Rhinorrhée cérébro-spinale non-traumatique d’origine sphénoïdale

Rhinorrhée cérébro-spinale non-traumatique d’origine sphénoïdale

© Masson, Paris, 2005 Neurochirurgie, 2005, 51, n° 3-4, 193-196 Cas clinique RHINORRHÉE CÉRÉBRO-SPINALE NON-TRAUMATIQUE D’ORIGINE SPHÉNOÏDALE P. BO...

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© Masson, Paris, 2005

Neurochirurgie, 2005, 51, n° 3-4, 193-196

Cas clinique

RHINORRHÉE CÉRÉBRO-SPINALE NON-TRAUMATIQUE D’ORIGINE SPHÉNOÏDALE P. BONFILS (1), D. MALINVAUD (1), P. HALIMI (2) (1) Service d’ORL et de Chirurgie Cervico-Faciale, (2) Service de Radiologie Hôpital Européen Georges-Pompidou, Faculté de Médecine de l’Université Paris-V, 20, rue Leblanc, 75015 Paris.

SUMMARY: Non-traumatic cerebrospinal fluid rhinorrhea of sphenoid origin

P. BONFILS, D. MALINVAUD, P. HALIMI (Neurochirurgie, 2005, 51, 193-196) The posterior wall of the sphenoid sinus is rarely implicated as a site of spontaneous cerebrospinal fluid fistula. Presented here is a case of CSF rhinorrhea of this nature, including the diagnosis workup and endoscopic approach permitting closure of the fistula.

RÉSUMÉ La paroi postérieure du sinus sphénoïdal est rarement le siège d’une fistule spontanée de liquide céphalorachidien. Nous présentons un cas rare de rhinorrhée cérébro-spinale spontanée issue d’une telle localisation, comprenant l’étape diagnostique et le traitement endoscopique ayant permis la fermeture de la fistule.

Key-words: cerebrospinal fluid, fistula, sphenoid sinus, rhinorrhea, endoscopic treatment.

Les écoulements de liquide cérébro-spinal (LCS) à travers une brèche méningée de l’étage antérieur de la base du crâne vers les sinus paranasaux sont le plus souvent d’origine traumatique. Ce type de rhinorrhée est présente dans 2 % des traumatismes crâniens [1]. Les autres étiologies des rhinorrhées cérébro-spinales sont tumorales ou iatrogènes, notamment après la chirurgie de la base du crâne et, surtout, secondaires à un geste de vidéochirurgie endonasale [1]. Les formes spontanées ont été décrites pour la première fois en 1899 par St Clair Thompson [2]. Elles sont rares et représentent moins de 4 % des étiologies des fuites de LCS [1]. Dans ce contexte, les formes sphénoïdales sont rarement décrites. Nous présentons un cas de rhinorrhée cérébro-spinale, de siège sphénoïdal et d’étiologie spontanée, posant des problèmes diagnostiques et thérapeutiques.

Article reçu le 1er février 2005. Accepté le 10 avril 2005. Tirés à part : P. BONFILS, à l’adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

CAS CLINIQUE Monsieur P..., agriculteur à la retraite, âgé de 81 ans, sans antécédent notable notamment de traumatisme crânien, présentait, en janvier 2004, une rhinorrhée droite spontanée et abondante, survenue en dehors de tout effort et sans circonstance déclenchante. Le patient consultait plusieurs mois après l’apparition de ce symptôme, et l’existence d’une rhinorrhée cérébro-spinale était suspectée par son médecin traitant, en mai 2004, devant l’important taux de glucose présent dans cet écoulement nasal. Lorsque le patient se penchait en avant, un verre à porto de liquide sortait systématiquement de sa fosse nasale droite. Il n’existait aucun autre signe clinique : ni céphalée, ni signe de localisation. La recherche du site de la fistule était entrepris par la réalisation d’un scanner des sinus de la face et de la base du crâne, en coupes millimétriques axiales, reconstruites dans les plans coronal et sagittal, sans injection de produit de contraste, puis après injection intra-thécale de produit de contraste et basculage du patient afin d’opacifier les citernes de la base du crâne et d’objectiver ainsi le siège de la fistule. Dans un se-

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Neurochirurgie

a b FIG. 1. — Aspect pré-opératoire. Tomodensitométrie. a) Déhiscence très localisée de la partie médiane du clivus (flèche) avec un comblement liquidien du sinus sphénoïdal droit. b) Brèche méningée en regard de la solution de continuité osseuse avec une contamination massive du produit de contraste des espaces sous-arachnoïdiens dans le sinus sphénoïdal. FIG. 1. — Pre-operative CT. Localized defect of medial part of the clivus (arrow) with effusion in the right sphenoidal sinus (a) and meningeal defect with leakage of contrast agent from the subarachnoid spaces in the sphenoidal sinus (b).

cond temps, une IRM était réalisée pour mieux préciser l’état de la muqueuse du sinus sphénoïdal en regard du siège de la fistule. Elle montrait une déhiscence très localisée de la partie médiane du clivus (figure 1a, flèche) avec un comblement liquidien du sinus sphénoïdal droit, et confirmait l’existence d’une brèche méningée en regard de la solution de continuité osseuse, avec une contamination massive du produit de contraste des espaces sous-arachnoïdiens dans le sinus sphénoïdal (figure 1b). La séquence axiale pondérée en T1 après injection de gadolinium permettait de visualiser l’interruption de la prise de contraste de la muqueuse du sinus sphénoïdal en regard de la brèche ostéo-méningée (figure 2, flèche). Le traitement chirurgical était effectué sous vidéochirurgie endoscopique. Il consistait en une ouverture large de l’ethmoïde postérieur afin d’avoir une large vision sur la paroi antérieure du sinus sphénoïdal. La paroi antérieure du sphénoïde était largement réséquée, sans difficulté. L’exploration du sinus sphénoïdal permettait de trouver très rapidement le siège de la fistule, au niveau de la paroi postérieure. L’écoulement de LCS était très important. L’os péri-fistulaire avait un aspect granulomateux ; il était réséqué, avec prudence, à l’aide d’une micro-curette, puis la fistule était comblée par un fragment de graisse péri-ombilicale encollée avec de la colle biologique (la taille des prélèvements de cet os granulomateux n’a pas permis une étude anatomo-pathologique). Ce geste permet-

tait un arrêt de l’écoulement de LCS. Le sinus sphénoïdal était comblé de surgicel. La durée totale de l’intervention était de 70 minutes. Un contrôle radiologique effectué quatre mois après l’intervention permettait de constater la fermeture de la fistule (figure 3). Sept mois après l’intervention, aucune rhinorrhée n’était constatée. Le sphénoïde a actuellement un aspect sain et la solution de continuité de la paroi postérieure du sinus sphénoïde est comblée par le fragment de graisse, bien visible sous la muqueuse sphénoïdale.

DISCUSSION Les traumatismes crâniens et les étiologies iatrogènes dominent les causes des rhinorrhées cérébro-spinales. Les rhinorrhées cérébro-spinales spontanées sont des étiologies rares. Une revue de Beckhard, en 1991, retrouve une dizaine d’articles sur ce sujet [3]. Parmi les importantes séries de la littérature, Hubbard a rapporté une série de 9 cas observés à la Mayo Clinic de 1970 à 1981 [4], et Tolley [5] un série de 10 nouveaux cas. La plus importante série de patients ayant une rhinorrhée cérébro-spinale publiée compte 161 cas [6] : 43 % sont d’origine traumatique, 29 % sont secondaires à une chirurgie endonasale, 22 % sont de cause

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FIG. 2. — Aspect pré-opératoire. IRM séquence axiale pondérée en T1 après injection de gadolinium). Interruption de la prise de contraste de la muqueuse du sinus sphénoïdal en regard de la brèche ostéo-méningée (flèche). FIG. 2. — Pre-operative MR. Post-contrast axial T1 weighted sequence showing the breaking of mucosal sphenoidal enhancement (arrow).

FIG. 3. — Aspect post-opératoire. IRM effectué quatre mois après l’intervention. On constate la fermeture de la fistule, et la présence de tissu graisseux (flèche). FIG. 3. — Post-operative MR showing the closure of the fistula by the fatty tissue (arrow).

tumorale, et moins de 5 % sont idiopathiques, mais les auteurs soulignent qu’une malformation occulte de la base du crâne pourrait être souvent responsable de la fuite de LCS. Deux facteurs prédisposant à une fuite spontanée de LCS dans les sinus paranasaux sont actuellement décrits : les malformations basi-crâniennes et l’obésité (par augmentation de la pression intra-abdominale et intra-thoracique créant une hypertension intracrânienne bénigne permanente) [1, 6]. Parmi les malformations basi-crâniennes, on peut citer la dysplasie sphéno-orbitaire osseuse et méningée accompagnant la maladie de Von Reklinghausen, et les méningo-encéphalocèles rentrant notamment dans le cadre des fentes crânio-faciales. Notre patient avait une fuite spontanée de LCS dans le sinus sphénoïdal sans malformation basi-crânienne, ni obésité. La découverte d’une fuite spontanée de LCS impose une étape diagnostique topographique, puis un traitement afin d’éviter l’apparition d’une méningite rhinogène. Le diagnostic topographi-

que repose sur l’imagerie [7]. Il a longtemps été signalé que le site de la fuite spontanée était le plus souvent ethmoïdal, au niveau de la lame criblée ou du toit ethmoïdal. De récentes publications soulignent l’importance de rechercher une fistule sphénoïdale [8]. Ainsi, sur 21 patients opérés de rhinorrhée cérébro-spinale spontanée, Lopatin [1] rapporte 9 cas ayant une origine sphénoïdale (42,8 %), tandis que Shetty (sur 145 cas) [9] estime à 10 % le pourcentage de fuites de LCS spontanées d’origine sphénoïdale. Le siège de la fistule est le plus souvent situé à la jonction entre la portion antérieure de la paroi latérale du sinus et le plancher de la base du crâne (82 % des cas), ou au niveau de la portion moyenne de la paroi latérale du sinus (18 % des cas) [9]. Les fistules développées aux dépens de la paroi postérieure du sinus sphénoïdal sont très rares. Le traitement des fuites de LCS dans les sinus paranasaux est chirurgical. Les voies d’abord décrites ont beaucoup évolué depuis une vingtaine d’années. Les voies neurochirurgicales sont main-

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tenant souvent supplantées par une voie d’abord endonasale effectuée sous vidéochirurgie. Dans les fistules de siège sphénoïdal, l’abord est limité à l’ouverture de l’ethmoïde postérieur et la complète résection de la paroi antérieure du sinus sphénoïdal. Le temps opératoire est voisin d’une heure. Par cette voie endonasale, les taux de fermeture de la brèche sont estimés dans la littérature entre 85 % et 95 %, et la iatrogénie de ces actes est considérée comme faible [2, 9, 10]. Dans notre cas, la fermeture a été effectuée en une seule intervention et le succès persiste avec un recul de 7 mois. RÉFÉRENCES [1] LOPATIN AS, KAPITANOV DN, POTAPOV AA. Endonasal endoscopic repair of spontaneous cerebrospinal fluid leaks. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2003 ; 129 : 859-863. [2] THOMPSON ST CLAIR. The cerebrospinal fluid : its spontaneous escape from the nose. London : Cassel & Co, 1899. [3] BECKHARD RN, SETZEN M, CARRAS R. Primary spontaneous cerebrospinal fluid rhinorrhea. Otolaryngol Head Neck Surg 1991 ; 104 : 425-432.

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