Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2013) 14, 208—211
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
DROIT ET DOULEUR
Respect des droits du patient présentant un handicap Nathalie Lelièvre 1 Lyon, France Rec ¸u le 12 juin 2013 ; accepté le 12 juin 2013 Disponible sur Internet le 30 juillet 2013
MOTS CLÉS Égalité des droits ; Accès aux soins ; Handicap ; Personne vulnérable
Résumé Au regard des textes, la personne présentant un handicap bénéficie des mêmes soins et des mêmes droits. Dans la réalité, la situation n’est pas toujours aussi évidente. Les récents états généraux sur l’accès aux soins des personnes handicapées mettent en exergue les difficultés récurrentes auxquelles sont confrontées les personnes. Outre que les lieux ne soient pas toujours adaptés, le patient doit s’adapter à la structure alors même que c’est à elle et aux professionnels de s’adapter à la situation du patient. Les personnes handicapées ne bénéficient pas d’un régime particulier, c’est le droit commun qui prime. Il appartient dès lors à chaque professionnel intervenant auprès de la personne handicapée de s’adapter aux besoins, à la situation de la personne. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
L’accès aux soins est un droit reconnu par le préambule de la constitution franc¸aise du 27 octobre 1946, régulièrement réaffirmé par de nombreux textes législatifs. Quelles sont les préconisations quant à la prise en charge d’une personne handicapée ? Quels sont les droits des patients handicapés et comment sont-ils mis en place ?
Accès aux soins et cadre légal Le manuel de certification version 2010 intègre un critère « Prise en charge des patients appartenant à une population spécifique » (critère 19.a). L’approche « population spécifique » dans la certification a été développée dans le manuel V2010 pour
Adresse e-mail :
[email protected] Juriste spécialisée en droit de la santé ; AEU droit médical, DESS droit de la santé ; certificat d’aptitude à la profession d’avocat ; membre de la commission « Éthique et Douleur » ; espace éthique méditerranéen ; chargée de conférence. 1
1624-5687/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.06.002
Respect des droits du patient présentant un handicap répondre aux besoins d’une évaluation plus spécifique de la prise en charge des populations présentant une vulnérabilité ou des risques particuliers. Elle se traduit par un critère générique invitant les établissements à mettre en place une organisation spécifique et une évaluation de la prise en charge. Il est ainsi mentionné dans le dit manuel : « La prise en charge de personnes appartenant à des groupes ou populations présentant une vulnérabilité et des risques particuliers nécessite une adaptation de l’organisation des établissements de santé. Le management d’un établissement de santé doit assurer la mise en place de politiques et d’organisations permettant de répondre aux besoins spécifiques de ces populations. Cette approche concerne, dans la version V2010, les populations suivantes : • les personnes âgées ; • les patients porteurs de maladies chroniques ; • les enfants et adolescents ; • les personnes atteintes d’un handicap ; • les personnes démunies ; • les personnes détenues.
Il appartient à chaque établissement d’identifier les populations qui le concernent particulièrement ; il réalise une auto-évaluation pour chaque population identifiée ». Égalité et libre accès aux soins sont de surcroît des priorités de santé publique. Il incombe dès lors à chaque établissement de répondre à ces principes fondamentaux. L’accès aux soins est un droit pour tous énoncé par le code de la santé publique, dont la mise en œuvre concrète est visée par la loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et qui constitue un des enjeux majeurs de l’égalité des chances (Cf. Titre II Prévention, recherche et accès aux soins). La loi no 2007-308 du 7 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs, les personnes concernées par cette mesure sont décrites comme des personnes vulnérables, soit « atteintes d’une altération de leurs facultés personnelles » faisant référence à l’article 425 du code civil, c’est-à-dire « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique [. . .] ». Quant à la loi du 11 février 2005, c’est l’une des principales lois sur les droits des personnes handicapées, depuis la loi de 1975. Les toutes premières lignes de la loi rappellent les droits fondamentaux des personnes handicapées et donnent une définition du handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». L’objet du présent article est d’analyser les outils à mettre en place pour permettre à toute personne présentant un handicap de pouvoir bénéficier pleinement de ses droits d’accès au sein de l’établissement mais surtout que ses droits du patient soient respectés. Il sera tout
209 particulièrement visé le respect du droit à l’information et du consentement aux soins de la personne handicapée. Les recommandations rédigées par l’Ansem2 constituent une piste de réflexion intéressante. En effet, elles s’articulent autour d’axes communs que sont : • la promotion de l’autonomie et l’accès de fac ¸on privilégiée au droit commun ; • la prévention et la gestion des risques liés à la vulnérabilité des personnes accompagnées ; • l’organisation du travail en équipe pluridisciplinaire et le projet de l’établissement ; • le soutien aux professionnels (encadrement, formation, analyse des pratiques, réflexion éthique) ; • l’inscription de l’établissement et du service dans son environnement (réseaux, partenariats, ressources locales). En fait, l’Ansem, part du postulat que les personnes handicapées ne bénéficient pas d’un régime particulier c’est le droit commun qui prime. Il appartient dès lors à chaque professionnel intervenant auprès de la personne handicapée de s’adapter aux besoins, à la situation de la personne.
Le respect des droits des patients Le patient quel qu’il soit jeune, mineur, de nationalité étrangère, handicapé ou pas, bénéficie des droits et chaque établissement se doit de se donner les moyens pour les mettre en place. Concernant la spécificité de la personne handicapée, l’application de ceux-ci devront faire l’objet d’aménagement eu égard à la nature de l’handicap.
Le droit à l’information L’expression et la participation supposent au préalable une information adaptée. Comment délivrer des informations claires et compréhensibles pour la personne ? La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients3 reconnaît, entre autre, un droit à l’information pour consentir librement à l’acte de soins4 . Une multiplicité de textes encadre les modalités de l’information délivrée à la personne vulnérable : la recherche de son consentement et sa participation aux actes de soins la concernant5 .
L’information une obligation L’article L1111-2 du code de santé publique (CSP) précise bien que toute personne a le droit d’être informée de son état de santé. La loi ne fait aucune distinction. Dans ces conditions, l’information doit être donnée au patient au cours d’un entretien individuel et tout au long de sa prise 2
Lettre de cadrage Besoins en santé des personnes handicapées — Anesm ; octobre 2011. 3 Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. 4 Article L1111-4 CSP « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». 5 Loi no 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs ; consolidée au 1er janvier 2009 (date de son application).
210 en charge. L’information doit être adaptée aux capacités de compréhension de la personne. Le patient majeur prend seul les décisions relatives à sa santé. Le devoir d’information s’impose à tout professionnel de santé intervenant dans la chaîne des soins. Parfois se pose la question de savoir quel professionnel de santé a la charge de cette obligation au sein d’une équipe soignante. L’article L1112-2 du CSP précise que l’information est donnée dans le cadre des compétences de chacun et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables.
Une information « claire, loyale et appropriée » Une pratique respectueuse du patient incite à adapter l’information, le contenu du dialogue à l’état du patient. Aucune règle définitive et stricte n’est posée en la matière. Cependant, tout est question de la personne de son état de santé son aptitude à recevoir l’information, la comprendre et l’assimiler.
Adaptation des droits aux patients en situation d’handicap Le constat qui a été fait lors des états généraux sur l’accès aux soins aux personnes handicapées est pour le moins édifiant : « Lasses de chercher à s’adapter sans que leur interlocuteur en fasse autant ou parce qu’elles s’épuisent à cacher leur déficience, des personnes touchées par un handicap peuvent être amenées à se mettre en retrait, fuir l’image négative renvoyée par autrui ou anticiper la gêne qu’elles pourraient occasionner. Elles-mêmes ainsi que leurs proches finissent parfois par normaliser le repli sur soi et la mise à distance des autres »6 . Concernant un patient qui est hébergé dans uns structure spécialisée et qui présente des troubles cognitifs importants. S’il doit être hospitalisé, il est opportun pour une bonne prise en charge qu’une réunion soit organisée entre l’équipe de l’établissement hébergeur et l’équipe hospitalière afin de coordonner sa prise en charge. La personne a des habitudes, des repères qui rythment ses journées et se retrouver dans un lieu qu’elle ne connaît pas, sans aucune préparation préalable rendra sa prise en charge plus difficile. Quant à la personne présentant des troubles de l’audition, si elle doit être hospitalisée et qu’il n’y pas de référent pour assurer le langage des signes, l’hospitalisation devra être organisée eu égard à l’accompagnant qui se fera l’interprète entre le patient et l’équipe hospitalière. Le respect de l’accès aux soins passe également par le respect de la personne et de sa dignité. Or, malheureusement, par fatalisme, découragement, le patient sera ignoré et des décisions seront prises sans information préalable du patient. En effet, comme le mentionne dans un rapport l’Inpes, les personnes déficientes auditives représentent environ 9 % de la population. Il est donc nécessaire de surcroît de développer des supports écrits permettant de garantir 6 Inpes, Que disent les personnes sur leur rapport à la santé ? 26 novembre 2012 ; http://www.inpes.sante.fr/sante-handicap/ france/liens-sante-handicap.asp.
N. Lelièvre l’accès à l’information. Sur le site de l’Inpes des documents spécifiques ont été rédigés pour permettre aux personnes présentant des problèmes de vue ou d’audition de disposer de fiches d’information adaptées à la situation de chacun (www.inpes.sante.fr/lsf) : « Sabine, 62 ans, malentendante depuis l’âge de 20 ans : Les personnes malentendantes ne sont pas plus malades que les entendants mais souffrent de problèmes de communication qui dépendent de la bonne volonté des entendants »7 . Dans le cadre des initiatives prises en faveur des nonvoyants, il convient de signaler que, dans les établissements de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris, une version en braille de la charte du patient hospitalisé est remise, conjointement au livret d’accueil, à tout non-voyant admis dans un service hospitalier. Des mesures du même type ont été instituées ou sont en cours de mise en place (. . .).
Le consentement aux soins L’information perd son caractère obligatoire dès lors que la personne n’est pas en état d’assimiler, de comprendre pour donner un consentement conformément aux règles de l’art (libre et éclairé).
Lorsque le patient conserve des capacités à recevoir des éléments d’information, les professionnels de santé doivent s’efforcer de les apporter. Il est à noter que la jurisprudence administrative considère l’impossibilité d’informer comme un cas de dispense de l’obligation. À charge pour le médecin de le prouver à partir des éléments contenus dans le dossier du patient. En revanche, lorsque le patient est dans l’incapacité d’exprimer son consentement en raison de troubles cognitifs, le professionnel de santé doit rechercher si le patient est placé sous-régime de protection (tutelle par exemple). Il n’en demeure pas moins que l’information doit être donnée au patient dans la mesure de ses facultés de compréhension. Ce principe est rappelé dans le texte de loi réformant le régime de protection des majeurs. Le droit des personnes placées sous-régime de protection a considérablement évolué dans le sens de l’intérêt de la personne à protéger. Sur un plan sémantique, enfin, on ne parle plus du « régime des incapables majeurs » mais du droit à la protection des personnes vulnérables. De plus, la personne protégée n’est plus absente des prises de décision la concernant, bien au contraire, la loi écarte la notion d’assistance et de représentation pour les actes « strictement personnel ». Cette mesure étant graduée eu égard aux limites du discernement et de la capacité à consentir. En conséquence, des efforts devront être faits auprès des personnes vulnérables puisque régime de protection ou pas, elle a son mot à dire ! « [. . .] Une société se juge à la fac ¸on dont elle traite ses personnes âgées. Une
7
Le rapport à la santé des personnes sourdes et malentendantes, quelles spécificités ?, Inpes, avril 2012.
Respect des droits du patient présentant un handicap société qui les délaisse, les sous-estime, les dévalorise n’a pas de sens [. . .] ». R. Sainsaulieu8 .
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L’information donnée à la famille doit se faire dans l’intérêt du patient et non pas dans l’intérêt de la famille et/ou du médecin. Le grand âge, la vulnérabilité du patient ne sont pas des motifs valables pour cacher un diagnostic au patient. Il n’est pas admissible que la famille soit parfois informée avant même le patient et que le patient ne soit jamais informé de son état de santé.
associatifs ont ensuite formulé des propositions pour améliorer la prise en charge des handicapés à l’hôpital. D’abord, ils se sont accordés sur la nécessité de confronter les soignants au handicap dès leur formation initiale, par exemple en développant les formations en alternance et les stages de découverte. La création au sein des hôpitaux d’équipes de liaison chargées de l’accueil des handicapés ainsi que d’un « kit d’urgences » regroupant toutes les informations utiles sur la personne a aussi été évoquée. Enfin, les intervenants ont estimé qu’il était nécessaire d’améliorer la coordination entre les professionnels de santé, que ce soit grâce à un dossier médical sur clé USB ou à la création de postes de coordonnateurs9 .
En conclusion
Déclaration d’intérêts
Réunis en tables rondes, une vingtaine de professionnels de la santé, du secteur médico-social ainsi que des responsables
L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Place de la famille et prise en charge d’une personne handicapée
8
Hôpital local, lieu de travail. Données sociales hospitalières, synthèse 2002.
9
www.espaceinfirmier.com/actualites/detail/61845/ameliorer-lacces-aux-soins-des-handicapes.html.