J. Neuroradiol., 2006, 33, 189-193 © Masson, Paris, 2006
Cas clinique
SUIVI ÉVOLUTIF D’UNE MYELINOLYSE CENTROPONTIQUE EN IRM DE TENSEUR DE DIFFUSION ET DE TRACKING DE FIBRES M. LIBERATORE (1), C. DENIER (2), P. FILLARD (3), M.C. PETIT-LACOUR (1), F. BENOUDIBA (1), P. LASJAUNIAS (1), D. DUCREUX (1) (1) Service de Neuroradiologie, CHU de Bicêtre, Université Paris XI, 78 rue du Général Leclerc, 94270 Le Kremlin Bicêtre. (2) Service de Neurologie, CHU de Bicêtre, Université Paris XI, 78 rue du Général Leclerc, 94270 Le Kremlin Bicêtre. (3) EPIDAURE, INRIA, Sophia-Antipolis.
RÉSUMÉ Objectif : Illustrer l’intérêt des séquences tenseur de diffusion et tracking de fibres dans le bilan lésionnel initial d’une myélinolyse centro-pontique et dans le suivi évolutif. Observation : Une patiente de 29 ans, en dénutrition sévère par anorexie mentale a présenté une myélinolyse centropontique confirmée sur les séquences IRM 1,5 T sagittales T1 et T2. Un tracking de fibres basé sur une séquence de tenseur de diffusion 6 directions et centré sur la protubérance, effectué à M0, et M4 a été comparé avec cinq témoins sains, et des mesures du coefficient apparent de diffusion (ADC) et de Fraction d’Anisotropie (FA) ont été effectuées en zone lésionnelle et comparées aux valeurs normales. Le tracking de fibres a objectivé une altération du faisceau cortico-spinal Droit, ceci en concordance avec un discret déficit du Membre inférieur Gauche. Les fibres pédonculaires cérébelleuses moyennes apparaissaient refoulées sans lésion, de même que les faisceaux postérieurs sensitifs. Ces lésions présentaient un ADC augmenté (ADC = 1,58 10-3 mm2/s pour une normale à 0,76 10-3 mm2/s) et une FA diminuée (FA = 0,2 pour une normale à 0,38). Lors des bilans évolutifs, les valeurs d’ADC et de FA ne se sont pas normalisées (ADC = 1,36 10-3 mm2/s, FA = 0,22), alors que la patiente s’est améliorée cliniquement et que l’aspect du faisceaux cortico-spinal gauche s’est normalisé sur le tracking de fibres. Conclusion : Le tenseur de diffusion et le tracking de fibres sont un nouvel outil permettant l’évaluation qualitative des faisceaux de la substance blanche. Il peut être utilisé pour évaluer la localisation précise et l’extension des lésions dans le bilan initial des myélinolyses centro-pontiques ainsi que pour le suivi évolutif. Mots-clés : Myélinolyse, Pont, IRM, Tenseur de diffusion.
SUMMARY Diffusion tensor imaging and tractography of central pontine myelinolysis Objectives: To illustrate the value of diffusion tensor imaging and tractography in the diagnosis and follow-up of central pontine myelinolysis. Case report: We report a case of central pontine myelinolysis in a 29 year old woman, also anorexic, studied using MR Diffusion Tensor Imaging (DTI) and Fibre Tracking (FT) focused on the pons, and compared with the studies of 5 normal volunteers. Tractography showed a swollen aspect of the right corticospinal fiber tract correlating with mild left lower extremity deficit at clinical evaluation. The pontine fibers were posteriorly displaced but intact. The sensory tracts were also intact. Apparent Diffusion Coefficient values were increased and Fractional Anisotropy was decreased in the lesions. Follow up imaging showed persistent abnormal ADC and FA values in the pons although the left cortico-spinal tract returned to normal, consistent with the clinical outcome. Conclusion: Diffusion Tensor Imaging MR and Fiber tractography are a new method to analyse white matter tracts. It can be used to prospectively evaluate the location of white matter tract lesions at the acute phase of central pontine myelinolysis and follow up. Key words: Myelinolypsis, Pons, MR imaging, Diffusion tensor imaging.
INTRODUCTION La myélinolyse centropontique est une complication neurologique rattachée le plus souvent à la correction trop rapide d’une hyponatrémie chronique apparaissant en général dans un contexte d’alcoolisme, de dénutrition [6, 8] ; ce stress osmotique entraînant une augmentation brutale de la pression osmotique extra-cellulaire et par conséquent une déshydratation cellulaire. Le seul traitement connu Tirés à part : D. DUCREUX, à l’adresse ci-dessus. e-mail :
[email protected]
à l’heure actuelle est la prévention et, à défaut, un diagnostic précoce auquel contribue fortement l’IRM [3, 5]. L’évolution se fait en général en 2 phases : — Stade d’encéphalopathie métabolique contemporaine de l’hyponatrémie [8] qui se présente sous forme de céphalée, nausée ou vomissement, irritabilité, confusion ou au contraire, stupeur, obnubilation et crise convulsive. Les symptômes sont habituellement réversibles grâce aux apports sodés. Si ces apports sont trop abondants (12 mmol/l/j est la concentration supérieure communément admise) des signes de myélinolyse apparaissent [6].
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— Apparition décalée (2 à 4 jours après mais pouvant survenir après un délai de plusieurs semaines) des symptômes de la myélinolyse centro-pontique. Cette phase se caractérise par un syndrome pseudobulbaire, une dysarthrie, une dysphagie, une quadriparésie flasque puis spastique, des troubles oculaires, un état de conscience extrêmement variable allant de sa conservation parfaite jusqu’au stade plus ou moins profond de coma. L’évolution de la maladie est très variable, l’état du patient pouvant se stabiliser, s’améliorer (avec persistance ou non d’un syndrôme déficitaire résiduel minime : troubles cognitifs, de mémoire, ataxie, spasticité, diplopie) ou dans la plupart des cas, s’aggraver vers d’importants troubles de la conscience et le décès. L’imagerie et en particulier l’IRM peuvent apporter la confirmation diagnostique [3, 5, 7, 9]. Mais il faut souligner l’asynchronisme entre l’installation des signes cliniques et des signes radiologiques, ces derniers pouvant apparaître avec un délai de deux à trois semaines.
OBSERVATION Une patiente de 29 ans, anorexique sévère depuis l’âge de 17 ans (36 kg pour 1,56 m soit un index de masse corporelle à 14.8) a été hospitalisée pour une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle sur déshydratation avec hyponatrémie à 132 mmol/L et hypokaliémie à 2,6 mmol/L. Dans un délai de 15 jours sont apparus des troubles de la marche, un syndrôme cérébelleux statique, un syndrôme cérébelleux cinétique de l’hémicorps Gauche, une dysarthrie, une hémiparésie Gauche épargnant la face sans troubles de la sensibilité et sans paralysie des nerfs crâniens, suivi d’une aggravation transitoire puis d’une récupération progressive. Une myélinolyse centro-pontique a été diagnostiquée par imagerie par résonance
magnétique sur les séquences sagittales T1 et T2 réalisées sur un appareil SIEMENS Sonata 1,5 Tesla. Cette patiente a ensuite été explorée par tenseur de diffusion et tracking de fibres. Une exploration par IRM a eu lieu avec réalisation d’une séquence sagittale (430/8 ms TR/TE) et sagittale T2 (figure 1), et séquence tenseur de diffusion (DTI, 4900/85 ms TR/TE) avec des gradients de diffusion obtenus dans 6 directions non colinéaires en utilisant 2 valeurs de b (b = 0 et 1000 s/mm2) (champ d’acquisition 24 × 24 cm ; matrice 128 × 128 ; 30 coupes de 4 mm d’épaisseur, taille nominale du voxel : 1,875 × 1,875 × 4 mm). Des cartographies d’ADC (Apparent Diffusion Coefficient) et de FA (Fractional Anisotropy) furent calculées à partir de ces données en utilisant un logiciel maison (http:// fmritools.hd.free.fr). Une cartographie tridimensionnelle des fibres de substance blanche du tronc cérébral a été créée en utilisant la méthodologie déjà publiée [4, 10]. Sur ce tracking de fibres, il existait une altération du faisceau cortico-spinal droit, un refoulement des faisceaux pédonculaires cérébelleux moyens tandis que les faisceaux postérieurs sensitifs était respectés (figure 3) lorsque comparés à un sujet sain (figure 2). Des régions d’intérêt (49 pixels, 172 mm2), positionnées au sein de la lésion de myelinolyse ont retrouvé un ADC augmenté (ADC = 1,58 10–3 +/– 0,2 10–3 mm2/s ; normale à 0,76 10–3 +/– 0,2 mm2/s) et une FA abaissée (FA = 0,2 +/– 0,08 pour une normale entre 0,39 +/– 0,086). Un bilan clinique et une deuxième imagerie ont été effectués quatre mois plus tard, en utilisant exactement le même protocole d’IRM. La deuxième imagerie (figures 4a et 4b) a objectivé sur les séquences pondérées T2 la persistance de la cavité centropontique, avec discrète amélioration des valeurs d’ADC (ADC = 1 362 +/– 0,033 10–3 mm2/s) et une FA inchangée (FA = 0,22 +/– 0,11), tandis que le
FIG. 1. – Séquences sagittales pondérées T2 (à gauche) et T2 (à droite) réalisée chez la patiente mettant en évidence une plage centro-pontique, en hyposignal T1 et hypersignal T2 respectant les zones ventro-latérales (flèches). FIG. 1. – Sagittal T1W and T2W images showing a T1W hypointense and T2W hyperintense pontine lesion sparing the ventrolateral regions (arrows).
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FIG. 2. – Tracking de fibres réalisé chez un sujet sain (avec agrandissement), et centré sur la protubérance. La direction des fibres est codées par des couleurs : direction transversale (rouge), longitudinale (vert) et cranio-caudale (bleu). Les faisceaux moteurs cortico-spinaux (flèche) et sensitifs lemniscaux, tegmentaux et longitudinaux (tête de flèche) apparaissent séparés par les fibres protubérantielles transverses (étoile). FIG. 2. – Tractography of the pons in a normal volunteer. Fiber tract direction is color encoded: transverse direction (red), longitudinal direction (green) and craniocaudaldirection (blue). The corticospinal tracts (arrow) and lemniscal, tegmental and longitudinal sensory fibers (arrowhead) are separated by transverse pontine fibers (star).
FIG. 3. – Tracking de fibres réalisé chez la patiente (avec agrandissement), et centré sur la protubérance. La direction des fibres est codées par des couleurs : direction transversale (rouge), longitudinale (vert) et cranio-caudale (bleu). Une portion des faisceaux moteurs cortico-spinaux droit (flèche) est non visualisée, tandis que les faisceaux sensitifs lemniscaux, tegmentaux et longitudinaux (tête de flèche) sont respectés. FIG. 3. – Tractography of the pons in a patient with myelinolysis. Fiber tract direction is color encoded : transverse direction (red), longitudinal direction (green) and craniocaudaldirection (blue). A portion of the left corticospinal tract (arrow) is not visualized whereas the lemniscal, tegmental and longitudinal sensory fibers (arrowhead) are spared.
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FIG. 4. – a (haut) et b (bas), montrant la persistance de la cavité centro-pontique tandis que les fibres du faisceau cortico-spinal droit sont redevenues normales (flèche). FIG. 4. – a (superior) and b (inferior), showing central pontine gliosis. The left corticospinal tract is normal again.
tracking de fibres a montré la restitution ad integrum des fibres du faisceau cortico-spinal droit. Les fibres pédonculaires étaient toujours refoulées, et les faisceaux sensitifs postérieurs intacts. L’examen clinique de la patiente à quatre mois était redevenu totalement normal, sans déficit résiduel.
DISCUSSION L’hypokaliémie fréquemment associée à l’hyponatrémie constituerait un facteur prédisposant au développement d’une myélinolyse [8] ; la patiente présentait en effet ces deux anomalies. Lorsque l’on analyse uniquement l’IRM pondérée en T2, il est difficile de corréler la récupération clinique avec la persistance d’une zone nécrotique intra-protubérantielle. En effet, l’IRM conventionnelle n’est pas un bon moyen pour suivre l’évolution de la maladie : non seulement les lésions apparaissent avec retard mais elles régressent également de façon retardée, voire ne régressent pas du tout en dépit de l’amélioration clinique. De ce fait, aucune corrélation entre la gravité des signes cliniques et l’étendue des lésions n’a pu être établie [5, 7]. La séquence tenseur de diffusion (DTI) est une technique spéciale de l’IRM, permettant l’évaluation des mouvements microscopiques de l’eau autour des fibres de substance blanche à partir de l’analyse multidirectionnelle de la diffusivité de l’eau [2]. La fraction d’anisotropie (FA), paramètre obtenu à partir du traitement des séquences DTI et utilisée pour le tracking de fibres a été démontré comme étant plus sensible que l’ADC pour la détection des lésions dans des maladies de la substance blanche comme la sclérose en plaques. De plus, la fraction d’anisotropie est utilisée, couplée aux calculs des champs de tenseur, pour la reconstruction tridimensionnelle des faisceaux de substance blanche [10]. Le tracking de fibres, à partir d’un algorithme spécifique utilisant le FA, permet la visualisation de l’organisation anatomique des fibres de substance blanche. On peut ainsi
visualiser directement l’effet d’un processus occupant de l’espace (œdème, tumeur…) sur les faisceaux de la substance blanche : compression, refoulement voir rupture. Dans ce cas clinique, le tracking de fibres a permis de visualiser l’asymétrie de distribution des faisceaux de fibres cortico-spinales à droite, le refoulement des faisceaux pédonculaires cérébelleux moyens et l’intégrité des faisceaux sensitifs postérieurs, avec une bonne corrélation avec la clinique (pas de déficit sensitif) suggérant la pertinence de cette technique dans ce contexte. De plus, il a permis sur le contrôle évolutif de visualiser la restitution ad integrum du faisceau cortico-spinal droit, tandis que persistait une cavité centro-pontique avec refoulement des fibres pédonculaires et une totale récupération clinique. Il y avait donc parfaite adéquation entre la symptomatologie de la patiente et l’aspect du tracking de fibres. La myélinolyse centro-pontique étant un stress osmotique par passage de l’eau intra-cellulaire dans l’espace extra-cellulaire, les faisceaux de fibres atteints se voient « vidés » de leur eau intracellulaire, entrainant un processus de démyélinisation si le traitement étiologique de la myélinolyse tarde. La technique de DTI et le calcul d’ADC ou de FA n’est sensible aux valeurs de b utilisées qu’aux mouvements microscopiques hydriques extra-cellulaires, ce qui ne permet pas de visualiser cet échange aqueux, et donc ne permet pas de calculer des paramètres ADC et FA informatifs. En revanche, le tracking de fibres tient compte de la direction des champs de tenseurs qui suivent les fibres de substance blanche. Ils permettent donc une visualisation indirecte de la congruence du faisceau de fibres même en cas d’œdème extra-cellulaire comme dans ce cas. La visualisation sur l’IRM de contrôle de l’ensemble des fibres du faisceau cortico-spinal constitue ainsi un argument en faveur de la supériorité de cette technique par rapport aux mesures paramétriques dans la visualisation de l’intégrité anatomique des fibres. Ce que nous avons observé grâce au tracking de fibres dans ce cas clinique correspond à la phase
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semi-aiguë de la myélinolyse (démyélinisation) et à la phase de récupération (remyélinisation). Cette technique possèdant donc une bien meilleure sensibilité en matière de détection des anomalies de faisceaux de fibres permettrait de faire le diagnostic positif précoce d’atteinte lésionnelle, et d’évaluer le pronostic du patient dans la mesure ou la persistance de fibres au sein du faisceau atteint constituerait un élément de bon pronostic (comme ce fut le cas de notre patiente). Il est évidemment nécessaire d’étudier ce paramètre sur un plus grand nombre de patients afin de vérifier cette hypothèse.
CONCLUSION L’IRM est primordiale dans le diagnostic de myélinolyse centro-pontine, étant le seul examen permettant de visualiser la lésion protubérentielle et d’établir le diagnostic souvent difficile devant ce tableau clinique d’urgence. Le tenseur de diffusion et le tracking de fibres sont un nouvel outil permettant l’évaluation qualitative des faisceaux de la substance blanche. Il peut être utilisé pour évaluer la localisation précise et l’extension de lésions démyélinisantes dans le bilan initial des myélinolyses centro-pontiques ainsi que pour le suivi évolutif.
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Analyses de livres Acute ischemic stroke. Imaging and intervention. R.G. Gonzalez, J.A. Hirsch, W.J. Koroshetz, M.H. Lev, P. Schaefer Springer-Verlag, Berlin Heidelberg 2006 Ce très intéressant ouvrage, rédigé par l’équipe pluridisciplinaire du Massachusetts General Hospital responsable de la prise en charge des patients victimes d’accident vasculaire cérébral, comporte trois parties. La première partie est dédiée aux aspects physiopathologiques, mort cellulaire et neuroprotection, et aux causes de l’ischémie cérébrale. La deuxième partie couvre très largement l’apport diagnostique de l’imagerie, scanner imagerie par résonance magnétique, sous ses aspects morphologique mais aussi fonctionnel, deux chapitres étant spécifiquement consacrés à l’étude de la perfusion. L’imagerie métabolique est également envisagée dans un chapitre dédié à la tomographie par émission monophotonique, à la tomographie par émission de positons et à la spectroscopie. Dans la dernière partie, les auteurs discutent leurs protocoles thérapeutiques, environnement médical, thrombolyse intraveineuse et traitements endovasculaires. Ce guide, qui rapporte l’expérience d’un centre de renommée internationale, sera apprécié à plus d’un titre ; il fait une synthèse des données les plus actuelles sur le sujet ; il est pratique, le lecteur trouvera facilement, toutes les informations nécessaires à la compré-
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