ARTICLE ORIGINAL
J Fr. Ophtalmol., 2007; 30, 10, 998-1001 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Rééducation de la part fonctionnelle de l’amblyopie dans un Morning Glory syndrome C. Loudot (1), C. Fogliarini (1), C. Baeteman (1), J. Mancini (2), N. Girard (3), D. Denis (1) (1) Service d’ophtalmologie, Hôpital Nord, Marseille. (2) Service de neuropédiatrie, Hôpital Timone Enfants, Marseille. (3) Service de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle, Hôpital Timone Adultes, Marseille. Correspondance : C. Loudot, Service d’ophtalmologie, Hôpital Nord, chemin des Bourrelys, 13015 Marseille. E-mail :
[email protected] Reçu le 26 juin 2007. Accepté le 24 octobre 2007.
Rehabilitation on functional amblyopia in Morning Glory Syndrome C. Loudot, C. Fogliarini, C. Baeteman, J. Mancini, N. Girard, D. Denis J. Fr. Ophtalmol., 2007; 30, 10: 998-1001
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Introduction: Morning Glory syndrome, characterized by an enlarged dysplasic optic disc with glial tissue, is one of the congenital anomalies of the optic nerve. This syndrome is rare, prevalent in the girls, and generally unilateral. It can be revealed with nystagmus, strabismus, or amblyopia. Observation: We report the clinical observation of a 2.5-year-old girl, referred for the diagnosis of Morning Glory syndrome in the left eye with severe amblyopia (1/10 Rossano 1/20) and esotropia. This syndrome has associated central nervous system anomalies with a basal encephalocele. Treated with functional amblyopia therapy, visual acuity was 7/10 Rossano 1/2 after 1 year. Discussion: Rehabilitation on functional amblyopia in organic optic nerve anomalies is essential. A child with a Morning Glory syndrome, detected during the period of sensory maturation, must be treated with occlusion therapy, followed by maintenance treatment. This part of the treatment can prevent deep amblyopia. Moreover, regular ophthalmologic follow-up to detect complications of retinal detachment and multidisciplinary follow-up to detect a cytogenetic disease, CHARGE syndrome, or association with endocrine and central nervous system anomalies are necessary. Conclusion: The author recommends occlusion therapy for children with Morning Glory syndrome or other organic asymmetric optic nerve anomalies, during the period of amblyopia reversibility. Most patients’ vision improves after treatment. This case is an illustration.
Key-words: Morning Glory syndrome, amblyopia, optic disk, strabismus. Rééducation de la part fonctionnelle de l’amblyopie dans un Morning Glory syndrome Introduction : Le Morning Glory syndrome ou papille en fleur de liseron fait partie du groupe des anomalies congénitales du nerf optique. Ce syndrome est rare, prédominant chez les filles, et en général unilatéral. Il est découvert généralement sur un nystagmus, un strabisme ou une amblyopie. Observation : Nous rapportons l’observation clinique d’une enfant âgée de 2 ans et demi, adressée pour découverte d’un syndrome de Morning Glory gauche associé à une amblyopie sévère (1/10e Rossano 1/20e) et à une ésotropie. Le bilan pluridisciplinaire retrouva des anomalies du système nerveux central avec encéphalocèle basale. Une prise en charge rapide de la part fonctionnelle de l’amblyopie permit une récupération d’acuité visuelle de 7/10e Rossano 1/2 à 1 an. Discussion : L’intérêt d’une rééducation de la part fonctionnelle de l’amblyopie dans les anomalies organiques du nerf optique est essentiel. Un enfant présentant un Morning Glory syndrome, dépisté pendant la période de maturation sensorielle, doit bénéficier d’un traitement rapide par occlusion totale, suivi d’un traitement d’entretien. Cet aspect de la prise en charge peut éviter, dans certains cas, une amblyopie profonde. Par ailleurs, un suivi ophtalmologique régulier est nécessaire en raison du risque de décollement de rétine, ainsi qu’un suivi multidisciplinaire, pour dépister une anomalie cytogénétique, un syndrome CHARGE, des anomalies du système nerveux central ou encore des troubles endocriniens.
INTRODUCTION Le Morning Glory syndrome, nommé ainsi par Kindler [1] en 1970, ou papille en fleur de liseron ou encore colobome ectasique est une anomalie congénitale de la papille, en général unilatérale. Dans ce cadre, l’intérêt de la rééducation de la part fonctionnelle de l’amblyopie se pose [2], lorsque la découverte de la malformation se fait à un âge adéquat.
OBSERVATION Nous rapportons le cas d’une enfant âgée de 2 ans et demi, adressée par son ophtalmologiste pour découverte récente d’une acuité visuelle de l’œil gauche effondrée à l’échelle Pigassou 1/10e Rossano 1/20e non améliorable. L’acuité visuelle de l’œil droit était à 10/10e Rossano 1/2 sans correction. À l’interrogatoire, aucun antécédent familial, de type strabisme ou amblyopie, n’était notable. L’examen de la vision binoculaire retrouvait un strabisme convergent de l’œil gauche estimé entre 8° et 10°. Au cover test, l’œil gauche ne semblait pas prendre la fixation. L’examen du segment antérieur était strictement normal. L’examen du fond d’œil à gauche montrait une grande papille excavée en son centre, comblée partiellement par une prolifération gliale, en fleur de lise-
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Rééducation de la part fonctionnelle de l’amblyopie dans un Morning Glory syndrome
Conclusion : Le pronostic visuel d’un enfant présentant un Morning Glory syndrome ou une autre anomalie organique, ne peut être qu’amélioré, si un traitement par occlusion n’est pas négligé pendant la période de réversibilité de l’amblyopie. Ce cas en est une illustration.
Mots-clés : Morning Glory, amblyopie, anomalie papillaire, strabisme.
ron, avec un large anneau noirâtre pigmenté et une disposition anormale des vaisseaux (fig. 1). La rétine périphérique et la fovéa étaient normales. L’examen du fond d’œil à droite ne retrouvait pas d’anomalie (fig. 1). Il existait une hypermétropie bilatérale modérée, après cycloplégie au cyclopentolate, mesurée à + 1. Un bilan pluridisciplinaire des malformations fut demandé. L’IRM cérébro-orbitaire mit en évidence une déhiscence de l’ethmoïde avec encéphalocèle se traduisant par une descente des lobes frontaux descendant sous le plan des nerfs optiques (fig. 2), et un chiasma optique épais et court. Il existait également des anomalies de signal non spécifiques de type hyperintense, en
pondération Flair, dans la partie postérieure des hémisphères cérébraux et au niveau péri ventriculaire. Le scanner cérébro-orbitaire montrait un aspect déhiscent de la base de l’ethmoïde, avec présence d’une fente de la partie postérieure de l’ethmoïde sans cartilage visible (fig. 3). L’endoscopie des fosses nasales confirma l’encéphalocèle dans le dédoublement septal postérieur. Aucune autre pathologie générale ne fut relevée. L’équipe médicale de neuro-radio-chirurgie proposa la réalisation d’une IRM cérébrale à recontrôler à 3 ans et la vaccination antipneumocoque et antiméningocoque, sans prise en charge chirurgicale.
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Figure 1 : (a) et (b) Œil droit : Morning glory syndrome, grande papille, large anneau noirâtre pigmenté, excavation importante comblée par une prolifération gliale, disposition anormale des vaisseaux. (c) Œil gauche : fond d’œil normal.
C. Loudot et coll.
J. Fr. Ophtalmol.
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Figure 2 : (a) IRM cérébro-orbitaire, pondération T1 injecté, coupe coronale : déhiscence de la base du crâne au niveau de l’ethmoïde avec descente des lobes frontaux (encépholocèle) sous le plan des nerfs optiques. (b) IRM cérébro-orbitaire, pondération T1, coupe sagittale : -1- encéphalocèle et -2- anomalie papillaire gauche. (c) IRM cérébro-orbitaire, pondération T2, coupe transversale : déhiscence de la base du crâne au niveau de l’ethmoïde avec descente des lobes frontaux (encépholocèle) sous le plan des nerfs optiques. Figure 3 : Scanner cérébro-orbitaire, coupe coronale : aspect déhiscent du toit de l’ethmoïde avec présence d’une fente à la partie postérieure (étoile).
Une prise en charge fonctionnelle rapide débuta avec correction optique totale et occlusion totale, sur peau, de l’œil droit pendant 3 semaines associées à une surveillance rapprochée. L’observance du traitement fut bonne. En diminuant progressivement le rythme d’occlusion, l’évolution fut très favorable avec une acuité visuelle, mesurée à l’échelle angulaire des E de Raskin, 1 an après la première consultation, à 7/10e Rossano 1/2. Il persistait une petite ésotropie de 4°.
DISCUSSION Le Morning Glory syndrome est une anomalie congénitale du nerf optique, rare, plus fréquente chez les filles (sexratio de 2:1). Brodsky [3] a souligné quelques concepts généraux, dans ce cadre d’anomalies congénitales du nerf optique, regroupant le Morning Glory syndrome, mais aussi l’hypoplasie du nerf optique ou le colobome. Les cas bilatéraux sont en général dépistés plus précocement et
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sont plus sévères que les cas unilatéraux. Des malformations du système nerveux central sont fréquemment associées à des malformations du nerf optique. La vision des couleurs est relativement préservée. Enfin, toute anomalie structurale oculaire peut réduire l’acuité visuelle dans l’enfance et engendrer une amblyopie. Ainsi, un traitement par occlusion est nécessaire dans tous les cas d’anomalies du nerf optique asymétriques ou unilatérales. Dans son étude rétrospective portant sur 72 yeux présentant des anomalies congénitales du nerf optique, Kim et al. [4] ont rapporté 9,7 % de Morning Glory syndrome : il était unilatéral dans 83 % des cas, détecté en moyenne à l’âge de 1 an, et associé à un nystagmus dans 17 % des cas et à un strabisme dans 100 % des cas. L’acuité visuelle varie en général entre 1/10e et « compte les doigts ». Cependant, des acuités extrêmes entre 10/10e [5] et une « absence de perception lumineuse » ont été rapportées. Le Morning Glory syndrome est dépisté plus tôt dans l’enfance que d’autres anomalies telles que l’hypoplasie du nerf optique ou le colobome. Ceci peut être expliqué par le fait qu’il est fréquemment associé à un strabisme et que les parents sont souvent plus sensibles à un strabisme précoce qu’à un nystagmus. Chez cette enfant, l’anomalie de Morning Glory, a été dépistée relativement précocement, à l’âge de 2 ans et demi, par des signes d’appel tels que l’amblyopie et le strabisme. Bien qu’une amblyopie profonde associée soit souvent rapportée, cette observation souligne l’intérêt majeur d’un traitement précoce de la part fonctionnelle de l’amblyopie. Celle-ci semble représenter une part importante dans la baisse d’acuité visuelle, en particulier dans les cas unilatéraux ou asymétriques. De la même façon, dans une étude sur les résultats du traitement par occlusion chez 51 enfants présentant une anomalie structurale unilatérale, suivis sur une période de 20 ans, Bradfort et al. [6] ont conclu à un taux de succès réel, mais cependant variable en fonction de l’anomalie. Un déficit pupillaire afférent n’est pas en contradiction avec de bons résultats. Bien que tous les patients ne présentent pas une amélioration d’acuité visuelle après traitement par occlusion, celui-ci semble nécessaire et peut être suivi d’une chirurgie du strabisme, aide précieuse en termes de qualité de vie. Chez cette enfant, une rééducation bien conduite avec une bonne observance a permis, en une année, d’améliorer son acuité visuelle de 1/10e Rossano 1/20e à 7/10e Rossano 1/2. Par la suite, un examen ophtalmologique régulier est nécessaire avec traitement d’entretien de l’amblyopie et fond d’œil systématique, en raison de la fréquence de complications tel le décollement de rétine. Haik et al. [7] ont ainsi rapporté la survenue d’un décollement de rétine survenant chez 11 patients (30 %) sur 30 atteints d’un Morning Glory syndrome. Par ailleurs, l’anomalie de morning glory est généralement considérée comme isolée. Cependant, il faut garder à l’esprit l’association possible à une anomalie cytogénétique, trisomie 4q [8], à un syndrome CHARGE [9] (Colobome, Heats defects, Atresia of the choanae,
Retarded Growth, Ears anomalies) ou à quelques cas de neurofibromatose type 2 [10]. Les associations à des anomalies résultant d’un défaut de développement de la ligne médiane sont les plus fréquentes [11] : au niveau du système nerveux central, une encéphalocèle basale transphénoïdale [12] par défaut de fermeture des os de la base du crâne, souvent associé à des anomalies craniofaciales (hypertélorisme, fente labio-palatine), une agénésie du corps calleux, un défaut du plancher de la selle turcique, une agénésie chiasmatique ; des troubles endocriniens tels le panhypopituitarisme [13] ; des troubles rénaux ou respiratoires Un bilan clinique et paraclinique multidisciplinaire est indispensable.
CONCLUSION Cette observation illustre l’intérêt d’une rééducation « sauvage » de l’amblyopie pendant la période de maturation sensorielle donc de réversibilité, en montrant chez cette enfant de très bons résultats fonctionnels, même en présence d’une anomalie anatomique sévère. Cet aspect du traitement ne doit jamais être négligé. Une prévention de rechute d’amblyopie doit s’effectuer au moins jusqu’à l’âge de 10 ans. 1001
RÉFÉRENCES 1. Kindler P. Morning glory syndrome: unusual congenital optic disc anomaly. Am J Ophthalmol, 1970;69:376-84. 2. Kushner BJ. Functionnal amblyopia associated with abnormalities of the optic nerve. Arch Ophthalmol, 1984;102:683-5. 3. Brodsky MC. Congenital optic disc anomalies. Surv Ophthalmol, 1994;39:89-112. 4. Kim MR, Park SE, Oh SY. Clinical feature analysis of congenital optic nerve abnormalities. Jpn J Ophthalmol, 2006;50:250-5. 5. Mohand Said. [Morning glory syndrome : à propos d’une observation]. J Fr Ophtalmol, 2002;25:90. 6. Bradford GM, Kutschke PJ, Scott WE. Results of amblyopia therapy in eyes with unilateral structural abnormalities. Ophthalmology, 1992;99:1616-21. 7. Haik BG, Greenstein SH, Smith ME, Abramson DH, Ellsworth RM. Retinal detachment in the morning glory anomaly. Ophthalmology, 1984;91:1638-47. 8. Nucci P, Metz MB, Gabianelli EB. Trisomy 4q with morning glory disc anomaly. Ophthalmic Paediatr Genet, 1990;11:143-5. 9. Risse JF, Guillaume JB, Boissonot M, Bonneau D. [An unusual polymalformation syndrome: “CHARGE association” with unilateral “morning glory syndrome”]. Ophtalmologie, 1989;3:196-8. 10. Brodsky MC, Landau K, Wilson RS, Boltshauser E. Morning glorydisk anomaly in neurofibromatosis type 2. Arch Ophthalmol, 1999;177:839-41. 11. Goldhammer Y, Smith JL. Optic nerve anomalies in basal encephalocele. Arch Ophthalmol, 1975;93:115-8. 12. Koenig SB, Naidich TP, Lissner G. The morning glory syndrome associated with sphenoidal encephalocele. Ophthalmology, 1982;89:1368-73. 13. Eustis HS, Sanders MR, Zimmerman T. Morning glory syndrome in children. Association with endocrine and central nervous system anomalies. Arch Ophthalmol, 1994;112:204-7.