Presse Med. 2007; 36: 990–8 © 2007 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.
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Dossier thématique
Syndrome d’apnées du sommeil et insuffisance cardiaque Thierry Badoual1, Luc Hittinger2, Marie-Pia d’Ortho3
1. Service de réadaptation cardiaque, Hôpital Albert Chenevier, AP-HP, Créteil (94) 2. Fédération de cardiologie, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil (94) 3. Service de physiologie-explorations fonctionnelles, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil (94)
Correspondance :
Disponible sur internet le : 17 avril 2007
Thierry Badoual, Service de réadaptation cardiaque, Hôpital Albert Chenevier, 40 rue de Mesly, 94010 Créteil. Tél. : 01 49 81 30 22 Fax : 01 49 81 32 63
[email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Sleep apnea syndrome and heart failure
Plus de la moitié des patients insuffisants cardiaques stables ont un syndrome d’apnées du sommeil. Le mécanisme de ces apnées du sommeil est soit obstructif par collapsus des voies aériennes supérieures, soit central avec une respiration périodique de Cheyne-Stokes. Les fortes dépressions intrapleurales, les éveils et les hypoxies entraînent une augmentation de la post-charge ventriculaire et une activation sympathique pouvant aggraver l’insuffisance cardiaque et le pronostic. Le traitement par ventilation en pression positive permet une amélioration des symptômes mais aussi une amélioration de la fonction cardiaque et du pronostic. Les troubles du sommeil sont insuffisamment dépistés et traités chez les patients insuffisants cardiaques stables. Un dépistage systématique des apnées par des oxymètres ambulatoires est important chez ces patients afin d’améliorer leur prise en charge.
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More than half of all patients with stable heart failure are affected by sleep apnea syndrome. The mechanism of apnea may be either obstructive, by collapse of the upper airways, or central with nocturnal Cheyne-Stokes respiration. Changes in intrathoracic pressure, awakening and hypoxemia all lead to an increase in left ventricular afterload and to sympathetic activation, which can aggravate heart failure and prognosis. Treatment with positive pressure ventilation improves symptoms as well as cardiac function and prognosis. Sleep respiratory disorders are underdiagnosed and undertreated in patients with stable heart failure. To improve management of sleep apnea, patients with stable heart failure should be screened with small outpatient oximeters.
tome 36 > n°6 > juin 2007 > cahier 2 doi: 10.1016/j.lpm.2007.02.028
Syndrome d’apnées du sommeil et insuffisance cardiaque
insuffisance cardiaque représente une cause majeure de morbidité et de mortalité. Elle affecte 1,5 à 2 % de la population et est responsable d’une hospitalisation sur 5 après 65 ans [1]. Son incidence et sa prévalence continuent de croître du fait du vieillissement de la population et de la meilleure prise en charge des maladies cardiovasculaires aiguës. Malgré des progrès thérapeutiques importants ces 2 dernières décennies avec l’introduction notamment des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, de la spironolactone et des bêtabloquants la mortalité reste élevée, de 25-30 % à un an et proche de 50 % à 5 ans. La présence d’apnées du sommeil a été décrite comme étant l’un des nombreux facteurs contribuant à l’aggravation de l’insuffisance cardiaque [2]. Ainsi, dans la cohorte de 6 424 individus de la Sleep Heart Health Study, la présence d’un syndrome d’apnée du sommeil (SAS) était associée à une majoration du risque d’insuffisance cardiaque (odds ratio = 2,38 [1,22-4,62]) indépendamment des autres facteurs de risque connus [3]. Sa prévalence serait de 51 à 76 % chez les patients ayant une insuffisance cardiaque stable [2, 4, 5]. À titre de comparaison, dans la population générale, sa prévalence est estimée à 2 % des femmes âgées de 30-60 ans et à 4 % des hommes de la même tranche d’âge [6]. Le SAS se définit comme la répétition (plus de 10 par heure de sommeil) d’épisodes de diminution (hypopnées) ou d’arrêt (apnées) de la respiration conduisant à une réduction de la saturation en oxygène de plus de 4 % et à une fragmentation du sommeil. Deux types d’apnées du sommeil peuvent se rencontrer : soit des apnées obstructives (SASO) par collapsus des voies aériennes supérieures avec persistance de l’effort inspiratoire (11 à 37 % des insuffisants cardiaques, selon les études), soit des apnées d’origine centrale (SASC) avec une respiration périodique de Cheyne-Stokes (29 à 40 % des insuffisants cardiaques) (figure 1). Ces 2 types de SAS peuvent par ailleurs coexister chez un même patient durant le sommeil [7]. Bien que
Glossaire ASV BNP FEVG IAH NYHA PPC SAS SASC SASO
ventilation assistée servocontrôlée peptide natriurétique de type B fraction d’éjection ventriculaire gauche index d’apnées-hypopnées New York Heart Association pression positive continue syndrome d’apnées du sommeil syndrome d’apnées du sommeil d’origine centrale syndrome d’apnées du sommeil obstructives
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Apnées obstructives du sommeil Le SASO peut être classé en SASO modéré (index d’apnéeshypopnées/h de 5 à 15), moyen (IAH de 15 à 30) ou sévère (IAH > 30). Ils sont habituellement accompagnés d’un ronflement nocturne, d’une somnolence diurne, de sensation de sommeil non réparateur avec fatigue et difficulté de concentration (figure 2). Dans l’insuffisance cardiaque sa prévalence semble élevée, de 11 % chez des patients stables dans l’étude de Javaheri et al.[4] à 36 % dans l’étude de Oldenburg et al. [5] avec un IAH > 15. Cette étude de 700 patients a également trouvé comme facteur de risque significatif un indice de masse corporelle élevé.
Physiopathologie des apnées obstructives du sommeil L’origine de ces apnées est liée à l’obstruction des voies aériennes supérieures au niveau du pharynx, à l’étage vélopharyngé ou rétrolingual. Cette obstruction peut être en rapport avec un rétrécissement constitutif, souvent aggravé par une surcharge pondérale, majoré en période nocturne d’une part par l’hypotonie des muscles dilatateurs pharyngés, et d’autre part par l’accumulation, durant le sommeil, d’œdèmes des tissus mous du cou et du pharynx chez les patients insuffisants cardiaques dormant en décubitus dorsal. Les obstructions des voies aériennes supérieures entraînent du fait de la conservation des mouvements respiratoires des dépressions intrathoraciques importantes. Cela a pour conséquence une augmentation de la pression transmurale systolique et de la post-charge du ventricule gauche, mais aussi une altération du remplissage du ventricule gauche et une baisse du débit cardiaque. Ce dernier est encore diminué par l’augmentation du remplissage du ventricule droit et le déplacement du septum vers le ventricule gauche secondaires à l’augmentation du retour veineux et à la post-charge du ventricule droit conséquence de la vasoconstriction artériolaire hypoxique et de la majoration des dépressions intrathoraciques. Chaque épisode d’hypoxie durant l’apnée favorise l’élévation de la pression artérielle, l’apparition d’une ischémie myocardique et d’arythmies. La répétition des épisodes hypoxiques et hypercapniques ainsi que les éveils en fin d’apnée accentuent la stimulation sympathique déjà existante à l’état basal chez les patients insuffisants cardiaques [9]. Ceci majore la vasoconstriction périphérique, participe à l’élévation de la pression artérielle et donc de la post-charge, ce qui conduit à altérer davantage la fonction ventriculaire
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les SAS soient plus fréquemment rencontrés dans l’insuffisance cardiaque, ils ont été décrits, notamment pour le SASO, au cours des principales pathologies cardiovasculaires : hypertension artérielle, cardiopathies ischémiques, troubles du rythme supraventriculaires et ventriculaires, accidents vasculaires cérébraux et hypertension artérielle pulmonaire [8].
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Badoual T, Hittinger L, d’Ortho MP
Fi gure 1 Prévalence (%) du syndrome d’apnées du sommeil (SAS) chez les patients insuffisants cardiaques stables en fonction de leur type : obstructif (SASO) ou central (SASC)
Fi gure 2 Enregistrement polygraphique nocturne typique d’apnées obstructives du sommeil Sur ce tracé sont représentés le flux nasal, les mouvements thoraciques et abdominaux, la saturation en oxygène (SaO2), les ronflements. Les apnées obstructives du sommeil sont caractérisées par un arrêt du flux respiratoire entraînant une désaturation avec conservation des mouvements thoraco-abdominaux. Les ronflements témoignent de l’obstruction des voies aériennes supérieures.
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gauche chez des patients ayant déjà une dysfonction ventriculaire. Cette hyperactivité sympathique n’altère pas uniquement le contrôle tensionnel nocturne mais également le tonus sympathique diurne comme en témoigne l’élévation
des taux plasmatiques de catécholamines dans la journée et l’analyse de la variabilité sinusale. Cette activation sympathique permanente contribue à l’aggravation du pronostic de l’insuffisance cardiaque. tome 36 > n°6 > juin 2007 > cahier 2
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Traitement des apnées obstructives du sommeil
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F ig u r e 3 Évolution de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) après traitement par ventilation nocturne en pression positive continue (PPC) pour SAOS par rapport au groupe contrôle Après un mois de traitement la FEVG est significativement augmentée dans le groupe traité par la PPC alors qu’elle est inchangée dans le groupe contrôle. * p < 0,001. Source : Kaneko et al. Cardiovascular effects of continuous positive airway pressure in patients with heart failure and obstructive sleep apnea. N Engl J Med. 2003; 348 (13): 1233-41.
les patients traités par ventilation nocturne, d’une amélioration des paramètres de qualité de vie jugés sur différents questionnaires. En revanche, il n’a pas été trouvé de modification significative des taux de BNP (peptide natriurétique de type B) plasmatiques après traitement par PPC. Ceci s’explique probablement par l’absence de stimulus suffisant du SAS sur la production ventriculaire élevée de BNP chez les patients insuffisants cardiaques [13]. Il est essentiel de conserver à l’esprit que la ventilation nocturne constitue un traitement permanent au long cours. En effet, l’arrêt de cette dernière conduit habituellement à la réapparition du SASO [10]. Afin de permettre une prise en charge optimale, il est très important que cette ventilation soit mise en place dans un laboratoire du sommeil. Cette structure permet au mieux l’adaptation à chaque individu du niveau de pression nécessaire pour obtenir l’abolition des apnées-hypopnées et juger de la bonne tolérance, en particulier hémodynamique nocturne de la ventilation nocturne pour le patient. Elle permet de plus l’ajustement des paramètres (niveau de pression positive, mode ventilatoire) en fonction de l’évolution du patient.
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Le traitement des SASO comporte d’une part la prise en charge optimale de l’insuffisance cardiaque par les traitements ayant récemment montré leur efficacité (diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, bêtabloquants) auxquels il faut associer la réduction de la surcharge pondérale (une baisse de 10 % du poids est associée à une diminution de 26 % de l’IAH), et d’autre part des mesures visant à favoriser le sommeil en décubitus latéral et restreindre la prise d’alcool ou de somnifères qui favorisent ou majorent l’obstruction des voies aériennes supérieures. À côté de ces mesures et des traitements médicamenteux, le traitement de référence pour éviter le collapsus nocturne des voies aériennes supérieures est la ventilation nocturne en pression positive (PPC). Elle permet en effet la correction du SAS. Elle conduit à une réduction de la pression artérielle, de la post-charge du ventricule gauche, et de la fréquence cardiaque. Sur le plan respiratoire, elle a pour conséquence une correction du SASO avec une amélioration de l’oxygénation durant le sommeil et une décharge des muscles respiratoires [10]. Son efficacité chez l’insuffisant cardiaque en association à un traitement médical a été testée dans une étude randomisée. Vingt-quatre patients, insuffisants cardiaques (FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche < 45 %) ayant un syndrome d’apnées du sommeil obstructif ont été tirés au sort pour recevoir, durant un mois, soit un traitement optimal médicamenteux seul (n = 12) soit un traitement optimal médicamenteux et la ventilation nocturne en pression positive (n = 12) [11]. Contrairement au groupe placebo, le groupe traité par la ventilation nocturne en pression positive avait une réduction de l’IAH (30 ± 5 versus 4 ± 1 apnées par heure de sommeil ; p < 0,01), de la pression artérielle systolique moyenne diurne (126 ± 6 versus 116 ± 5 mmHg ; p < 0,05), de la fréquence cardiaque (68 ± 3 versus 64 ± 3 bpm ; p < 0,05), et surtout d’une augmentation franche de la FEVG qui passe de 25 ± 3 à 34 ± 3 % ; p < 0,001 (figure 3). Dans cette étude, la moitié des patients avait un traitement bêtabloquant à la dose maximale tolérée. On peut donc considérer que la PPC apporte un bénéfice supplémentaire au patient insuffisant cardiaque recevant un traitement médicamenteux optimal. Ces données ont été encore confortées dans une étude randomisée très récente, portant sur 55 patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG moyenne égale à 35 %) et un syndrome d’apnées du sommeil obstructif moyen (IAH égal à 28/h). Mansfield et al.[12] ont montré que la ventilation nocturne en pression positive durant une période de 3 mois améliorait la FEVG de 5,0 ± 1,0 % par rapport à l’état de base contre 1,5 ± 1,4 % pour le groupe témoin, p < 0,05. De façon associée, les catécholamines urinaires diminuaient de manière significative, traduisant la réduction de l’hyperactivité sympathique. L’amélioration de ces paramètres s’accompagnait, chez
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Apnées centrales du sommeil par respiration de Cheyne-Stokes Les apnées du sommeil avec respiration de Cheyne-Stokes se caractérisent par une respiration périodique avec des amplitudes respiratoires décroissantes puis une apnée associée à un arrêt complet des efforts respiratoires suivie d’une reprise croissante de la respiration (figure 4). Sa prévalence dans l’insuffisance cardiaque est élevée mais varie en fonction des patients de 29 à 40 % pour les patients en insuffisance cardiaque stable [2, 4, 5].
Physiopathologie des apnées centrales du sommeil Au sein des mécanismes conduisant à l’apnée, l’hyperventilation et plus particulièrement l’hypocapnie induite semble jouer un rôle fondamental. Naughton et al. [14] ont ainsi montré que chez les patients insuffisants cardiaques ayant un SAS avec respiration de Cheyne-Stokes, la PaCO2 d’éveil ainsi que la PCO2 transcutanée de sommeil étaient significativement plus basses que celles de patients insuffisants cardiaques sans SASC. L’hyperventilation et la baisse de PaCO2, par le biais des chémorécepteurs centraux et périphériques qui régulent au niveau central la respiration, provoquent une apnée qui entraîne une élévation secondaire de la PaCO2 au-dessus du seuil ventilatoire, ce qui permet la reprise de la respiration. Il est à noter que chez les patients insuffisants cardiaques ayant un SAS avec respiration de Cheyne-Stokes, la réponse ventilatoire au CO2 est plus importante [15]. Il a par ailleurs été mon-
tré que l’inhalation de gaz enrichi en CO2 durant le sommeil conduit à une augmentation de la PaCO2 au-dessus du seuil apnéique entraînant la disparition complète des apnées [16]. L’hyperventilation durant le sommeil semble être secondaire à la stimulation des récepteurs du nerf vague induite par la congestion pulmonaire. En effet, en comparaison avec des patients insuffisants cardiaques sans SAS, les patients insuffisants cardiaques avec SAS et respiration de Cheyne-Stokes ont une pression capillaire pulmonaire plus élevée qui est inversement corrélée au degré d’hypocapnie [17]. L’existence d’un SAS avec respiration de Cheyne-Stokes chez les patients insuffisants cardiaques constitue un facteur de mauvais pronostic. L’index d’apnées-hypopnées chez les insuffisants cardiaques au stade II ou III de la NYHA (New York Heart Association) apparaît à lui seul comme un facteur prédictif indépendant de mauvais pronostic. Un index d’apnées-hypopnées > 30/h identifie des patients à très haut risque de décès cardiovasculaire [18] (figure 5). L’existence d’une respiration de Cheyne-Stokes durant l’éveil est également un facteur de mauvais pronostic chez les patients insuffisants cardiaques [19]. Les conséquences physiopathologiques d’un SAS avec respiration de Cheyne-Stokes sont similaires à celles des apnées obstructives, si ce n’est que les majorations de dépressions intrathoraciques se voient lors de l’hyperpnée et non plus au cours de l’apnée, avec les mêmes conséquences sur l’augmentation de la pression transmurale. L’hypoxie liée aux apnées ainsi que les éveils entraînent une accélération de la fréquence car-
Fi gure 4 Données ventilatoires d’un enregistrement polysomnographique nocturne montrant un aspect de respiration périodique de Cheyne-Stokes
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Sur ce tracé sont représentés la saturation en oxygène (SAT), le débit nasobucal (débit, thermistance), et les mouvements thoraciques et abdominaux. La respiration périodique de Cheyne-Stokes est caractérisée par des amplitudes respiratoires décroissantes précédant l’apnée, une absence de mouvements thoraco-abdominaux en cours d’apnée entraînant une désaturation, puis une reprise progressive de la respiration avec hyperventilation à l’acmé.
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Valeur pronostique sur la mortalité de l’index d’apnées-hypopnées (IAH) chez les patients insuffisants cardiaques stables ayant ou non un syndrome d’apnées centrales du sommeil Un HAI > 30 est un facteur de mauvais pronostic de mortalité. p = 0,03. Source : Lanfranchi et al. Prognostic value of nocturnal Cheyne-Stokes respiration in chronic heart failure. Circulation. 1999; 99 (11): 1435-40.
diaque et une altération de la variabilité sinusale ainsi qu’une augmentation de la pression qui contribuent à majorer la dysfonction ventriculaire et à favoriser l’apparition de troubles du rythme [18]. Elles occasionnent par ailleurs une activation du système sympathique dont témoigne l’élévation des taux plasmatiques et urinaires d’adrénaline et de noradrénaline [20]. De même, Carmona-Bernal et al. [21] ont trouvé un taux de BNP plus élevé chez les patients insuffisants cardiaques avec SASC par rapport aux patients sans SAS.
Traitement des apnées centrales du sommeil La prise en charge du SAS avec respiration de Cheyne-Stokes comporte, comme pour les apnées obstructives, la mise en place d’un traitement médicamenteux optimal. De plus, plusieurs études ont montré l’efficacité du traitement par ventilation nocturne en pression positive. Sin et al. [22] ont étudié 66 patients insuffisants cardiaques (classe NYHA II ou III, FEVG < 45 %) sans ou avec SAS et respiration de Cheyne-Stokes et testé les effets de la ventilation nocturne en pression positive par rapport au traitement conventionnel. Le bénéfice apporté par la ventilation en pression positive était significatif dans le groupe de patients ayant un SAS sur la survie sans transplantation après un suivi moyen de 2,2 ans (figure 6). Dès 3 mois de traitement, un gain significatif de FEVG était également noté. Aucune différence tome 36 > n°6 > juin 2007 > cahier 2
n = 27 ; p = 0,017. Source : Sin et al. Effects of continuous positive airway pressure on cardiovascular outcomes in heart failure patients with and without Cheyne-Stokes respiration. Circulation. 2000; 102 (1): 61-6.
significative n’était trouvée dans le groupe sans SAS. Plus récemment, Bradley et al. ont confirmé l’amélioration par la PPC de la FEVG ainsi que du test de marche de 6 min et de l’activité sympathique. En revanche, la survie sans transplantation n’était pas modifiée par le traitement par PPC [23]. Ce résultat peut s’expliquer en partie par la meilleure prise en charge des patients avec plus de 3/4 des patients traités par bêtabloquants, mais aussi par une diminution modérée de 50% de l’index apnées-hypopnées entraînant une baisse de puissance de l’étude. En effet, seule une correction complète du SAS permet d’améliorer significativement le pronostic. L’oxygénothérapie nocturne semble également réduire l’index d’apnées-hypopnées, cependant seul le traitement par PPC permet une amélioration de la FEVG ainsi que des paramètres ventilatoires à l’exercice (pente VE/VCO2) [24]. Des modes de ventilation plus sophistiqués sont à l’étude comme la ventilation assistée servocontrôlée à 2 niveaux de pression. Plus récemment, nous avons montré que ce mode de ventilation nocturne, outre la meilleure correction du syndrome d’apnées du sommeil, apportait à long terme (6 mois) une amélioration significative de la qualité de vie et de la compliance, supérieure à celle apportée par la PPC (figure 7). En outre, elle permettait un gain significatif de la FEVG [25]. Le ou les mécanismes d’action de la ventilation positive sur le SAS avec respiration de Cheyne-Stokes n’est (ne sont) pas entièrement élucidé(s). Elle semble agir par la réduction de l’hyperventilation, la redistribution de la congestion pulmonaire vers le compartiment extrathoracique et une réduction de la stimulation des récepteurs du nerf vague à l’irritation.
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Courbe de Kaplan-Meier montrant l’effet bénéfique de la ventilation en pression positive continue (PPC) sur la survie et l’absence de transplantation de sujets insuffisants cardiaques
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Fi gure 7 Effet de la ventilation nocturne par ventilation assistée servocontrôlée (ASV) et par pression positive continue (PPC) sur la correction de l’index d’apnées-hypopnées (IAH) à 3 et 6 mois Les 2 ventilations permettent une régression de l’AHI, en revanche seule l’amélioration en mode servopilotée est supérieure à la PPC avec maintien des résultats à 6 mois. Données exprimées en moyennes ± SD, * = p < 0,05. Source : Philippe et al. Compliance with and efficacy of adaptive servoventilation (ASV) versus continuous positive airway pressure (CPAP) in the treatment of Cheyne-Stokes respiration in heart failure over a six month period. Heart. 2005; 92 (3): 337-42.
Prise en charge des syndromes d’apnées du sommeil chez les patients insuffisants cardiaques
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La prévalence du SAS étant élevée chez les patients insuffisants cardiaques, un dépistage systématique des apnées est justifié chez tout insuffisant cardiaque et a fortiori chez les patients demeurant symptomatiques malgré un traitement médicamenteux optimal. Les signes cliniques évocateurs de SAS sont peu spécifiques, même si les notions d’obésité, de pauses respiratoires nocturnes constatées par les proches, de ronflements nocturnes, de somnolence diurne, de sensation de sommeil non réparateur avec fatigue sont évocatrices de SASO. En revanche, il n’existe pas de signe d’appel pour le SASC avec CheyneStokes, sauf la constatation d’une ventilation périodique chez le sujet éveillé, rare et de mauvais pronostic. Afin de détecter un SAS, l’examen le plus simple à réaliser est la mesure de l’oxymétrie nocturne qui permet de détecter les épisodes de désaturation durant le sommeil (figure 8). Sa sensibilité (85 %) et sa spécificité (93 %) sont excellentes même chez l’insuffisant cardiaque [26]. L’oxymétrie nocturne ne distingue pas en revanche les apnées d’origine centrale ou obstructive chez ces patients. Si l’examen s’avère positif (plus de 5 épisodes de désaturations par heure), il sera complété par une polysomnographie réalisée en laboratoire du sommeil. Il s’agit de la méthode de référence au cours de laquelle sont enregistrés simultanément les variables permettant de définir le sommeil (électroencéphalogramme, électrooculogramme, électromyogramme mentonnier), la respiration (flux nasobucal), les mouvements thoraciques et abdominaux, l’oxymétrie, l’électrocardiogramme, la position corporelle et les mouvements des
jambes (électromyogramme des jambes). Un examen plus simple est la polygraphie ventilatoire nocturne qui n’enregistre que les paramètres ventilatoires. Le diagnostic établi, la ventilation nocturne par pression positive sera proposée aussi bien chez les SASO que chez les SASC. Sa tolérance sera évaluée et le niveau de pression positive adapté à chacun des patients pour permettre une régression optimale des apnées tout en conservant une bonne tolérance pour une utilisation nocturne la plus longue possible. Son efficacité sera évaluée périodiquement par polysomnographie afin d’effectuer les réglages nécessaires. La ventilation nocturne en pression positive peut s’accompagner d’un certain nombre d’inconvénients : elle est considérée par certains comme bruyante et contraignante. Elle peut entraîner des désagréments locaux comme une congestion nasale, une gêne liée au masque (fuite, irritation) ou une sensation de claustrophobie. Malgré ces inconvénients, sa tolérance est bonne chez 65 à 80 % des patients et peut atteindre plus de 85 % à 6 mois avec une durée de PPC > 3,5 heures par jour dans le cadre de programmes d’information et de sensibilisation spécifiques [27]. Une autre approche a été proposée récemment chez des patients à fonction ventriculaire modérément altérée ayant une bradycardie sinusale symptomatique et un SAS : la stimulation atriale forcée [28]. Dans cette étude, la stimulation atriale forcée a permis la réduction de plus de 50 % du nombre d’apnées du sommeil sans réduction du temps de sommeil. Les mécanismes par lesquels cette technique diminue le nombre d’épisodes d’apnée du sommeil restent à préciser et son efficacité à confirmer. Cette réduction n’est toutefois pas retrouvée chez les patients présentant un SASO et une FEVG normale ou peu altérée [29]. tome 36 > n°6 > juin 2007 > cahier 2
Syndrome d’apnées du sommeil et insuffisance cardiaque
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Fi gure 8 Dépistage du syndrome d’apnées du sommeil par oxymétrie nocturne Un appareillage simple permet une mesure des épisodes de désaturations et des accélérations cardiaques correspondant à des épisodes d’éveils ou de micro-éveils.
En revanche, chez des patients en insuffisance cardiaque évoluée (classe III de la NYHA, FEVG = 24 ± 6 %), la resynchronisation ventriculaire permet une amélioration significative du SASC avec une réduction de l’IAH (19,2 ± 10,3 versus 4,6 ± 4,4/h) ainsi qu’une amélioration de la qualité du sommeil [30].
Conclusion Bien que plus de la moitié des patients insuffisants cardiaques chroniques ait des apnées du sommeil, cette affection reste insuffisamment diagnostiquée et traitée. Il existe cependant des éléments indubitables mettant en évidence des liens existant entre l’insuffisance cardiaque et le syndrome d’apnées du sommeil. Parmi ceux-ci, il est désormais démontré que la présence d’un SAS constitue un marqueur de sévérité et un fac-
teur d’aggravation du pronostic. Le traitement par ventilation nocturne en pression positive permet une amélioration des symptômes, mais aussi une augmentation notable de la fonction ventriculaire. L’intérêt de ce traitement à long terme mérite aujourd’hui d’être évalué dans des études randomisées. Il apparaît essentiel de dépister systématiquement les apnées du sommeil chez tous les patients insuffisants cardiaques et notamment ceux résistant à un traitement médicamenteux optimal afin d’améliorer encore la prise en charge des insuffisants cardiaques dont le pronostic demeure sombre malgré les récentes avancées thérapeutiques. Conflits d’intérêts : aucun
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tome 36 > n°6 > juin 2007 > cahier 2