Archives de pédiatrie 12 (2005) 128–133 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/
Mémoire original
Sténose hypertrophique du pylore : comparaison entre deux protocoles de réalimentation postopératoire : « progressif » et « ad libitum » Our experience in « ad libitum » feeding after pyloromyotomy (review of 97 cases) B. Kretz, J. Watfa, E. Sapin * Service de chirurgie pédiatrique, hôpital d’Enfants, CHU de Dijon, 10, boulevard du Maréchal de Lattre-de-Tassigny, BP 77 908, 21079 Dijon cedex, France Reçu le 5 août 2004 ; accepté le 26 novembre 2004
Résumé Deux protocoles de réalimentation postopératoire après pyloromyotomie pour sténose hypertrophique du pylore (SHP), ont été successivement adoptés. L’objectif de cette étude a été de voir si le protocole dit « ad libitum » a modifié favorablement les suites opératoires et s’il peut être recommandé systématiquement. Population et méthodes. – L’étude rétrospective a porté sur 97 nourrissons opérés consécutivement pour une SHP entre janvier 1998 et décembre 2003, en comparant deux protocoles d’alimentation postopératoire : le groupe 1 comportant 30 enfants avec reprise progressive de l’alimentation (PP) et le groupe 2 comportant 60 enfants avec une réalimentation postopératoire « ad libitum » (AL). Les 97 enfants ont eu une pylorotomie extramuqueuse par voie ombilicale. Pour tous les enfants opérés à partir de janvier 2000, le protocole AL a été proposé, après avoir prévenu les parents du risque plus important de vomissements ; seuls cinq enfants ont eu un protocole PP après cette date. Sept enfants chez lesquels était survenue une brèche muqueuse durant l’intervention (7,2 %) ont été étudiés à part (PM). Les groupes 1 et 2 ont été comparés sur les données démographiques, séméiologiques et peropératoires et l’évolution postopératoire. Résultats. – Pour ce qui est des critères préopératoires ainsi que de l’évolution à distance, aucune différence n’a été observée. Seule une différence non significative a été observée entre les protocoles PP et AL pour la moyenne d’âge des enfants au moment du diagnostic (44,6 vs 36,7 jours, respectivement). Aucune différence significative n’a été observée quant à la fréquence ou l’importance des vomissements postopératoires entre les deux protocoles. Une différence significative a été observée entre les protocoles PP et AL respectivement pour le délai de reprise d’alimentation complète (69 vs 35,6 heures) (p < 0,001), la durée d’hospitalisation (4,16 vs 2,98 jours) (p < 0,001) et le coût financier hospitalier. Conclusions. – Le protocole d’alimentation « ad libitum » (AL) nous semble pouvoir être proposé systématiquement après pyloromyotomie pour SHP. En cas de brèche muqueuse peropératoire, la reprise alimentaire peut rejoindre le protocole AL à 24 heures postopératoires. Ce protocole est de rigueur dans notre service, le bénéfice étant sa simplicité de mise en place, une durée d’hospitalisation écourtée et, par conséquent, une réduction du coût. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract A recent alternative feeding regimen at the progressive feeding (PF) after a pyloromyotomy for hypertrophic pyloric stenosis (HPS) is the so-called ad libitum feeding (AL). The aim of this study was to determine if this new feeding regimen has modified the follow-up of postoperative course in HPS. Population and methods. – From January 1998 to December 2003, 97 consecutive neonates have been operated on for HPS in our hospital. This retrospective study was based on the comparison between two groups of patients with different postoperative feeding regimens:
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (E. Sapin). 0929-693X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2004.11.027
B. Kretz et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 128–133
129
group one of 30 neonates with PF regimen and group two of 60 neonates with AL regimen. Seven remaining neonates had had a mucosal perforation and were not included in this comparative study but in a separate group (MP). The clinical, ultrasonographic, operative and postoperative data were compared. Results. – There was no difference between the PF and AL groups for sex ratio M/F = 4/1, preoperative weight loss ratio, ultrasonographic data and intra-operative difficulties rate. A small difference was found – which was not significative – between the PF and the AL groups for median age at diagnosis (44,6 v 36,7 days, respectively). A statistically significative difference between the PF and the AL groups was observed for time to establish feeding (69 vs 35.6 hours, respectively) (P < 0,001), postoperative stay (4.16 vs 2.98 days, respectively) (P < 0,001) and total hospital charges. We didn’t found any difference in the incidence and severity of postoperative emesis whether slow (PF) or rapid (AL) feeding regimens were used. Furthermore, intra-operative mucosal tear didn’t influence postoperative course and the duration of hospital stay. Conclusion. – We recommend AL regimen for routine feeding in simple cases after pyloromyotomy for HPS. It has a positive impact on length of hospital stay, and decreases hospital charges. Most neonates with MP can be managed with a rapid feeding regimen. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Sténose du pylore Keywords: Pyloric stenosis; Child; Postoperative care
La sténose hypertrophique du muscle pylorique (SHP) est une cause fréquente de vomissements chez le nourrisson. Cette affection d’étiologie discutée, touche une naissance sur 500, avec un ratio garçon/fille de 4/1, touchant classiquement plus souvent les premiers-nés. Les symptômes débutent après un intervalle libre de deux à six semaines après la naissance et sont marqués notamment par des vomissements lactés postprandiaux, par une perte de poids ou une stagnation pondérale. Rapidement peuvent s’installer une alcalose hypochlorémique et une déshydratation. L’échographie abdominale confirme le plus souvent le diagnostic évoqué cliniquement [1], tandis que les examens biologiques en apprécient le retentissement. Après l’intervention chirurgicale consistant en une pyloromyotomie extramuqueuse, la reprise de l’alimentation est progressivement augmentée permettant la sortie de l’hôpital lorsque l’alimentation complète est obtenue, en environ quatre-cinq jours. Nous avons voulu analyser l’impact d’un protocole de réalimentation plus rapide, dit « ad libitum (AL) », introduit dans notre service depuis janvier 2000, en le comparant au protocole de réalimentation progressive (PP) en application jusque là. 1. Population et méthodes Nous avons revu de manière rétrospective les dossiers de 97 nourrissons pris en charge consécutivement dans le service de chirurgie infantile du CHU de Dijon entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2003. À partir de janvier 2000, a été introduit un protocole d’alimentation dit « ad libitum » (AL). Les données de la littérature sur ce sujet laissant craindre un risque accru de vomissements durant la phase postopératoire initiale [2,3], nous l’avons systématiquement proposé aux parents en les informant de l’avantage escompté – une durée d’hospitalisation plus courte – mais en contrepartie du risque accru de vomissements plus fréquents et/ou plus abondants. Cinq chirurgiens pédiatres ont opéré ces enfants, tous par voie ombilicale avec extériorisation de l’olive pylorique pour réaliser la pyloromyotomie.
Deux groupes de patients ont été distingués : • groupe 1 (protocole PP) constitué de 30 nourrissons comprenant 25 enfants ayant eu une pyloromyotomie durant la période comprise entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 1999, et cinq nourrissons opérés après cette période, les parents ayant refusé le protocole AL ou le chirurgien ayant préféré utiliser le protocole PP en tenant compte de l’appréhension des parents ; l’alimentation était débutée quatre heures après la pyloromyotomie, par l’apport de 10 cc d’eau sucrée ; deux heures plus tard apport de 10 cc de lait, puis 30 cc toutes les deux heures. Le lendemain de l’intervention (J1) : apports de 8 × 50 cc ; puis à J2 : 8 × 80 cc ; à J3 : reprise d’un régime normal. La sortie de l’enfant était proposée lorsque l’alimentation complète était obtenue et bien tolérée ; • groupe 2 (protocole AL), constitué de 60 nourrissons, opérés entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2003. Le protocole AL était plus simple, avec reprise de l’alimentation quatre heures après l’intervention par 10 cc d’eau sucrée ; deux heures plus tard apport de 10 cc de lait. Puis un biberon complet ou la tétée, était proposé à l’enfant sans restriction et, ainsi, à la demande de l’enfant. Là encore, la sortie de l’hôpital était proposée lorsque l’alimentation complète était obtenue et bien tolérée. Sept enfants pour lesquels une brèche muqueuse duodénale était survenue lors de la réalisation de la pyloromyotomie ont été exclus de l’analyse comparative des deux groupes précédents. Le protocole de réalimentation a été, là aussi, modifié à partir de janvier 2000, soit pour cinq des sept enfants, en décalant simplement le protocole AL de 24 heures. Ils font l’objet d’une discussion à part. Pour cinq enfants du protocole PP, l’excellente tolérance de la réalimentation a conduit à accélérer la reprise alimentaire, expliquant les quelques cas de durée d’hospitalisation très courte observés, mais nous n’avons pas voulu les exclure de l’analyse, l’intention initiale ayant été d’utiliser le protocole PP durant cette période. Ces cas ont favorisé notre volonté d’introduire de manière plus systématique le protocole AL.
130
B. Kretz et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 128–133
De même, pour certains enfants du protocole AL, l’importance ou la fréquence des vomissements associée à l’inquiétude des parents ont fait passer l’enfant dans un protocole type PP. Ils ont été laissés dans le groupe 2, ce qui explique certains cas de durée d’hospitalisation prolongée dans le protocole AL. Nous avons axé notre étude sur la comparaison de ces deux protocoles de réalimentation postopératoire en comparant les âges et poids de naissance, le sexe, l’âge au moment du diagnostic, l’importance d’une éventuelle perte pondérale, les données échographiques, l’utilisation d’un transit œsogastroduodénal (TOGD), la difficulté éventuelle d’extériorisation de l’olive pylorique, l’importance des vomissements durant la période postopératoire. Ont été prises en compte la fréquence et l’abondance des vomissements, aboutissant à une classification : (0) : pas de vomissements ; (+) : quelques régurgitations et/ou un vomissement ; (++) : plusieurs vomissements. Ont été également comparés le délai de reprise de l’alimentation complète et la durée d’hospitalisation. Le coût financier a été calculé, en tenant compte du forfait hospitalier d’une journée d’hospitalisation en chirurgie pédiatrique, en multipliant le coût d’une journée par le nombre de journées d’hospitalisation pour chaque enfant. Un test statistique de student a été utilisé pour évaluer la signification des résultats. Les complications postopératoires ont été analysées, ainsi que l’évolution à distance : tous les enfants opérés ont été revus en consultation un ou deux mois après leur sortie de l’hôpital (par le chirurgien qui avait opéré l’enfant et/ou par le pédiatre de l’enfant). Ont été notés une éventuelle réhospitalisation durant ces deux mois postopératoires pour des vomissements ou tout autre problème pouvant être en relation avec l’acte opératoire. La prise de poids depuis l’intervention a été notée. Deux enfants nous ont été confiés après une pyloromyotomie incomplète. Le protocole de prise en charge postopératoire et les suites ne se distinguant pas des autres enfants opérés, ils ont été intégrés dans l’étude.
2. Résultats De l’analyse des données démographiques (Tableau 1), il ressort que les groupes 1 et 2 étaient comparables, une simple différence non significative étant observée pour le sex ratio (76,7 v 85 % de garçons, respectivement) et l’âge moyen lors de l’intervention (44,6 v 36,7 jours). Sur les 97 enfants, cinq étaient nés prématurés, et quatre avaient plus de trois mois lors de l’intervention. Les résultats postopératoires sont résumés sur le Tableau 2. Il n’apparaît aucune différence entre les deux groupes quant à la fréquence et l’importance des vomissements postopératoires. Deux des cinq prématurés et six des 92 enfants non prématurés ont eu des vomissements postopératoires importants (++). Une différence statistiquement significative entre les groupes 1 et 2 a été observée pour le délai de reprise d’une alimentation complète — 69 heures pour le groupe 1 et 34,6 heures pour le groupe 2 (p < 0,001) (Fig. 1) — pour la durée d’hospitalisation — 4,16 jours et 2,98 jours, respectivement (p < 0,001) (Fig. 2) — et pour le coût financier hospitalier, avec des coûts moyens respectifs de 2856 et 1974 Q. Les suites opératoires ont été simples pour la grande majorité des enfants à moyen comme à long terme. Un œdème laryngé postopératoire a prolongé l’hospitalisation (sept jours) d’un nourrisson du protocole AL, une infection de la cicatrice a nécessité des soins infirmiers locaux dans un cas. Revus à distance, à un ou deux mois postopératoires, deux enfants avaient une petite éventration ombilicale qui n’a pas nécessité de reprise chirurgicale, et trois un petit granulome cicatriciel. Aucun enfant n’a dû être réhospitalisé dans les deux mois postopératoires. Le gain pondéral moyen a été remarquable : 1,09 kg à un mois et 1,8 kg à deux mois postopératoires. Aucune différence sur ces points n’a été observée entre les deux groupes. Enfin, pour ce qui est des sept cas de brèche muqueuse duodénale, dont les données démographiques et postopératoires figurent sur les Tableaux 1 et 2, les suites opératoires n’ont pas été compliquées. Au fur et à mesure que le proto-
Tableau 1 Caractéristiques des groupes de patients Total n = 97 Ratio Garçons/Filles Poids de naissance (g) Terme (SAa) ˆ ges extrêmes A et moyens (jours) Perte de poids : moyenne et extrêmes (g) Épaisseur pylorique (mm) Longueur de la sténose (mm) TOGDb (%) Difficulté d’extraction (%) a
SA : semaines d’aménorrhée. b TOGD : transit œsogastroduodénal.
80/17 3220 39 13–118 (42,4 ± 22,6) 40–500 (185 ± 130,7) 2–7,9 (4,87 ± 0.98) 12–49 (20,6 ± 4.7) 27,9 26,8
Groupe 1 « progressif » n = 30 23/7 3194 ± 510 38,6 ± 2,8 13–118 (36,7 ± 21) 50–500 (175,8 ± 124,3) 4–7 (4,7 ± 0.74) 12–35 (20,5 ± 4.1) 31,4 28,6
Groupe 2 « ad libitum » n = 60 51/9 3293 ± 577 39,5 ± 1,9 21–116 (44,6 ± 22,4) 40–500 (194,6 ± 141,7) 2–7,9 (4,98 ± 1.1) 15–49 (20,7 ± 5.1) 25,8 25,8
Perforation muqueuse n=7 6/1 2890 ± 357 40,6 ± 1,9 23–113 (48 ± 30)
4,3 17,3
14,3
B. Kretz et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 128–133
131
Tableau 2 Résultats comparatifs des groupes 1 (protocole de reprise progressive de l’alimentation (PP)) et 2 (protocole de réalimentation postopératoire « ad libitum » (AL))
Vomissements postop. 0 + ++ Délai alimentation complète (h) Durée hospitalisation (j) Coût financier moyen
Groupe 1 n = 30
Groupe 2 n = 60
Perforation muqueuse n=7
14 12 4 69 ± 24 4,16 ± 1,37 = 100 heures 2856 Q
40 17 3 34,6 ± 24 2,98 ± 1,24 = 70 heures 1974 Q
5 1 1 76 ± 37 4,14 ± 1,46 = 99 heures
Fig. 1. Délai d’alimentation complète : comparaison des deux groupes (en heures).
Fig. 3. Évolution postopératoire des nourrissons avec perforation muqueuse. Fig. 2. Durée d’hospitalisation.
cole AL était institué pour les autres cas, il nous est apparu qu’il était préférable d’éviter la sécrétion gastrique du jeûne sur une cicatrice fraîche en introduisant précocement l’alimentation. Cette évolution de notre pratique, illustrée sur la Fig. 3, laisse voir une diminution du délai de reprise d’une alimentation complète (moyenne de 123 heures jusqu’à janvier 2000, 57 heures après) et de la durée d’hospitalisation (en moyenne six jours jusqu’à janvier 2000 et 3,4 jours après janvier 2000), approchant les chiffres observés au protocole AL. Il est à noter que près de 40 % des nourrissons qui nous ont été confiés étaient sous traitement médical antireflux ; chez près de 10 %, le traitement a dû être reconduit en période postopératoire.
3. Discussion Les différents aspects de la prise en charge de la SHP ont fait l’objet de très nombreuses publications. Sur le plan épidémiologique, les données de cette série sont superposables à celles rapportées classiquement dans la littérature. Cependant, l’âge moyen des nourrissons dans notre série, au moment de l’intervention, est de 42,4 jours, avec quatre nourrissons âgés de plus de trois mois, ce qui excède notablement les données classiques (entre trois et cinq semaines) [4]. Ce décalage, retrouvé dans d’autres séries [5,6] pourrait s’expliquer en grande partie par un retard au diagnostic, les vomissements étant rapportés dans un premier temps à un reflux gastroœsophagien, et ce n’est que l’échec du traitement qui conduit à évoquer une SHP (près de 40 % de nourrissons sous traitement antireflux).
132
B. Kretz et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 128–133
Cette étude a eu pour but de comparer deux protocoles de réalimentation postopératoire après pyloromyotomie pour SHP. Deux variables peuvent être considérées : la précocité de la réalimentation et la vitesse avec laquelle est instituée l’alimentation complète. De la tolérance à l’alimentation complète dépend directement la durée d’hospitalisation : le critère de sortie de l’hôpital retenu étant principalement une alimentation normale sans vomissements. Ainsi, les principaux critères d’évaluation d’un protocole de réalimentation postopératoire pour SHP ont été la fréquence et l’importance des vomissements, le temps nécessaire à tolérer une alimentation complète et la durée d’hospitalisation. Une étude manométrique et radiologique effectuée après pyloromyotomie, rapportée en 1968 [7], ayant montré que l’activité gastro-intestinale était totalement inhibée pendant quatre à six heures et ne redevenait normale qu’après un délai de 16 à 24 heures, a longtemps conduit à préférer ne commencer la réalimentation que tardivement et à ne l’augmenter que lentement. Ces données d’examen ont été confirmées en pratique clinique en observant qu’une reprise plus tardive et une augmentation plus lente de la reprise alimentaire diminuaient la fréquence de survenue des vomissements après pylorotomie [2–4,8]. Cette notion n’est cependant pas retrouvée dans d’autres séries [9–11]. Une étude récente comparant deux protocoles d’alimentation débutée avant ou après un délai de quatre heures postopératoires montrait un taux de vomissements respectivement de 23 et 6 % [12], confirmant notre habitude de ne démarrer l’alimentation qu’après quatre heures postopératoires. En effet, les deux protocoles PP et AL de notre série ne diffèrent pas par l’heure du début d’alimentation mais par la proposition progressive (PP) ou rapide (AL) de la reprise alimentaire normale. De manière paradoxale, dans cette série, les vomissements ont été moins fréquents (28 vs 40 %) et moins importants (5 vs 13 %) avec le protocole ad libitum (Tableau 2). Les vomissements postopératoires précoces peuvent générer une anxiété parentale, les parents escomptant que l’opération arrêterait définitivement les vomissements. Les vomissements de la phase postopératoire initiale sont retrouvés dans un à deux tiers des cas [4,5,9,11]. Or si les vomissements entraînent un inconfort pour l’enfant et une inquiétude pour ses parents, ils ne représentent pas un danger pour l’enfant. Dans notre expérience, certains parents, bien que prévenus, vivaient très mal la survenue de vomissements postopératoires. A contrario, des parents d’enfants réalimentés avec le protocole PP, se sont plaints de cette lenteur de la réalimentation, arguant en outre du fait que leur enfant n’était pas assez nourri et avait faim. Il nous est apparu que lorsque les parents étaient bien prévenus du risque de vomissements dans la phase postopératoire avec le protocole « ad libitum », le taux de plaintes parentales n’excédait pas celui des plaintes d’un protocole « trop progressif ». Cela nous a confortés pour instituer le protocole AL en pratique régulière. Les vomissements après pyloromyotomie sont décrits comme étant plus fréquents chez les enfants prématurés [8]. Cette notion est retrouvée dans notre série (2/5 vs 6,5 %),
même si le petit nombre d’enfants prématurés opérés ne permet pas de conclure à une différence significative. Nous n’avons pas voulu exclure ces enfants de l’étude, contrairement à la série citée [8]. Comme cela a été rapporté dans la littérature [4,5,9], le délai d’obtention de l’alimentation complète est, dans notre série, raccourci de manière significative par le protocole AL, passant de 69 heures en moyenne à 34,6 heures. Il en est de même de la durée moyenne d’hospitalisation qui passe de 100 heures à 70 heures. La durée moyenne d’hospitalisation du groupe AL de notre série est proche du chiffre moyen de trois-quatre jours rapporté dans la littérature récente [4,13]. Un séjour moyen inférieur à 48 heures a été rapporté récemment [11]. Trois enfants de notre série ont cependant pu quitter l’hôpital le lendemain de l’intervention et 24 le surlendemain (soit 45 % avant 48 heures). En dehors de problèmes de tolérance alimentaire éventuelle, la durée d’hospitalisation parfois prolongée s’explique par l’éloignement fréquent de l’hôpital du domicile et l’anxiété parentale, faisant préférer dans bon nombre de cas une sortie un peu retardée mais en sérénité, à une sortie vécue dans la précipitation. Ainsi, à notre connaissance, aucun enfant n’a été réhospitalisé dans les suites précoces d’une pyloromyotomie. Un taux de nouvelle hospitalisation pour vomissements de 1,1 % a été rapporté dans une série récente [6]. La durée significativement plus courte d’hospitalisation des nourrissons du groupe AL rend compte du coût hospitalier significativement réduit par rapport au groupe PP, notion également présente dans la littérature [9,11,14]. Enfin, aucune complication spécifique n’est apparue du fait du changement de protocole. Les brèches muqueuses duodénales sont des complications connues des pyloromyotomies. Ces brèches ne sont graves que si elles sont méconnues. Elles ont, en ces cas de méconnaissance, entraîné le décès d’enfants par la survenue d’un lactopéritoine dont le diagnostic est souvent retardé [6, discussion]. La vérification de l’absence de brèche est donc systématiquement vérifiée à la fin du geste de pyloromyotomie extramuqueuse, avant la fermeture du péritoine. Si le taux de 7,2 % de cette série est supérieur au taux de 3–4 % habituellement rapporté dans la littérature, même si un taux de 19 % a été rapporté récemment [4], la survenue d’une brèche muqueuse n’a eu aucune incidence sur l’évolution des patients, le délai d’alimentation complète et la durée d’hospitalisation étant peu différents, pour les derniers cas, de ceux constatés pour les nourrissons du protocole AL. Le traitement médical de la SHP par l’utilisation de sulfate d’atropine, inhibiteur des effets muscariniques de l’acétylcholine, a été préconisé par plusieurs auteurs, en particulier japonais, avec un taux de succès de 85–90 % [15,16]. Le délai moyen d’alimentation complète est de 5,3 jours (extrêmes de 1 à 10 jours) pour les 12 patients traités avec succès par atropine alors qu’il est de 2,7 jours (extrêmes de deux à trois jours) après pyloromyotomie, dans la série rapportée par Yamataka et al. [15]. La durée moyenne d’hospitalisation est de 13 jours pour les 17 patients traités avec succès par atro-
B. Kretz et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 128–133
pine dans la série rapportée par Kawahara et al. [16]. Les échecs du traitement par atropine ont fait recourir au traitement chirurgical après une hospitalisation déjà prolongée. Ces chiffres sont à rapprocher du délai moyen d’alimentation complète de 34,6 heures et de la durée moyenne d’hospitalisation de trois jours du groupe 2 de notre série. Le traitement chirurgical de la SHP, la pyloromyotomie, peut être réalisé par laparotomie, par voie ombilicale comme dans notre série ou par laparoscopie. Il n’apparaît pas de différence significative entre ces deux techniques, tant en ce qui concerne le taux de complications (brèche muqueuse, pylorotomie insuffisante ou autres complications) [6], qu’esthétique, la cicatrice résiduelle après laparotomie par voie ombilicale étant négligeable [17].
[3]
[4]
[5]
[6]
[7]
[8]
4. Conclusion L’étude de cette série rétrospective montre que le protocole ad libitum de réalimentation des nourrissons opérés de SHP permet une diminution de la durée d’hospitalisation et du coût dû à cette hospitalisation, sans entraîner d’augmentation de la fréquence ou de l’importance des vomissements durant la période postopératoire initiale. Ce protocole peut être proposé en pratique courante. Remerciements Les auteurs remercient le Dr Serge Aho et Annick Pierre pour leur aide précieuse dans la réalisation de ce travail.
[9]
[10]
[11]
[12]
[13]
[14]
[15]
Références [1]
[2]
Ito S, Tamura K, Nagae I,Yagyu M, TanabeY, Aoki T, et al. Ultrasonographic diagnosis criteria using scoring for hypertrophic pyloric stenosis. J Pediatr Surg 2000;35:1714–8. Leahy A, Fitzgerald RJ. The influence of delayed feeding on postoperative vomiting in hypertrophic pyloric stenosis. Br J Surg 1982;69: 658–9.
[16]
[17]
133
Georgeson KE, Corbin TJ, Griffen JW, Breaux CW. An analysis of feeding regimens after pyloromyotomy for hypertrophic pyloric stenosis. J Pediatr Surg 1993;28:1478–80. White JS, Clements WDB, Heggarty P, Sidhu S, Mackle E, Stirling I. Treatment of infantile hypertrophic pyloric stenosis in a district general hospital: a review of 160 cases. J Pediatr Surg 2003;38:1353–6. Carpenter RO, Schaffer RL, Maeso CE, Sasan F, Nuchtern JG, Jaksic T, et al. Postoperative ad lib feeding for hypertrophic pyloric stenosis. J Pediatr Surg 1999;34:959–61. Yagmurlu A, Barnhart DC, Vernon A, Georgeson KE, Harmon CM. Comparison of the incidence of complications in open and laparoscopic pyloromyotomy: a concurrent single institution series. J Pediatr Surg 2004;39:292–6. Scharli AF, Leditschke JF. Gastric motility after pyloromyotomy in infants: a reappraisal of postoperative feeding. Surgery 1968;64:1133–7. Lee AC, Munro FD, MacKinlay GA. An audit of postpyloromyotomy feeding regimens. Eur J Pediatr Surg 2001;11:12–4. Garza JJ, Morash D, Dzakovic A, Mondschein JK, Jaksic T. Ad libitum feeding decreases hospital stay for neonates after pyloromyotomy. J Pediatr Surg 2002;37:493–5. Wheeler RA, Namaldin AS, Stoodley N, Griffiths DM, Burge DM, Atwell JD. Feeding regimens after pyloromyotomy. Br J Surg 1970; 77:1018–9. Puapong D, Kahng D, Ko A, Applebaum H. Ad libitum feeding: safely improving the cost-effectiveness of pyloromyotomy. J Pediatr Surg 2002;37:1667–8. Van der Bilt JD, Kramer WL, Van der Zee DC, Bax NM. Early feeding after laparoscopic pyloromyotomy: the pros and cons. Surg Endosc 2004;18:746–8. Pranikoff T, Campbell BT, Travis J, Hirschl RB. Differences in outcome with subspecialty care: pyloromyotomy in North Carolina. J Pediatr Surg 2002;37:352–6. Leinwand MJ, Shaul DB, Anderson KD. A standardized feeding regimen for hypertrophic pyloric stenosis decreases length of hospitalization and hospital costs. J Pediatr Surg 2000;35:1063–5. Yamataka A, Tsukada K, Yokoyama-Laws Y, Murata M, Lane GJ, Osawa M, et al. Pyloromyotomy versus Atropine sulfate for infantile hypertrophic pyloric stenosis. J Pediatr Surg 2000;35:338–41. Kawahara H, Imura K, Nishikawa M, Yagi M, Kubota A. Intravenous atropine treatment in infantile hypertrophic pyloric stenosis. Arch Dis Child 2002;87:71–4. Shankar KR, Losty PD, Jones MO, Turnock RR, Lamont GL, Lloyd DA. Umbilical pyloromyotomy – an alternative to laparoscopy? Eur J Pediatr Surg 2001;11:8–11.