Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 135 (2018) 209–211
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Cas clinique
Schwannome du sinus frontal夽 J. Petersen a,∗ , L. Gilain a , A. Coutu b , N. Saroul a a b
Service d’ORL, CHU, 63000 Clermont-Ferrand, France Service d’ophtalmologie, CHU, 63000 Clermont-Ferrand, France
i n f o
a r t i c l e
Mots clés : Schwannome Sinus frontal Neurinome Sinus paranasal Abcès intraorbitaire
r é s u m é Introduction. – Les schwannomes nasosinusiens sont rares, et particulièrement au niveau du sinus frontal. Cas clinique. – Nous rapportons le cas d’une patiente atteinte d’un schwannome du sinus frontal gauche découvert lors d’une complication à type de sinusite frontale avec complications orbitaire et oculaire. Le geste a consisté en une exérèse tumorale par voie endonasale et un drainage par voie externe. Discussion. – L’origine des schwannomes du sinus frontal sont multiples avec des expressions clinicoradiologiques variées, rendant leur diagnostic difficile leur exérèse étant par ailleurs complexe. ´ ´ es. © 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv
Les schwannomes sont des tumeurs développées au dépend des cellules de Schwann, généralement bénignes et de croissance lente. Ils sont retrouvés au niveau cervical et crânien, dans 25 à 45 % des cas, et seulement dans 4 % au niveau du tractus nasosinusien. La présence d’un schwannome dans le sinus frontal est rarissime. Nous rapportons le cas d’une femme de 64 ans présentant un schwannome du sinus frontal gauche découvert lors d’un épisode de sinusite frontale compliquée. 1. Presentation clinique Une patiente de 64 ans, s’est présentée aux urgences pour chémosis complet de l’œil gauche avec baisse d’acuité visuelle d’apparition brutale et céphalée frontale fébrile. L’examen ophtalmologique a retrouvé une pupille aréactive, un aspect atone de la papille évoquant une occlusion de l’artère centrale de la rétine gauche et une cécité totale du côté gauche. La patiente présentait comme antécédent une acuité visuelle de 1/10 à droite et 7/10 à gauche. Elle était donc atteinte d’une cécité binoculaire quasi complète. L’examen neurologique était sans particularité. Le bilan biologique initial a montré : CRP à177 mg/L, GB 11 giga/L avec 9 giga/L de PNN. Un scanner nasosinusien a mis en évidence une opacité totale des deux sinus frontaux avec une calcification intrasinusienne associée à des images de lyse des parois du sinus frontal et des images
DOI de l’article original : https://doi.org/10.1016/j.anorl.2018.03.001. 夽 Ne pas utiliser pour citation la référence franc¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Petersen).
https://doi.org/10.1016/j.aforl.2017.02.008 ´ ´ 1879-7261/© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
de collection intraorbitaire gauche (Fig. 1). Un complément par IRM a été proposé mais refusé par la patiente. Devant la gravité de la situation de cette sinusite frontale avec complication ophtalmologique, nous avons décidé de réaliser un drainage du sinus en urgence. La patiente a bénéficié d’une chirurgie par voie endonasale assistée par ordinateur. L’exploration nasale a révélé la présence d’une masse charnue du canal naso-frontal gauche d’aspect lymphomateux. Un examen extemporané évoquait un neurinome. Il a été décidé de réaliser une sinusotomie frontale (DRAF IIb) permettant l’exérèse fragmentée mais complète de cette masse (Fig. 2). Ce geste a permis le drainage d’une grande quantité de pus et de pratiquer un examen bactériologique. Dans un deuxième temps, nous avons réalisé un abord paracanthal supérieur gauche permettant le drainage des deux collections intraorbitaires. En post-opératoire, la patiente a bénéficié d’une bi-antibiothérapie probabiliste intraveineuse de type amoxicillineacide clavulanique (3 g/j) et ciprofloxacine (400 mg/j) pendant 3 jours. L’ensemble des prélèvements bactériologiques ont été négatifs. L’évolution clinique et biologique a rapidement été favorable permettant un retour à domicile précoce avec la même biantibiothérapie per os pour une durée totale de douze jours. L’anatomopathologie définitive a retrouvé une prolifération de cellules fusiformes exprimant fortement la PS100 avec un stroma richement vascularisé et des nodules de Verocay. Le diagnostic définitif retenu était celui de schwannome du sinus frontal gauche compliqué de sinusite frontale elle-même compliquée d’atteinte orbitaire. L’évolution à un an a montré l’absence de récidive de la maladie et l’absence de récupération oculaire.
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Fig. 1. Scanner nasosinusien avec coupes parenchymateuses cérébrales avec et sans injection de produit de contraste : A) coupe axiale non injectée mettant en évidence une opacité des sinus frontaux avec calcification intrasinusienne (flèche) et lyse du septum intersinusien frontal (astérix) ; B) coupe axiale passant par les sinus frontaux en fenêtre osseuse montrant lyse de la paroi supérolatérale de l’orbite (flèche) avec opacité en regard faisant suspecter un abcès (astérix) ; C) coupe coronale passant par les sinus frontaux mettant en évidence une lyse de la paroi postérolatérale du sinus frontal gauche (flèche) et de la paroi supéroexterne de la paroi de l’orbite gauche (astérix) ; D) coupe parenchymateuse avec injection passant par les sinus frontaux mettant en évidence un double tonalité dans le sinus frontal, une composante tissulaire (flèche) et une composante liquidienne (astérix).
2. Discussion
Fig. 2. Lésion après exérèse.
Les schwannomes nasosinusiens (SN) représentent moins de 4 % de tous les schwannomes de la tête et du cou [1]. Cette pathologie touche tous les âges de la vie avec des extrêmes de 6 à 78 ans sans prédilection de sexe ou de race. Les SN se situent par ordre décroissant dans l’antre du sinus maxillaire, puis l’ethmoïde, la cavité nasale et le sphénoïde [2]. La localisation frontale est rarissime avec à notre connaissance seulement 7 cas rapportés [3–6]. L’origine des schwannomes est encore incertaine. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer la présence d’un SN. La première suggère la dégénérescence d’un nerf sensitif myélinisé ; la seconde une prolifération de cellules de schwann de localisation anatomique aberrante [7] et la troisième la dégénérescence des structures nerveuses sympathiques des artères nasosinusiennes [1]. Dans le cas de la première hypothèse, les nerfs en cause serait donc probablement une branche frontale du nerf ethmoïdal antérieur et non pas une branche d’un nerf olfactif (dépourvus de gaine de Schwann) [4]. D’autres auteurs suggèrent que ces tumeurs proviennent des cellules mésenchymateuses multipotentes ou des cellules de la crête neurale déplacées qui forment des foyers de cellules de Schwann aberrantes, appelé schwannosis [7]. Enfin, la dernière hypothèse est le développement de ces tumeurs à partir
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des plexus nerveux péri-artériels et donc dans notre cas autour de l’artère ethmoïdale antérieure. La symptomatologie de notre patiente reste atypique. En effet, les différents autres cas de la littérature présentaient soit des symptômes rhinologiques aspécifiques : obstruction nasale, céphalées, épistaxis ; soit des symptômes de compression des structures de voisinages : ptosis, exophtalmie, diplopie [3–6]. En imagerie (TDM et IRM), les schwannomes prennent fortement le produit de contraste donnant des images kystiques ou nécrotiques respectant les structures avoisinantes. En IRM, les schwannomes sont habituellement hyperT1, hypoT2, les images étant fortement rehaussés par le gadolinium. Dans notre cas, les lyses osseuses s’expliquent par la présence d’une surinfection aiguë. Les opacités calciques sont extrêmement rares dans les schwannomes et ne sont guère retrouvées que dans des schwannomes de grande taille, d’évolution lente et de caractère nécrotique [8]. Le traitement de référence reste la chirurgie avec résection totale. En effet, une résection partielle expose à un risque 13 fois plus important de récidive [9]. Les différentes voies d’abord se discutent au cas par cas. Dans notre situation, nous avons opté pour une voie endonasale pour réaliser l’exérèse tumorale et une voie externe pour aborder l’orbite comme recommandé pour les abcès se situant à la partie haute et latérale de l’orbite [10] 3. Conclusion Nous rapportons donc un cas de schwannome du sinus frontal découvert lors de la survenue d’une complication infectieuse. Une voie d’abord endonasale a permis de traiter dans le même
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temps chirurgical la tumeur et la complication infectieuse avec succès. Néanmoins, la présence d’abcès intraorbitaires latéraux de fort volume a nécessité une voie externe de l’orbite. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Berlucchi M, Piazza C, Blanzuoli L, et al. Schwannoma of the nasal septum: a case report with review of the literature. Eur Arch Otorhinolaryngol 2000;257:402–5. [2] Robitaille Y, Seemayer TA, El Deiry A. Peripheral nerve tumors involving paranasal sinuses: a case report and review of the literature. Cancer 1975;35: 1254–8. [3] Mangubat EZ, Pitelka L, Petruzzelli GJ, et al. Frontal sinus schwannoma: case report and review of literature. Skull Base Rep 2011;1:17–22, http://dx.doi.org/10.1055/s-0031-1275246 [Epub 2011 Mar 15]. [4] Miglets AW, Rood L, Lucas JG. Pneumocephalus from a frontal-ethmoid neurilemmoma. Arch Otolaryngol 1983;108:417–9. [5] Fujiyoshi F, Kajiya Y, Nakajo MCT. CT and MR imaging of nasoethmoid schwannoma with intracranial extension. AJR Am J Roentgenol 1997;169: 1754–5. [6] Cakmak O, Yavuz H, Yucel T. Nasal and paranasal sinus schwannomas. Eur Arch Otorhinolaryngol 2003;260:195–7. [7] Redekop G, Elisevich K, Gilbert J. Fourth ventricular schwannoma. Case report. J Neurosurg 1990;73:777–81. [8] Zhang H, Xu J, Chen D, et al. The first calcified acoustic neurinoma identified in China: a case report and literature review. Int J Clin Exp Med 2015;8: 14221–7. [9] Jacob JT, Carlson ML, Driscoll CL, et al. Volumetric analysis of tumor control following subtotal and near-total resection of vestibular schwannoma. Laryngoscope 2016;126:1877–82. [10] Gavriel H, Jabrin B, Eviatar E. Management of superior subperiosteal orbital abscess. Eur Arch Otorhinolaryngol 2016;273:145–50, http://dx. doi.org/10.1007/s00405-015-3557-1 [Epub 2015 Feb 21].