Réinsertion professionnelle après infarctus du myocarde

Réinsertion professionnelle après infarctus du myocarde

© Masson, Paris, 2004 Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 7-8, 580-583 MÉMOIRE Réinsertion professionnelle après infarctus du myocarde F. DEBBABI (1), K...

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© Masson, Paris, 2004

Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 7-8, 580-583

MÉMOIRE

Réinsertion professionnelle après infarctus du myocarde F. DEBBABI (1), K. BEN FREDJ BOUZID (1), G. JRIDI (2), H. AMMAR (2), N. MRIZAK (1) (1) Service de médecine du travail et de pathologie professionnelle, EPS Farhat Hached, Sousse 4000, Tunisie (2) Service de cardiologie, EPS Farhat Hached, Sousse 4000, Tunisie.

SUMMARY: Work resumption after myocardial infarction.

RÉSUMÉ

Aim of the study The resumption of work after myocardial infarction remains as an important problem based on the knowledge of the medical, social and economic variables which influence it. The aim of the present study was to examine during recent years the rate of work resumption after an acute myocardial infarction, and to determine psychosocial, clinical and occupational factors that predicted return to work. Method Among the long-term survivors of hospitalized patients for myocardial infarction between 1989 and 1994, 60 cases aged less than 65 years and employed at the time of the infarction, were investigated by means of a questionnaire one year after the acute period. Results The rate of work resumption was in 63.3%. Age less than 50 years, lateral topography of myocardial infarction, absence of complication, high socio-professional level and the short duration of hospitalization are considerable determinants of work resumption. Conclusion Identification of these factors could allow the early reduction of the patient’s profile and contribute to make his work resumption easier.

Objectif L’infarctus du myocarde affecte une population active de plus en plus jeune. La reprise du travail après infarctus du myocarde reste un problème important reposant sur la connaissance des variables médicales, sociales et économiques qui l’influencent. L’objectif de cette étude est de faire le point sur la réinsertion professionnelle après infarctus du myocarde et de dégager d’éventuels facteurs prédictifs de cette reprise. Méthode L’étude est rétrospective, basée sur un questionnaire qui a concerné le devenir professionnel de 60 patients (59 hommes et une femme) actifs de moins de 65 ans qui ont été hospitalisés pour infarctus du myocarde, sur une période de 5 ans (1989-1994), et ayant survécu à la phase d’hospitalisation initiale, un an en moyenne après l’épisode aigu. Tous les patients on été interviewés en moyenne 35 mois après leur hospitalisation. Résultats Le taux de reprise du travail après infarctus du myocarde est de 63,3 %. La majorité des patients avait une profession sédentaire avec une ancienneté de 10 ans, 85 % des patients fumaient avant leur infarctus et seulement 5 % d’entre eux avaient continué à fumer. L’âge inférieur à 50 ans, la topographie latérale de l’infarctus du myocarde, l’absence de séquelles, les professions requérant un haut niveau scolaire, ainsi qu’une courte durée d’hospitalisation, constituent les principaux facteurs qui contribuent à la reprise du travail. Conclusion L’identification de ces facteurs pourrait permettre de prédire tôt le devenir du patient et contribuer à une prise en charge médicale et sociale afin de faciliter sa réinsertion professionnelle.

L’infarctus du myocarde (IDM) touche chaque année un grand nombre d’hommes jeunes en activité professionnelle qui ne peuvent plus reprendre leur travail. Il crée ainsi un grave problème à la fois social et économique (1). En Tunisie, les enquêtes portant sur la réinsertion des coronariens restent rares. L’objectif de ce travail est de déterminer les facteurs qui contribuent à la réinsertion et à la reprise de l’activité professionnelle antérieure chez des sujets

de moins de 65 ans qui ont été hospitalisés et traités pour infarctus du myocarde.

Tirés à part : F. Debbabi, à l’adresse ci-dessus. Mots clés : Réinsertion professionnelle. Infarctus du myocarde.

MATÉRIEL ET MÉTHODE Parmi 220 patients en activité et âgés de moins de 65 ans ayant été hospitalisés dans le service de cardiologie de l’hôpital Farhat Hached de Sousse pour infarctus du myocarde, entre mai 1989 et décembre 1994, 60 patients ont été retenus. Les patients décédés pendant la période de suivi, les perdus de vue et les patients au chômage ou en préretraite au cours de l’hospitalisation ont été exclus.

RÉINSERTION PROFESSIONNELLE APRÈS INFARCTUS DU MYOCARDE

L’étude s’est basée sur un questionnaire et s’est déroulée un an en moyenne après l’épisode aigu. Ce questionnaire était composé de 6 parties ayant intéressé les caractéristiques : générales, socio-familiales, du travail (catégorie socio-professionnelle, poste de travail, horaires de travail), les antécédents d’IDM, la période actuelle d’IDM spécifiant sa localisation, son étendu et les séquelles engendrées, et une partie concernant la reprise du travail ainsi que la nature du travail repris avec ou sans aménagement de poste. Les données de l’enquête ont été saisies et traitées par le logiciel Epi-Info 6.0. L’analyse statistique a utilisé le test de t de Student pour les variables continues et le test X2 pour les variables qualitatives. Un seuil de 5 % a été considéré comme significatif.

RÉSULTATS

L’échantillon a été formé de 59 hommes et d’une femme ; 54,8 % d’entre eux avaient un âge inférieur à 50 ans. Parmi les patients, 19 (29,9 %) occupaient des professions sédentaires dont 96,6 % (n = 58) d’entre eux avaient une ancienneté supérieure à 10 ans. La majorité des patients fumaient avant leur IDM (85 %) et seulement 5 % avaient continué de fumer après cet épisode. L’association d’au moins deux facteurs de risques cardio-vasculaires a été retrouvée chez 26 % des patients et 14 patients ont déjà été hospitalisés pour un IDM ancien. Parmi les 60 malades, 38 avaient repris le travail à plein temps (63,3 %) après un délai moyen de 5,4 mois dont seulement 3 patients ont changé de poste de travail, alors que un seul patient avait bénéficié d’un aménagement de son poste de travail. TABLEAU II. — Variables recueillies lors de l’infarctus : comparaison des malades réemployés et de ceux n’ayant pas repris le travail.

Les principales caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon sont présentées dans le Tableau I. Le recul moyen séparant la date de l’infarctus et l’enquête a été de 35 mois. TABLEAU I. — Caractéristiques sociodémographiques et professionnelles de la population étudiée. Caractéristiques Age moyen (années)

581

Effectif

Variable

Malades ayant repris N = 38

Malades n’ayant pas repris N = 22

P

Age moyen (ans)

48,9 r 8,15

55 r 5,62

< 0,05

Durée moyenne d’hospitalisation (jours)

19 r 4

30,2 r 5

0,05

(%) < 0,05

Nombre d’épisode de l’infarctus

49,3 r 15,4 ans [29-65 ans]

Sexe 74

12

26 %

59

98,3

— Infarctus inaugural

34

— Hommes — Femmes

1

1,7

— 2e épisode

4

28,5 %

10

71,5 %

— Antérieur

7

29,1 %

17

70,8 %

— Latéral

18

90 %

2

10 %

— Ouvriers

7

33,3 %

14

66,7 %

— Employés

12

57 %

9

43 %

— Agents de maîtrise et cadres

22

100 %





Territoire de la nécrose

C.S.P — Ouvriers

21

35

— Employés

17

28,4

— Agents de maîtrise et cadres

22

36,6

Ancienneté moyenne au travail (années)

17,3 r 8,2 ans [4-46 ans]

0,05

CSP

< 0,05

Rythme du travail — De jour

43

71,7

— Posté

17

28,3 Rythme du travail

Tabagisme — Présent

48

80

— De jour

5

8%

18

32 %

— Absent

12

20

— Posté

10

58,8 %

7

41,2 %

CSP : Catégorie socioprofessionnelle. Résultats présentés en moyenne r déviation standard.

NS

CSP : Catégorie socioprofessionnelle. Résultats présentés en moyenne r déviation standard. NS : différence non significative.

582

F. DEBBABI ET COLL.

Parmi les variables recueillies chez les patients hospitalisés pour IDM, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, ainsi que la durée d’hospitalisation sont en relation avec le pronostic social des sujets (Tableau II). Chez les malades ayant repris le travail, l’âge moyen était de 48 r 8,15 ans, alors qu’il était de 55 r 5,62 ans chez ceux restés inactifs (P < 0,05). Parmi les variables médicales, les antécédents d’infarctus ainsi que la topographie latérale de l’infarctus semblent être des facteurs qui permettent de prédire le devenir professionnel des malades (Tableau II). Le type d’emploi exercé avant l’infarctus paraît avoir un rôle important sur la reprise du travail ultérieur, alors que, le rythme de jour ou posté ne semble pas être lié à cette reprise. À l’inverse, le poste de travail post-infarctus, parait être en partie lié à l’état de santé. En effet, parmi les malades ayant repris leur activité, 92,8 % n’ont pas gardé de séquelles, alors que, 63,2 % de ceux qui n’ont pas repris avaient des séquelles.

DISCUSSION L’échantillon d’étude comprenait essentiellement des hommes âgés de moins de 65 ans, dont l’activité professionnelle avait été interrompue par un infarctus du myocarde. Le taux de reprise du travail est de 63,3 % à 35 mois en moyenne après l’épisode aigu. Il est comparable à d’autres taux rapportés dans la littérature (2, 3). Il semble toutefois moins important par rapport aux chiffres chez les malades réadaptés après infarctus dans d’autres études allant en moyenne jusqu’à 80 % de reprise (4-6). L’âge et les facteurs médicaux ont en partie une influence décisive sur la réinsertion professionnelle comme cela a été démontré chez les coronariens (7, 8). À cet égard, il est significatif de constater que la reprise du travail est influencée par le siège de l’infarctus et qu’elle est meilleure si son étendue est limitée (9). De plus, l’évolution de la symptomatologie à distance de l’épisode aigu et les séquelles ont un rôle certain dans la reprise du travail (3, 10). Dans notre étude, l’absence de séquelles a été fortement corrélée à la reprise du travail. L’existence d’une ectasie ou d’une insuffisance cardiaque représente des facteurs péjoratifs quant à la réinsertion professionnelle. La durée d’hospitalisation des patients était plus courte chez ceux qui ont repris leur activité professionnelle. Cette constatation est justifiée par la forte corrélation entre la gravité de l’infarctus et la durée d’hospitalisation (9).

Le délai moyen de reprise chez nos patients a été de 5,4 mois contrastant avec les résultats de certains auteurs qui ont montré que ce taux de reprise est maximum après un délai de 12 mois en moyenne, cette différence serait due à la gravité de l’atteinte et la nature des lésions (11, 12). Ce taux de reprise est aussi plus faible après un deuxième infarctus et exceptionnel après le troisième (13). Nos résultats ont montré que la catégorie des cadres supérieurs et les professions libérales comparés aux travaux manuels semblent contribuer à la réinsertion professionnelle post- infarctus. En effet, l’effort au travail représente un élément déterminant et un obstacle majeur à la reprise du travail (7, 14, 15). Ainsi les travailleurs sédentaires reprennent plus facilement leur travail, et en particulier les salariés indépendants qui bénéficient en plus d’une souplesse d’organisation (16). Par ailleurs, notre résultat sur l’absence de relation entre l’horaire du travail et la reprise du l’activité concorde avec celui retrouvé par M. Rabaeus (17). Quand un changement de poste s’avère nécessaire, les entreprises hésitent souvent à réembaucher un personnel qu’elles pensent potentiellement handicapé, bien que les études ont montré l’absence de différence du rendement au travail et l’absentéisme des coronariens comparés à ceux des autres salariés (3).

CONCLUSION Ce travail nous a permis de retrouver un certain nombre de facteurs prédictifs au retour au travail. Cependant, la réinsertion d’une victime d’infarctus de myocarde consiste à trouver une solution à un cas particulier, formé par deux composantes, l’une médicale, l’autre professionnelle, aux quelles s’ajoutent le facteur individuel. Une collaboration entre médecin traitant et médecin du travail suffisamment tôt, en utilisant toutes les ressources de la législation permettent une meilleure reprise de l’activité professionnelle. RÉFÉRENCES [1] Benamer H., Beaufils P. : Étiopathogénie et physiopathologie de l’infarctus du myocarde. Encycl Méd Chir Elsevier, Paris, Cardiologie Angiologie, 11-030-P-05, 1998, 10 p. [2] Benchimol A., Berland M.C., Lauribe P.H., et al. : Prévention de l’athéromatose et médecine du travail. Arch Mal Prof, 1992, 53, 453-476. [3] Danchin N., Khalife K., Cherrier F., Faivre G. : Réinsertion professionnelle après infarctus du myocarde. Presse Med, 1983, 12, 1645-1647. [4] Ash P., Goldstein S.I. : Predictors of returning to work. Bull. Am Acad Psychiatry law, 1995, 23, 2, 205-210.

RÉINSERTION PROFESSIONNELLE APRÈS INFARCTUS DU MYOCARDE

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583

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