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Syndrome des ovaires polykystiques : Point de vue contemporain Anthony P. Cheung, MBBS, MPH, MBA, FRANZCOG, FRCSC Division d’endocrinologie de la reproduction et infertilité, Département d’obstétrique-gynécologie, Université de Colombie-Britannique, Vancouver (C.-B.)
ien que les ovaires polykystiques hypertrophiés aient été décrits près d’un siècle auparavant, Stein et Leventhal ont codifié l’association entre les ovaires polykystiques et l’hyperandrogénisme, l’aménorrhée et l’infertilité en 19351 sous le nom de leur syndrome éponyme, lequel est maintenant couramment connu sous le nom de syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Le SOPK est un trouble métabolique-génésique multisystémique qui est caractérisé par l’hyperandrogénisme (clinique et/ou biochimique) et l’anovulation chronique, tels que définis dans le cadre d’une conférence des National Institutes of Health/National Institute of Child Health and Human Development tenue en 1990, à la suite de l’exclusion d’autres troubles liés à l’excès d’androgènes. Les critères Rotterdam 2003 ont élargi le diagnostic de façon à ce qu’il comprenne au moins deux des trois caractéristiques suivantes : hyperandrogénisme, anovulation chronique et ovaires polykystiques constatés au moment de l’échographie2 (définis comme étant des ovaires comptant 12 follicules ou plus de 2 à 9 mm de diamètre et/ou un volume ovarien supérieur à 10 ml). Récemment, les débats se sont centrés sur la question de savoir si le SOPK devrait d’abord être considéré comme un trouble lié à l’excès d’androgènes; ainsi, l’absence d’hyperandrogénisme clinique ou biochimique à l’état non traité rendrait le diagnostic de SOPK moins certain, peu importe la présence de dysfonctionnement menstruel ou d’ovaires polykystiques constatés au moment de l’échographie3. Les estimations quant à la prévalence du SOPK ont été affectées par la population étudiée et les critères diagnostiques utilisés. Lorsque l’on utilise la définition formulée par les National Institutes of Health, la prévalence du SOPK est de 4,5 % à 11,2 % en Alabama, de 9 % en Grèce et de 6,5 % en Espagne4. La prévalence des ovaires polykystiques associés à des anomalies métaboliques chez les immigrants indiens en GrandeBretagne est particulièrement élevée4.
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L’obésité, la dyslipidémie (taux sanguins accrus de cholestérol LDL et total, taux accrus de triglycérides et taux sanguins moindres de cholestérol HDL) et insulinorésistance (IR) s’accompagnant d’une hyperinsulinémie (HI) compensatoire sont d’autres constatations fréquentes5. L’obésité est présente chez de 30 % à 75 % des femmes présentant le syndrome et est associée à un hirsutisme, à des anomalies menstruelles et à une anovulation plus graves que chez les personnes de poids normal4,5. De 50 % à 60 % des femmes présentant un SOPK comptent une obésité androïde (s’accompagnant d’une distribution centrale des tissus adipeux), une quantité accrue de graisse viscérale et un rapport taille-hanches accru semblable à celui des personnes présentant une IR, peu importe leur indice de masse corporelle4,5. Acanthosis nigricans se manifeste chez de 5 % à 50 % des femmes présentant un hyperandrogénisme et est lié à la présence et à la gravité de l’HI5. Les données soutenant la présence d’un risque excédentaire de fausse couche chez les femmes présentant un SOPK sont faibles et déjouées par l’obésité. Bien que le traitement à la metformine visant l’insulinorésistance puisse réduire le risque de fausse couche et de diabète gestationnel4, la tenue d’autres études prospectives s’avère requise. La sécrétion inappropriée de gonadotrophines chez certaines femmes présentant un SOPK a été attribuée à l’hyperfonctionnement hypothalamo-hypophysaire; des études ont démontré une intensification de la réaction LH hypophysaire à la GnRH ou à ses analogues6, ainsi qu’une hausse de l’amplitude d’impulsions et de la fréquence LH chez les femmes présentant un SOPK7,8. Les filles présentant un hyperandrogénisme évoluent jusqu’à présenter des taux plus élevés de LH en éveil que pendant le sommeil deux ans plus tôt que les témoins9,10, ce qui indique que le système nerveux central semble être un initiateur potentiel de la pathophysiologie. L’accroissement de l’exposition de l’hypothalamus aux androgènes in utero ou avant la puberté pourrait nuire à l’inhibition de la sécrétion pulsatile de GnRH par les œstrogènes et la progestérone. La
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présence d’une pulsatilité GnRH intensifiée persistante altère à son tour le rapport LH:FSH et contribue à la hausse de la sécrétion ovarienne d’androgènes et de la maturation folliculaire aberrante5. La hausse de la fréquence pulsatile de la LH et d’autres caractéristiques du SOPK ont également été décrites chez des femmes présentant des troubles épileptiques ou prenant des antiépileptiques, laissant ainsi entendre que l’activité épileptique pourrait entraîner une hausse de l’activité GnRH et simuler le modèle de l’accroissement de la sécrétion de LH dans le cadre du SOPK11. La cause sous-jacente des ovaires polykystiques est inconnue. L’excès primaire d’androgènes est proposé en tant que cause en raison de la morphologie ovarienne similaire constatée tant chez les femmes qui présentent un hyperandrogénisme s’accompagnant d’une hyperplasie surrénalienne congénitale ou de tumeurs ovariennes sécrétant des androgènes que chez les transsexuels féminins recevant un traitement aux androgènes à long terme; il est également proposé en raison de la colocalisation de l’ARNm des récepteurs androgéniques et de l’ARNm des récepteurs FSH au sein du follicule ovarien chez le primate, et de l’expression accrue de l’ARNm des récepteurs FSH à la suite du traitement à la testostérone12. Les rôles de l’hormone antimüllérienne et du facteur de différenciation de croissance-9 sur la fonction et la morphologie ovariennes font actuellement l’objet d’une exploration soutenue. L’hormone antimüllérienne semble réguler négativement la croissance folliculaire. Son expression au sein des follicules préantraux en croissance des ovaires polykystiques est moins importante que chez les ovaires normaux13. Le facteur de différenciation de croissance-9 est fortement exprimé par les ovocytes. Chez les femmes qui présentent un SOPK, l’expression de l’ARNm du facteur de différenciation de croissance-9 est moins importante au sein des ovocytes en développement issus d’ovaires non stimulés14 et au sein des cellules cumulus issues d’un traitement de FIV15 que chez les témoins. Le facteur de différenciation de croissance-9 est également exprimé par la granulosa humaine16. Ainsi, l’expression anormale du facteur de différenciation de croissance-9 pourrait contribuer à la morphologie ovarienne constatée dans le cadre du SOPK. En présence d’une IR et d’un dysfonctionnement des cellules b pancréatiques, les anomalies de l’action et de la sécrétion de l’insuline sont courantes. Des anomalies de signalisation insulinique propres aux tissus ont été constatées17. Ainsi, l’IR/HI pourrait jouer un rôle clé dans la pathogenèse du SOPK; toutefois, d’autres théories ont été proposées, particulièrement en ce qui concerne les femmes présentant un SOPK qui ne comptent aucun signe d’IR/HI. Par exemple, la présence d’anomalies
stéroïdogènes ovariennes et surrénaliennes a été démontrée chez des femmes présentant un SOPK. Les cellules thécales issues de femmes présentant un SOPK indiquent une dysrégulation du complexe enzymatique P450c17a, laquelle mène à une hausse des taux circulants de 17a-hydroxyprogestérone et, particulièrement, d’androstènedione dans le cadre de cette pathologie18. Jusqu’à 50 % des patientes présentant un SOPK connaissent une hausse de la sécrétion surrénalienne d’androgènes. Le fait que l’apparition péripubertaire du SOPK et de l’IR est courante a mené à la suggestion selon laquelle une adrénarche exagérée pourrait constituer un événement déclencheur dans la pathogenèse du SOPK. Les relations entre l’obésité, l’IR et les aberrations hormonales dans le cadre du SOPK sont complexes. On estime que la signalisation insulinique intracellulaire est troublée au sein des adipocytes viscéraux, ce qui cause ou exacerbe l’IR et l’HI. De récentes données semblent également indiquer que des variantes du gène associé à la masse grasse et à l’obésité, lequel influence la susceptibilité au diabète de type II, entraînent aussi une hausse de la susceptibilité au SOPK19,20. La baisse de la phosphorylation de la tyrosine au sein des adipocytes viscéraux peut mener à une baisse de l’activité PI3K et peut accroître le risque d’IR et de diabète de type II. La sensibilité accrue des cellules adipeuses viscérales à la lipolyse pourrait refléter des altérations affectant les propriétés stœchiométriques du complexe protéine kinase A (PKA)-lipase hormonosensible17. Les adipocytes viscéraux peuvent convertir l’androstènedione en testostérone. Au niveau ovarien, l’insuline peut accentuer les effets de la LH en stimulant la production d’androgènes malgré la présence d’une IR périphérique. Ainsi, on estime que l’insuline stimule la production ovarienne d’androgènes, régule le métabolisme des androgènes et influence le développement folliculaire. Des recherches récentes ont identifié des taux élevés de marqueurs de la dysfonction endothéliale et de l’inflammation chronique associés à l’athérosclérose, p. ex. la molécule d’adhérence cellulaire vasculaire soluble-1 et la protéine C-réactive21. La signification clinique de ces marqueurs chez les jeunes femmes présentant un SOPK demeure inconnue. Le SOPK est donc plus qu’un simple trouble de l’axe génésique féminin; il est associé à des altérations métaboliques importantes qui pourraient contribuer à la morbidité à long terme. La modification du mode de vie constitue la pierre d’assise de la prise en charge du SOPK. La perte d’aussi peu que de 5 % à 10 % du poids corporel peut restaurer un cycle menstruel normal chez de nombreuses femmes4,5; toutefois, la perte de poids s’avère difficile chez bon MAY JOGC MAI 2010 l
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nombre de femmes obèses présentant un SOPK. De surcroît, il est possible que leur obésité reflète un trouble métabolique intrinsèque. D’autres traitements visent à réduire le risque de voir apparaître des saignements anormaux et une hyperplasie endométriale22 en ayant recours à des progestogènes cycliques ou à des contraceptifs oraux, ainsi qu’à atténuer l’acné et l’hirsutisme en ayant recours à des suppresseurs des androgènes. De récentes données indiquent qu’il y a lieu de privilégier le citrate de clomifène à la metformine à titre de traitement de première intention visant l’infertilité anovulatoire, à la suite de l’apport de modifications au mode de vie des femmes qui présentent un SOPK23. Bien qu’une analyse Cochrane laisse entendre que les taux de grossesse à la suite du forage ovarien laparoscopique sont équivalents à ceux qui sont associés au traitement aux gonadotrophines, sans hausse du risque de grossesse multiple, les taux signalés d’ovulation et de grossesse peuvent être influencés par les faibles doses utilisées pour définir la résistance au clomifène en Europe et par les critères utilisés pour définir le SOPK23. Les problèmes de santé à long terme et l’étiologie sous-jacente du SOPK constituent des domaines faisant l’objet de recherches continues, et la définition et la classification de cette pathologie métabolique-génésique multisystémique sont toujours en évolution. RÉFÉRENCES
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