Rôle de la nutrition et de la micronutrition dans la lutte contre les troubles de l’humeur

Rôle de la nutrition et de la micronutrition dans la lutte contre les troubles de l’humeur

dossier Les troubles anxieux Rôle de la nutrition et de la micronutrition dans la lutte contre les troubles de l’humeur L’association entre les troub...

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dossier Les troubles anxieux

Rôle de la nutrition et de la micronutrition dans la lutte contre les troubles de l’humeur L’association entre les troubles de l’humeur et la nutrition, dont les mécanismes sont de mieux en mieux connus, semble être aujourd’hui bien établie. En effet, certains micronutriments ont un rôle important dans la prévention de ces pathologies. Il devrait être conseillé aux patients présentant de tels troubles soit une modification du modèle alimentaire, soit un apport de ces nutriments par les compléments alimentaires. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Mots clés - anxiété ; complément alimentaire ; nutrition ; trouble de l’humeur

The role of nutrition and micronutrition in the fight against anxiety. The link between mood disorders and nutrition, the mechanisms of which are more clearly understood, now seems to be well established. Indeed, certain micronutrients play an important role in the prevention of these pathologies. Patients presenting such disorders should be advised to either modify their diet or to increase their intake of these nutrients through food supplements.

Olivier COUDRONa,*,b Médecin, directeur de l’institut SIIN

a

Université de Bourgogne Franche-Comté, UMDPCS, UFR des sciences de Santé, 7 boulevard Jeanne-d’Arc, 21079 Dijon cedex, France

b Rue de la Spaumerie 9, 5081 La Bruyère, Belgique

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Keywords - anxiety; food supplement; mood disorder; nutrition

L

es maladies mentales, dont font partie les troubles de l’humeur, comme la dépression majeure et l’anxiété voient leur incidence croître depuis quelques décennies. L’évolution des modes de vie, la sédentarité, les perturbations des rythmes biologiques du sommeil et surtout les changements alimentaires ont été associés au développement de nombreuses maladies telles que les pathologies cardiovasculaires, les troubles métaboliques, l’obésité et l’ostéoporose. Le lien causal avec les affections neuropsychiatriques et l’anxiété est de plus en plus suspecté. Les données épidémiologiques suggèrent une forte prévalence de l’anxiété dans les pays industrialisés : 30 % de la population seraient concernés en Europe [1].

Anxiété pathologique et modèle alimentaire F Si l’anxiété est une réponse physiologique normale, nous observons une croissance importante de la prévalence des troubles anxieux pathologiques. Ceux-ci sont caractérisés par des niveaux d’anxiété importants perturbant la vie quotidienne et par la survenue de manifestations anxieuses plus fréquentes et générées par de moindres stimuli ou plus intenses telles que les troubles paniques [2]. F La prise en charge de ces troubles anxieux est aujourd’hui dominée par des approches médicamenteuses (benzodiazépines, bêtabloquants et parfois antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine), mais en appelle également aux stratégies

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non médicamenteuses (psychothérapies cognitives ou comportementales). F La forte incidence et la récurrence de ces troubles nécessitent cependant la recherche de stratégies complémentaires au sein desquelles l’approche nutritionnelle et micronutritionnelle est particulièrement pertinente. En effet, plusieurs données mécanistiques ou épidémiologiques observationnelles et interventionnelles cohérentes suggèrent un lien fort entre la qualité de l’alimentation et la survenue de troubles anxieux ou de l’humeur [3]. F Une corrélation entre l’adhésion à un modèle d’alimentation de type méditerranéen et la protection vis-à-vis des troubles de l’humeur, de l’anxiété et de la dépression a été mise en évidence dans de nombreuses études observationnelles. Cela a pu être observé dans diverses populations et au sein de plusieurs groupes d’âge [4]. Chez les personnes âgées, l’étude multinationale Medis suggère qu’une bonne observance d’un tel régime pourrait constituer un modèle préventif de la survenue des troubles de l’humeur anxieux et dépressifs. Une adhésion à un modèle varié de type méditerranéen et une consommation de thé régulière étaient, dans cette étude, associées à une protection vis-à-vis de ces troubles [5]. F La mesure la plus fréquemment utilisée pour établir un lien entre troubles anxieux, troubles dépressifs et nutrition est la détermination du MedDietScore [6]. Deux grandes méta-analyses confirment que l’observance à ce score s’associe à moins de dépression et

Adresse e-mail : [email protected] (O. Coudron).

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*Auteur correspondant.

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1 Inflammation chronique sytémique de faible intensité qui ne provoque pas de réponse immunitaire spécifique mais entraîne une augmentation progressive des médiateurs pro-inflammatoires.

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Note

Une corrélation entre l’adhésion à un régime méditerranéen et la protection vis-à-vis des troubles de l’humeur, de l’anxiété et de la dépression a été identifiée.

d’anxiété [7], mais aussi que l’apport en acides gras oméga 3, en particulier sous forme d’huiles de poisson, joue un rôle protecteur vis-à-vis de la dépression majeure et de l’anxiété [8]. F Un travail récent a confirmé que l’adhésion au régime méditerranéen protégeait globalement de la dépression et de l’anxiété, mais qu’au sein de ce modèle, certains groupes d’aliments réduisaient davantage les niveaux d’anxiété [9]. Les céréales complètes, les grains complets, les légumes et une consommation modérée d’alcool s’avéraient protecteurs. La consommation de fruits et de légumes entraînait une réduction de l’inquiétude et de la peur qui sont deux composantes de l’anxiété pathologique. D’autres propositions ou interventions nutritionnelles vont dans le même sens : un régime riche en végétaux, un apport de jus de fruits et de légumes frais, ainsi que des compléments alimentaires associés à des exercices réguliers réduisent les niveaux d’anxiété chez les sujets étudiés [10].

Mécanismes physiopathologiques F Les recherches récentes sur les troubles de l’humeur, la dépression majeure et l’anxiété ont confirmé que ces pathologies pouvaient être causées par un nombre important de facteurs biopsychosociaux et de modes de vie au sein desquels l’alimentation, l’exercice et le sommeil jouent des rôles majeurs. Différentes études d’intervention en santé humaine, notamment dans le domaine de la santé mentale, avaient déjà relevé, au cours de ces dernières années, qu’un mode de vie plus actif, un meilleur respect des horaires de sommeil et des modifications nutritionnelles favorables étaient susceptibles d’améliorer l’état de santé mentale, d’optimiser l’efficacité des interventions médicamenteuses et non médicamenteuses, et permettaient de prévenir la survenue des troubles de l’humeur ou leur rechute [11]. F Bien que les mécanismes d’action du régime alimentaire, de l’intervention nutritionnelle ou de l’usage de compléments alimentaires dans les

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troubles anxieux ne soient pas totalement élucidés, de nombreuses hypothèses ont été émises et semblent pertinentes. Les récentes découvertes en neurobiologie mettent principalement en évidence l’impact majeur de l’inflammation cérébrale et du stress oxydant, l’action de nombreux micronutriments essentiels dans la neurotransmission, le rôle modulateur du microbiote intestinal et l’influence de nombreux facteurs micronutritionnels sur la régulation épigénétique et la neuroplasticité [12]. F Sans pouvoir démontrer de lien causal entre modèle alimentaire et intensité des troubles anxieux chez l’adulte, plusieurs études ont mis en évidence une relation entre les modes de vie, les habitudes alimentaires et les marqueurs biologiques biochimiques susceptibles d’influencer l’anxiété, tels que les hormones thyroïdiennes, les états inflammatoires de bas grade1 et les déficits en micronutriments essentiels [13]. F L’hypothèse inflammatoire est de plus en plus évoquée. Elle permettrait d’établir un lien entre la comorbidité des maladies cardiométaboliques et les troubles dépressifs et anxieux, pathologies dans lesquelles l’existence d’un état inflammatoire de bas grade est fréquemment retrouvée [14].

Alimentation pro-inflammatoire et troubles anxieux F L’influence de l’alimentation sur la biologie de la régulation immunitaire est maintenant mieux connue. De nombreux auteurs ont proposé l’utilisation d’un index nutritionnel inflammatoire corrélé au mode alimentaire [15]. F Des travaux ont montré un lien entre l’index glycémique, la charge glycémique et de nombreux troubles psychiatriques [16]. Il existe aujourd’hui un faisceau d’arguments convaincants qui laissent penser qu’un état inflammatoire de bas grade, persistant, peut entraîner des maladies et des troubles neuropsychiatriques tels que la dépression majeure ou l’anxiété chronique [17-19]. Les mécanismes sousjacents interviendraient par la libération importante de cytokines inflammatoires qui traversent la barrière hémato-encéphalique et interagissent avec un certain nombre de mécanismes physiopathologiques associés aux troubles de l’humeur, dont la plasticité neurale, le métabolisme des neurotransmetteurs et la régulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien [20]. Pour de nombreux auteurs, l’inflammasome au niveau cérébral pourrait être l’une des cibles majeures permettant d’expliquer le lien étroit entre modèle alimentaire et troubles neuropsychiatriques [21]. À titre d’exemple, l’ajout d’acides gras saturés tels que l’acide palmitique dans la ration alimentaire de la souris induit un processus anxieux [22]. F Les micronutriments pourraient avoir un rôle important dans la réponse au stress, fréquemment

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impliqué dans l’anxiété, en particulier les oligoéléments, les vitamines et certains micronutriments fonctionnels bioactifs. Tous ces mécanismes modifient l’inflammasome qui est en lien avec la réponse comportementale retrouvée dans l’anxiété pathologique [21].

Micronutriments, déficits et troubles anxieux Notre modèle alimentaire actuel, bien que pléthorique, s’accompagne souvent de déficits en micronutriments essentiels jouant un rôle important dans la régulation de la réponse anxieuse. Trois groupes de micronutriments sont fortement associés aux troubles dépressifs, neurodégénératifs et anxieux : les minéraux et les oligoéléments ; les vitamines ; les phyto-micronutriments.

Minéraux et oligoéléments F Le magnésium est fréquemment déficitaire dans la population générale : près de 50 % de la population en Europe présenterait un déficit de l’ordre de 50 % des apports recommandés [23]. Or, il joue un rôle essentiel dans la régulation de l’activité de la cellule nerveuse. Un déficit est associé à une hyperexcitabilité dont les manifestations cliniques sont une plus grande vulnérabilité au stress, une réponse anxieuse exacerbée et des manifestations psychosomatiques souvent retrouvées dans le stress et l’anxiété telles que les spasmes, les palpitations et les dysesthésies. La complémentation est fréquemment proposée comme traitement complémentaire de l’anxiété pathologique. Ainsi, un apport quotidien de 200 à 400 mg de magnésium élément, sous forme organique, peut être conseillé dans la prise en charge des troubles anxieux. De nombreuses synergies micronutritionnelles favorisent la biodisponibilité du magnésium telles que l’apport de vitamine D, de taurine à petites doses ou de vitamine B6. F Le zinc est le second micronutriment moteur de la réponse anxieuse. Le déficit est fréquent chez les jeunes enfants et les personnes âgées, mais il est moins prévisible chez l’adulte. Dans cette population, les taux sont abaissés chez les personnes présentant des troubles de l’humeur. L’intensité de la dépression majeure est corrélée au statut en zinc. Un déséquilibre de la balance zinc-cuivre est lié à de l’anxiété : un excès de cuivre (pouvant être observé chez les grands consommateurs de produits biologiques, riches en sulfate de cuivre) et une insuffisance de zinc favorisent l’apparition de comportements anxieux. Dans ce contexte pathologique, une fuite excessive de magnésium et de zinc au niveau urinaire est observée. La complémentation est vivement conseillée, à hauteur de 15 mg de zinc élément par jour sous une forme organique bien tolérée. F Le fer est l’un des minéraux essentiels de la régulation en psychiatrie. Le déficit est fréquent chez les

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enfants et les femmes en période d’activité génitale. L’ensemble des troubles neuropsychiatriques, mais plus particulièrement ceux de l’humeur, sont corrélés au statut en fer reflété par la ferritine. Chez les personnes déficitaires, un apport complémentaire est donc proposé dans les troubles anxieux à dosage proche des apports nutritionnels conseillés, soit environ 15 mg par jour, et sous des formes organiques bien mieux tolérées. F Le potassium est un minéral important à dose pondérale. Il n’existe cependant pas encore aujourd’hui d’apports nutritionnels conseillés cependant en 2016 l’European Food Safety Authority a publié des valeurs nutritionnelles de référence de 3 500 mg pour les adolescents de 15 à 17 ans et les adultes, y compris les femmes enceintes [24]. Les besoins sont estimés à plusieurs grammes par jour, probablement autour de 4 à 5 g. Les apports observés sont très en dessous des valeurs habituelles. Un déficit de potassium est ainsi associé à des symptômes d’anxiété, surtout chez les personnes âgées. Une alimentation source de potassium, c’est-à-dire des grains complets et une assiette très végétale, est donc recommandée.

Vitamines F Les vitamines du groupe B sont toutes impliquées dans la physiologie du système nerveux central et dans l’humeur. Les déficits sont variables en fonction des groupes d’individus, du modèle alimentaire et du type de vitamine. Les plus fréquemment observés en Europe concernent les folates ou vitamine B9, la vitamine B12, puis la B1 et la B6. F Les folates ou vitamine B9 sont fréquemment déficitaires car ils sont majoritairement apportés par les légumes verts à feuilles, peu consommés. Un manque de folates est corrélé à des troubles de l’humeur et à de mauvaises réponses au traitement antidépresseur, en particulier inhibiteur de la recapture de la sérotonine, mais aussi à des troubles anxieux. Les méthylfolates sont des formes galéniques directement assimilables et bioactives. F La vitamine B12 est essentielle dans la régulation des troubles de l’humeur. Un déficit de cette vitamine se conjugue à des troubles dépressifs majeurs et anxieux. L’augmentation de la consommation d’inhibiteur de la pompe à protons ou de metformine est aujourd’hui la principale cause de déficit iatrogénique en vitamine B12. Parallèlement, les personnes âgées et les végétaliens sont déficitaires par manque d’apport. F Les vitamines B1 et B6 et autres vitamines de la famille des vitamines B sont également impliquées dans la survenue des troubles anxieux. Leur déficit est fréquent, notamment chez les personnes consommatrices de produits raffinés. F La vitamine D est de plus en plus étudiée au niveau neuropsychiatrique. Son déficit est associé

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à l’apparition des troubles neurodégénératifs et des dépressions majeures, mais semble aussi participer à l’apparition des troubles anxieux bien que cela soit encore controversé. En fonction de l’âge et du statut initial, le besoin oscille entre 400 unités internationales et 2 000 unités intenses par jour.

Autres micronutriments et phyto-micronutriments

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D’autres catégories de micronutriments jouent un rôle essentiel dans la neuropsychiatrie : il s’agit de la famille des phyto-micronutriments qui regroupe, d’une part, les polyphénols et les caroténoïdes et, d’autre part, les fibres.

[3] Owen L, Corfe B. The role of diet and nutrition on mental health and wellbeing. Proc Nutr Soc. 2017;76(4):425-6.

Compléments alimentaires modulateurs des fonctions cérébrales

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Les troubles anxieux apparaissent plus volontiers dans trois circonstances micronutritionnelles : les déficits en micronutriments évoqués précédemment, les troubles fonctionnels et les perturbations de la régulation des écosystèmes.

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Troubles fonctionnels cellulaires Rencontrés dans l’anxiété généralisée et les dépressions majeures, les troubles fonctionnels cellulaires peuvent être de trois types : l’inflammation déjà évoquée, l’oxydation et les troubles de la méthylation.

L’inflammation Les états inflammatoires de bas grade sont au cœur du processus anxieux et dépressif. Leur résolution dépend étroitement des apports en acides gras essentiels, notamment en acides eicosapentaénoique (EPA) et docosahexaénoique (DHA), acides gras oméga 3 à longue chaîne. Ces derniers sont apportés par des poissons gras, abondants dans le modèle méditerranéen. Les polyphénols représentent le deuxième groupe de micronutriments indispensables pour la résolution de l’inflammation de bas grade cérébrale.

Le stress oxydant Le stress oxydant est impliqué dans de nombreux troubles psychiatriques fonctionnels et neurodégénératifs. L’anxiété est également associée à un stress oxydant dont la gestion dépend majoritairement du bon statut en vitamines et minéraux antioxydants ou co-facteurs d’enzymes antioxydantes tels que la vitamine C, le sélénium et le zinc, mais aussi de l’apport en polyphénols et en caroténoïdes.

La méthylation La méthylation est étroitement dépendante de l’apport en végétaux. Une assiette riche en légumes à feuilles

constitue une excellente source de folates, facteur limitant de la méthylation. Un apport optimal en vitamine B12 et en zinc, mais aussi en vitamine B6 et en vitamines B2 est également important.

Troubles des écosystèmes Impliqués dans l’anxiété pathologique, les troubles des écosystèmes concernent : l’écosystème intestinal ; le système neuro-endocrinien et la réponse au stress ; le système nerveux central et les neurotransmetteurs.

L’écosystème intestinal et l’axe intestin-cerveau F L’écosystème intestinal a été exploré au cours de cette dernière décennie, ce qui a permis de mettre en évidence l’incroyable complexité du microbiote, de la barrière muqueuse, mais surtout de leurs relations avec le cerveau et le psychisme. Il est dorénavant question d’un axe intestin-cerveau fortement en cause dans de nombreux troubles neuropsychiatriques. Un déséquilibre de l’écosystème intestinal, qu’il se situe au niveau de la composition du microbiote, de la qualité du mucus ou de la barrière intestinale ou qu’il prenne la forme d’une perturbation de la régulation du système immunitaire intestinal, peut avoir un impact direct sur le bon fonctionnement cérébral. Un tel déséquilibre oriente vers une réponse inadaptée au stress et favorise l’apparition d’anxiété. F Dans les troubles anxieux généralisés, un ou plusieurs déséquilibres sont observés au sein de l’écosystème intestinal dont la prise en charge thérapeutique modifie la réponse anxieuse. L’intervention micronutritionnelle sur ce déséquilibre fait appel à une nouvelle classe de micronutriments, les psychobiotiques. F Les psychobiotiques sont en réalité une classe complexe des modalités d’interventions nutritionnelles et micronutritionnelles, voire pharmacologiques médicamenteuses qui améliorent l’équilibre des différents composants de l’écosystème intestinal et exercent une influence favorable sur la réponse biologique comportementale de l’individu. F Les principaux psychobiotiques utilisés actuellement sont des fibres prébiotiques telles que les fructo-oligosaccharides ou les galactooligosaccharides dont l’apport quotidien et régulier améliore la bonne fonction du microbiote. Il a été démontré que ces prébiotiques réduisent la réponse anxieuse et améliorent l’adaptation face au stress. F Le second type de psychobiotiques utilisé est représenté par la classe des probiotiques, principalement les lactobacillus et les bifidobactéries et, accessoirement, certaines levures. Aujourd’hui, il existe plus d’une vingtaine de souches bactériennes probiotiques

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enfin, la facilitation de la neurotransmission et de la neuromodulation, par exemple la production d’acide γ-aminobutyrique (GABA) ou de sérotonine. F Les polyphénols sont considérés comme psychobiotiques dans la mesure où ils interviennent directement sur le microbiote intestinal.

L’écosystème neuro-endocrinien et l’axe corticosurrénalien du stress

Les bactéries probiotiques de type Lactobacillus plantarum ou Bifidobacterium auraient un effet thérapeutique dans l’anxiété.

ayant démontré chez l’animal des effets régulateurs de la réponse au stress et de la réponse anxieuse. Chez l’homme, plusieurs essais cliniques ont également mis en évidence un effet thérapeutique dans l’anxiété, notamment par l’usage de bactéries probiotiques de type Lactobacillus plantarum ou Bifidobacterium. Les mécanismes d’action, complexes, sont d’ores et déjà mieux connus et passent par l’activation du nerf vague, la régulation des cytokines inflammatoires, la production de molécules bioactives au niveau local susceptibles d’agir à distance sur le cerveau et,

F Le système endocrinien intervient dans la réponse anxieuse à travers la libération de cortisol en réaction aux stress répétés. Dans ces situations chroniques, l’élévation du taux de cortisol est associée à des troubles anxieux. Le dosage du cortisol salivaire est un bon témoin de la charge du stress chronique et de la réponse anxieuse également retrouvée dans les troubles dépressifs. F La modulation de cette réponse constitue l’une des cibles thérapeutiques en micronutrition. Elle fait appel à des apports en magnésium mais surtout en phyto-micronutriments, via des plantes dites adaptogènes telles que la rhodiole, l’ashwagandha et le romarin par exemple. Associées à des micronutriments sous forme de compléments alimentaires, ces plantes possèdent la propriété de réduire l’élévation excessive de cortisol tout en respectant la réponse adaptative biologique naturelle.

Autres ingrédients industriels, aliments ultratransformés et anxiété F De multiples aliments sont ultratransformés, c’est-à-dire composés de réassemblage de molécules hors de leur matrice (technique du cracking). C’est le cas des amidons modifiés, des acides gras trans industriels, des édulcorants de synthèse ou intenses, des lécithines, des additifs alimentaires et des ingrédients technologiques. Une consommation élevée est associée aux maladies cardio-métaboliques, au surpoids et à l’obésité ainsi qu’à l’augmentation des cancers. De nouvelles données laisseraient entendre que ces aliments seraient également en cause dans des troubles de l’humeur et des maladies neurodégénératives. F Le glutamate est retrouvé dans de nombreuses denrées sous forme de sel d’acide glutamique ou E 621, un exhausteur du goût dont l’apport est associé à une hyperexcitabilité et des troubles anxieux chez les sujets sensibles. F La consommation régulière de café n’aurait aucun effet anxiogène, bien au contraire. Un apport maximal de 400 mg de caféine par jour, soit environ cinq tasses de café expresso, est associé à une réduction de l’anxiété et à une amélioration de l’humeur. En revanche, l’ajout de caféine industrielle dans des aliments ou des compléments alimentaires peut avoir des effets adverses, notamment perturbateurs : la caféine est susceptible d’augmenter la tension artérielle, mais aussi les palpitations et les arythmies, voire l’anxiété. F La taurine est un acide aminé naturellement présent dans de nombreux aliments mais surtout, à dose nutritionnelle, dans les fruits de mer où il exerce un effet régulateur positif. La taurine peut avoir un rôle favorable sur l’anxiété à faible dose car elle participe à la biodisponibilité du magnésium et à sa rétention intracellulaire. Elle contribue ainsi à une élévation du seuil d’excitabilité du neurone qui est très souvent abaissé dans les troubles anxieux. À petites doses dans les compléments alimentaires et associée au magnésium, elle pourrait donc jouer un rôle favorable. A contrario, l’usage de taurine à forte dose, comme dans les boissons énergisantes, est suspecté d’entraîner des troubles d’hyperexcitabilité et de favoriser les troubles de l’humeur et anxieux. . F Les industriels ont tenté d’utiliser de nombreuses molécules édulcorantes intenses d’origine synthétique. L’aspartame, l’acésulfame K et le néotame présentent cependant des effets secondaires. Il a été récemment montré que l’usage répété de ces édulcorants intenses pouvait perturber le microbiote intestinal chez la souris [25]. F De nombreux colorants sont ajoutés à des produits ultratransformés. Une classe particulière de colorants azoïques a été identifiée comme responsable d’une majoration des troubles anxieux chez certains sujets prédisposés.

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Déclaration de liens d’intérêts Olivier Coudron, médecin spécialisé en nutrition, est expert en micronutrition et en biologie nutritionnelle. Professeur vacataire à l’université de Bourgogne, il est le directeur des diplômes universitaires d’alimentation santé et de micronutrition. Il dirige également le département scientifique et médical de l’institut SIIN, institut scientifique pour une nutrition raisonnée (www.siin-nutrition.com/ SiinWeb?Action=ViewHome). Il est le fondateur de la Neuro-Nutrition®.

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L’écosystème nerveux central et la neurotransmission F Le système nerveux central est bien évidemment impliqué dans l’ensemble des troubles psychiques, la santé mentale et l’anxiété. Cette dernière serait liée à des perturbations des neurotransmetteurs, notamment une baisse de la production de neurotransmetteurs, en particulier du GABA, de la dopamine et de la sérotonine. F La synthèse de la dopamine peut être favorisée par un apport en L-tyrosine, un acide aminé précurseur. La tyrosine équilibre l’humeur, réduit anxiété et accroît l’activité créatrice et cognitive. Un apport de L-tyrosine à hauteur de 1 000 mg par prise en matinée exerce donc un effet favorable sur l’anxiété. F La synthèse de la sérotonine peut être améliorée par la prise, en soirée ou dans l’après-midi, de L-tryptophane, son acide aminé précurseur. Dans l’anxiété, l’efficacité thérapeutique apparaît à partir de 150 mg par prise, mais une dose de 500 à 800 mg par jour est plus performante. L’administration doit être éloignée de toute consommation d’aliments riches en protéines qui exercent un effet de compétition. Un apport en curcuma, en polyphénols de thé ou de romarin, en café ou encore en extrait de safran participe à l’optimisation de l’apport de tryptophane. F Le GABA est certainement l’un des plus importants neurotransmetteurs dans l’anxiété. Abondant, neurotransmetteur ubiquitaire dans le cerveau, il se lie à ses récepteurs et exerce l’une des plus puissantes actions anxiolytiques connues. L’apport de GABA peut se réaliser via des compléments alimentaires car cette petite molécule passe la barrière hémato-encéphalique. L’apport de magnésium, calcium, zinc, potassium et lithium à très faible dose facilite la liaison du GABA sur son récepteur et exerce donc un effet anxiolytique. F De nombreux phyto-micronutriments ou extraits de plantes favorisent la libération ou l’activité du GABA. L’acide aminé théanine, présent dans le thé, décuple son effet au niveau cérébral et exerce une puissante action anxiolytique. La théanine est présente dans de nombreux compléments alimentaires formulés pour un effet anxiolytique. De la même façon, un peptide nommé α-casozépine peut être issu du lait. Pris par voie alimentaire dans des compléments, il exerce une action anxiolytique puissante, comparable à celle des benzodiazépines, mais sans aucune accoutumance. F Au-delà de leurs propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes, les polyphénols ont montré que leurs propriétés neurorégulatrices pouvaient être importantes dans les troubles anxieux. F Les acides gras EPA et DHA, très souvent déficitaires, peuvent exercer un effet anxiolytique, au-delà de leurs propriétés anti-inflammatoires et résolutives,

en facilitant la neurotransmission et la neuroplasticité cérébrale. F Certains extraits de plantes peuvent être associés dans la formulation de compléments alimentaires car ils peuvent agir en synergie avec les ingrédients cités précédemment. À titre d’exemple, des formules à visée anxiolytique comprennent des extraits de passiflore, de valériane ou d’aubépine dont les propriétés anxiolytiques sont bien connues et validées.

Conclusion L’approche nutritionnelle et micronutritionnelle apparaît comme pertinente dans la lutte contre les troubles de l’humeur. La Neuro-Nutrition®, quant à elle, est une discipline médicale visant à optimiser le fonctionnement du système nerveux et du psychisme. Elle recourt à l’alimentation, à la nutrition et à la micronutrition, mais également à des stratégies complémentaires issues des neurosciences appliquées. Dans le domaine de la gestion de l’anxiété, au-delà de l’abord alimentaire, cette discipline fait appel à plusieurs méthodes pertinentes et validées : les thérapies brèves, les approches cognitives et comportementales, les techniques de libération émotionnelle, la relaxation, la pratique de la cohérence cardiaque, la méditation, des techniques issues du yoga, des applications clinique et pratiques venues de la chronobiologie, l’activité physique et corporelle. Cette mixité de ressources offre un éventail de possibilités thérapeutiques élargies qui augmentent encore l’efficacité de cette démarche. w

Points à retenir • L’adhésion à un modèle d’alimentation de type méditerranéen protègerait des troubles de l’humeur, de l’anxiété et de la dépression. • Un état inflammatoire de bas grade, persistant, pourrait entraîner des maladies et des troubles neuropsychiatriques tels que la dépression majeure ou l’anxiété chronique. • Les micronutriments auraient un rôle important dans la réponse au stress, fréquemment impliqué dans l’anxiété. • Trois groupes de micronutriments sont en cause dans les troubles dépressifs, neurodégénératifs et anxieux : les minéraux, les oligoéléments, les vitamines et les phyto-micronutriments. • Les aliments ultratransformés joueraient un rôle dans des troubles de l’humeur et des maladies neurodégénératives.

Actualités pharmaceutiques • n° 590 • novembre 2019 •