Comp. lmmun. MicrobioL infect. Dis., Vol. 3, pp. 1~,. © Pergamon Press Ltd., 1980. Printed in Great Britain
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RAPPEL SUR LE VIRUS DE LA GRIPPE C. HANNOUN Institut Pasteur, Paris, France
Ri~sum6----Lesprincipales caract&istiques des virus de la grippe sont pass~-s en revue: structure, propri6t6s biologiques, circulation dans la Nature chez l'homme et certaines esp&:esanimales. Les consequences 6pid~miologiques de ces proprietes sont discut~s.
Mots-clefs: Grippe, humaines et animales, structure, variations
I N T R O D U C T I O N TO I N F L U E N Z A V I R U S E S A~tract--The main characteristics of the structure of influenza viruses, their biologicalproperties, their circulation in man and in animal speciesare brieflyreviewed. Epidemiologicalconsequences of these data are discussed.
Key words: Influenza, human and animal, structure, variations
La grippe est un probl6me important de sant6 pour l ' h o m m e et pour certaines esp6ces animales. L'intensit6 et la gravit6 de certaines pandbmies humaines sont bien connues et, en dehors de ces p&iodes exceptionnelles qui se suivent fi intervalles d'une dizaine ou d'une quinzaine d'ann6es, on observe chaque ann6e une circulation 6pid6mique ou pseudo6pid~raique d'un ou de plusieurs virus de la grippe causant ainsi une mortalit~ souvent considerable. C'est l'un des virus sur lesquels les recherches sont les plus actives dans de nombreux domaines: m&iical, physiologique, immunologique, bpidoniologique, mol~culaire, g~n6tique ou purement virologique. Plus de 600 publications ont ~t~ consacr6es fi la grippe au cours de chacune des derni6res ann6es et le volume de ces rapports ne fait que croitre [1-3]. Les virus de la grippe ont des propri&6s tr6s originales et, bien que ce soient des virus de taille moyenne (80-100 run de diam6tre), on peut dire que ce sont des virus compliqu~s.
STRUCTURE Le virus de la grippe contient sept prot~ines diff6rentes et induit, de plus, la synth6se d'une protbine non constitutive. Ces prot6ines peuvent &re raises en 6vidence apr6s 1
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extraction grfice fi la m6thode d'61ectrophor6se en gel de polyacrylamide et elles apparaissent comme des bandes separ6es. On peut distinguer trois protbines internes de haut poids moleculaire: PI, P2 et P3 qui sont sans doute des polymerases, la prot6ine NP, associ6e aux segments d'acide nuclbique, la prot6ine M formant une membrane autour des structures centrales et associ6e sur la face externe fi une couche lipidique provenant de la membrane de la cellule h6te et les deux prot6ines de surface HA et NA. HA est l'h6magglutinine, c'est-fi-dire la molecule responsable de l'attachement du virus sur les globules rouges, causant I'agglutination; cet attachement peut 6tre considere comme le mod61e de la relation virus-cellule sensible. Le blocage des sites actifs de HA par les anticorps spbcifiques entraine la neutralisation de l'activit6 infectieuse du virus. NA est une neuraminidase qui joue un r61e au moment de la maturation du virus en digerant les residus d'acide sialique de la membrane. La prot6ine NS n'est pas pr6sente dans la particule de virus, mais apparalt fi l'int6rieur des cellules au cours de la multiplication: elle est cependant d'origine virale et joue probablement un r61e dans le cycle intracellulaire du virus. Le g6nome du virus de la grippe est constitue d'acide ribonuclkique et celui-ci se pr6sente sous la forme de plusieurs fragments (huit) monocat6naires s6par6s correspondant chacun un g6ne dirigeant la synth+se de l'une des prot6ines virales. Cependant, ces segments (vRNA) ne peuvent pas jouer directement le r61e de inessager et c'est teur copie (cRNA) obtenue par une transcription R N A - R N A par le jeu de l'une des polymerases, qui assure cette fonction. On dit que le virus de la grippe poss6de un g6nome de polarit6 "n6gative'. La rbplication du virus est donc complexe et il utilise largement les ressources cellulaires. plus encore que beaucoup d'autres, puisque sa multiplication comporte des phases cytoplasmiques et des phases nucl6aires, et que les synth6ses cellulaires sont necessaires fi son d~veloppement. On salt par exemple depuis peu que la transcription du RNA viral ne peut se faire qu'fi l'aide d'une amorce constitu6e d'un petit segment de RNA messager cellulaire. Cette coop6ration de la cellule n'est possible que grfice au fait que le virus n'est pas immediatement cytolytique: la cellule survit assez longtemps fi l'infection et secr6te du virus pendant quelques heures sans 6tre totalement d+sorganis~e morphologiquement.
VAR1ABILITE I1 existe trois types serologiques: A, B et C, mais seul le virus A, le plus important au point de vue m6dical, pr+sente une variabilit~ considerable qui se manifeste fi deux niveaux diff6rents : D'une part, le virus presente chaque ann6e de 16g+res variations antig6niques portant surtout sur l'h6magglutinine (d6celable par l'~preuve d'inhibition de l'h+magglutination) et aussi parfois fi un moindre degr6, sur la neuraminidase (d6celable par l'6preuve d'inhibition de l'activit6 enzymatique). Ces diff6rences sont mineures, analogues fi un glissement (drift des auteurs anglo-saxons) mais sont cumulatives, ce qui entraine, apr6s quelques ann6es de glissement un r6el d6calage et une rupture de l'immunit6 chez les sujets ayant +t6 infect6s par le virus le plus ancien. On admet que ces variations proviennent de changements ponctuels du code dirigeant la synth6se de HA ce qui entraine la substitution d'un acide
Rappel sur le virus de la grippe
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amin6 par un autre. Un mutant de ce type b6n~ficie d'un avantage s~lectif au cours de la circulation dans une population immunis6e et on peut comprendre pourquoi un virus provenant de ce glissement a de bonnes chances de s'implanter en rempla~;ant les virus pr~c6dents. D'autre part, ~i intervalles beaucoup plus espac6s, le virus change compl6tement de caract6res (HA seulement ou HA et NA) et ne conserve plus que les antig6nes (prot~ines) internes du virus pr~c6dent. Ces antig6nes (NP et M surtout) sont responsables de la d6finition du type A. Le virus nouveau qui apparait alors trouve devant lui un vide immunologique lui permettant d'infecter chaque individu rencontr6: la diffusion du virus et de la maladie ne dbpend donc plus que des modalit6s de la contagion. C'est dans ces conditions qu'apparaissent les grandes pand6mies: virus antig6niquement original (et non plus dbriv6 par glissement d'un parent), contagiositb 61ev6e (ce facteur de virulence est encore mal connu et mal d6fini). Ce type de variation, ou c a s s u r e (shift des auteurs anglosaxons) est heureusement rare mais revient avec une certaine r6gularit6, on voit m6me r~apparaitre des virus qui ont dbj~i circulb dans le passe, sans qu'on puisse d~terminer l'heure actuelle off ils se sont conserves dans l'intervalle. GRIPPES ANIMALES On conna[t chez l'homme quatre sous-types d'HA, un chez le porc, deux chez le cheval, neuf chez les oiseaux. De m~me, il existe deux NA humaines, deux 6quines et six aviaires. Tous ces virus appartiennent fi la m6me famille et sont tr6s comparables par leurs propri~t~s biologiques, en dehors du pouvoir pathog6ne. On a pu d6montrer un ensemble tr6s int6ressant d'interactions g6n6tiques entre ces divers sous-types, rendus apparemment plus faciles par le caract6re segment~ du g6nome du virus. Tout se passe, en fait, comme si ces segments &aient des chromosomes et on peut pr6voir la possibilit~ de rb,assortiments g~n6tiques dans le cas d'infection cellulaire multiple. C'est bien le cas en effet et l'exp6rience peut ~tre faite in vitro, ou encore in vivo chez des porcs et des oiseaux chez lesquels l'apparition d'hybrides peut &re d~montr~e (H3N2 x HSwlN1 ~ par exemple H3N1 et HSw N2). Enfin, on a pu r~cemment d~montrer ce m&ne ph6nom~ne chez des animaux sauvages (canards) infect~s naturellement de deux virus fi la fois. Les cons6quences de ces propri~t~s sont importantes pour la compr6hension de l'6pid~miologie de la grippe humaine. II serait tr6s utile de savoir off se conservent les virus entre les pand&nies et comment ils peuvent revenir chez l'homme apr~s de longs intervalles. L'une des hypotheses avanc6es fait intervenir la possibilit6 pour les virus humains, soit de persister pendant de longues p6riodes chez l'animal sans modifications antig6niques, et cela est d~montr~ dans le cas du porc qui semble trbs capable de jouer ce r61e de r~servoir, soit de se recombiner, fi la faveur d'infections multiples, fi un virus animal, d'~changer avec celui-ci son h~magglutinine par exemple puis de revenir chez l'homme avec le m6me pouvoir pathog~ne et une identit6 immunologique nouvelle, c'est-~i-dire favorable fi une large diffusion. BIBLIOGRAPHIE 1. The Influenza Viruses and Influenza. Kilbourne, E. D. (ed.), pp. 1-344. Academic Press, New York (1975). 2. InternationalSymposiumon InfluenzaImmunization,Devl Biol. Standard. 39, 1-530 (1977). 3. Influenza,Brit. reed. Bull. 35, 1-96 (1979).