Annales de dermatologie et de vénéréologie (2016) 143, 171—172
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CHRONIQUE GÉNOMIQUE
Syndrome des comédons familiaux isolés multiples et mutation de PEN-2 Familial multiple comedones and PEN-2 mutation O. Dereure Département de dermatologie et unité Inserm U1058, hôpital Saint-Éloi, université Montpellier I, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France Disponible sur Internet le 2 f´ evrier 2016
Le syndrome des comédons familiaux isolés (sans dyskératose) est une entité génétique assez inhabituelle de transmission autosomique dominante. Elle se caractérise par la survenue de comédons plus ou moins nombreux sur l’ensemble des téguments, isolés, avec une prédominance sur le visage, le cou, le tronc, les jambes et les avant-bras. Ces comédons peuvent également devenir pustuleux ou simplement inflammatoires (parfois très inflammatoires) avec le temps réalisant alors un aspect assez franchement acnéiforme. Leur ablation laisse souvent une cicatrice en puits, assez disgracieuse. Il ne faut bien sûr pas confondre ce syndrome avec la sébocystomatose qui est bien différente par sa lésion élémentaire (kyste sébacé authentique) même si la distinction n’est pas toujours évidente au stade des lésions inflammatoires. Une évolution vers des carcinomes épidermoïdes a également été signalée mais la fréquence de cette complication est difficile à évaluer. L’aspect histologique n’est pas très spécifique, avec des follicules pileux dilatés souvent ramifiés et occupés par un bouchon de kératine souvent assez épais. L’étiologie notamment moléculaire de cette génodermatose rare et peu connue est restée inconnue jusqu’à une date très récente et pour une fois ce n’est pas une grosse équipe américaine ou européenne qui a permis d’avancer vers une meilleure compréhension mais un groupe de
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chercheurs thaïlandais qui ont étudié deux familles multiplex informatives par deux méthodes assez classiques, une étude de liaison génétique à l’échelle du génome (WGAS) et un séquenc ¸age d’exome. La seule modification génétique trouvée, vraiment pertinente et compatible avec une transmission autosomique dominante à haute pénétrance, est une insertion hétérozygote d’une base en position 84 dans le gène PEN-2 situé sur le chromosome 19, anomalie retrouvée chez tous les patients, mais chez aucun des membres indemnes des familles en question ni dans la population contrôle [1]. Il semble donc bien que cette mutation soit spécifique de la maladie et très probablement à son origine. Cette insertion entraîne un déplacement du cadre de lecture et la synthèse d’une protéine à la fois totalement modifiée à partir de l’acide aminé 28 et trop longue de 10 résidus aminoacides par rapport à la protéine normale. Même si l’ARNm muté semble plus rapidement dégradé que son homologue normal, il est toujours présent. Le gène PEN-2 ou PSENEN code pour l’enhancer 2 de la préséniline et est une des sous-unités du complexe de la gamma-sécrétase, complexe protéasique qui clive un certain nombre de protéines transmembranaires et qui manifestement joue un rôle important dans le développement morphologique du follicule pileux ; on connaît d’ailleurs le rôle des anomalies de structure de cette enzyme dans la maladie de Verneuil (pas si éloignée cliniquement et donc peut-être physiopathologiquement de ces comédons multiples) et dans l’occlusion folliculaire en général. La
172 mutation identifiée supprime les deux domaines transmembranaires de PEN-2, empêche l’association avec les 3 autres composants du complexe et finalement inhibe l’activité protéasique (ou sécrétasique) de cet édifice enzymatique. Elle semble donc conceptuellement tout à fait pertinente avec le tableau clinique si on fait l’analogie avec la maladie de Verneuil. Il est d’ailleurs possible que selon le profil mutationnel des différents composants de la gamma-sécrétase et notamment de PEN-2, les patients expriment plutôt un phénotype de type Verneuil ou plutôt de « simples » comédons multiples, situation déjà connue pour un grand nombre d’entités génétiques qui sont dites « alléliques ».
O. Dereure
Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Référence [1] Panmontha W, Rerknimitr P, Yeetong P, Srichomthong C, Suphapeetiporn K, Shotelersuk V. A frameshift mutation in PEN-2 causes familial comedones syndrome. Dermatology 2015;231:77—81.