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ARTICLE IN PRESS Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence xxx (2019) xxx–xxx
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Article original
Relations entre particularités sensorielles et imitation chez les enfants TSA de 3 à 5 ans Relationships between sensory abnormalities and imitation in ASD children F. Morange-Majoux a,b,∗ , P. Baschy-Giraud b a b
LPPS, EA 4057, institut de psychologie, université de Paris, Paris, France Institut d’enseignement a distance, IED, université Paris 8, 93100 Saint-Denis, France
i n f o
a r t i c l e
Mots clés : Autisme Particularités sensorielles Imitation Développement socio-cognitif Communication profil sensoriel
r é s u m é Objectif. – L’autisme se caractérise par des troubles de la communication et du langage, des comportements restreints et des particularités sensorielles, présente chez la plupart des sujets. Ces anomalies sont associées à de nombreux troubles, notamment sensori-moteurs. L’imitation, qui se caractérise par la coordination entre un comportement perc¸u visuellement et un comportement produit activement, est à ce titre une coordination sensori-motrice complexe. Elle est fortement troublée chez les enfants avec autisme, avec des effets négatifs significatifs sur leur développement socio-communicatif ultérieur. L’objectif de cette recherche est de déterminer si les troubles de l’imitation augmentent avec le nombre de particularités sensorielles. Méthode. – Vingt-deux enfants TSA, âgés de 3 à 5 ans ont été inclus dans cette étude. Le Profil Sensoriel et Perceptif Révisé de Dunn a été administré afin de déterminer le nombre de particularités dans chaque sens. Quatre types d’imitation ont été évalués : faciale, motrice, vocale et sur objet. Des analyses statistiques ont été menées sur les différents scores obtenus. Résultats. – Tous les enfants avec autisme présentent des particularités sensorielles, et des troubles de l’imitation. Plus les enfants avec autisme ont des particularités sensorielles, notamment visuelles, plus leurs compétences en imitation sont faibles, particulièrement en imitation faciale. L’imitation sur objet, à l’inverse semble moins impactée. Conclusion. – Les particularités sensorielles pourraient constituer un écran à la réalisation des tâches imitatives, en empêchant les enfants d’accéder à la dimension sociale de l’imitation par exemple. Ces résultats illustrent la nécessité de tenir compte de ces particularités sensorielles lors de prises en charge ciblées. ´ ´ es. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv
a b s t r a c t Keywords: Autism Sensory abnormalities Imitation socio-cognitive development Communication sensory profile
Objective. – Autism Spectrum Disorder (ASD) is a neuro-developmental disorder resulting on atypical cognitive development characterized by communication and language disorders, restricted behaviors and sensory abnormalities, present in the most of subjects. These abnormalities cause many disorders, including motor and sensory-motor troubles. Imitation, which is characterized by the coordination between a visually perceived behavior and actively produced behavior, is in this perspective, a sophisticated sensory-motor coordination. It is strongly troubled in children with ASD, with significant negative effects on their future socio-communicative development. The aim of this research is to determine if imitation disorders increase with the number of sensory abnormalities. Methods. – Twenty-two children (18 boys), aged from 3 to 5 years, were included in this study. Autism was assessed by the Chilhood Autism Rating Scale (CARS) and the Autism Diagnostic Observation schedule (ADOS). Dunn’s Sensory and Revised Perceptual Profile was administered to determine the sensory
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (F. Morange-Majoux). https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2019.07.004 ´ ´ 0222-9617/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
Pour citer cet article : Morange-Majoux F, Baschy-Giraud P. Relations entre particularités sensorielles et imitation chez les enfants TSA de 3 à 5 ans. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2019), https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2019.07.004
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profile for five senses: visual, auditive, tactile, proprioceptive and vestibular. Four types of imitation were evaluated: facial, motor, vocal and object. Statistical analyzes were conducted on the different scores obtained. Results. – All children with autism have sensory abnormalities and imitation disorders. The more the children have sensory particularities, especially visual, the more their imitation skills are weak, especially in facial imitation. Imitation on object, conversely, seems less impacted. Conclusion. – The sensory abnormalities could constitute a screen to the realization of the imitative tasks, by preventing the children to reach the social dimension of the imitation for example. These results illustrate the need to take into account these sensory features in specific care. © 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction L’autisme est un trouble neuro-développemental se caractérisant principalement par des troubles de la communication et du langage, des comportements restreints et répétitifs, incluant la présence de particularités sensorielles. Ces particularités sensorielles, qui apparaissent désormais dans le DSM-V comme symptôme, sous la définition de « Réaction ou intérêt inhabituelle aux stimuli sensoriels » (DSM-V, Association, 2013) ont déjà fait l’objet de nombreuses recherches [2] dans le but de les caractériser et d’évaluer leur impact sur la vie quotidienne des sujets avec Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA). Ainsi, selon les études, on retrouve entre 69 % et 95 % d’enfants présentant des troubles sensoriels ou ayant un profil sensoriel atypique [3–5]. Outre que ces comportements sensoriels atypiques sont très nombreux, ils sont aussi très variés d’une personne à l’autre, et d’un moment du développement à un autre, donnant l’image d’une grande hétérogénéité du traitement sensoriel, avec des hyperréactivités et des hyporéactivités [6]. Ces troubles sensoriels entrainent des inconforts au cours des activités quotidiennes et peuvent même constituer un frein pour l’acquisition des routines et des automatismes nécessaires à un fonctionnement efficace [7]. Ce sont les particularités visuelles et auditives qui ont été jusqu’à présent les plus étudiées. On retrouve pour les particularités visuelles un évitement du regard, une vision périphérique, une fascination pour les reflets, des couleurs ou des motifs particuliers [6]. Certains seront gênés par ces stimuli tandis que d’autres les rechercheront entraînant des phénomènes de fascination et d’exploration visuelle exacerbées [8]. Ces anomalies peuvent entrainer des troubles de la coordination oculo-manuelle et une lenteur de la poursuite oculaire [9]. Elles pourraient être aussi responsables des anomalies d’exploration des scènes visuelles identifiées grâce à un système d’eye tracking : les sujets avec TSA ont tendance à s’attacher à regarder des détails et plutôt l’arrière-plan que le premier plan et les visages [10]. Concernant les sons, plus de la moitié des personnes avec autisme présentent des aversions aux sons forts (vs 8 % des personnes sans autisme, [4,11]). Là encore, les réponses aux différents types de sonorités sont très variables ; des hyperacousies ou hypoacousies peuvent coexister : les enfants avec autisme présentent parfois une aversion pour des sons inattendus, des sons continus et certaines fréquences ou tonalités. Ils présentent également des difficultés à gérer plusieurs sources sonores concomitantes ou à filtrer le fond sonore. Plusieurs travaux mettent en évidence une hypo-sensibilité pouvant évoquer à tort une surdité ou une faible réactivité au langage [6]. Soulignons que des travaux sur le sens proprioceptif montrent que les sujets avec TSA ont souvent des difficultés à repérer leurs corps dans l’espace [8]. Les troubles peuvent également se situer au niveau du tonus musculaire entrainant alors des hyper ou des hypotonies [12]. Enfin, les troubles vestibulaires se manifestent par une instabilité motrice, l’adoption de postures particulières et une attirance pour les mouvements de balancements et de rotation [11]. Pour Gepner et ses collaborateurs [13], ces anomalies sensorielles pourraient expliquer les problèmes relationnels et
comportementaux des sujets avec autisme : à cause de leurs systèmes sensoriels défaillants ou non ajustés, ils ne pourraient réguler leur adaptation à leur environnement. Or, cette régulation est indispensable pour leur permettre de sélectionner les informations pertinentes de l’environnement et s’engager dans des activités. Les difficultés d’apprentissage pourraient provenir d’une vitesse trop rapide des informations à traiter. Pour étayer leur hypothèse, des chercheurs ont montré que le ralentissement des stimuli, notamment visuel était bénéfique pour les sujets avec TSA et leur permettait de mieux reconnaitre les informations présentées et de mieux les imiter [14,15]. Outre les particularités sensorielles, le développement moteur des sujets avec TSA est également troublé chez 79 % d’entre eux [16–19], notamment au niveau de la posture et de l’habileté manuelle [20]. Si, pendant longtemps, ces troubles ont été vus comme des déficits strictement neurologiques, ils sont désormais envisagés sous un angle plus intégratif, associant les aspects perceptifs et moteurs, et orientant de fait vers un trouble de la coordination sensorimotrice [21]. Ainsi, les troubles de la planification et de l’anticipation, observés chez les sujets avec TSA [22], peuvent être interprétés comme un défaut de programmation et d’exécution des séquences de gestes pour atteindre un but (aspect moteur), associé à la vision de l’objet (aspect sensoriel) [23–25]. Ces troubles fonctionnels sensori-moteurs sont même considérés pour certains comme des composantes essentielles du profil symptomatique des sujets avec autisme [18,19,26,27]. L’imitation est, à ce titre, considérée comme une coordination sensori-motrice élaborée, traduction immédiate d’un couplage entre perception et action : en effet, elle se caractérise par la coordination entre un comportement perc¸u visuellement et un comportement produit activement [28]. Faire comme l’autre nécessite en outre motivation, attention et sélection. D’un point de vue neurobiologique, les mécanismes d’imitation repose sur un système de neurones dits miroirs, s’activant lorsque l’individu fait une action mais également lorsqu’il observe une autre personne faire la même action [29,30]. L’imitation joue un rôle fondamental non seulement dans les apprentissages mais aussi dans la communication [31,32] tout particulièrement avant le développement du langage articulé fluide, soit avant 3–4 ans [29]. Elle peut être immédiate ou différée, partielle ou complète, porter sur des actions familières ou nouvelles, avec ou sans but de l’action, vocales, corporelles ou sur des objets [33]. Comptetenu des difficultés sensori-motrices évoquées plus haut chez les sujets avec TSA, il n’est pas surprenant de retrouver chez eux des retards et des troubles de l’imitation [34,35], ayant un retentissement significatif, particulièrement négatif sur leur développement communicatif social et culturel ultérieur [36–38]. Ces troubles de l’imitation portent notamment sur l’imitation symbolique, différée, requérant plusieurs actions complexes et nouvelles ; l’imitation motrice semble plus préservée dès lors qu’elle ne requiert que des actions simples et familières et que l’on a pris la précaution de vérifier que ces enfants avaient le répertoire moteur adéquat [21]. S’il semble que le système des neurones miroirs dysfonctionne chez les sujets avec TSA [28], il est toutefois possible d’améliorer les
Pour citer cet article : Morange-Majoux F, Baschy-Giraud P. Relations entre particularités sensorielles et imitation chez les enfants TSA de 3 à 5 ans. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2019), https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2019.07.004
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compétences imitatives chez les enfants avec TSA en agissant sur le versant sensoriel de cette coordination sensori-motrice, notamment en présentant les stimulations au ralenti. Le ralentissement aurait pour effet de diminuer le nombre de stimuli sensoriels à gérer en parallèle pour l’enfant et permettrait d’améliorer sa capacité de compréhension de l’action à reproduire [15]. Compte-tenu des nombreuses particularités sensorielles qui entravent les apprentissages et la vie des sujets avec TSA, il apparait pertinent d’examiner si ces particularités ont un impact sur leurs coordinations sensori-motrices et tout particulièrement sur leurs capacités imitatives. Pourraient-elles constituer un frein dans la sélection des informations sensorielles pertinentes nécessaires à la réalisation d’une coordination sensori-motrice telle que l’imitation ? Une seule recherche se rapproche de cette problématique et tend à infirmer cette hypothèse : l’équipe d’Ingersoll a comparé la performance d’imitation de gestes avec un objet selon le degré de sensorialité de celui-ci, chez deux groupes d’enfants, neurotypiques et avec autisme [39]. Si la performance globale de l’imitation n’est pas différente entre les deux groupes, les performances d’imitation des enfants autistes sont bien meilleures avec les jouets sensoriels (qui produisent des flashs lumineux et des sons) alors qu’il n’y a cette différence chez les enfants typiques. Selon les auteurs, la stimulation sensorielle pourrait constituer pour les enfants avec autisme une récompense bien supérieure à la simple satisfaction de bien faire l’imitation. Ainsi, il est possible que les enfants avec de nombreuses particularités sensorielles puissent être plus réceptifs et/ou aidés dans la réalisation d’actes d’imitation que les autres. Trop peu de recherches existent sur ce sujet alors même que les particularités sensorielles sont désormais identifiées comme une caractéristique de l’autisme, et qu’elles peuvent influencer très tôt le couplage perception-action nécessaire à l’imitation par exemple. L’objectif de notre recherche est donc d’investiguer plus précisément le rôle des particularités sensorielles sur les compétences en imitation. Constituent-elles un frein ou au contraire favorisent-elles l’imitation ? De fac¸on plus spécifique, existe-t-il des relations entre certains types de particularités sensorielles (visuelle, auditive, tactile. . .) et certains types d’imitation, comme l’imitation verbale, motrice, faciale ou sur objet ? Nous avons fait le choix pour cette recherche d’étudier l’imitation provoquée, qui semble être l’imitation la plus limitée chez les enfants avec TSA d’âge développemental préscolaire [33]. 2. Méthode 2.1. Population Vingt-deux enfants (18 garc¸ons) avec un diagnostic d’autisme ont participé à ce travail au service de dépistage de l’autisme de l’hôpital Debré. Les participants ont été recrutés sur la base du volontariat familial selon les critères d’inclusion suivants : diagnostic d’autisme, âge compris entre 41 et 70 mois (âge moyen = 50,83 mois ; SD = 9,49). Leur niveau développemental a été évalué avant le début de l’observation par le PEP-R. Les enfants ont un âge développemental compris entre 16 et 55 mois (âge moyen = 29,54 ; SD = 10,99). Leur niveau de compréhension verbale a été par ailleurs évalué par la WIPPSI (moy = 85,27 ; min = 70 et max = 125 ; SD = 15,87), indiquant que notre échantillon se situe dans la norme faible. Aucun enfant ne souffrait de troubles de l’audition. Les enfants souffrant d’autisme avec une comorbidité type TDHA ou une épilepsie ont été écartés de l’étude. Le diagnostic d’autisme a été établi à partir de l’ADOS 2 et de la CARS (Tableau 1). 2.2. Matériel Les enfants ont rec¸u un diagnostic d’autisme, évalué grâce à l’ADOS 2 [40] et la CARS [41]. Le PEP-R [41] a permis d’obtenir un âge développemental pour chaque enfant. Le Profil Sensoriel
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et Perceptif Révisé (SPCR), de Dunn [42], adapté en franc¸ais par Bogdashina [8] a été utilisé afin d’évaluer les 7 systèmes sensoriels suivants : visuel, auditif, tactile, olfactif, gustatif, proprioceptif et vestibulaire. Il comprend 232 questions, auxquelles on peut répondre par « était vrai », « vrai », « faux » ou « ne sais pas ». Le questionnaire était rempli par les parents puis finalisé par les chercheurs après observation de l’enfant. Enfin, nous avons mis au point un test court d’imitation s’inspirant des travaux de Nadel [33] et ne portant que sur l’imitation provoquée. Quatre types d’imitation ont été évaluées : faciale (7 items : protusion de la langue, sourire, expression faciale, grimace, claquement de langue, mouvement des lèvres pour faire un baiser et mouvement des lèvres pour siffler), motrice (6 items : mouvement de la main sur la tête, mouvement de la main complexe, geste conventionnel, geste non familier simple, geste non familier complexe,), vocale (4 items : cri d’animal, air connu, intonations, phonème) et sur objet (3 items : taper sur un tambour, faire rouler une petite voiture, empiler deux cubes). Chaque item était coté de 0 à 3, allant d’une absence totale d’imitation à une imitation réussie de l’enfant.
2.3. Procédure Les enfants ont été observés durant leur séjour d’hospitalisation (15 jours). Le Profil Sensoriel et Perceptif Révisé était remis aux parents dès le début de l’hospitalisation afin de leur laisser le temps de répondre et de pouvoir venir nous solliciter en cas de difficultés. Lors de la réunion de fin d’hospitalisation, le questionnaire était validé par l’expérimentateur. Les tests d’imitation ont été réalisés pendant la deuxième semaine d’hospitalisation de l’enfant. Ils se sont déroulés toujours dans la même pièce neutre avec un unique et même expérimentateur. Ils étaient toujours présentés dans le même ordre et duraient environ 15 minutes. L’examinateur faisait le modèle et l’enfant, sur demande de l’adulte, le reproduisait.
2.4. Traitement des données Pour le test sur le profil sensoriel, seules les réponses « vrai » ont été comptabilisées, permettant d’obtenir un score global et des sous-scores en fonction des systèmes sensoriels. Nous nous sommes limités aux 5 systèmes sensoriels suivants : visuel, auditif, tactile, proprioceptif et vestibulaire (182 items au total, avec 50 items en sensorialité visuelle, 42 items en sensorialité auditive, 33 en tactile, 32 en proprioceptif et 25 en vestibulaire). Pour comparer la répartition des particularités pour chaque enfant, nous avons rapporté le nombre de particularités dans une modalité sensorielle au nombre total de particularités possibles dans cette catégorie, afin d’obtenir un pourcentage de particularités. Ainsi, un enfant ayant 15 particularités visuelles sur 50 et 6 particularités vestibulaires sur 25, avait respectivement 30 % de particularités visuelles et 24 % de particularités vestibulaires. Pour le test d’imitation, nous avons obtenu un score global d’imitation correspondant à la somme de tous les scores d’imitation dont le résultat est sur 60 (20 items, cotés de 0 à 3). Pour chaque type d’imitation, nous avons calculé le pourcentage de réponses positives par type d’imitation, chaque type d’imitation ayant différents items, afin de pouvoir les comparer entre eux. Nous avons effectué des corrélations deux à deux sur l’ensemble de nos variables pour évaluer les liens qu’elles entretiennent entre elles. Une régression multiple a été menée sur chaque score d’imitation en intégrant les cinq scores de particularités sensorielles, le score CARS, l’âge et le sexe dans le modèle de prédiction. Les résultats seront présentés sous la forme des corrélations partielles associées à leur seuil de significativité.
Pour citer cet article : Morange-Majoux F, Baschy-Giraud P. Relations entre particularités sensorielles et imitation chez les enfants TSA de 3 à 5 ans. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2019), https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2019.07.004
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Tableau 1 Données diagnostiques (CARS et ADOS 2) des enfants avec TSA en fonction du sexe.
Catégories CARS Léger à Modéré Sévère Total Catégories ADOS Faible Modéré Élevé Total Âge chronologique (mois) Âge développemental (PEP-R) Compréhension verbale (WIPPSI)
Filles
Moyenne (SD)
Garc¸ons
Moyenne (SD)
1 3 4
30,5 40,83 (3,21) 38,25
7 11 18
32,85 (5,30) 41,18 (4,34) 37,94
2 2 0 4 4 4 4
10,5 (2,12) 21,5 (0,70)
2 9 7 18 18 18 18
8 14,88 (3,95) 21,85 (2,85) 16,83 51,38 (9,10) 30,16 (10,54) 86,27 (16,60)
16 48,5 (11,21) 27 (13,73) 80,5 (13,3)
3. Résultats
3.4. Scores d’imitation en fonction CARS et ADOS
3.1. Nombre de particularités globale et par catégorie sensorielle
Les enfants ont obtenu en moyenne un score de 29,7 (SD = 17,17) (sur 60) en imitation globale. L’imitation la mieux réussie est l’imitation sur objet, celle la moins bien réussie, l’imitation vocale (Tableau 4). Le tableau des corrélations indique que les taux de réussite des différentes imitations sont liés entre eux et sont également liés au score d’imitation globale : en d’autres termes, plus l’enfant à un bon score en imitation globale, meilleur est son taux de réussite dans chacune des imitations (Tableau 5). En fonction des catégories de l’ADOS, les enfants diagnostiqués autistes faible (moy = 43,75 ; SD = 14,24) ont de meilleurs scores d’imitation globale que les enfants diagnostiqués autistes modéré (moy = 34,36 ; SD = 13,17), eux-mêmes ayant de meilleurs scores que les enfants diagnostiqués autistes élevé (moy = 14,57 ; SD = 14,24 ; r = − 0,58 ; p = 0,003). Plus spécifiquement, les résultats statistiques révèlent que plus les enfants ont des scores élevés à l’ADOS (témoignant de la sévérité de l’autisme), moins ils réussissent en imitation faciale (r = − 0,59 ; p = 0,003), imitation motrice (r = − 0,59 ; p = 0,003) et en imitation vocale (r = − 0,44 ; p = 0,04). En revanche, on ne trouve pas de lien entre sévérité de l’autisme à l’ADOS et imitation sur objet (r = − 0,26 ; NS). En fonction des catégories de la CARS, les enfants diagnostiqués autistes léger à modéré ont obtenu de meilleurs scores d’imitation globale (moy = 39,5 ; SD = 13,14) que ceux diagnostiqués autistes sévère (moy = 24,21 ; SD = 17,07 ; r = − 0,71 ; p = 0,0001). Plus spécifiquement, les résultats statistiques révèlent que plus les enfants ont des scores élevés à la CARS, moins ils réussissent en imitation faciale (r = − 0,70 ; p = 0,0002), imitation motrice (r = − 0,58 ; p = 0,003) et en imitation vocale (r = − 0,70 ; p = 0,0002). En revanche, on ne trouve pas de lien entre sévérité de l’autisme à la CARS et imitation sur objet (r = − 0,34 ; NS).
Nous avons enregistré 751 particularités sensorielles chez l’ensemble des 22 enfants. Les enfants présentaient en moyenne 34,13 particularités sensorielles (min = 8 ; max = 67 ; SD = 16,13), soit 18,75 % de particularités sur l’ensemble des particularités possibles (182). Le détail de chaque catégorie est donné dans le Tableau 2. Il montre que les particularités visuelles, auditives et vestibulaires sont un peu plus nombreuses que les particularités tactiles et proprioceptives. Les particularités proprioceptives et vestibulaires sont très corrélées entre elles ainsi que les particularités proprioceptives et tactiles et les particularités vestibulaires et tactiles (Tableau 3).
3.2. Corrélation entre particularités et ADOS 2 Les enfants diagnostiqués autisme faible ont en moyenne 33,25 particularités sensorielles (SD = 21,65), les enfants diagnostiqués autisme modéré, 26,63 (SD = 12,01) et les enfants diagnostiqués autisme sévère 46,42 (SD = 12,47) particularités. L’analyse statistique révèle qu’il n’y a pas de corrélation entre le nombre de particularités sensorielles totale et le score de l’ADOS (r = 0,32 ; NS), signifiant qu’un score de sévérité n’est pas associé à un nombre élevé de particularités. L’étude plus spécifique de chaque modalité sensorielle révèle qu’il n’y a pas de corrélation entre le score de l’ADOS et les différents types de particularités sensorielles (visuelle : r = 0,29, NS ; auditif : r = 0,26, NS ; tactile : r = 0,38, NS ; proprioceptif : r = 0,28, NS ; et vestibulaire r = 0,17, NS). Toutefois, si nous reprenons l’analyse en enlevant le groupe diagnostiqué faible, nous trouvons une corrélation positive (r = 0,53 ; p = 0,02) indiquant que le nombre de particularités n’est pas discriminant pour des autismes diagnostiqués faible à modéré mais qu’il l’est pour des autismes diagnostiqués modéré à sévère.
3.3. Corrélation entre particularités sensorielles et CARS Les enfants diagnostiqués autisme léger à modéré ont en moyenne 28,5 particularités sensorielles (SD = 18,80) et les enfants diagnostiqués autisme sévère 37,35 (SD = 14,11). L’analyse statistique montre une corrélation entre le nombre de particularités sensorielles totale et le degré de sévérité de l’autisme (r = 0,53 ; p = 0,009), signifiant que plus l’autisme est sévère, plus le nombre de particularités est important. C’est également vrai plus spécifiquement pour les particularités visuelles (r = 0,58 ; p = 0,004), les particularités auditives (r = 0,49 ; p = 0,01), tactiles (r = 0,48 ; 0,02) mais pas proprioceptives ni vestibulaires (r = 0,35 et r = 0,38).
3.5. Corrélation entre imitation et particularités sensorielles Les résultats statistiques montrent que plus les enfants ont des particularités sensorielles moins bon est leur score d’imitation globale (r = − 0,51 ; p = 0,01 ; Fig. 1). Plus précisément, le Tableau 6 résume toutes les corrélations entre les différents types d’imitation et les différents types de particularités sensorielles. Nous retiendrons que : • plus les enfants ont des particularités sensorielles, moins ils réussissent en imitation faciale (p < 0,01) ; • l’imitation faciale est altérée par tous les types de particularités sensorielles ; • les particularités visuelles impactent l’imitation vocale en plus de l’imitation faciale (p < 0,001).
Pour citer cet article : Morange-Majoux F, Baschy-Giraud P. Relations entre particularités sensorielles et imitation chez les enfants TSA de 3 à 5 ans. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2019), https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2019.07.004
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Tableau 2 Répartition des particularités sensorielles chez les enfants TSA.
Nombre moyen SD Pourcentage moyen SD
Sensorialité visuelle
Sensorialité auditive
Sensorialité tactile
Sensorialité proprioceptive
Sensorialité vestibulaire
9,77 3,93 19,54 % 7,59
9,04 4,35 21,53 % 10,65
5,22 3,1 15,84 % 9,09
4,95 3,74 15,48 % 11,60
5,13 3,66 20,54 % 15,61
Tableau 3 Tableau des corrélations des particularités sensorielles. Particularités visuelles Particularités visuelles Particularités auditives Particularités tactiles Particularités proprioceptives a
Particularités auditives
Particularités tactiles
Particularités proprioceptives
Particularités vestibulaires
0,6163 (p = ,002)a
0,6244 (p = ,002)a 0,7286 (p = ,0001)a
0,4025 (NS) 0,6852 (p = ,0001)a 0,7960 (p = ,0001)a
0,6053 (p = ,003)a 0,7650 (p = ,0001)a 0,6670 (p = ,001)a 0,8214 (p = ,0001)a
Les corrélations sont significatives.
Tableau 4 Données descriptives des différents types d’imitation.
Moyenne SD
Score imitation
Réussite imitation faciale (%)
Réussite imitation motrice (%)
Réussite imitation Vocale (%)
Réussite imitation sur objet (%)
29,77 17,17
46,17 33,94
47,07 34,49
34,83 27,59
62,32 37,29
Tableau 5 Tableau des corrélations de l’imitation.
% de réussite imitation faciale % de réussite imitation motrice % de réussite imitation vocale % de réussite imitation sur objet
% de réussite Imitation motrice
% de réussite Imitation vocale
% de réussite Imitation sur objet
Imitation totale
0,7380 (p = ,0001)
0,7898 (p = ,0001) 0,7535 (p = ,0001)
0,5360 (p = ,01) 0,5736 (p = ,005) 0,4397 (p = ,04)
0,8631 (p = ,0001) 0,8253 (p = ,0001) 0,7807 (p = ,0001) 0,5604 (p = ,007)
Toutes les corrélations sont significatives.
Fig. 1. Nombre de particularités sensorielles en fonction du score d’imitation. Tableau 6 Tableau de corrélations entre les différents types d’imitation et les différents types de particularités sensorielles.
Imitation globale Réussite en imitation faciale Réussite en imitation vocale Réussite en imitation motrice Réussite en imitation sur objet
Particularités sensorielles
Particularités visuelles
Particularités auditives
Particularités tactiles
Particularités proprioceptives
Particularités vestibulaires
− 0,51a ** − 0,58a ***
− 0,46a * − 0,58a ***
− 0,49a * − 0,48a
− 0,46a * − 0,54a **
− 0,41 − 0,50a *
− 0,35 − 0,42a *
− 0,31
− 0,50a **
− 0,24
− 0,22
− 0,18
− 0,19
− 0,35
− 0,31
− 0,31
− 0,37
− 0,34
− 0,18
− 0,22
− 0,29
− 0,34
− 0,06
− 0,06
− 0,14
* p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001. a Les corrélations sont significatives.
Pour citer cet article : Morange-Majoux F, Baschy-Giraud P. Relations entre particularités sensorielles et imitation chez les enfants TSA de 3 à 5 ans. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2019), https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2019.07.004
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Tableau 7 Tableau des corrélations partielles entre imitation et particularités sensorielles.
Particularités visuelles Particularités auditives Particularités tactiles Particularités proprioceptives Particularités vestibulaires CARS Âge Sexe a
Imitation totale
Réussite en imitation faciale
Réussite en imitation vocale
Réussite en imitation motrice
Réussite en imitation sur objet
− 0,026 (p = ,92) − 0,243 (p = ,38) 0,082 (p = ,76) − 0,090 (p = ,74) 0,107 (p = ,70) − 0,559 (p = ,03)a 0,278 (p = ,31) − 0,205 (p = ,46)
− 0,520 (p = ,05)a − 0,048 (p = ,86) 0,241 (p = ,38) − 0,349 (p = ,20) 0,146 (p = ,60) − 0,531 (p = ,04)a 0,344 (p = ,20) 0,015 (p = ,95)
− 0,527 (p = ,04)a 0,100 (p = ,72) 0,387 (p = ,15) − 0,303 (p = ,27) 0,223 (p = ,42) − 0,603 (p = ,01)a 0,100 (p = ,72) 0,122 (p = ,66)
0,022 (p = ,93) − 0,220 (p = ,42) 0,084 (p = ,76) − 0,266 (p = ,33) 0,344 (p = ,20) − 0,544 (p = ,03)a 0,128 (p = ,64) − 0,447 (p = ,09)
− 0,144 (p = ,60) − 0,503 (p = ,05)a 0,369 (p = ,174) 0,151 (p = ,588) − 0,038 (p = ,89) − 0,100 (p = ,72) − 0,573 (p = ,02)a − 0,24 (p = ,36)
Les corrélations sont significatives.
Une régression multiple a été menée sur chaque score d’imitation en intégrant les cinq scores de particularités sensorielles, le score CARS, l’âge et le sexe dans le modèle de prédiction. Les résultats des corrélations partielles (Tableau 7) font ressortir comme attendu que la CARS à le pouvoir prédicteur le plus significatif sur l’imitation sauf dans le cas de l’imitation sur objet. L’analyse révèle également que parmi les 5 particularités sensorielles, il apparait que les plus prédictives sont pour (1) l’imitation faciale et vocale, les particularités visuelles et pour (2) l’imitation sur objet les particularités auditives et l’âge de l’enfant. 4. Discussion Cette recherche avait pour objectif d’examiner les éventuels liens existant entre les particularités sensorielles et les capacités d’imitation des enfants avec TSA afin, d’une part, d’éclairer la compréhension des troubles de l’imitation et, d’autre part, de proposer des remédiations adaptées et ciblées en fonction des particularités sensorielles touchées. Nos résultats montrent : • que tous les enfants avec TSA présentent des particularités sensorielles (en moyenne 34,13) ; • qu’aucun enfant ne réussit en totalité les tests d’imitation et que seulement 5 enfants sur 22 ont plus de 75 % de réussite au test d’imitation ; • que plus les enfants avec TSA ont des particularités sensorielles, moins leurs compétences en imitation globale sont bonnes. Notre discussion sera articulée autour de ces 3 points : • tous les enfants de notre population présentent des particularités sensorielles comme le confirment d’autres recherches [5,43]. Certaines recherches vont encore plus loin et considèrent les symptômes sensoriels comme constituant un principe central dans les troubles autistiques [4,6]. Parmi les différentes réactivités sensorielles, les particularités visuelles et auditives sont les plus représentées avec une moyenne respective de 9,77 particularités visuelles et 9,05 particularités auditives par enfant. Ceci est en accord avec les recherches de Tardif et Gepner [13] qui trouvent que la vision et l’audition sont plus souvent touchées dans l’autisme. Il est à noter que le nombre de particularités sensorielles n’est pas discriminant pour le diagnostic d’autisme faible ou modéré avec l’ADOS ; en revanche il l’est pour différencier l’autisme modéré et élevé avec l’ADOS. Toutefois, il l’est avec le diagnostic de la CARS : le nombre de particularités augmente en fonction du degré de sévérité évaluée par la CARS et cela dans presque tous les types de modalités sensorielles. Ces résultats sont en accord avec ceux de Kern et collaborateurs [44] et confortent les modèles étiologiques mettant en cause la modulation sensorielle, troublée chez les personnes autistes [42]. Ils vont aussi dans le sens de la nouvelle classification du DSM-V, qui introduit sous la définition de « Réaction ou intérêt
inhabituelle aux stimuli sensoriels » les particularités sensorielles comme symptôme à part entière de l’autisme [1]. Ainsi, ces résultats montrent la nécessité d’inclure l’évaluation des particularités sensorielles dès la phase diagnostique ; • Dix-sept enfants sur 22 ont moins de 75 % de réussite au test d’imitation et aucun enfant n’a réussi totalement les tests d’imitation. Ces résultats confirment les nombreuses études anglophones qui montrent des troubles de l’imitation dans l’autisme [36,45,46]. Toutefois comme le souligne Nadel [31], tous les types d’imitation ne sont pas touchés de la même fac¸on et il faut se garder de généraliser : ainsi si l’imitation vocale (35 % de réussite) et faciale (46 % de réussite) sont particulièrement affectées chez les enfants avec autisme, l’imitation sur objet reste relativement performante avec plus de 62 % de réussite. Ces résultats confortent les résultats de DeMyer et collaborateurs [47] qui montraient que l’imitation d’actions sur objet avait tendance à être moins déficitaire que les autres imitations. Ces résultats sont également en accord avec la recherche de Page et Boucher (1998) qui montre que l’imitation orale est la plus sévèrement atteinte dans l’autisme. Soulignons également que nous retrouvons une corrélation significative entre le degré de sévérité de l’autisme (CARS et ADOS) et le déficit en imitation, exception faite pour l’imitation sur objet qui semble préservée et non liée à la sévérité autistique. Ce type d’imitation semble plus investi par les enfants ayant un autisme sévère : comme elle nécessite de se focaliser sur un objet et non sur une personne -comme c’est le cas pour les autres types d’imitation-, il est tout à fait possible que cette imitation soit plus facile d’accès chez les enfants atteints d’autisme sévère, qui ont une plus grande difficulté à interagir avec des personnes. Cela expliquerait également pourquoi l’imitation faciale et vocale, typiquement « humaines » puissent être moins accessibles aux enfants avec TSA. Les recherches en intelligence artificielle montrent que les sujets avec TSA réussissent mieux les imitations faciales (comme l’imitation d’expressions émotionnelles) avec des robots qu’avec des humains [48,49] confirmant l’idée qu’une imitation « épurée de sa dimension sociale » pourrait être plus accessible ; • enfin, nos résultats montrent que plus les enfants avec TSA ont des particularités sensorielles, plus leurs compétences en imitation globale sont faibles. Plus précisément, c’est l’imitation faciale qui est la plus pénalisée lorsqu’il y a beaucoup de particularités sensorielles, quel que soit la modalité. A contrario, les imitations sur objet, motrice et vocale ne sont pas corrélées au nombre de particularités sensorielles, l’imitation sur objet présentant même les corrélations les plus faibles. La seule étude ayant porté sur les relations entre ces deux troubles [39] montrait des performances d’imitation plus élevées avec les jouets sensoriels qu’avec les jouets non sensoriels chez les enfants avec TSA (différence non observée chez les enfants neurotypiques), suggérant que les enfants étaient peut être plus motivés à imiter pour recevoir une récompense sensorielle plutôt qu’une interaction sociale.
Pour citer cet article : Morange-Majoux F, Baschy-Giraud P. Relations entre particularités sensorielles et imitation chez les enfants TSA de 3 à 5 ans. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2019), https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2019.07.004
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Ces remarques nous amènent à nous interroger sur le rôle de la motivation, notamment sociale dans l’imitation. De nombreuses recherches font état d’un manque de curiosité et d’appétence sociale, d’une moindre sensibilité à la récompense en réponse à des stimuli sociaux et d’un déficit d’attention sociale chez les sujets avec TSA [32]. En parallèle, ils ont un intérêt élevé pour certains stimuli non sociaux [50]. Il est proposé qu’au cours du développement, ce manque d’orientation sociale pourrait les amener à rater des opportunités d’apprentissage social et les priver de ces expériences sociales. Ainsi, ce manque d’expériences ne leur permettrait pas de trouver la motivation pour réaliser des coordinations sensori-motrices à caractère social comme l’imitation, tout particulièrement, faciale et vocale. Dans notre recherche, ces deux imitations ont un caractère fortement social (siffler, faire une grimace, sourire, faire un baiser, faire un cri d’animal. . .), les enfants TSA les plus sévèrement touchés pourraient ne pas avoir la motivation sociale pour les effectuer. En parallèle, les enfants TSA développeraient une motivation sensorielle, les poussant à rechercher des stimulations sensorielles. Ils pourraient mieux réussir les imitations susceptibles de leur en fournir, comme par exemple l’imitation sur objet (contact avec des objets) et dans une moindre mesure l’imitation motrice (stimulation haptique) ou vocale (stimulation auditive). En revanche, l’imitation faciale, qui engendre des informations à valence plus sociale que sensorielle (sourire, grimace, claquer les lèvres, siffler, tirer la langue), serait moins motivante pour les enfants. Enfin, les particularités sensorielles (notamment visuelles), présentes chez la plupart des enfants auraient tendance à figer leur attention au cours des activités quotidiennes [7], et à renforcer la dimension sensorielle de l’activité au détriment de la dimension sociale, entravant l’imitation faciale, qui demande une motivation sociale forte. Cela va dans le sens des recherches montrant que le ralentissement des actions favorisent l’imitation faciale (et vocale), probablement en facilitant l’attention [15] mais aussi en réduisant le canal des entrées sensorielles, faisant éventuellement émerger les aspects plus sociaux de l’imitation faciale par exemple.
5. Conclusion Les résultats de cette recherche montrent qu’un autisme sévère est lié à un nombre de particularités sensorielles élevé et que ces dernières impactent les capacités d’imitation. Nous suggérons que ces spécificités fournissent aux enfants TSA une quantité de stimulations sensorielles importante pouvant les détourner d’expériences sociales et entraver ainsi leur motivation sociale tout en développant leur motivation sensorielle. Ainsi, ces spécificités pourraient inciter les enfants TSA à rechercher à travers des coordinations sensori-motrices variées, tel que l’imitation, des récompenses plus sensorielles que sociales. Dans notre expérience, l’imitation, déjà à valence fortement sociale, puisqu’elle est faite sur demande de l’expérimentateur et donc non recherchée spontanément par l’enfant, le serait particulièrement dans le cas de l’imitation faciale et expliquerait la corrélation négative retrouvée. L’imitation motrice, sur objet ou faciale susceptible de fournir des informations sensorielles (haptiques, auditives, tactiles. . .) seraient quant à elles, relativement épargnées. Ces résultats illustrent la nécessité de tenir compte des particularités sensorielles dans les futurs travaux sur l’imitation mais aussi sur le développement sociocognitif des enfants avec autisme. Il s’agit désormais d’examiner plus précisément les particularités sensorielles, notamment en déterminant la réactivité sensorielle (hypo ou hyper, ou encore variable), afin de déterminer si certaines réactivités peuvent faire écran ou au contraire faciliter la réalisation des tâches imitatives.
7
Enfin, d’un point de vue plus clinique, il est indispensable d’inclure ces particularités sensorielles non seulement dans le diagnostic de l’autisme mais aussi dans les prises en charge, notamment dans les ateliers d’habiletés sociales, en privilégiant tout d’abord l’imitation sur objet, puis l’imitation motrice avant de développer l’imitation faciale et vocale. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Association AP. DSM 5. Am J Psychiatry 2013. [2] Mottron L. Matching strategies in cognitive research with individuals with high-functioning autism : current practices instrument biases, and recommendations. J Autism Dev Disord 2004:19–27. [3] Baranek GT, David FJ, Poe MD, Stone WL, Watson LR. Sensory experiences questionnaire: discriminating sensory features in young children with autism, developmental delays, and typical development. J Child Psychol Psychiatry Allied Discip 2006;47(6):591–601. [4] Tomchek SD, Dunn W. Sensory processing in children with and without autism: a comparative study using the short sensory profile. Am J Occup Ther 2007;61(2):190–200. [5] Leekam SR, Nieto C, Libby SJ, Wing L, Gould J. Describing the sensory abnormalities of children and adults with autism. J Autism Dev Disord 2007;12(1):1–35. [6] Ben-Sasson A, Hen L, Fluss R, Cermak SA, Engel-Yeger B, Gal E. A meta-analysis of sensory modulation symptoms in individuals with autism spectrum disorders. J Autism Dev Disord 2009;39(1):1–11. [7] Bundy AC, Shia S, Qi L, Miller LJ. How does sensory processing dysfunction affect play? Am J Occup Ther 2007;61(2):201–8. [8] Bogdashina O. Sensory perceptual issues in autism and asperger syndrome different sensory experiences different perceptual worlds. Journal of Canadian academy of child ans adolescent psychiatry 2003:160–9. [9] Bogdashina O. Sensory theory in autism makes sense: a brief review of the past and present research. Open Access Autism 2013. [10] Klin A, Jones W, Schultz R, Volkmar F, Cohen D. Visual fixation patterns during viewing of naturalistic social situations as predictors of social competence in individuals with autism. Arch Gen Psychiatry 2002;59(9):809–16. [11] Kern JK, Trivedi MH, Garver CR, Grannemann BD, Andrews AA, Savla JS, et al. The pattern of sensory processing abnormalities in autism. Autism 2006;10(5):480–94. [12] Miller LJ, Anzalone ME, Lane SJ, Cermak SA, Osten ET. Concept evolution in sensory integration: a proposed nosology for diagnosis. Am J Occup Ther 2007:135–42. [13] Gepner B, Lainé F, Tardif C. Désordres de la constellation autistique : un monde trop rapide pour un cerveau disconnecté ? PSN 2010:67–76. [14] Tardif C, Lainé F, Rodriguez M, Gepner B. Slowing down presentation of facial movements and vocal sounds enhances facial expression recognition and induces facial-vocal imitation in children with autism. J Autism Dev Disord 2007;41(8):983–96. [15] Lainé F, Rauzy S, Tardif C, Gepner B. Slowing down the presentation of facial and body movements enhances imitation performance in children with severe autism. J Autism Dev Disord 2011;37(8):1469–84. [16] Fournier KA, Hass CJ, Naik SK, Lodha N, Cauraugh JH. Motor coordination in autism spectrum disorders: a synthesis and meta-analysis. J Autism Dev Disord 2010;40(10):1227–40. [17] Schmitz C, Martineau JBC, Assaiante C. Motor control and children with autism: deficit of anticipatory function? Neurosci Lett 2003;348:17–30. [18] Campione GC, Piazza C, Villa L, Molteni M. Three-dimensional kinematic analysis of prehension movements in young children with autism spectrum disorder: new insights on motor impairment. J Autism Dev Disord 2016;46(6):1985–99. [19] Focaroli V, Taffoni F, Parsons SM, Keller F, Iverson JM. Performance of motor sequences in children at heightened vs. low risk for ASD: a longitudinal study from 18 to 36 months of age. Front Psychol 2017. [20] Whyatt C, Craig C. Sensory-motor problems in Autism. Front Neurosci 2013;7(July):51 [Internet. Disponible sur : Integr http://www.pubmedcentral.nih.gov/articlerender.fcgi?artid=3714545&tool= pmcentrez&rendertype=abstract%5Cnhttp://journal.frontiersin.org/article/10. 3389/fnint.2013.00051/abstract]. [21] Nadel J. Perception-action coupling and imitation in autism spectrum disorder. Dev Med Child Neurol 2015;57(2):55–8. [22] Rinehart NJ, Bradshaw JL, Brereton AV, Tonge BJ. Lateralization in individuals with high-functioning autism and Asperger’s disorder: a frontostriatal model. J Autism Dev Disord 2002;32(4):321–31. [23] Hughes C, Russell J, Robbins TW. Evidence for executive dysfunction in autism. Neuropsychologia 1994;32(4):477–92. [24] Daprati E, Sirigu A. Laterality effects on motor awareness. Neuropsychologia 2002;40(January 2000):1379–86. [25] Rogers S, Benetto L. Le fonctionnement moteur dans le cas d’autisme. Enfance 2002;54(1):63–73.
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