeur, confirmée par un nombre significatif de données radiobiologiques précliniques [6,7]. Plusieurs études cliniques ont également montré l’intérêt de l’escalade des doses d’irradiation. L’association de la radiothérapie externe à une irradiation métabolique in situ par injection intravasculaire d’anti-ferritine conjuguée à de l’iode radioactif a montré la relation entre la dose délivrée et le taux de contrôle tumoral. Dans une série de 105 patients publiée en 1985, le taux de réponse tumoral variait de 23 % après une dose de 21 Gy délivrée par radiothérapie externe exclusive, à 48 % après adjonction de deux injections d’anti-ferritine-131 I délivrant chacune 10 à 12 Gy [8]. La réduction de la taille des faisceaux d’irradiation afin de focaliser l’irradiation et d’augmenter le gradient de dose entre tumeur et parenchyme sain, a également montré son intérêt. Au cours d’une étude non randomisée, 102 patients atteints de carcinome hépatocellulaire non résécable et de taille variant de 3 à 8 cm, ont été traités par alcoolisation percutanée et chimioembolisation ; 44 patients ont ensuite rec¸u une irradiation externe

complémentaire avec focalisation des faisceaux d’irradiation sur la tumeur (2 Gy par fraction, dose totale de 36 à 70 Gy) [9]. Dans cette série, l’irradiation externe s’est avérée bénéfique, permettant un taux de contrôle tumoral local statistiquement supérieur (53 % contre 33 % ; p = 0,006), bien que le taux de survie n’ait pas été significativement amélioré. Ce manque de bénéfice significatif de survie était en rapport avec un taux élevé de récidive tumorale (92 %), bien qu’il s’agisse essentiellement de l’apparition de novo de carcinome hépatocellulaire alors que le taux de récidive dans le lit des lésions initialement irradiées était faible (10 %) [9]. Compte tenu du haut niveau de prolifération cellulaire des cellules hépatiques tumorales, certaines équipes ont enfin évalué l’intérêt d’une irradiation hépatique totale hyperfractionnée, permettant une meilleure protection relative du tissu hépatique non tumoral [10]. Dans une étude prospective mais non randomisée, les résultats obtenus chez 59 patients ayant rec¸u une irradiation hyperfractionnée (deux fractions quotidiennes, 1,2 Gy par fraction, dose totale de 24 Gy), ont été comparés à ceux de 135 patients traités par irradiation monofractionnée (une fraction quotidienne, 3 Gy par fraction, dose totale de 21 Gy). Aucune différence n’a pu être dégagée en termes de réponse tumorale (22 % contre 18 % ; p = 0,68), et la toxicité aiguë (œsophagite, mucite et thrombopénie) était majorée par l’irradiation hyperfractionnée [10]. Au total, l’inefficacité de la radiothérapie externe en deux dimensions résidait vraisemblablement dans les difficultés techniques de localisation précise du volume tumoral au sein du parenchyme hépatique. De fait, l’inclusion de l’ensemble du foie dans le volume cible limitait la dose maximale à 30 à 35 Gy, dose trop faible pour être efficace sur les lésions tumorales de carcinome hépatocellulaire [6]. La principale complication observée dans ces études historiques est la survenue d’une hépatite radio-induite [11,12]. Les principaux signes en sont l’ascite, l’hépatomégalie anictérique, la cytolyse, et l’augmentation des phosphatases alcalines. L’hépatite radioinduite est ainsi parfois difficile à différencier d’une évolution de la cirrhose sous-jacente. Cette complication survient typiquement quatre à huit semaines après la fin de l’irradiation et est responsable d’un décès dans près de 15 % des cas [11,12]. La dose moyenne au parenchyme hépatique associée à un risque de 5 % d’hépatite radio-induite est de 28 Gy en fractionnement standard [13]. Ces données historiques montrent la radiosensibilité du carcinome hépatocellulaire, et la nécessité de focaliser les faisceaux d’irradiation pour préserver le parenchyme hépatique normal, tout en augmentant la dose délivrée à la tumeur, ce qui constitue le rationnel de l’utilisation de la radiothérapie de conformation.

3. Développement de la radiothérapie de conformation La radiothérapie de conformation correspond à la délivrance de l’irradiation par plusieurs faisceaux dont l’orientation et la dose sont calculés après une planification basée sur une modélisation tridimensionnelle des volumes cibles et critiques, permettant une quantification de la relation entre la dose, le volume et les complications des tissus non tumoraux irradiés. Comme le foie non tumoral est épargné, une dose d’irradiation potentiellement tumoricide (beaucoup plus forte que la dose tolérée par l’ensemble du foie) peut être administrée, au prix d’un taux de complications acceptable. Les principales séries rapportées de radiothérapie conformationnelle dans la littérature ont été initialement issues de l’équipe de l’université du Michigan à Ann Arbor [11,14–21]. Dès 1990, Lawrence et al. ont montré la possibilité d’augmenter les doses d’irradiation en fonction du volume de parenchyme sain irradié en utilisant des histogrammes dose–volume permettant de sélectionner le plan de traitement le plus adapté et de facteurs non

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dosimétriques inclus dans un modèle de probabilité de complication iatrogène au niveau des tissus non tumoraux (NTCP) [14,17,18]. En cas de carcinome hépatocellulaire inopérable, l’étude prospective pilote de Robertson et al. a montré que la radiothérapie de conformation permettait une régression tumorale d’autant plus significative et mieux tolérée que la tumeur était localisée et irradiée à dose élevée, avec, chez les 11 patients ayant rec¸u une irradiation focale (bifractionnée à une dose totale comprise entre 48 Gy et 72 Gy) des taux de réponse et de toxicité aiguë respectivement de 100 % et 16 % [20]. Le taux de survie sans récidive était de 72 % à 24 mois, significativement supérieur à celui des six patients traités par irradiation hépatique totale, à la dose totale de 36 Gy (taux de réponse de 16 % ; taux de toxicité de 83 % ; taux de survie sans récidive de 33 % à six mois) [20,21]. L’intérêt de l’escalade des doses d’irradiation a été montré dans une étude de 25 patients traités à des doses totales comprises entre 40 et 90 Gy, en fractionnement standard, en association à la déoxyuridine intra-artérielle. Le taux de réponse était de 56 %, avec une durée médiane de survie de 15,2 mois [22]. Les résultats obtenus dans des populations asiatiques ont confirmé ces données initiales, en particulier chez les patients atteints de tumeur volumineuse et de cirrhose hépatique. Dans une série ayant inclus 44 patients atteints d’un carcinome hépatocellulaire de diamètre compris entre 6 et 25 cm et non résécable, parmi lesquels 14 étaient atteints de thrombose de la veine porte ou la veine cave inférieure [23], le taux de réponse tumorale était de 61 % après radiothérapie de conformation de dose élevée (une fraction quotidienne, 1,8 à 2 Gy par fraction, dose totale de 40 à 60 Gy). Les récidives étaient essentiellement intrahépatiques (43 % des patients), et en dehors des volumes irradiés. De même, il a été rapporté dans une étude coréenne de 70 patients traités à des doses de 44 à 54 Gy en fractionnement standard, un taux de contrôle tumoral de 91 % et des survies de plus de 18 mois [24]. En Europe, l’essai franc¸ais RTF-1, rapporté par Mornex et al., a montré la faisabilité et l’efficacité d’une irradiation conformationnelle à la dose de 66 Gy chez des patients atteints de carcinome hépatocellulaire de petite taille mais de cirrhose de stade ChildPugh A ou B [25]. Parmi les 25 patients qui ont fait l’objet d’une évaluation, le taux de réponse était de 92 %, avec 80 % de réponses complètes. Seuls deux patients, atteints de cirrhose de stade B, ont souffert de toxicité de grade 4. Les autres effets secondaires consistaient en des modifications asymptomatiques du bilan hépatique. La durée médiane de survie sans récidive était de 34 mois ; 11 patients ont été atteints d’une récidive multifocale (nouvelles lésions).

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à 5 cm et une dose équivalente biologique de plus de 53 Gy comme étant associés à une probabilité de survie supérieure après radiothérapie, en analyse multifactorielle [27]. Enfin, l’existence et la taille de la thrombose porte (plus ou moins de 3 cm) ont aussi été rapportées comme des facteurs pronostiques de réponse à la radiothérapie de conformation [28]. La thrombose porte est un facteur péjoratif classique dans le carcinome hépatocellulaire, limitant en particulier les possibilités d’embolisation intra-artérielle. Leung et al. ont également rapporté que la délivrance d’une forte dose d’irradiation dans un petit volume tumoral pouvait induire la régression de la thrombose portale néoplasique, avec reperméabilisation de la veine porte trois mois après la fin de l’irradiation [29]. Si ces études ont insisté sur les meilleurs résultats obtenus après irradiation focalisée de haute dose (jusqu’à 90 Gy [11]), l’intégration de la radiothérapie de conformation dans le traitement du carcinome hépatocellulaire s’est accompagnée d’une augmentation des complications radio-induites, notamment en cas de cirrhose hépatique sous-jacente [19]. L’analyse de la cohorte de l’université du Michigan a montré une toxicité supérieure de la radiothérapie de conformation en cas de carcinome hépatocellulaire, d’une part, par rapport aux cas de métastases hépatiques, et d’autre part, en cas d’association à la chimioembolisation intra-artérielle [16]. Dans la série taïwanaise, regroupant 89 patients cirrhotiques traités à la dose moyenne de 50 Gy, deux facteurs prédictifs pour la toxicité hépatique sévère précoce (de grade 3–4) ont été identifiés : l’infection par le virus de l’hépatite B (p = 0,034) et la dose d’irradiation hépatique moyenne, corrélée avec le volume irradié (p = 0,05) [30–32]. L’analyse des données de cette cohorte a ainsi montré l’importance d’une adaptation des modèles de NTCP à la population étudiée, notamment en fonction de l’existence d’une cirrhose et de sa gravité [31]. La toxicité radique, outre l’hépatite radio-induite, est l’hémorragie digestive haute (rupture de varices œsophagiennes ou gastrite hémorragique), mais l’imputabilité à un effet direct de l’irradiation doit toujours être discuté dans un contexte où l’évolution de la fibrose intrahépatique et de l’hypertension portale produisent les mêmes complications au cours de l’évolution naturelle de la cirrhose. La dose moyenne au parenchyme hépatique reste en termes de toxicité le facteur prédictif le plus significatif avec la radiothérapie de conformation : taux de risque d’hépatite de 5 % en cas de dose moyenne délivrée au parenchyme hépatique de 32 Gy, de 50 % en cas de dose de 40 Gy [16]. Le V35 (volume recevant 35 Gy et plus) hépatique et l’âge ont également été identifiés comme corrélés avec le risque de toxicité sévère gastro-intestinale [33]. Le Tableau 1 décrit les contraintes de dose recommandées sur le parenchyme hépatique [34].

4. Facteurs prédictifs en termes de réponse et de toxicité à la radiothérapie 5. Optimisation de la radiothérapie : nouvelles techniques Comme pour la radiothérapie en deux dimensions, la dose d’irradiation reste le seul facteur prédictif significatif de réponse tumorale à la radiothérapie de conformation identifié à ce jour [11,26]. Dans la série taïwanaise, la durée médiane de survie globale était de 15,2 mois, et était significativement corrélée avec une dose d’irradiation élevée (p = 0,013), une concentration initiale basse d’alpha-fœtoprotéine (p = 0,007), un stade précoce (p = 0,037), et à l’absence de thrombose veineuse portale (p = 0,006) [23]. Dans une série coréenne de 158 patients stratifiés sur la taille tumorale (inférieure à 5 cm : 11 % des cas, 5 à 10 cm : 54 % des cas, supérieure à 10 cm : 35 % des cas) et traités à la dose moyenne de 50 Gy, la dose totale rec¸ue apparaissait comme étant corrélée avec la réponse tumorale : moins de 40 Gy, taux de réponse de 29 % ; dose entre 40 et 50 Gy, taux de réponse de 69 % ; dose de plus de 50 Gy, taux de réponse de 77 % [26]. Une série récente multicentrique coréenne regroupant 398 patients a identifié une taille tumorale supérieure

Outre les techniques de stéréotaxie, permettant une augmentation encore plus importante du gradient de dose entre tumeur et parenchyme hépatique sain (discutées dans un chapitre spécifique de ce numéro), plusieurs approches pour optimiser la radiothérapie de conformation sont actuellement développées. La voie la plus prometteuse pour la radiothérapie des carcinomes hépatocellulaires est l’asservissement respiratoire (gating). Cette technique permet de cibler l’irradiation à un temps précis et constant du cycle respiratoire. Dans une étude princeps conduite chez huit patients atteints de carcinome hépatocellulaire et irradiés avec asservissement respiratoire, la déviation de la tumeur dans le plan crâniocaudal était limitée en moyenne à 2,3 mm (1,2 à 3,7 mm) au cours d’une séance, et à 4,3 mm (3,1 à 5,7 mm) d’une séance à l’autre [15]. Associée à une planimétrie réalisée à la fois au temps inspiratoire et expiratoire (dosimétrie « en quatre dimensions »),

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Tableau 1 Recommandations de contraintes dose–volume pour l’irradiation des carcinomes hépatocellulaires (d’après [34]). Paramètre

Valeur

Dose recommandée (Gy)

V50 %

< 25 % 25–49 % 50–75 % > 75 %

> 60 45–54 31–45 0

Probabilité de complication hépatique radio-induite de 5 % (NTCP)

1/3 du volume hépatique 2/3 du volume hépatique Volume hépatique entier

43–93 34–47 30–35

Dose moyenne au foie

Standard Hypofractionné

< 28–32 < 18

V50 % : volume recevant 50 % de la dose prescrite.

cette technique autorise une diminution des marges péritumorales, et ainsi une augmentation plus importante des doses d’irradiation à risque égal d’irradiation du parenchyme hépatique sain et donc de complications. Dans une étude dosimétrique, les valeurs de NTCP pour le foie passaient de 9 % en l’absence d’asservissement respiratoire à 4,5 % en expiration et à 3 % en inspiration, avec, dans une autre série, une réduction de la dose au foie de 10 % grâce à une diminution du volume cible prévisionnel (PTV) de 781 à 529 cm3 [35,36]. En termes techniques, une dernière étude récente a montré que la délinéation des deux phases expiratoires et inspiratoires extrêmes du cycle respiratoire était suffisante dans ce contexte, avec une dérivation mineure du volume cible interne (ITV) pour les tumeurs avec une mobilité inférieure à 16 mm [37]. La radiothérapie avec modulation d’intensité est une technique qui consiste à délivrer des faisceaux d’irradiation de forme variable au cours d’une même séquence, grâce à un mouvement programmé des lames du collimateur. Il est alors possible de modeler plus facilement les volumes tumoraux et non tumoraux, notamment pour les tumeurs proches d’organes sains très sensibles à l’irradiation. Dans une étude dosimétrique, la radiothérapie avec modulation d’intensité permettait, par rapport à la radiothérapie de conformation standard, une réduction de la probabilité de toxicité hépatique de plus de 10 % (24 % contre 37 %, p = 0,009), malgré une augmentation de la dose moyenne dans le parenchyme hépatique (2924 cGy contre 2504 cGy, p = 0,009) [32]. Un essai a été conduit associant de fac¸on concomitante radiothérapie séquentielle avec modulation d’intensité de dose totale de 50 Gy et radiosensibilisation par capécitabine [38]. Le V30 (volume recevant 30 Gy et plus) hépatique était dans cette étude de 27 % en moyenne, contre 30 à 35 % dans les études de radiothérapie de conformation. La tolérance de ce programme était excellente, sans toxicité clinique de grade 3 à 4. La protonthérapie utilise des particules dont le profil permet la délivrance d’une dose d’irradiation élevée à une profondeur prédéterminée en utilisant des faisceaux non traversants, sans aucune toxicité radique. Peu d’études sont disponibles, du fait de la disponibilité limitée de la technique, très lourde à mettre en œuvre et à utiliser, et très couteuse en termes d’équipement et de fonctionnement. Les résultats publiés sont essentiellement issus de l’université de Tsukuba au Japon, où il a été mis en évidence dans la série initiale de 162 patients un taux de contrôle local élevé de 87 % à 5 ans, avec un taux de survie globale de 54 % chez les patients atteints de cirrhose Child-Pugh A et de lésion de carcinome hépatocellulaire unique [39]. La protonthérapie a démontré sa faisabilité à des doses de 6 à 24 Gy à la fois chez les sujets âgés et ascitiques [40,41]. De même, le traitement de lésions de carcinome hépatocellulaire de plus de 10 cm ou adjacents au tronc porte est possible, la protonthérapie délivrant alors 72 Gy en 22 fractions pour des taux de contrôle local de 86-87 % [42,43]. La protonthérapie offre enfin la possibilité d’irradier de fac¸on séquentielle plusieurs lésions, avec les mêmes doses et pour des résultats identiques [44]. Ces données rétrospectives ont été confirmées prospectivement dans un essai

Fig. 1. Taux de contrôle local associé aux options thérapeutiques actuelles en cas de carcinome hépatocellulaire.

de 51 patients traités à la dose de 66 Gy en dix fractions. Le taux de survie était de 50 % à trois ans, celui de contrôle local de 95 % et la toxicité essentiellement biologique [45]. En conclusion, la radiothérapie externe doit, au vu des taux de réponse tumorale élevés, être intégrée dans la stratégie thérapeutique curative du carcinome hépatocellulaire, aux côtés de la chirurgie, de la radiofréquence ou de l’alcoolisation percutanée (Fig. 1). Utilisée de fac¸on conformationnelle, la radiothérapie est une technique disponible, non invasive, et qui offre la possibilité de traiter plusieurs lésions tumorales de fac¸on concomitante, d’atteindre des lésions profondes inaccessibles aux techniques percutanées, et de prendre en charge des patients atteints de cirrhose et/ou en mauvais état général [46]. Son évaluation complémentaire au cours d’essais de phase III randomisés reste indispensable, en particulier afin de déterminer sa place dans l’algorithme complexe des stratégies thérapeutiques du carcinome hépatocellulaire. Conflit d’intérêt Les auteurs déclarent aucun conflit d’intérêt. Références [1] Llovet JM, Burroughs A, Bruix J. Hepatocellular carcinoma. Lancet 2003;362: 1907–17. [2] De Bari B, Pointreau Y, Rio E, Mirabel X, Mornex F. Dose de tolérance à l’irradiation des tissus sains : le foie. Cancer Radiother 2010;14:344–9. [3] Merle P, Mornex F. Chimioembolisation et radiothérapie de conformation dans le traitement du carcinome hépatocellulaire. Cancer Radiother 2011;15:49– 53.

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