Thérapie 2010 Janvier-Février; 65 (1): 29–34 DOI: 10.2515/therapie/2009062
S UIVI THÉRAPEUTIQUE PHARMACOLOGIQUE
c 2010 Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique
Suivi thérapeutique pharmacologique du zonisamide Marie-Clémence Verdier1, Danièle Bentué-Ferrer1 et Olivier Tribut1 pour le groupe Suivi Thérapeutique Pharmacologique de la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique2 1 Laboratoire de Pharmacologie Biologique, CHU Pontchaillou, Rennes, France 2 http://www.pharmacol-fr.org/index.php/suivi-therapeutique-pharmaco Texte reçu le 6 octobre 2009 ; accepté le 1er décembre 2009
Mots clés : zonisamide ; suivi thérapeutique pharmacologique
Résumé – Le zonisamide est un antiépileptique de deuxième génération disponible en France depuis 2005. Son mécanisme d’action est similaire à ceux de la phénytoïne ou de la carbamazépine. Il est indiqué en association dans le traitement de l’épilepsie partielle avec ou sans généralisation secondaire. Le zonisamide est bien absorbé avec une concentration maximale atteinte en 2 à 5 h. Il est métabolisé en partie par le CYP3A4 et glucuronoconjugué. Il présente une demi-vie d’élimination très longue, de l’ordre de 60 h. Les études chez l’adulte et l’enfant montrent de faibles corrélations concentration/efficacité et concentration/toxicité, mais une zone thérapeutique a pu être déterminée entre 10 et 40 mg/L. Le zonisamide est sensible aux molécules inductrices des CYP qui vont augmenter sa clairance et diminuer sa demi-vie. Une surveillance particulière du patient est recommandée en cas d’insuffisance rénale. Pour cette molécule, l’intérêt du STP a été évalué à : éventuellement utile.
Keywords: zonisamide; therapeutic drug monitoring
Abstract – Therapeutic Drug Monitoring of Zonisamide. Zonisamide is a second generation antiepileptic drug available in France since 2005. It provides a mechanism of action similar to those of phenytoin or carbamazepine. It is indicated in association in the treatment of partial epilepsy with or without secondary generalization. Zonisamide is well absorbed with maximum concentration achieved in 2 to 5 h. It is partly metabolized by the CYP3A4. Its elimination half-life is very long, around 60 h. Studies in adults and children show low concentration-efficacy and concentration-toxicity correlations, but a therapeutic range has been determined between 10 and 40 mg/L. Zonisamide is sensitive to the inductive molecules of CYP which will increase its clearance and decrease its half-life. A specific monitoring of patient is recommended in renal impairment. For this molecule, the interest of TDM has been evaluated: possibly useful.
1. Introduction r ) est un dérivé benzisoxazole déLe zonisamide (Zonegran couvert en 1972, dont la structure chimique, classée comme sulfonamide, se distingue des autres antiépileptiques (figure 1). Le zonisamide a été autorisé en France en 2005.
Son activité anticonvulsivante est proche de celle de la phénytoine et de la carbamazépine : le zonisamide empêche la diffusion ou la propagation des décharges épileptiques, en bloquant les canaux sodiques et calciques de type T voltagedépendants, et donc les décharges neuronales synchrones. Il renforce également l’inhibition neuronale via la modulation des
systèmes de neurotransmission incluant les systèmes dopaminergique, GABAergique et sérotoninergique. Il est indiqué chez l’adulte, en association, dans le traitement de l’épilepsie partielle avec ou sans généralisation secondaire. Le traitement doit être initialisé à la dose de 50 mg/j en deux prises, puis la dose peut être augmentée après 1 semaine à 100 mg et par paliers de 100 mg au maximum tous les 7 jours. [1] Comme pour beaucoup d’antiépileptiques de deuxième génération, d’autres indications sont évoquées, notamment dans la prise en charge de la maladie de Parkinson [2–4] et de pathologies neurologiques comme la migraine ou les douleurs neuropathiques. [5] Plusieurs revues ont été consacrées au zonisamide. [6–8]
Article publié par EDP Sciences
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Tableau I. Paramètres pharmacocinétiques obtenus chez 15 volontaires sains, à l’équilibre, pour une dose quotidienne de 400 mg/j ; Groupe A : 400 mg toutes les 24 h ; groupe B : 200 mg toutes les 12 h (d’après Kochak et al.). [12]
Groupe A (n = 4)
Paramètre tmax Cmax Cmin AUC 0−12 h AUC 0−24 h CL/F T1/2
(h) (mg/L) (mg/L) (mg.h/L) (mg.h/L) (L/h) (h)
Groupe B (n = 11) Moyenne ± écart-type 1,80 ± 0,36 2,10 ± 1,03 27, 90 ± 3, 82 30, 30 ± 4, 73 21, 40 ± 2, 74 26, 40 ± 3, 92 339,50 ± 50,50 571,60 ± 59,09 0,71 ± 0,07 0,60 ± 0,099 63, 0 ± 14,1 68, 6 ± 11,2
tmax : temps auquel est obtenue la concentration plasmatique maximum ; Cmax : concentration plasmatique maximale ; Cmin : concentration plasmatique minimale ; AUC : area under curve (aire sous la courbe) ; CL/F : clairance orale ; T1/2 : temps de demi-vie ; L : litre ; h : heure.
Fig. 1. Structure chimique du zonisamide : 1,2-benzisoxazole-3-methane sulfonamide.
2. Pharmacocinétique Différentes études ont permis d’établir les caractéristiques pharmacocinétiques du zonisamide, chez le volontaire sain, chez l’adulte épileptique et en pédiatrie. Ces études ont été menées soit après administration unique, soit après administration répétée, avec le zonisamide seul ou en association. Le zonisamide est bien absorbé, avec une biodisponibilité absolue proche de 100 %. La concentration plasmatique maximale est atteinte en 2 à 5 h, et légèrement retardée si le zonisamide est administré au cours d’un repas (4–6 h). [9] Cependant, l’alimentation ne modifie pas sa biodisponibilité. [10] Deux études montrent des tmax légèrement inférieurs : à 2,8 ± 1 h [11] et à 1, 8 ± 0,36 h en une prise/j et 2, 1 ± 1, 03 h en 2 prises/j. [12] La pharmacocinétique est linéaire en administration unique pour des doses allant de 100 à 800 mg et en administration répétée pour des doses de 100 à 400 mg/j. [13] L’étude de Kochak et al. [12] réalisée chez 34 volontaires sains a permis de déterminer différents paramètres, présentés dans le tableau I. Ces données ont été obtenues après l’administration d’une dose standard de 200 mg ×2/j ou 400 mg en 1 prise/j. La variabilité intra-individuelle a été évaluée à seulement 1,8 %, la pharmacocinétique du zonisamide chez un patient donné semble donc stable et reproductible, pour une dose donnée. L’étude pilote de Sackellares et al. [11] incluant 11 patients adultes épileptiques avait montré des concentrations minimales à c 2010 Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique
l’équilibre plus élevées, à 31 mg/L en moyenne, pour une dose moyenne de 10,5 mg/kg/j en 2 prises, ce qui se rapproche des résultats de l’étude de Wilensky et al. [14] qui a mesuré des Cmin à 32 mg/L en moyenne pour une dose moyenne de 7 mg/kg/j (475 mg/j en 2 prises). Le taux de liaison aux protéines plasmatiques est de 40 à 50 %. Le zonisamide s’accumule préférentiellement dans les érythrocytes de façon inversement proportionnelle à la concentration plasmatique (accumulation réversible et saturable). Après une administration unique, le Vd décroît selon la dose : de 1,8 L/kg pour une dose de 200 mg, à 1,2 L/kg pour une dose de 800 mg. Ce phénomène serait dû au caractère saturable de la liaison aux érythrocytes. [15] Le zonisamide subit un métabolisme hépatique, il est réduit en 2-sulfamoylacétyl-phénol via le CYP 3A4, puis glucuronoconjugué (50 % du zonisamide administré). Les CYP 2C19 et 3A5 interviennent également dans le métabolisme du zonisamide, et un polymorphisme génétique du CYP 2 C19 semble en affecter la clairance. [16] Vingt pour cent sont acétylés, les 30 % restant sont éliminés sous forme inchangée dans les urines. La CL/F est relativement lente, de 10 à 11,7 mL/min. Plusieurs études menées aux États-Unis ou au Japon, chez des volontaires sains ou des malades, ont montré une élimination dépendante de la dose (1,34 L/h après une dose de 200 ou 400 mg, et 1,05 L/h après une dose de 800 mg),[17] de type Michaelis-Menten (constante de Michaelis : Km = 49,5 mg/L, vitesse initiale maximale : Vmax = 27,6 mg/kg/j). [18] L’état d’équilibre est atteint en environ 14 jours, ce qui correspond à un temps de demi-vie supérieur à 60 h dans le plasma. [12]
3. Relation exposition effet 3.1. Exposition efficacité L’étude pilote de Sackellares et al. [11] montre 100 % d’efficacité chez les 10 patients adultes traités, avec des concentrations Thérapie 2010 Janvier-Février; 65 (1)
STP du zonisamide
plasmatiques résiduelles moyennes allant de 19,6 à 49,6 mg/L. L’étude effectuée par la même équipe sur 167 patients n’a pas pu établir de lien entre dose et efficacité, ni entre concentration et efficacité. [19] En effet, les sujets répondeurs ont présenté des doses finales médianes de 500 mg/j (de 200 à 900 mg/j) pour des concentrations plasmatiques médianes de 19,9, 19,9 et 22,8 mg/L selon les périodes d’observation (5–8 semaines, 9–12 semaines, 13–16 semaines respectivement). Les patients non répondeurs ont été traités avec les mêmes doses (500 mg/j, allant de 200 à 1100 mg/j), pour des concentrations plasmatiques médianes de 17,2, 19,2 et 21,3 mg/L aux mêmes périodes. Les différences de concentrations selon les périodes n’étaient pas significatives. Lors d’une étude réalisée chez 1008 patients, [20] les doses administrées étaient de 5,9 à 8,8 mg/kg/j et les concentrations résiduelles à l’équilibre allaient de 19,6 à 20,7 mg/L. Une efficacité clinique était rapportée chez 72 % des patients dans la plupart des types de crises, sauf pour les patients atteints de crises toniques généralisées (26 % d’efficacité), et de crises myocloniques (43 % d’efficacité). Une étude randomisée contre placebo, menée chez 203 patients atteints d’épilepsie partielle, traités par zonisamide en traitement adjuvant, renforce encore ces résultats, montrant le manque de relation entre concentration et efficacité. Les concentrations plasmatiques pour une dose de 400 mg/j étaient équivalentes dans le groupe répondeur et dans le groupe non répondeur (16,5 à 21,3 mg/L). [21] L’étude de Brodie et al. [22] ayant inclus 351 patients traités à différentes doses, conclut à une relation dose-efficacité, mais sans avoir évalué les concentrations plasmatiques. En effet, chez ces patients, la réduction du nombre de crises est significativement plus importante à partir de 300 mg/j, par rapport à des doses plus faibles. Enfin, plusieurs études pédiatriques ont cherché le lien dose/concentration/effet : – L’étude de Mimaki et al. [23] réalisée chez des enfants atteints d’épilepsie rebelle, a mesuré des concentrations résiduelles à l’équilibre entre 6,7 et 40 mg/L chez des enfants jugés répondeurs, et pour des doses allant de 1,6 mg/kg/j à 18,2 mg/kg/j. Aucune relation entre la concentration plasmatique et l’efficacité n’a pu être démontrée. – Une étude chez 68 enfants [24] montre qu’il n’y a pas de relation apparente entre la concentration plasmatique en zonisamide et l’efficacité du traitement. Cette étude conclut qu’en cas d’inefficacité, la posologie de zonisamide peut être augmentée par paliers, jusqu’à atteindre une concentration plasmatique maximale (2 à 4 h après la prise) de 40–50 mg/L, seuil au-delà duquel les effets indésirables sont plus fréquents. – Une troisième étude, menée chez 72 enfants de 3 mois à 15 ans traités par zonisamide en une prise par jour à la dose initiale c 2010 Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique
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de 2 mg/kg, parvient aux mêmes conclusions. [25] Il n’y a pas de relation claire entre les concentrations plasmatiques (résiduelles ou au pic) et l’efficacité, quel que soit l’âge des patients. Le rapport concentration/dose a tendance à augmenter avec l’âge, tandis que le rapport Cmax /Cmin reste stable. Tous les résultats de ces études convergent donc pour conclure qu’il n’y a pas de relation évidente entre concentration et efficacité. Cependant, on retrouve une zone thérapeutique, suggérée par Mimaki [26] et Glauser & Pippenger, [27] dont les bornes seraient 10 et 40 mg/L pour une bonne efficacité du zonisamide, tout en limitant l’apparition des effets indésirables. La relation doseefficacité semble un peu plus significative, même s’il a été montré que certains patients répondent bien dès 100 ou 200 mg/j. [28] 3.2. Exposition toxicité Rares sont les études établissant un lien entre concentrations et toxicité. Dans l’étude pilote de Sackellares et al. [11] il apparaît que, après adaptation des doses chez certains patients présentant des effets indésirables, la dose moyenne administrée chez les 11 patients est de 8, 5 ± 2, 5 mg/kg/j (de 5,2 à 12,5 mg/kg/j), avec des concentrations plasmatiques moyennes de 30,7 ± 10,2 mg/L (de 16,5 à 49,6). Ces doses, et donc ces concentrations, sont celles induisant le moins d’effets indésirables. L’étude de Leppik et al. [19] menée chez 167 patients rapporte des événements indésirables pour des doses supérieures à 5 mg/kg, soit 300 mg/j, et dont plus de la moitié ont débuté pour des concentrations plasmatiques supérieures à 10 mg/L. L’étude pilote de Wilensky et al. [14] a inclus 8 patients adultes épileptiques qui ont tous déclaré des effets indésirables parfois dès l’instauration du traitement. Un élément important à prendre en compte est la mise en place du traitement avec de fortes doses d’emblée, et non par paliers. Les effets sont apparus pour des doses allant de 400 à 800 mg/j, et pour des concentrations plasmatiques allant de 29 à 50 mg/L. L’un de ces patients avait reçu une dose accidentelle de 1200 mg au lieu de 600. La réduction des doses, menant à une réduction des concentrations plasmatiques entre 20 et 30 mg/L semblait corrélée à une diminution de ces effets indésirables. Seki et al. [24] ont déterminé les concentrations plasmatiques de zonisamide juste après l’apparition d’un effet indésirable chez 30 enfants sur 77 traités. Ces concentrations s’étalaient de moins de 10 mg/L à environ 50 mg/L, soit des concentrations équivalentes aux concentrations efficaces relevées ci-dessus. Miura, [25] toujours chez l’enfant, a relevé l’apparition d’effets indésirables chez cinq enfants dont la concentration plasmatique maximale de zonisamide était supérieure à 40 mg/L, et pour qui les doses ont dû être réduites. Thérapie 2010 Janvier-Février; 65 (1)
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Une concentration seuil semble pouvoir être déterminée pour l’apparition d’effets indésirables, fixée à 40 mg/L, quoique n’étant pas systématiquement reliée à une toxicité.
4. Facteurs pouvant modifier la pharmacocinétique 4.1. Paramètres physiopathologiques 4.1.1. Âge
D’après l’étude de Wallace et al. [29] réalisée en parallèle sur deux groupes de patients, jeunes versus âgés, il semblerait que la Cmax et la demi-vie soient plus élevées chez la personne âgée, tandis que le Vd serait plus faible. Mais les différences entre ces paramètres ne semblent pas affecter l’exposition globale au zonisamide, puisque l’ASC0-∞ n’était pas différente entre les deux groupes. 4.1.2. Insuffisance rénale
Il existe très peu d’études de cinétique du zonisamide chez l’insuffisant rénal. Les données du fabricant annoncent une augmentation de l’ASC de 35 % pour une clairance à la créatinine inférieure à 20 mL/min. [30] Cependant, Perucca et Bialer [31] n’ont pas observé de modification des paramètres pharmacocinétiques après une administration unique de 300 mg chez l’insuffisant rénal (clairance 0,6 L/h), comparé au volontaire sain. Cependant, le zonisamide peut provoquer l’apparition de calculs rénaux, avec une fréquence de 4 % lors d’une étude réalisée chez près de 1000 patients (données du laboratoire). Toute altération de la fonction rénale devra s’accompagner d’un arrêt du traitement par zonisamide. 4.1.3. Insuffisance hépatique
En cas d’insuffisance hépatique, il est recommandé de diminuer les doses et d’augmenter la surveillance du traitement. En effet, le zonisamide est métabolisé au niveau hépatique, une étude réalisée chez le rat insuffisant hépatique montre une diminution de la clairance du zonisamide avec augmentation de l’ASC et de la demi-vie. [32] 4.1.4. Grossesse
Très peu de données sont disponibles sur le zonisamide pendant la grossesse, un effet tératogène ayant été rapporté chez l’animal, puis chez deux femmes en 1996. [33] Cette étude mentionnait des concentrations plasmatiques de zonisamide obtenues au c 2010 Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique
cours du premier trimestre de la grossesse chez 26 femmes enceintes. Le zonisamide était administré seul ou en association, et les concentrations obtenues évoluaient entre 4,5 et 30 mg/L (12,1 ± 7,3 mg/L). Parmi ces 26 grossesses, 2 enfants présentaient des malformations, alors que les concentrations plasmatiques au premier trimestre étaient d’environ 6 mg/L chez les mères. Le cas d’une femme enceinte traitée par zonisamide seul à 200 mg/j a été décrit récemment. [34] Chez cette patiente, les concentrations plasmatiques mesurées oscillaient entre 7,5 et 17 mg/L jusqu’à la 27e semaine. À la 27e semaine, la concentration a chuté à 4,4 mg/L, et la posologie a dû être augmentée à 300 mg/j. Après la délivrance, à cette même posologie, la concentration plasmatique avait réaugmenté à 20,8 mg/L. Les résultats ont conduit à l’hypothèse d’une augmentation de la clairance du zonisamide à partir de la fin du 2e trimestre. Les recommandations sont aujourd’hui d’éviter ce traitement, sauf si le bénéfice attendu dépasse le risque. Un rapport de cas [35] en période périnatale rapporte les concentrations obtenues chez la mère (plasma), dans le lait maternel et dans le sang de cordon au moment de la délivrance, puis dans le sang de l’enfant. Deux femmes et deux enfants ont été suivis. Le taux de transfert entre le sang maternel et le placenta a été calculé à 92 %. Les concentrations plasmatiques chez les enfants étaient supérieures à 10 mg/L à la naissance, la concentration plasmatique de l’une des mères était de 15,7 mg/L à la délivrance. Les demi-vies d’élimination ont été calculées à 61 h et 109 h chez les 2 enfants. Les concentrations dans le lait étaient tout à fait comparables aux concentrations de la fraction libre de zonisamide (autour de 9–10 mg/L), le taux de transfert entre le plasma et le lait a été estimé entre 41 et 57 %. Ces concentrations restaient stables dans le temps, alors que les concentrations plasmatiques chez les mères augmentaient de 17,5 à 23,3 mg/L et de 18,9 à 25,2 mg/L. 4.2. Interactions pharmacocinétiques 4.2.1. Influence du zonisamide sur la pharmacocinétique des autres antiépileptiques
Le zonisamide est un substrat des CYP mais ne présente pas d’effet inducteur ni inhibiteur de ces enzymes. Dans les différentes études publiées, notamment par l’équipe de Lévy et RagueneauMajlessi, [36–39] aucune influence significative du zonisamide sur la pharmacocinétique des autres antiépileptiques n’a été montrée. 4.2.2. Influence des autres antiépileptiques sur la pharmacocinétique du zonisamide
Compte tenu de son métabolisme relativement important au niveau hépatique, le zonisamide est sensible aux molécules inductrices des CYP 3A4. Thérapie 2010 Janvier-Février; 65 (1)
STP du zonisamide
Carbamazépine : la carbamazépine induit le CYP 3A4, ce qui augmente la clairance orale du zonisamide à 16,3 mL/min et diminue sa demi-vie à 36,3 h. L’état d’équilibre est donc atteint en une semaine au lieu de deux habituellement. [36] On retrouve ce temps de demi-vie dans l’étude d’Ojemann et al. [36] et le même type de résultat avait déjà été publié par Shinoda et al. [40] Phénytoïne : le même phénomène apparaît lors de l’association avec la phénytoïne, qui diminue la demi-vie du zonisamide à 28,3 h en augmentant sa clairance orale CL/F à 1292 mL/h (21,5 mL/min). [37] Les résultats de cette étude ont confirmé ceux précédemment publiés par Ojemann et al. en 1986 [41] (T1/2 = 27,1 h et CL/F : 34 mL/h/kg). Il est donc recommandé d’augmenter les doses de zonisamide lorsqu’il est co-administré avec la phénytoïne. À noter que cette influence de la phénytoïne sur la cinétique du zonisamide présente l’avantage de diminuer le délai pour atteindre l’équilibre. Valproate de sodium : une étude de Kimura et al. [42] rapporte une diminution des concentrations plasmatiques du zonisamide sous valproate chez le rat, sans toutefois pouvoir expliquer cette interaction. Les études chez l’homme n’ont pas confirmé cette observation, et il est généralement considéré qu’il n’y a pas d’interaction cliniquement significative entre le zonisamide et l’acide valproique. [38,43] Lamotrigine : l’association lamotrigine-zonisamide ne semble pas modifier la pharmacocinétique du zonisamide. [39] Phénobarbital : le phénobarbital présente également un effet inducteur enzymatique, ce qui fait augmenter la clairance du zonisamide d’un facteur 2, et entraîne une demi-vie plus courte d’environ 38 h. Primidone : la primidone présente le même effet inducteur enzymatique que le phénobarbital ou la carbamazépine. On retrouve donc les mêmes conséquences : augmentation de la clairance, diminution de la demi-vie, diminution des concentrations plasmatiques. Topiramate : concernant l’association zonisamide et topiramate, du fait de leur effet commun inhibiteur de l’anhydrase carbonique, il existe un risque d’interaction pharmacodynamique avec élévation du risque de calcul rénal. Cependant, aucun cas n’a été rapporté entre 2001 et 2007. [9]
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cimétidine) n’ont pas d’influence sur la pharmacocinétique d’une dose unique de zonisamide, chez le volontaire sain. [45]
5. Méthodes analytiques Différentes méthodes analytiques par HPLC couplée à une détection UV ont été décrites, [12,35,37,40,46] et une méthode a été récemment publiée en spectrométrie de masse. [47]
6. Conclusion Peu d’études permettent une argumentation solide. Les publications qui abordent la pharmacocinétique du zonisamide traitent peu de l’efficacité du traitement, et inversement, les publications portant sur l’efficacité font peu état des concentrations plasmatiques associées. Il ne ressort pas de lien clair entre les concentrations plasmatiques et l’efficacité du traitement. Cependant, quelques auteurs ont proposé une zone thérapeutique permettant une optimisation du rapport efficacité/intolérance, pour des concentrations plasmatiques résiduelles comprises entre 10 et 40 mg/L. Le lien entre concentration et toxicité n’est pas beaucoup plus évident, même si des concentrations supérieures à 30 à 40 mg/L sont effectivement généralement reliées à une fréquence plus élevée d’évènements indésirables. Compte tenu des modifications pharmacocinétiques induites par les traitements antiépileptiques associés, une surveillance accrue parait nécessaire lors d’un changement de traitement. Cette surveillance pourrait impliquer une mesure des concentrations plasmatiques, à condition de connaître la concentration « de référence » du patient lorsqu’il est équilibré sous zonisamide. Pour le suivi courant d’un traitement par zonisamide, chez un patient équilibré, la mesure des concentrations plasmatiques ne semble pas présenter d’intérêt particulier, les concentrations obtenues pour une dose donnée étant relativement stables. Classement : éventuellement utile.
Références
4.2.3. Zonisamide et autres médicaments 1.
Contrairement aux anti-épileptiques inducteurs enzymatiques, il n’y a pas d’interaction pharmacocinétique ou pharmacodynamique avec les contraceptifs oraux. [44] En théorie, tous les médicaments inhibiteurs ou inducteurs des CYP sont susceptibles de modifier la pharmacocinétique du zonisamide. En réalité, les études conduites jusqu’à ce jour tendent à montrer que les inhibiteurs des CYP (kétoconazole et c 2010 Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique
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Correspondance et offprints : Marie-Clémence Verdier, Laboratoire de Pharmacologie Biologique, CHU Pontchaillou, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex, France. E-mail :
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