Recommandations pour les soins de la peau durant la radiothérapie Examen des pratiques canadiennes Amanda Bolderston, M.R.T.(T.), RTT, BSc Ce document fait état d’un projet de maîtrise en radiographie thérapeutique et est publié avec la permission de l’Université Anglia Polytechnic du Royaume-Uni. RÉSUMÉ Une enquête téléphonique semi-structurée a servi à recueillir de l’information sur les pratiques de soins de la peau auprès de vingt-six services de radiothérapie au Canada. Les questions portaient sur les recommandations faites sur le lavage de la zone irradiée (avec ou sans savon), l’utilisation d’un désodorisant (si l’aisselle faisait partie du champ de traitement ou en était proche), l’application de crèmes ou d’autres produits sur la peau et la gestion de la desquamation sèche ou humide. Les résultats montrent que les pratiques varient considérablement d’un établissement à l’autre au Canada. Ils font l’objet d’une discussion à la lumière des preuves tirées des travaux récents. Une politique de lavage non-restrictive est encouragée, de même que l’application de crème hydrophile douce pour hydrater la peau irradiée. L’utilisation d’un désodorisant est également encouragée si la peau est intacte. L’article traite également des approches de gestion active des réactions cutanées. souvent que sur une base scientifique faible. L’absence d’uniformité entre les praticiens peut parfois faire en sorte que les patients reçoivent des renseignements divergents et même erronés. La présente étude descriptive a pour but d’examiner les pratiques actuellement en vigueur au Canada et de les évaluer à la lumière de l’information probante découlant des travaux récents.
INTRODUCTION La question des soins de la peau pour les patients en radiothérapie est un sujet que porte souvent à controverse. Les pratiques diffèrent considérablement d’une institution à l’autre, de même qu’entre les praticiens. Une enquête réalisée au Royaume-Uni (1) révèle que les recommandations varient largement, amenant l’auteur à conclure que « l’absence d’une norme de traitement rationnelle largement acceptée… constitue un problème potentiel ».
Réaction cutanée aiguë La classification la plus largement utilisée pour l’évaluation des réactions cutanées est celle du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG),
Par ailleurs, plusieurs des pratiques actuelles sont fondées sur une évolution historique et ne reposent 0 Aucun changement par rapport au niveau de base
1 Érythème folliculaire, léger ou diffus, épilation, desquamation sèche, diminution de la sudation
2
3
Érythème tendre ou brillant, desquamation humide par plaques, œdème modéré
Desquamation confluente humide humide ailleurs que dans les plis de la la peau, œdème prenant le godet
Tableau 1 : Système de classification du RTOG pour les réactions cutanées aiguës aux radiations
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4 Ulcération, hémorragie, nécrose
présentée au Tableau 1 (2). Les appareils de radiothérapie moderne, fonctionnant sous des tensions de l’ordre du mégavolt, étant moins dommageables pour la peau, les réactions cutanées graves sont aujourd’hui relativement rares (toutefois, l’utilisation concurrente de la chimiothérapie, l’irradiation dans des zones humides comme l’aine ou le traitement faisant appel à des champs tangentiels peuvent tous augmenter les réactions cutanées). Il importe également de noter que les patients qui reçoivent un traitement aux rayons-x superficiels ou aux électrons, dans lesquels la dose absorbée par la peau est plus élevée, peuvent encore présenter des réactions importantes.
MÉTHODES Une enquête téléphonique à l’aide d’un questionnaire semi-structuré a été utilisée pour recueillir de l’information sur les pratiques de soins de la peau auprès de vingt-six services de radiothérapie au Canada. L’enquête comptait treize questions, certaines nécessitant une courte réponse, les autres pouvant trouver réponse par un oui ou un non. La dernière question était ouverte et visait à obtenir des données qualitatives sur les pratiques de soins de la peau. On espérait que ces données permettraient de trianguler les données quantitatives obtenues, mais aussi de recenser certaines opinions subjectives sur le sujet, de manière à enrichir les résultats.
Les soins de la peau de soutien pour les patients de radiothérapie peuvent être regroupés en deux secteurs, prévention et intervention. Les soins de prévention comprennent souvent des recommandations restrictives destinées à minimiser les traumatismes cutanés, comme la recommandation de porter des vêtements amples ou d’éviter l’exposition directe au soleil (voir Figure 1). Il existe des divergences d’opinion (et des controverses) quant au lavage ou à l’utilisation du savon, des crèmes et des désodorisants (si l’aisselle se trouve dans la zone traitée) ainsi que dans la gestion active de la desquamation sèche ou humide.
Les répondants ont été choisis à la suite d’un appel téléphonique ou d’un message par courrier électronique demandant aux chefs de service de déterminer un thérapeute approprié. Les critères étaient les suivants :
• Le thérapeute devait travailler au sein du service depuis au moins un an.
• Le thérapeute devait bien connaître les pratiques du service en matière de soins de la peau. Il était précisé que les résultats ne permettraient pas de repérer les services ayant répondu au sondage et que la participation était volontaire. En pratique, la plupart des répondants répondaient aux critères énoncés ci-dessus. Cependant, dans deux cas, le répondant n’était pas un radiothérapeute : l’une étant une infirmière en oncologie, l’autre un radiooncologue. Dans les deux cas, les thérapeutes de ces centres étaient trop occupés pour répondre au sondage et on estimait que ces deux personnes connaissaient suffisamment bien les pratiques de leurs services respectifs en cette matière.
L’intervention porte sur la gestion active des troubles de desquamation sèche ou humide, qui demandent souvent la prescription de crèmes ou d’autres agents.
Portez des vêtements amples. Dans la mesure du possible, portez des vêtements de coton sur la peau. Ne frottez pas votre peau. Ne mettez rien de très chaud ou de très froid sur la partie affectée (par exemple, de la glace ou une bouillotte).
Le sondage a fait l’objet d’un pilote auprès d’un échantillon représentatif de radiothérapeutes expérimentés {une méthode permettant de mesurer la fiabilité et la validité du sondage (3)}. Plusieurs modifications ont été apportées au sondage après le pilote, principalement dans le but de faciliter le suivi de l’enquête.
Protégez votre peau du soleil ou des vents froids. Portez un chapeau ou couvrez la région affectée. N’exposez pas la zone affectée au soleil durant quelques mois après le traitement. Ne placez pas de ruban ou de pansement adhésif sur la zone affectée. Si vous devez vous raser, utilisez un rasoir électrique.
Figure 1 : Directives habituelles pour diminuer les troubles cutanés après la radiothérapie.
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Certains services disposent de directives pour le lavage de certaines parties du corps; par exemple, une clinique recommande aux patients qui reçoivent des traitements à la tête ou au cou de ne pas se laver mais permet le lavage pour les autres régions du corps. Certains centres ont révisé les directives sur le lavage à l’arrivée de nouveaux équipements : « Nos recommandations permettent le lavage depuis environ deux ans, alors que nous avons remplacé les machines à cobalt par des machines LINAC, puisque nous avons constaté que les réactions cutanées sont moins intenses. »
RÉSULTATS Première partie : Renseignements généraux 1. Votre service a-t-il consigné par écrit des recommandations normalisées sur les soins de la peau à l’intention des patients? La plupart des services répondants disposent de directives écrites à l’intention des patients (25 sur 26, soit 96 %). Certains thérapeutes ont toutefois précisé leur réponse en indiquant que les directives pouvaient être modifiées selon le médecin traitant. Par exemple, un répondant a fait le commentaire suivant : « Nous avons tenté de normaliser les directives, mais les opinions peuvent varier grandement entre les médecins du service. Nous disposons de deux séries de directives écrites, l’une pour les patients qui peuvent se laver et l’autre pour ceux qui ne le peuvent pas. » Une autre thérapeute explique que les directives aux patients de son service ont été modifiées afin de refléter les différences dans les pratiques : « Nos directives écrites parlent de fécule de maïs et d’hydratants, puisque différents médecins recommandent l’un ou l’autre. Le thérapeute indique alors d’un astérisque le produit que le patient doit utiliser. » 2. Ces recommandations sur les soins de la peau s’appliquent-elles à tous les patients en traitement, aux patients en traitement radical seulement ou selon d’autres critères (dans ce cas, veuillez préciser). Tous les services, sauf un (25 sur 26, soit 96 %) indiquent que les directives sont données à tous les patients (traitement radical ou traitement palliatif). L’une des thérapeutes a indiqué qu’elle avait personnellement fait le choix de ne pas donner les directives de soin de la peau aux patients en traitement palliatif alors qu’une autre a indiqué que son service biffait certaines des recommandations dans le cas des patients en traitement palliatif.
4. Si vous permettez le lavage – votre service recommande-t-il l’utilisation du savon (sur la zone irradiée) durant le traitement? La plupart des services (18 sur 26, soit 69 %) permettent l’utilisation du savon durant le traitement. 5. Si vous permettez l’utilisation du savon – votre service recommande-t-il certaines marques ou certains types de savon? Les deux seules marques nommées sont Dove (14 cliniques) et Ivory (7 cliniques). La plupart des répondants ont indiqué un savon « doux » ou un savon pour bébé. 6. Votre service permet-il l’utilisation d’un désodorisant durant le traitement si l’aisselle est comprise dans la zone traitée? La majorité des services (24 sur 26, soit 92 %) ne recommandent pas l’utilisation d’un désodorisant si l’aisselle se trouve dans la zone traitée. 7. Si vous permettez l’utilisation d’un désodorisant durant le traitement – votre service recommandet-il certaines marques? Aucun des deux services qui permettent l’utilisation d’un désodorisant ne recommande une marque en particulier. 8. Votre service permet-il l’utilisation d’une poudre (sur la zone irradiée) durant le traitement?
Deuxième partie : Soins préventifs 3. Votre service recommande-t-il de laver la zone affectée durant le traitement?
La plupart des cliniques (22 sur 26, soit 85 %) recommandent l’utilisation de poudre durant le traitement, bien qu’une clinique ne recommande l’utilisation de poudre que pour l’aisselle.
La majorité des services permettent un lavage léger durant le traitement (24 sur 26, soit 92 %).
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Nombre de répondants
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Hydrocort.
Glaxal
Poudre
Aloès
Lubriderm
Vitamin E
Oxyde et zinc
Figure 2 : Traitement de la desquamation sèche
9. Si vous permettez l’utilisation de poudre (sur la zone irradiée), votre service recommande-t-il une marque ou un type de poudre en particulier?
médecin traitant; il n’existe donc pas de politique définie pour la clinique (voir Figure 2). Les répondants qui ont indiqué une approche commune pour la desquamation sèche ont mentionné plusieurs produits. Le produit le plus fréquemment utilisé est l’hydrocortisone, suivi par l’utilisation continue de la crème Glaxal ou de la poudre. Les répondants semblent faire une distinction entre la gestion active de la desquamation sèche (habituellement par une crème sur ordonnance) et la poursuite des soins préventifs jusqu’à la rupture de l’épiderme et à l’apparition de la desquamation humide chez le patient.
La fécule de maïs (20 services) et la poudre pour bébé (talc, 15 services) sont les deux seuls types de poudre mentionnés. Parmi les services qui recommandent la poudre pour bébé, plusieurs (6) précisent la poudre pour bébé Johnson. 10. Votre service recommande-t-il l’utilisation de crèmes ou d’autres produits (sur la zone irradiée) durant le traitement? Seize services (62 %) suggèrent aux patients d’utiliser une crème ou un autre produit.
13. Quelles recommandations faites-vous dans les cas de desquamation humide?
11. Si vous recommandez l’utilisation de crèmes ou d’autres produits (sur la zone irradiée) durant le traitement - votre service recommande-t-il une marque ou un type en particulier?
Dans la plupart des centres, la gestion de la desquamation humide semble être le domaine des radio-oncologistes, puisqu’une ordonnance est habituellement nécessaire. Ici encore, la plupart des répondants n’ont pu indiquer une approche unique, le traitement choisi variant selon les préférences du médecin traitant. Le traitement le plus commun fait appel à la Flamazine (sulfadiazine d’argent), suivi des crèmes d’hydrocortisone et de différents pansements. C’est toutefois dans ce secteur qu’on retrouve la plus grande variété de traitements1, plusieurs agents et méthodes étant recommandés par les différents services, dont :
Le gel Aloe Vera est le plus populaire (8 cliniques), suivi des crèmes Glaxal (7 cliniques) et Lubriderm (4 cliniques).
Troisième partie : Gestion des effets secondaires 12. Quelles recommandations faites-vous dans les cas de desquamation sèche? À cette question, la plupart des répondants ont indiqué que les recommandations variaient selon le
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Nombre de répondants
14 12 10 8 6 4 2 0 Choix du médecin
Flamazine
Hydrocort.
Compresses salines
Pensement gel
Antibiotique
Buro-sol
Divers*
Figure 3 : Gestion de la desquamation humide
• Neosporin (2) • Buro-sol (2) • Biafine (1) • Eosin (1) • Acriflavine (1)
dépend aussi beaucoup de l’endroit où ils ont été formés. »
• Violet de gentiane (1) • Radiacare (1) • Interruption du
3. La communication (verbale ou écrite) entre les médecins, les thérapeutes et les infirmières est mauvaise, de sorte qu’il est souvent difficile de savoir ce qui a été dit au patient (3 commentaires). Exemple : « La communication et la documentation entre les infirmières, les médecins et les thérapeutes ne sont pas bonnes, de sorte que nous ne savons pas ce que les autres intervenants disent aux patients. Cela fait que notre enseignement manque beaucoup d’uniformité. »
traitement (1)
• Zincofax (1)
14. Y a-t-il autre chose que vous pourriez me dire à propos des recommandations sur les soins de la peau dans votre établissement? Cette question ouverte a suscité nombre de commentaires; ils peuvent être regroupés sous quatre catégories. Ces catégories sont indiquées ci-dessous, illustrées par des commentaires faits par les répondants.
4. L’institution a récemment (depuis deux ans ou moins) modifié sa politique et permet maintenant le lavage et l’utilisation de savon et de crèmes, après avoir pris connaissance des résultats des recherches récentes (6 commentaires). Exemple : « Nous avons modifié nos pratiques il y a environ un an afin de permettre le lavage et l’utilisation du savon, des désodorisants et des crèmes hydratantes. Les thérapeutes ont amorcé les changements, parce que les patients recevaient des avis contradictoires. Il arrivait également que nous avions dans la salle d’attente des patients qui devaient recevoir un traitement sur la même partie du corps, avec le même fractionnement, et qui avaient reçu des directives différentes pour les soins de la peau, ce qui n’est pas une bonne pratique. »
1. Il n’existe pas de directives « standard » dans l’établissement; les directives données aux patients varient selon le radio-oncologue traitant (9 commentaires). Exemple : « Les différents oncologues ont chacun leurs préférences. Certains permettent aux patients de se laver, d’autres non – cela varie selon le médecin traitant. » 2. Les directives aux patients varient selon le thérapeute ou l’infirmière à qui ils s’adressent. (3 commentaires). Exemple : « Les jeunes thérapeutes et les thérapeutes plus âgés ont des approches différentes. Ce qu’ils disent aux patients 1 Inscrits sous « Divers » dans la Figure 3
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surface. Deux études récentes démontrent que le lavage et l’utilisation d’un savon n’augmentent pas les réactions cutanées. La première est un essai clinique aléatoire par Campbell et Illingworth (8) qui compare les réactions cutanées chez trois groupes de patients (99 au total) recevant un traitement de radiothérapie de la paroi thoracique. L’étude n’a montré aucune différence significative entre les patients qui se lavaient avec de l’eau seulement, avec de l’eau et du savon ou qui ne se lavaient pas du tout. Les preuves subjectives ont en fait démontré que les patients qui se lavaient présentaient moins de symptômes. Les auteurs ont supposé que le lavage pouvait diminuer la croissance bactérienne sur la peau et donc minimiser les risques d’infection. Dans la deuxième étude, réalisée par Roy et al (9), 99 ont été répartis en deux groupes; les patients du premier groupe étaient autorisés à se laver avec de l’eau et du savon, les autres recevant pour directives de ne pas laver la zone de traitement. Il n’y a eu aucune différence entre les deux groupes (mesures subjectives pour la douleur, la démangeaison et la sensation de brûlure, mesures objectives selon l’échelle RTOG décrite plus haut).
DISCUSSION Limites de l’étude En raison des contraintes de temps et de ressources, une seule personne par centre a été interrogée, ce qui n’a pas permis de mesurer quantitativement la variabilité dans chaque établissement. Toutefois, la grande variété de pratiques en cours dans chaque établissement est l’un des principaux thèmes qui ressort des entretiens avec les participants. Cette variété découle principalement des préférences personnelles des radio-oncologistes, mais aussi de l’opinion des infirmières et des thérapeutes qui travaillent auprès des patients.
Première partie : Renseignements généraux La quasi-totalité (96 %) des services fournissent par écrit des directives de soins de la peau à leurs patients. Il s’agit d’un élément important, les directives écrites constituant un élément essentiel du renforcement de l’enseignement verbal et une façon de tenter d’assurer l’uniformité du message lorsque plusieurs disciplines participent aux soins. Les études ont démontré que l’information écrite est habituellement la deuxième méthode préférée des patients en radiothérapie, après les échanges avec les professionnels de la santé (4, 5). Toutefois, la plupart des services ayant répondu au sondage n’établissement aucune distinction entre les soins radicaux et les soins palliatifs. Lavery (1) fait valoir que les patients en soins palliatifs n’ont pas besoin de directives particulières sur les soins de la peau, parce qu’ils présentent rarement des réactions cutanées (un argument soutenu également par Korinko et Yurick (6). L’imposition de restrictions sur le lavage à ces patients pose également une contrainte additionnelle qui semble contraire à l’esprit des soins palliatifs, qui est d’avoir une incidence aussi faible que possible sur la qualité de vie des patients.
La plupart des centres ayant répondu au sondage permettent aux patients de se laver (92 %) mais 69 % seulement permettent l’utilisation du savon durant le traitement. Tel qu’indiqué plus haut, le fait de permettre aux patients de se laver doucement en utilisant un savon doux ne devrait pas aggraver les réactions cutanées. Il n’y a aucun doute sur le fait que le lavage donne aux patients un sentiment de normalité et de maîtrise. Campbell et Lane (10) affirment que « ne pas se laver peut être socialement inacceptable »pour le patient. Dans leur rapport, Campbell et Illingworth (8) soutiennent que les restrictions au lavage peuvent retarder l’ajustement psychologique » au diagnostic de cancer. Lorsque Campbell et Illingworth ont demandé aux patients si la possibilité de se laver durant le traitement était importante pour eux, c’est sans surprise que 97 % ont répondu que la possibilité de se laver était modérément ou très importante.
Deuxième partie : Soins préventifs 1. Lavage et utilisation du savon Dans le passé, on avisait les patients en radiothérapie de ne pas laver la zone de traitement. On croyait alors que le frottement pourrait endommager la surface de la peau et exacerber les réactions cutanées (7). Même dans les cas ou un lavage léger était autorisé, l’utilisation du savon était découragée parce qu’on craignait que les métaux contenus dans le savon n’aggravent les réactions cutanées en augmentant les doses de
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Les marques de savon recommandées par les thérapeutes dans la présente étude sont Dove et Ivory. Dans une étude sur le caractère irritant de 18 savons (11), Dove a été le seul savon classé doux et devrait donc être considéré comme un bon choix pour les patients en radiothérapie.
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2. Crèmes, lotions, poudres et désodorisants
produits d’usage courants mentionnés dans l’étude sont Glaxal et Lubriderm, deux crèmes hydratantes douces.
La croyance traditionnelle voulait que l’utilisation de crèmes, de lotions ou de désodorisants sur la zone traitée augmenterait les réactions cutanées en raison du contenu métallique de ces produits (6,12). On croyait également que les produits de soins de la peau agiraient comme un bolus et augmenteraient la dose en surface (7, 13). Ces deux hypothèses ont toutefois été mises à l’épreuve dans le cadre d’une étude (14) dans laquelle une variété de produits de soin de la peau et de désodorisants courants (dont certains contenaient des métaux comme le zinc et l’aluminium) ont fait l’objet de tests à l’aide d’une chambre d’ionisation dans un fantôme de polystyrène. Les auteurs concluent que « Si le patient ne présente pas de sensibilisation ou d’allergie au produit… les réactions cutanées ne devraient pas être augmentées par l’utilisation de désodorisants, de crèmes ou de poudres durant un traitement de radiothérapie de haute énergie. Il n’y a aucun effet bolus ou augmentation de dose en surface significatifs ».
Une étude menée par Meegan et Haycocks (26) n’a pas démontré de différences significatives entre un groupe de patientes utilisant leurs propres produits de soin de la peau et un autre groupe utilisant uniquement de l’eau durant le traitement d’un cancer du sein. Les commentaires des patientes utilisant leurs propres produits donnent à penser qu’elles ont l’impression de « maîtriser davantage » leurs réactions au traitement. Il arrive souvent que les patients n’aient pas de préférence marquée pour un produit en particulier et qu’ils demandent une recommandation au thérapeute. Selon les données disponibles, il semble prudent de conseiller une crème hydrophile douce peu coûteuse, sans alcool (qui peut assécher la peau), comme la crème Lubriderm ordinaire. La fécule de maïs et la poudre de talc sont largement utilisées (85 % des services). Les poudres peuvent réduire la démangeaison mais peuvent aussi assécher la peau. Lorsque la fécule de maïs est humidifiée par la transpiration, il se forme du glucose, un agent de choix pour la prolifération fongique (6,13). L’utilisation de la fécule de maïs dans les zones humides, comme l’aisselle et l’aine, ne devrait donc pas être encouragée.
Plusieurs études ont examiné si l’utilisation de différents produit (p. ex. Biafine, vitamine C, camomille et huile d’olive) pouvait prévenir ou réduire les réactions cutanées consécutives à la radiothérapie (15,16,17,18). Peu ont démontré d’effets significatifs. Les études qui ont démontré une amélioration de la réaction cutanée (19, 20, 21) utilisaient des échantillons de très petite taille, de l’ordre de n=19 à 54, et n’ont pas fait l’objet d’un suivi longitudinal. Plusieurs auteurs (22, 6,13) recommandent l’utilisation d’une crème hydrophile sur la zone irradiée afin d’augmenter le degré d’humidité de la peau et d’en préserver la souplesse.
La plupart des services (92 %) découragent l’utilisation de désodorisants si l’aisselle se situe dans la zone de traitement ou à proximité de celleci. Comme expliqué plus haut, l’utilisation d’un désodorisant ne devrait pas aggraver les réactions cutanées mais devrait être interrompue en cas de rupture de l’épiderme.
Soixante-deux pour cent (62 %) des centres ayant répondu à l’enquête permettent l’utilisation de « crèmes et autres produits », une majorité (sept répondants) recommandant l’aloès. L’aloès présente des qualités antibactériennes, antiinflammatoires et antiprurigineuse (23), de sorte qu’elle permet de soulager l’irritation de la peau et de prévenir les infections, mais elle n’hydrate pas la peau. Nous avons recensé deux études mesurant l’effet de l’aloès sur les réactions cutanées en radiothérapie. La première ne montre aucune amélioration du fait de son utilisation (24) alors que la seconde indique que l’aloès peut présenter certains avantages lorsqu’il est mélangé au d-panthénol et à l’alantoïne (25). Les autres
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Troisième partie : Gestion des effets secondaires 1. Desquamation sèche En cas de desquamation sèche, l’objectif principal est de réduire l’inconfort du patient et d’atténuer la démangeaison et l’irritation de la peau (1). Douze répondants ont indiqué que l’approche de leur clinique variait selon le médecin traitant et qu’il n’existait donc pas de directives particulières. Il n’y a pas là de surprise, puisqu’il s’agit habituellement de l’étape dans le traitement à laquelle les thérapeutes renvoient souvent le patient au
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médecin traitant pour une ordonnance. L’agent le plus fréquemment mentionné est l’hydrocortisone, prescrit pour traiter le prurit. Les stéroïdes topiques réduisent la circulation sanguine locale, ce qui peut réduire la démangeaison, mais l’utilisation excessive des stéroïdes peut entraîner un amincissement de la peau et une « susceptibilité accrue aux blessures » (7). Plusieurs auteurs recommandent une hydratation continue pour maintenir la souplesse de la peau et assurer le confort, jusqu’à la rupture de l’épiderme (6, 13, 27).
variabilité des pratiques. Les données nous donnent toutefois un aperçu de la diversité qui existe au Canada et au sein même des institutions. L’un des thèmes communs est le manque de communication antre les praticiens des différentes disciplines et la frustration qui peut en découler. Une approche unifiée des soins de la peau permettrait de faire en sorte que les patients reçoivent des directives uniformes et, nous l’espérons, de minimiser les facteurs de stress tant pour les patients que pour les professionnels de la santé. Il peut toujours y avoir des variations dans la gestion active des réactions comme la desquamation sèche et humide, en raison des préférence des médecins pour certains médicaments. Toutefois, il n’existe aucune raison justifiant que les soins de prévention ne puissent être normalisés. Les patients devraient être encouragés à se laver avec un savon doux et utiliser une crème hydrophile pour hydrater leur peau. Tant que le patient ne présente pas de sensibilisation, le choix du produit devrait être laissé à sa discrétion. Il n’y a aucune raison de ne pas utiliser un désodorisant sur la peau intacte si l’aisselle est dans la zone de traitement. La fécule de maïs peut être utilisée pour atténuer le prurit si l’épiderme n’est pas brisé, mais sont usage doit être découragé dans les zones humides comme l’aisselle et l’aine. Lorsqu’une intervention devient nécessaire, les simples règles d’hygiène devraient guider notre pratique. L’hydrocortisone peut être utilisée à faible dose pour atténuer les démangeaisons. L’utilisation abusive des antibiotiques doit être évitée et les zones ouvertes devraient être traitées selon les meilleures pratiques de traitement des plaies.
2. Desquamation humide Après la rupture de l’épiderme, les soins de la peau ont pour but de « minimiser le traumatisme et l’inconfort, favoriser la guérison et prévenir l’infection » (22). Plusieurs approches ont été présentées dans le sondage, l’utilisation de Flamazine s’avérant la plus populaire. Les autres approches citées sont l’utilisation de crèmes antiinflammatoires (p. ex. hydrocortisone), de crèmes antibiotiques (p. ex. Neosporin), le trempage et les pansements. La documentation recensée recommande un nettoyage en douceur avec une solution de peroxyde d’hydrogène dilué, une solution saline (6, 7,13, 22, 27) de même que le trempage et les pansements humides (22, 23). Quelques auteurs remettent en question l’utilisation de routine des antibiotiques topiques tel Flamazine (sulfadiazine d’argent) sauf en présence d’infection attestée (1, 6, 22). Les pansements occlusifs, hydrocolloïdes et hydrogels2 (p.ex. Tegaderm, Op-site, Duoderm) peuvent être utilisés pour tenir les régions ouvertes humides afin de favoriser la guérison (6, 13, 22, 27). Le violet de gentiane a traditionnellement été utilisé pour ses propriétés antifongiques et antiseptiques (22), mais le fait qu’il tache, qu’il assèche la peau et qu’il soit cancérigène fait que son usage n’est plus recommandé (10).
Les variables de dosage, de fractionnement, d’énergie de faisceau, de taille du champ et de techniques de traitement (par exemple, l’utilisation de champs tangentiels) auront bien évidemment une incidence sur les réactions cutanées (7, 13, 22). En outre, des facteurs comme la chimiothérapie antérieure (ou concurrente), les maladies comorbides (p.ex. le diabète, les allergies cutanées), les antécédents de fumeur, l’âge, le poids et le statut nutritionnel peuvent tous influer sur la gravité des réactions cutanées (23, 29, 30, 31). Bien que ces facteurs puissent aggraver les réactions cutanées chez un patient et doivent de ce fait être pris en compte, ils ne doivent pas empêcher l’adoption d’un régime nonrestrictif de soins de la peau.
CONCLUSION « Continuer d’appliquer une méthode de traitement en raison de son caractère traditionnel peut en fait constituer une entrave professionnelle » (28). Les données recueillies par l’enquête ne proviennent que d’une seule personne par centre, de sorte qu’elles ne doivent être prises que comme une illustration de la
2 Pansements qui assurent un environnement humide en créant une « ampoule artificielle » au-dessus de la surface de la blessure, favorisant la réépithélialisation et assurant une barrière physique contre les contaminants.
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À titre de radiothérapeutes, nous avons une relation unique avec nos patients. Nous devons reconnaître que ce rôle comporte également certaines responsabilités, y compris celle de défendre les besoins de nos patients. Il est important pour nous d’utiliser nos compétences pour améliorer notre pratique et participer aux changements. Le British Columbia Cancer Agency, par exemple, a récemment publié des lignes directrices sur les soins de la peau appliquées par tous les centres de traitement en Colombie-Britannique (disponibles sur http://www.bccancer.bc.ca). Les lignes directrices ont été élaborées dans le cadre d’un processus multidisciplinaire et reposent sur un modèle de meilleures pratiques, formulé après une recherche documentaire extensive. Si les politiques restrictives en matière de soins de la peau ne correspondent pas aux meilleures pratiques, nous avons le devoir de changer ces politiques. Les pratiques de soin de la peau sont l’illustration parfaite de la nécessité de fonder les soins aux patients sur des preuves empiriques. Les soins centrés sur le patient, qui sont la mission de la plupart des centres d’oncologie et des hôpitaux au Canada, n’en exigent pas moins de nous.
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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier les personnes suivantes de leur appui et de leur collaboration à cette recherche :
23. Rotman M, McDonald A E and Wasserman T H. Supportive Care and Quality of Life in Radiation Oncology in Perez C A and Brady L W (Eds). Principles and Practice of Radiation Oncology. 3rd Edition. Philadelphia: J B Lippincott, 1998.
Marta Evans M.R.T.(T.), RTT, BSc et Laurie Stillwaugh M.R.T.(T.), RTT, BSc pour leur examen préliminaire de la documentation sur le sujet (Skin Care in Radiotherapy, Toronto Sunnybrook Regional Cancer Centre, 1999). Leur participation a mené à des changements importants.
24. Williams M, Burk M, Loprinzi C, Hillo M, Schomberg PJ et al. Phase III Double-Blind Evaluation of an Aloe Vera Gel as a Prophylactic Agent for Radiation-Induced Skin Toxicity. International Journal of Radiation Oncology, Biology and Physics 1996; 36: 345 – 349.
Les thérapeutes canadiens qui ont généreusement participé au sondage par leur temps, leur expertise et leurs opinions.
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