Texte des experts - Surveillance biome´trologique en sante´ au travail Biomonitoring of occupational exposure: From principles to practices C. Nisse Service de pathologie professionnelle et environnement, CHRU-Universite´ de Lille-2, 1, avenue
Surveillance biologique de l’exposition : des principes a` la pratique
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www.sciencedirect.com
Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France
Introduction Parmi les outils d’e´valuation de l’exposition des travailleurs a` des substances chimiques pre´sentes dans leur environnement professionnel, la surveillance biologique de l’exposition ou biome´trologie, occupe une place grandissante aux coˆte´s et en comple´mentarite´ de la mesure des concentrations atmosphe´riques de polluants et de l’e´valuation de la contamination des surface de travail (frottis de surface). De´finie comme « l’identification et la mesure des substances de l’environnement du poste de travail ou de leurs me´tabolites dans les tissus, les excre´tas, les se´cre´tions ou l’air expire´ des salarie´s expose´s, afin d’e´valuer l’exposition et les risques pour la sante´, en comparant les valeurs mesure´es a` des re´fe´rences approprie´es », elle participe donc a` la de´marche d’e´valuation du risque chimique, a` la gestion et a` la pre´vention de celui-ci mais aussi a` la trac¸abilite´ de l’exposition. Elle est aujourd’hui inte´gre´e au cadre re`glementaire, notamment relatif au controˆle du risque chimique. Le me´decin du travail e´tant responsable de la prescription des examens biologiques (choix des indicateurs, du laboratoire, de l’acheminement des e´chantillons, circuit de rendu des re´sultats), de l’information du salarie´ et de l’employeur, de l’interpre´tation des re´sultats et de la conservation de ceux-ci, il est indispensable qu’il maitrise les e´le´ments essentiels a` une bonne mise en pratique de cette surveillance biologique. La biome´trologie est encore sous utilise´e ou parfois mal utilise´e en milieu professionnel. Une enqueˆte effectue´e par l’INRS a recense´ la re´alisation de 135 000 examens biologiques dans des laboratoires spe´cialise´s en 2006, plus de 50 % e´tant relatifs a` la surveillance de l’exposition au plomb. Les auteurs partant de l’estimation du nombre de salarie´s expose´s a` des e-mail :
[email protected].
substances CMR par le biais de l’enqueˆte SUMER (hors plomb) ont calcule´ que moins de 12 % des salarie´s ayant une exposition notable be´ne´ficiaient d’une surveillance biologique, allant de 66 % pour le benze`ne a` moins de 1 % pour les nitrosamines, les PCB, l’acrylamide. . . [1]. L’e´volution des connaissances sur le comportement des xe´nobiotiques dans l’organisme, le de´veloppement des mises au point analytiques, l’ame´lioration de la technicite´ des appareils de mesure, la baisse des niveaux d’exposition et l’ame´lioration des protections individuelles et collectives entrainant des niveaux d’impre´gnation plus faibles, justifient que le choix des indicateurs et du protocole de suivi soit adapte´ au contexte. Cela afin que chaque me´decin puisse remplir au mieux sa mission de « prescription la plus approprie´e en la circonstance » (article 6 du code de de´ontologie me´dicale) et de « soins fonde´s sur les donne´es acquises de la science » (article 32 du code de de´ontologie).
Pre´requis et principes a` l’e´tablissement d’une surveillance biologique de l’exposition La biome´trologie correspond a` la mesure de la dose interne de polluants qu’il s’agisse de la substance elle-meˆme (plomb, cadmium, mercure, benze`ne, tolue`ne, amines aromatiques libres. . .) ou de ses me´tabolites (me´tabolites de solvants : acides trans-trans-muconique ou S-phe´nylmercapturique, ou me´thylhippurique, ou 2-butoxyace´tique. . ., me´tabolites d’hydrocarbures aromatiques polycycliques : 3-OH-benzo(a)pyre`ne, 1-OH-pyre`ne, Naphtols. . ..). Par extension, on inclut parmi les indicateurs d’exposition certains marqueurs d’effets pre´coces (variations de la protoporphyrine zinc e´rythrocytaire ou de l’acide delta aminole´vulinique urinaire lors de
1775-8785X/$ - see front matter ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.admp.2012.02.051 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2012;73:447-450
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l’exposition au plomb ou encore des cholineste´rases plasmatiques ou intra e´rythrocytaires lors de l’exposition aux organophosphore´s. . .). De meˆme, les adduits a` l’ADN ou aux prote´ines (he´moglobine, albumine) refle`tent la dose biologiquement active et te´moignent de l’impre´gnation de l’organisme par des ge´notoxiques. En revanche, les marqueurs d’effets sont exclus (transaminases, nume´ration sanguine, tests de ge´notoxicite´ en dehors des adduits. . .). Pour eˆtre optimale, la mise en œuvre d’une surveillance biologique de l’exposition doit tenter de re´pondre a` plusieurs objectifs : l’indicateur choisi doit eˆtre le plus spe´cifique possible de la substance a` laquelle les travailleurs sont expose´s, corre´le´ a l’intensite´ de l’exposition et e´ventuellement aux effets, ce qui permet l’e´tablissement de valeurs limites biologiques auxquelles on pourra se re´fe´rer, identifiable dans un liquide biologique facilement (sang, urines) sans que le pre´le`vement ne soit invasif ou difficile a` mettre en œuvre, de demi-vie suffisamment longue pour eˆtre pre´leve´ en fin d’exposition, suffisamment stable pour eˆtre conserve´ jusqu’a` l’analyse, son analyse doit eˆtre possible selon une me´thode accessible en routine, sensible, pre´cise et spe´cifique et de cout raisonnable. La variation interindividus et intraindividus doit eˆtre la plus faible possible pour faciliter l’interpre´tation. Des informations doivent eˆtre disponibles sur les niveaux d’exposition en population ge´ne´rale, sur les facteurs professionnels ou extraprofessionnels influenc¸ant ces niveaux, sur l’existence de valeurs limites d’exposition professionnelle et sur les conditions de fixation de ces valeurs. Ainsi, l’e´tablissement d’un programme de surveillance biologique pourra eˆtre baˆti en choisissant : l’indicateur, le moment de pre´le`vement et le milieu de pre´le`vement, les modalite´s de pre´le`vement(support de pre´le`vement, contamination), le laboratoire compe´tent pour le dosage (accre´ditation, controˆles de qualite´, type d’appareillage, localisation, temps d’analyse), les modalite´s de conservation et d’envoi, les informations a` recueillir concernant les parame`tres descriptifs de l’exposition et les facteurs extraprofessionnels utiles a` l’interpre´tation ulte´rieure des re´sultats. Afin d’appre´hender au mieux l’ensemble de ces e´le´ments, certaines connaissances pre´alables doivent eˆtre acquises.
Notions de toxicocine´tique et de me´tabolisme Ces donne´es sont utiles pour le choix de l’indicateur biologique d’exposition (IBE), du moment de pre´le`vement et pour l’interpre´tation des re´sultats. La voie de pe´ne´tration respiratoire est souvent conside´re´e comme majoritaire en milieu professionnel (compose´s volatiles, particules. . .). La biome´trologie est particulie`rement adapte´e pour prendre en compte ou controˆler l’efficacite´ des e´quipements de protection respiratoire utilise´s. L’absorption cutane´e peut e´galement eˆtre importante lors du contact avec des liquides, ou en pre´sence des substances
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faiblement volatiles (pression de vapeur infe´rieure a` 5 mmHg) : comme par exemple les amines aromatiques, les e´thers de glycol, le dimethylformamide, les compose´s nitre´s, les organophosphore´s. . .. La biome´trologie a ici tout son inte´reˆt, pour appre´cier l’importance de l’impre´gnation et l’efficacite´ des e´quipements de protection cutane´e. L’information concernant la notion de passage percutane´ peut eˆtre trouve´e sur les liste de valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) ou` la notion « peau » est mentionne´e. [2] L’absorption par voie digestive n’est pas non plus ne´gligeable pour les particules qui ont e´te´ soit inge´re´es par de´faut d’hygie`ne (onychophagie, contamination manuporte´e), soit inhale´es puis transfe´re´es par les me´canismes de clairance pulmonaire. La surveillance biologique peut ainsi permettre d’identifier, devant des variations interindividus dans un groupe homoge`ne d’exposition (travailleurs ayant les meˆmes modalite´s d’exposition), des facteurs de risque d’impre´gnation individuels lie´s au comportement ou a` l’hygie`ne et qui peuvent eˆtre ame´liore´s par des re`gles de pre´vention. La biome´trologie est en revanche sans inte´reˆt pour les substances non absorbe´es qui exercent leur toxicite´ localement (irritants, allergisants). Une fois absorbe´es, les substances se retrouvent dans le sang circulant et sont distribue´es dans les diffe´rents compartiments. La plupart des mole´cules organiques vont subir une biotransformation en plusieurs e´tapes en vue d’une e´limination facilite´e. Les substances ou leurs me´tabolites peuvent se fixer sur les organes cibles pour y exercer leurs effets toxiques, ils peuvent aussi eˆtre stocke´s pour une dure´e plus ou moins longue, et/ou enfin eˆtre e´limine´s a` plus ou moins long terme par diffe´rentes voies (urines, fe`ces, air inhale´, phane`res, lait. . .). En dehors du sang, les milieux de mesure utilise´s correspondent donc a` des voies d’excre´tion : l’air exhale´ pour les substances volatiles e´limine´es de fac¸on inchange´es telles que la plupart des solvants, les urines pour les mole´cules hydrosolubles. Le dosage dans les phane`res est possible notamment pour des me´taux ou des polluants organiques (organochlore´s, organophosphore´s, pyre`thres, polychlorobiphe´nyls. . .). Il a pour inte´reˆt d’inte´grer les pe´riodes d’exposition successives et permet ainsi de quantifier l’impre´gnation de fac¸on re´trospective, a` distance de l’exposition, sous re´serve toutefois que le mate´riel de pre´le`vement soit disponible (longueur de cheveux suffisante pour inte´grer l’anciennete´ de l’exposition). En milieu professionnel, on ne peut cependant exclure comple`tement une contamination externe. De plus, les proce´dures de de´contamination ne sont pas encore standardise´es, et les valeurs de re´fe´rence peu disponibles [3], ce qui en limite l’utilisation. La connaissance du me´tabolisme permet d’identifier les indicateurs potentiels puis de faire le choix de ceux qui semblent les plus approprie´s soit parce qu’ils sont retrouve´s en plus grande proportion, soit parce qu’ils sont les plus spe´cifiques de la substance a` tracer, soit parce qu’ils sont plus faciles a` pre´lever ou a` analyser, meˆme s’ils ne repre´sentent qu’une part infime des me´tabolites. Ainsi, le benze`ne est me´tabolise´ en
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plusieurs me´tabolites qui peuvent eˆtre utilise´s comme biomarqueurs d’exposition : le phe´nol, me´tabolite majoritaire (30 a` 80 %) qui a pour inconve´nient sa tre`s faible spe´cificite´ (pre´sence de phe´nols d’origine endoge`ne re´sultant du me´tabolisme de certains acides amine´s, ou du me´tabolisme de me´dicaments) et qui n’est donc plus recommande´ actuellement pour la surveillance de l’exposition d’origine professionnelle, l’acide trans-trans muconique bien que me´tabolite mineur du benze`ne (infe´rieur a` 2 %), be´ne´ficie de techniques de dosage assez sensibles, mais manque de spe´cificite´ aux faibles expositions (me´tabolite de l’acide sorbique, additif alimentaire et conservateur), l’acide S-Phenylmercapturique, sensible et spe´cifique a tout son inte´reˆt pour e´valuer de faibles expositions mais est encore disponible dans peu de laboratoires, le dosage du benze`ne dans le sang ou les urines est le marqueur le plus spe´cifique et le plus sensible, les conditions de pre´le`vement et de conservation sont toutefois des facteurs limitants. La connaissance du me´tabolisme permet aussi de comprendre certaines variations interindividus en raison du polymorphisme des enzymes implique´es dans la transformation de la substance, ou encore du fait d’interactions lors de la coexposition a` des substances utilisant les meˆmes voies me´taboliques (l’alcool inhibe a` 50 % le me´tabolisme du tolue`ne, la me´thyle´thylce´tone induit la transformation de la n-butylce´tone et du n-hexane en 2,5-hexanedione, potentialisant la neurotoxicite´. . .). L’identification des me´canismes d’action (toxicodynamique) permet de choisir entre diffe´rents indicateurs biologiques d’exposition ceux qui sont le mieux corre´le´s aux effets, ou encore de cibler des indicateurs d’effets pre´coces utilisables en tant qu’indicateurs d’exposition : la carboxyhe´moglobine lors de l’exposition a` l’oxyde de carbone, la me´the´moglobe´mie lors de l’exposition a des amines aromatiques comme l’aniline, la baisse de l’ace´tylcholineste´rase e´rythrocytaire ou de la butyrylcholineste´rase plasmatique lors de l’exposition aigue ou chronique aux insecticides organophosphore´s, l’augmentation de la protoporphyrine zinc e´rythrocytaire lors de l’exposition au plomb. La connaissance de la cine´tique de la substance et de ses me´tabolites (vitesse de diffusion, tendance a` l’accumulation, demi-vies selon les compartiments. . .) est indispensable pour mettre en place la biosurveillance et pour interpre´ter les re´sultats. La concentration mesure´e a` un moment donne´ pourra eˆtre le reflet d’une pe´riode d’exposition diffe´rente en fonction des modalite´s d’exposition et de la cine´tique de la substance (cumulative, type d’e´limination uni-, bi-, tri-phasique.). L’indicateur mesure´ peut refle´ter une exposition tre`s re´cente (mesure d’un solvant dans l’air exhale´ ou dans le sang pendant la pe´riode de travail) ou encore de la journe´e de travail (mesure de me´tabolites de solvants en fin de poste de travail) ou du jour pre´ce´dant (mesure du mercure urinaire ou du 1-OH-benzo (a) pyre`ne 14 a` 16 heures apre`s la fin d’exposition. . .). Lorsque la demi vie est tre`s longue dans le
compartiment de mesure, la concentration refle`te l’exposition du ou des derniers mois (exemple du plomb). Lorsque le toxique est cumulatif, la mesure de la dose interne peut eˆtre influence´e par une exposition re´cente, mais elle inte`gre aussi la quantite´ stocke´e (PCB, certains me´taux comme le cadmium ou le plomb). Ainsi, pour une substance de demi-vie tre`s courte (infe´rieure a` une heure), le pre´le`vement doit eˆtre impe´rativement effectue´ imme´diatement apre`s la fin de l’exposition pour refle´ter l’exposition des heures qui ont pre´ce´de´. Si la demi-vie est courte (cinq a` dix heures) le pre´le`vement doit eˆtre effectue´ en fin de poste de travail, il refle`tera l’activite´ de la journe´e. Si la demi-vie atteint jusqu’a` une centaine d’heures, il y aura accumulation de la substance ou de ses me´tabolites au long des journe´es d’expositions re´pe´te´es. La meilleure e´valuation se fera alors en fin de poste de travail apre`s plusieurs journe´es d’exposition. Pour les substances a` demi-vie longue et lorsque l’exposition a e´te´ suffisamment prolonge´e pour obtenir un e´tat d’e´quilibre, le moment du pre´le`vement dans la journe´e influencera peu la variation de concentration, par exemple pour l’exposition au plomb (demie-vie de 35 jours dans le compartiment sanguin), la plombe´mie refle`tera l’exposition des semaines pre´ce´dentes, indicateur de concentrations dans les tissus mous. A` l’arreˆt de l’exposition, les concentrations de plomb sanguin diminuent apre`s un mois et la demi-vie d’e´limination sera de´pendante de la charge corporelle. En revanche pour des substances a` demi-vie courte, l’e´loignement du moment de pre´le`vement par rapport a` la pe´riode recommande´e (en re´fe´rence au moment choisi pour e´tablir la valeur limite biologique [VLB]) sous estimera l’exposition. Le respect du moment de pre´le`vement est donc primordial. L’acce`s aux informations disponibles sur les relations entre concentrations atmosphe´riques, indicateurs biologiques d’exposition et effets sanitaires est utile pour l’e´laboration de valeurs limites biologiques, mais aussi pour orienter le choix des indicateurs et afin de de´finir des niveaux d’actions de pre´vention et de surveillance me´dicale.
Exigences relatives aux pre´le`vements et a` l’analyse La ne´cessite´ d’une justesse des re´sultats de l’e´valuation biologique se justifie par l’impact qu’aura l’interpre´tation de ceux-ci sur les actions a` entreprendre (retrait re´glementaire d’un poste exposant au plomb au-dela` de 400 mg/L de plombe´mie chez un travailleur masculin, par exemple). La qualite´ de la me´thodologie de pre´le`vement et de l’analyse est donc primordiale. Elle doit re´pondre aux re`gles de bonnes pratiques des analyses de biologie me´dicales pour lesquelles les laboratoires ont aujourd’hui obligation de s’accre´diter aupre`s du comite´ franc¸ais d’accre´ditation (Cofrac). La circulaire DGT du 13 avril 2010 rappelle l’entre´e en vigueur de ce dispositif a` compter du 1er janvier 2012. [4] En effet, s’agissant d’analyses tre`s spe´cialise´es de´veloppe´es
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seulement dans un nombre restreint de laboratoires, un certain nombre d’exigences minimales doivent eˆtre respecte´es concernant l’analyse demande´e. La me´thode propose´e doit eˆtre la plus spe´cifique possible pour e´viter les interfe´rences avec d’autres substances, elle doit aussi eˆtre la plus spe´cifique possible de l’exposition professionnelle (privile´gier par exemple le dosage de l’arsenic et des compose´s mono et dime´thyle´s plus spe´cifiques de l’exposition professionnelle a` l’arsenic inorganique que l’arsenic total majoritairement influence´ par l’arsenic d’origine alimentaire [arse´nobe´taı¨ne]). La me´thode utilise´e doit aussi eˆtre suffisamment sensible pour quantifier des concentrations bien en dessous des VLB et a` des niveaux observe´s habituellement en population ge´ne´rale. Ainsi, le recours a` la spectrome´trie de masse a` plasma induit (ICP-MS) permet de quantifier des concentrations de plomb sanguin en dessous du mg/L, alors que la Spectrome´trie d’absorption atomique (SAA) descend rarement en dessous de 10 mg/L, cela e´tant en ge´ne´ral suffisant pour identifier des expositions d’origine professionnelle. En revanche, le dosage du platine urinaire effectue´ en SAA ne permet pas de quantifier des concentrations en dessous de 10 mg/L ce qui est largement insuffisant pour identifier des contaminations chez le personnel soignant expose´ a` ce cytotoxique. Le recours a` la spectrome´trie de masse a` plasma induit par haute fre´quence permet d’atteindre des limites de de´tection de 0,005 mg/L. Le choix de la technique doit donc eˆtre guide´ par des principes de qualite´ et non par des notions de cout, les techniques plus sophistique´es e´tant pe´nalise´es de ce point de vue. Le laboratoire, dans le cadre du respect des bonnes pratiques devra aussi pouvoir assurer d’une bonne re´pe´tabilite´ et reproductibilite´ et de la justesse des analyses effectue´es. L’incertitude de mesure sera mentionne´e avec le re´sultat de l’analyse. La re´alisation de controˆles internes (controˆle de l’exactitude par l’analyse de mate´riaux de re´fe´rence a` chaque se´rie) et controˆles externes (participation a` des circuits de qualite´s interlaboratoires internationaux) permettent de ve´rifier et de tracer la qualite´ des analyses rendues. La strate´gie et la prescription des examens biologiques est de la responsabilite´ du me´decin du travail qui les de´finira apre`s avoir recueilli toutes les informations pre´alables utiles : e´tude de l’organisation du travail, des phases de travail, des e´quipements de protection, de´finition des groupes homoge`nes de travailleurs dont on veut e´valuer l’exposition, identification des substances a` quantifier et des dangers, donne´es de toxococine´tique, de toxicodynamique, existence de valeurs de re´fe´rences, tout cela en vue du choix des indicateurs d’exposition et des modalite´s de pre´le`vements : milieu biologique, moment. En pratique, les modalite´s de pre´le`vements et de transfert ont e´galement une importance capitale pour assurer la justesse des re´sultats fournis. La ve´rification pre´alable des consignes est essentielle. La contamination des e´chantillons doit eˆtre e´vite´e : en choisissant un support de pre´le`vement de´contamine´ (tube de pre´le`vement pour e´le´ments traces me´talliques lorsque l’on veut doser des me´taux, flacons a membranes
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te´flon pour les substances volatiles), le bon de´sinfectant (pas d’utilisation de DAKIN qui contient du permanganate de potassium pour un pre´le`vement sanguin destine´ au dosage de mangane`se), pre´le`vement en dehors de locaux contamine´s et en veˆtements de ville apre`s nettoyage cutane´ (pre´le`vements urinaires pour dosage de me´taux par exemple). La dure´e et les modalite´s (re´frige´ration, conge´lation) de la conservation avant dosage doivent eˆtre respecte´es. Par exemple, pour e´valuer l’exposition au monoxyde de carbone des heures pre´ce´dentes, le pre´le`vement pour le dosage de la carboxyhe´moglobine´mie doit eˆtre effectue´ dans les 15 minutes suivant l’arreˆt de l’exposition et l’analyse dans l’heure qui suit. Le pre´le`vement en vue du dosage du mercure urinaire ne doit pas eˆtre effectue´ sur un flacon en polystyre`ne cristal (risque d’adsorption), une contamination bacte´rienne peut contribuer a` la volatilisation du mercure. Enfin, certaines informations doivent eˆtre recueillies au moment du pre´le`vement pour permettre ensuite l’interpre´tation. Ce sont les caracte´ristiques de l’exposition (dure´e, type, EPI. . .), les facteurs confondants qui vont constituer une source d’exposition extraprofessionnelle (tabagisme, alimentation. . .), les parame`tres qui vont interfe´rer sur le me´tabolisme de la substance (co-expositions professionnelles, ou me´dicamenteuses. . .), ou sur son absorption (charge physique de travail qui augmente la ventilation alve´olaire : une activite´ de 150 W peut multiplier par cinq l’absorption de certains solvants). La comparaison des concentrations mesure´es a` des valeurs de re´fe´rence ou valeurs limites biologiques guidera finalement les de´cisions de suivi et de pre´vention. Les modalite´s d’e´laboration et d’utilisation de ces valeurs sont traite´es dans le chapitre suivant. L’utilisation de la biome´trologie dans le cadre de l’e´valuation de l’exposition en milieu professionnel est donc un outil de grande valeur qui apporte des informations pre´cieuses et comple´mentaires aux autres me´thodes (me´trologie d’atmosphe`re, frottis de surface. . .). Elle doit respecter une me´thodologie rigoureuse, et l’interpre´tation individuelle et collective des re´sultats en vue de leur restitution devra tenir compte de l’ensemble des parame`tres e´voque´s.
Re´fe´rences [1]
[2] [3]
[4]
Michiels F, Pilliere F, Merat-Tagnard F. La surveillance biologique des expositions professionnelles aux produits chimiques en France. E´tat des lieux en 2006 et analyse comparative des prescriptions et de l’activite´ des laboratoires spe´cialise´s entre 2002 et 2006. Doc Med Trav 2009;117:55–75. Im-Saroeun C, Hasni-Pichard H, Lauzier F. Exposition percutane´e aux agents chimiques. Doc Med Trav 2007;111:349–64. Appenzeller BM, Tsatsakis AM. Hair analysis for biomonitoring of environmental and occupational exposure to organic pollutants: state of the art, critical review and future needs. Toxicol Lett 2011. http://dx.doi.org/10.1016/j.toxlet.2011.10.021. Ciculaire DGT 2010/03 du 13 avril 2010 relative au controˆle du risque chimique sur le lieu de travail.