0 Acadkmie
des sciences
/ Elsevier,
Paris
R6ponse au commentaire sur la note
de Dominique
Schwartz
Le site de Lop6 2 : un indicateur de transition kosystkmique ca 10 000 BP dans la moyenne de I’Ogoou6 (Gabon)
vake
C. R. Acad. Sci. Paris, Tome 323, stkie Ha, 1996, p. 933-939 Richard
Bernard
OSLISLY’,
Salah ARDESSADOK’
PEYROT’,
1 Institut depalkontologie humaine, Mus&um national d’histoire naturelle, ’ ISfra c/o MCAC, BP 84, Bamako, Mali ; 3 The Wildlife Conseruation Society, Yew York 10460-1099, &a&&is
A l’occasion
I’Acadhmie
de
939) de notre note cateur de transition
intitulee (( Le site de Lope 2 : un indiecosystemique ca 10 000 BP dans la
moyenne vallee de ouvrait une controverse, ves d’un comportement refutant notre methodologique
aux Comptes rendus de Paris, (323, serie Ila, 1996, 933-
la publication
des sciences,
I’Ogooue arguant original
hypothese, majeur,
qu’il relatif
tions 14C. Ces commentaires reponse ; mais en prealable,
(Gabon) )), D. Schwartz d’une absence de preudes savanes de la Lope et estime reposer aux rapports
sur un biais 613C et data-
appellent deux niveaux nous regrettons qu’il n’ait
de fait
qu’une lecture partielle de notre propos, ne prenant pas en compte les donnees premieres issues de I’analyse sedimentologique vers lesquelles convergent les don&es 613C et 14C ; la critique ne s’inscrit pas dans le meme cadre chronologique. plan methodologique, la seconde se situera la these de Schwartz teurs de I’evolution puis
La premiere reponse concernera qui est a la base de la controverse, au niveau vis-a-vis climatique
d’une critique de nombreux de I’Afrique
le
g&&ale de faits revelacentrale de-
le Pleistocene.
I. Un biais m6thodologique
et Lee WHITER 1, me Ren&-Panhard,
d’incendie niveaux.
75013 Paris
France,
et celui de I’humine Dans le cas de la Lope,
des MOS des memes nous avons, au-dessus
d’un scellement constitue par les sols archeologiques, un profil 613C parfaitement monotone sur 60 cm, qui indique une composition des MOS resultant de la presence de flores entre
C4 a plus de 90 %. Or, si la for&t avait ete presente 4 000 et 9 000 ans, nous serions en droit d’attendre,
compte tenu nes recentes d’autant plus
du melange entre (C4), des valeurs que la for&t fournit
moins facilement degradables, plus important dans la balance n’est pas ce que nous observons. propose par Schwartz, 3 000 ans pour les MOS
stock ancien (C3) et savade 613C plus negatives, plus de composes ligneux qui ont (Benner Si l’on
c’est-a-dire au niveau
9 000 ans, cela indique grossierement niveau de 35 % (moins, si l’on nucleaire) de carbone moderne, savane. Dans ces conditions, 613C des MOS ne pourrait
un date
un poids au total et al., 1987). Ce admet le modele age sur
moyen charbons
de h
I’introduction, a ce considere le carbone done de carbone de
la composition refleter entierement
isotopique celle des
savanes que si la foret avait ete presente apres le scellement par le sol archeologique. Entre 30 et 80 cm, il n’y a pas de melange entre les deux types de mat&es organi-
1
Nous convenons volontiers qu’un seul profil d/analyses 613C n’est pas suffisant a Iui seul pour etayer notre hypothese. De nouvelles mesures sont en tours, particuliere-
ques, comme c’est le cas pour des profils ferrallitiques non cumuliques ; mais on a vraisemblablement, vers 60 cm, la trace analytique d’un horizon enfoui, car les teneurs en carbone y sont plus elevees que dans I’horizon superieur.
ment de datations directes des MOS, sur lesquelles ont ete mesurees les compositions isotopiques du carbone, le stock de ces MOS, heterochrones, etant effectivement renouvele en permanence. Toutefois, les travaux de Boulet
A ce niveau, la controverse methodologique appelle a plus de rigueur dans I’interpretation des don&es isotopiques, meme si le recours a de nouvelles mesures est justifie. A ce sujet, les recentes donnees obtenues sur le
et al. (1995) (meme s’ils sont qualifies d/exception par Schwartz) montrent qu’il n’y a pas de difference significative entre I’age des charbons de bois provenant de niveaux
site voisin de Kazamabika confirmer I’hypothese d’un nes de la moyenne vallee
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de la terre
et des plan&es
/ Earfh & Planetary
Sciences
semblent, une nouvelle fois, heritage Pleistocene des savade I’Ogooue ; sur ce site, les
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D. Schwartz
valeurs 6°C s’echelonnent de - 12%, a la surface jusqu’a - 1 7%0 au contact de la stone-line, cette derniere supportant une industrie lithique de I’age de la Pierre moyen.
II. Questions de Schwartz
soulev6es
par la these
Selon la these proposee (Schwartz et al., 1996) et presque exclusivement fondee sur des donnees provenant du sudCongo, les zones de savane de I’actuel Congo auraient ete (( grandement enforestees a I’Holocene inferieur 10 OOO5 000 BP) )). Schwartz et al. considerent que ces savanes ne sont pas des reliques de formations vegetales, directement heritees de la periode s&he du Leopoldvillien, et auraient succede ca 3 000 BP a la for&t dense ou a une for&t Claire. II faut observer que cette these concerne essentiellement I’HolocPne recent et, dans ce cadre chronologique, on peut y souscrire. Tous les chercheurs attentifs aux paleoenvironnements d’Afrique centrale s’accordent, en effet, pour considerer que la forte pejoration pluviometrique ca 3 000 BP, reconnue dans toute l’aire geographique par diverses convergences disciplinaires, a affect6 les zones forestieres qu’elle a degradees, comme elle doit etre aussi responsable de vigoureuses erosions survenues dans des milieux ouverts, capables d’accumuler des depots alluviaux grossiers. Cette periode a saris doute facilite les migrations humaines dans un environnement ouvert, et c’est bien dans des aires savanicoles que se sont developpees les cultures neolithiques, puis de metallurgistes (Oslisly, 1993 ; 1995). La these selon laquelle la pejoration climatique 3 OOO2 000 BP aurait ete plus traumatisante que les conditions arides du Pleistocene superieur (30 000-I 2 000 BP), pendant lequel les vegetations ouvertes auraient ete plus arborees (savanes boisees ou for& claires), reste discutable. D’ailleurs, I’auteur reconnait le caractPre ccpartiel )) des don&es et ne dispose que de peu d’arguments pour prouver une antecedence exclusivement forestiere, dont les facies restent imp&is. Les donnees sedimentologiques, pedologiques et geomorphologiques, les indicateurs archeologiques, les spectres polliniques et les temoins de ces savanes trouves au Congo et au Zaire paraissent traduire, a la fin du Pleistocene, des conditions de milieu ouvert, ainsi qu’une vigoureuse geodynamique epidermique, avec des massifs forestiers restreints a des refuges orographiques ou de vallees. II semble qu’a partir de 15 000 BP, la for&t se reconstitue lentement et certainement de man&e locale, puisque si les pollens de savane regressent a partir de 12 000 BP, les pits sedimentaires culminent entre 11 230 et IO 350 BP et ne retombent qu’apres 9 000 BP (Giresse, 1978), reflets d’intenses erosions pluviales continentales. A la Lope, oti les sols sont polyphases et largement issus d’apports d’erosion, nos donnees sedimentologiques issues de plusieurs sites indiquent une rupture dans la dynamique de surface et dans le ruissellement pluvial vers
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10 000 BP, a la suite d’un changement dans le regime des pluies. AUX precipitations tres ravinantes succedent les pluies moins agressives et de moindre competence. Deux dates, a 5 400 f 60 BP (Gif 10328) sur Lope 16 et 6 760 + 120 BP (Gif 9864) sur Lope 2 correspondent, pour une m@me profondeur de40 cm, a une proportion de rudites inferieure a 5 %, alors que vet-s 110 cm et a IO 320 BP, cette fraction est de 20 %. Les don&es de I’archeologie sont interessantes, dans la mesure oti le complexe archeologique qui jonche systematiquement les aires savanicoles se fait discret, rare sinon totalement absent des aires de for& matures actuelles. L’dge de la Pierre recent, a partir de 10 000 BP, se caracterise par une industrie microlithique d’armatures fusiformes, afferentes a une technique de I’emmanchement et a des armes de jet peu rentables en milieu ferme. Si les chasseurs-cueilleurs du Lupembien, puis du Tshitolien ont v&u darts un environnement de for&, comment se fait-i1 que leurs vestiges se rencontrent pratiquement toujours dans les savanes actuelles, et ce dans toute I’Afrique centrale ? Des flores et des faunes gregaires typiquement savanicoles (Oslisly et White, 1996) et originaires du domaine zambezien occupent les savanes actuelles a la Lope. Sont-elles venues a I’occasion de cette ouverture des milieux ca 3 000 BP ou etaient-elles la depuis le Pleistocene ? Qu’en est-il, dans le Niari, de la presence du rhinoceros noir a I’HolocPne inferieur vers 7000 BP (Van Neer et Lanfranchi, 1985), ou sur le plateau Bateke, des donnees anthracologiques d’especes de savane datees de 7 200 BP (Dechamps et al., 1988) ? En admettant l’existence de couloirs reliant des aires savanicoles entre elles, on admet implicitement de larges espaces non enforestes. La contestation sur I’identite des savanes pleistocenes et des savanes subactuelles repose sur une difference floristique supposee et floue. La pyrophilisation qu’ont subie ces savanes, avec l’errance des premiers groupes humains itinerants, n’est-elle pas suffisante pour rendre compte d’une diminution des ligneux au profit d’un tapis plus gramineen ? La these de Schwartz repose en partie sur des don&es obtenues sur des lacs de la plaine du Niari, dont le lac Sinnda (Vincens et al., 1994) ; il s’avere qu’une certaine reserve doit etre gardee sur la fiabilite des analyses faites sur ce dernier site. Le doute sur la fiabilite des conclusions des analyses palynologiques vient de I/ignorance complete, de la part des auteurs, du contexte karstique de la plaine de la Dihesse (Petit, 1975). Cette plaine, comme les autres, est le siege d’une tres active circulation souterraine fonctionnant comme une nappe, en relation etroite avec le fleuve Niari, qui constitue le niveau de base karstique regional. Par le fait de ces communications karstiques, des contaminations sedimentaires sont tout a fait possibles, par des apports depuis les Massifs forestiers de I’ouest comme depuis le Niari, dont les affluents les plus actifs drainent le Chaillu forestier. Ainsi, les sequences palynologiques etudices peuvent-elles ne pas refleter des situations strictement autochtones et inclure des elements allogenes.
Sci. Paris, Sciences
de la terre
et des plan&es
/ Earth & Planetary Sciences 1997. 325,393.395
Reponse
I I I. Conclusion Dans l’etat a sa these,
actuel, nous regrettons se refuse 5 prendre
que D. Schwartz, en considkation
hypothke sit&e sur une autre kchelle issue d’une convergence de don&es II nous semble que, dans une proposition
Remerciements de Gif-sur-Yvette)
: Nous pour
tenons 2r remercier leurs commentaires.
tout une
chronologique pluridisciplinaires. environnemen-
Michel
et
Fontugne
Benner R., Fogel M.L., Kent Sprague E. et Hodson R.E. 1987. Depletion of 13C in lignin and its implication for stable carbon isotope studies. Nature. 329,708.7 11 Boulet R., Pessenda L.C.R.. Telles E.C.C. et Melfi A.J. 1995. Une Bvaluatlon de la vitesse de I’accumulation superficielle de mati&e par la faune du sol b partir de la datation des charbons et de I’humine du sol. Exemple des latosols des versants du Iac Campestre, Salitre, Minas Gerais, BrBsii. C. R. Acad. Sci. Paris, 320, s&ie Ila. 287-294 Dechamps R , Lanfranchl R.. Le Cocq A. et Schwartz D. 1988. Les macrofossiles vi?getaux du pays Bat&k6 et la bordure de la cuvette congolaise (Pays BatbkB. R.P. du Congo), Palaeogeogr:, Palaeoclimatol., Palaeoecol., 66.33-44 Giresse P. 1978. Le contr8le climatique de la sedimentation marine et continentale en Afrique centrale atlantique ti la fin du Quaternaire. Probl&mes de corr&lations, Palaeogeogs, Palaeoclimafol., Palaeoecol., 23, l-21 Oslisly R. 1993. Pr&Moire de la moyenne vallke de I’Ogoouk (Gabon). T.D.M. 96, ORSTOM, 389 p, Oslisly R 1995. The mlddle Ogooui: valley, Gabon cultural changes and palaeocllmatic implications of the last four millenia, Azanb, XXIX-XXX, 324-33 1
de la terre
et des planetes
contrble compte, soit-elle,
de la @serve de la Lop6 biodiversitg et un reles autres paramgtres de
de cet environnement entrent en ligne de en sus d’une methode unique, si performante et peuvent aider 2+ confirmer ou nuancer des
considkations.
RBFBRENCES
C. R. Acad. Sci. Paris. Sciences 1997. 325,393-395
tale, a fortiori pour I’kosyst&me caract&i& par une extraordinaire marquable endkmisme v&&al,
au commentaire
et Christine
Hai%
(Laboratoire
des faibles
radioactivites.
CNRS/CEA
Oslisly R. et White L. 1996. La relation hommeimilieu dans la Rgserve de la Lop& (Gabon) au tours de I’Holocene : les implications sur I’environnement. Actes du Symposium international tt Dynamique 6 long terme des bcosystemes forestiers intertropicaux )). ECOFIT ORSTOM/CNRS, 163-165 Petit M, 1975 Les paysages du calcaire de la Nyanga, Travaux et documents CEGET. 22, 11-143
dans la vall6e de geographic
du Niari et tropicale.
Schwartz D., Dechamps R.. Elenga H., Mariotti A. et Vincens A. 1996. Les savanes d’Afrique centrale : des itcosystemes B I’origlne complexe. spbcifiques de I’Holo&ne supkrieur, Actes du Symposium internufionuls Dynamique B long terme des bcosystemes forestiers intertropicaux )), ECOFIT ORSTOM/CNRS, 179182 Van Neer W. et Lanfranchi R. 1985. itude de la faune d&ouverte dans I’abri Tshitolien de Ntadl-Yomba (R.P. du Congo). L’Anfhropologie, 89,3. 35 l-364 Vincens A, Buchet G , Elenga H., Fournier M., Martin L., Namur C. de, Schwartz D., Servant M. et Wirmann D 1994 Changement majeur de la v$getation du lac Sinnda &all&e du Niari, SudCongo) con&cutif ti I’asstichement climatique holoc&e sup&rieur apport de la palynologie, C. R. Acad. Sci. Paris, 318, serie II, 1521-1526
/ Earth & Planetary
Sciences
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