SYNDROME MÉDULLAIRE PAR HERNIE DISCALE CERVICALE MOLLE. ÉTUDE CINÉMYÉLORADIOGRAPHIQUE. EXTIRPATION DE L'HERNIE

SYNDROME MÉDULLAIRE PAR HERNIE DISCALE CERVICALE MOLLE. ÉTUDE CINÉMYÉLORADIOGRAPHIQUE. EXTIRPATION DE L'HERNIE

SYNDROME MÉDULLAIRE PAR HERNIE DISCALE CERVICALE MOLLE. ÉTUDE CINÉMYÉLORADIOGRAPHIQUE. EXTIRPATION DE L'HERNIE L. Barraquer-Bordas, F. Duran-Obiols et...

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SYNDROME MÉDULLAIRE PAR HERNIE DISCALE CERVICALE MOLLE. ÉTUDE CINÉMYÉLORADIOGRAPHIQUE. EXTIRPATION DE L'HERNIE L. Barraquer-Bordas, F. Duran-Obiols et A. Modolell Service de Neurologie, ΓHôpital de la Sta. Cruz y S. Pablo, Barcelone L'INTÉRÊT du cas, que nous allons présenter, s'étend, à notre avis, aux trois domaines: clinique, auxiliaire-technique et chirurgical. Du point de vue clinique, la complexité du syndrome, dont le malade était le porteur, faisait le diagnostic très difficile. Et même, ayant identifié celui-ci, il y avait des raisons de soupçonner qu'il existait, chez lui une disfonction à d'autres niveaux, plus élevés, du système nerveux central. Du point de vue des techniques auxiliaires, le principal intérêt du cas réside dans le fait d'y avoir utilisé la cinémyélographie, en même temps que d'autres procédés classiques. Finalement, du point de vue chirurgical, il faut souligner qu'on a trouvé une hernie discale cervicale molle, qui a pu être extirpée.

Observation Joaquin P.S., âgé de 44 ans, vient à la consultation externe du Service de Neurologie de l'Hôpital de la Cruz y S. Pablo, le 16 novembre 1960. En 1943, il avait souffert de paludisme. Il y a environ deux ans, il a présenté un syndrome infectieux avec exanthème, difficile à classer rétrospectivement. Depuis environ quatre mois, il souffre de parasthésies aux deux extrémités inférieures, à partir du genou vers le bas, qui le gênaient, ou lui empêchaient ses travaux de laboureur, quoiqu'il pouvait encore monter à bicyclette. Depuis la même époque il souffre, également, de parasthésies aux deux mains, prédominant dans la région cubitale, mais pas strictement dans le territoire du nerf de ce nom, mais sur une zone plus large, qui comprend les trois derniers doigts. Motilité oculaire extrinsèque normale, avec conservation de la convergence. Pas de nystagmus. Photomotrice correcte. Il n'y a pas de troubles de la salivation. Réflexe d'extension cervicale (rétracteur de la tête) légèrement positif, réflexe péribucal présent, donnant lieu à une cinésie, qui produit une réponse de succion, moins brusque et plus tonique que la forme habituelle du réflexe péribucal positif. Réflexe polico-mentonien, modérément positif, des deux côtés, réflexes stylo-radiaux présents, modérément vifs; réflexes bicipitaux présents. Réflexe flexeur des doigts, positif des deux côtés,par la manœuvre de Trömmer. Passivité modérée aux deux extrémités supérieures, peut-être un peu diminuée. Réflexes de posture des extenseurs du poignet, d'intensité modérée. Il exécute bien les tests doigt-nez et des marionnettes. Réflexes cutanés abdominaux 423

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douteux, insinués à gauche et non à droite; réflexes rotulienset achilléens symétriquement vifs. Un clonus du pied gauche. Réflexe cutané plantaire droit indifférent, à gauche, un signe de Babinski. Manœuvre de Mingazzini, normale. Léger déficit, à droite, dans la manœuvre de Barré. Hormis une abolition de la sensation vibratoire aux extrémités inférieures, aucun autre défaut sensitif, même pas aux mains. Aspect du patient un peu hébété, amorphe, qui ne semble pas pouvoir être atribué simplement à son origine rurale. Lecture correcte. Dans la reproduction du dessin d'une maison, il ne peut pas réproduire le plan, sur une autre dimension, du toit, mais il faut tenir compte qu'il n'avait jamais dessiné. Démarche spastique et oscillante, d'un aspect vaguement dystonique. Romberg avec oscillations. Vision normale. Fundi oculi normaux. Electroencéphalogramme: sans altérations sensibles. Electromyélogramme : Electro­ des cutanés. Muscles explorés: deltoïdes, triceps et supinateur long de l'extrémité supé­ rieure gauche. Le malade relâche difficilement les groupes musculaires explorés, mais on ne met pas en évidence de potentiels à l'état de repos. Pendant la contraction volontaire on observe une graduation de la contraction et une contraction maxima, qui sont sensiblements normales. Radiographies cervicales: On observe une fusion, vraisemblablement congénitale, des corps vertébraux C4 et C5 (Fig. 1), avec disparition presque complète de la ligne de séparation entre eux. Il n'y a pas d'impression basilaire. Trou occipital normal. Léger rétrécissement postérieur de l'espace discal C6-C7. Manométrie spinale: Dans la position de flexion cervicale, la pression monte rapidement, quand on comprime les jugulaires et puis baisse plus lentement. Quand on place la tête en extension, il apparaît un blocage complet. Laboratoire: Hématies 4 410 000, hémoglobine 88%, valeur globulaire 1. Leucocytes 7 800. Formule leucocytaire : segmentés 47 %, juvenils 2 %, éosinophiles 6 %, basophiles 0, lymphocytes 42 %, monocythes 3 %. V.S.G. : 2 mm à la première heure, 4 mm à la deuxième, 52 mm après 24 heures. Réactions de Wassermann, M.k.r. II et M.b.r. II, négatives. Grosse goutte, négative. Aglutinations pour les bacilles d'Eberth, paratyphus et brucelle meliyensis, négatives. L.c.r. : cellules 17 par mm/c, albumine 0,30 g %0, globulines négatives, Wassermann négatif. Le 30 novembre, on remarque que la démarche a empiré, devenant plus spastique et oscillante, mais par contre, la réponse polico-mentonnienne s'est dimminuée. Le 7 décembre, on remarque, en revanche, une amélioration dans la déambulation du malade. Myélographie et cinémyélograpnie: Introduction de 3 ce. de Lipiodol "F", à 40%, per voie lombaire. Au moyen de la position de Trendelemburg, on situe le Lipiodol dans la région cervicale. On réalise d'abord la cinémyéloradiographie, qui permet de mettre en évidence une difficulté dans la descente du contraste, au niveau de C6-C7 (Fig. 2). L'exploration cinémyélographique permet de suivre, dans ses diverses phases, la descente du contraste, des premières vertèbres cervicales, aux plus basses. Les phases 1, II et III de la figure 2, correspondent à la portion supérieure, et on observe que le contraste descend bien de deux côtés et qu'il s'arrête à sa partie inférieure. Aux phases IV, V et VI, apparaît un arrêt, tandis que la masse opaque s'élargit et descend seule du côté droit et de façon discontinue (IV). A la prise de vue suivante, nous voyons que la difficulté latérale, qui apparaissait du côté gauche, est vaincue, tandis que les gouttes qui descendent desinent un trajet convexe, en passant sur l'obstacle antéro-latéral gauche. En VII on a capté le passage d'une nouvelle goutte, qui dessine une corbe à concavité inférieure, qui descend plus loin. En VIII et IX, le contraste est presque totalement descendu; il en persiste une petite portion dans la partie supérieure droite, qui plus tard est descendue totalement. En résumant, au moyen de la cinémyéloradiographie, nous avons démontré: (1) Un arrêt hémilatéral gauche temporaire; (2) Une difficulté de passage de la masse opaque du côté gauche ; (3) Tendance à descendre du côté droit, où il n'existe pas de difficulté de passage. Quelques jours après, on a pratiqué une nouvelle étude radiographique, pour obtenir des radiographies en projection latérale, le malade étant en décubitus ventral et le cou tantôt en flexion, tantôt en extension. La figure 3, le cou légèrement en flexion, montre

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FIG. 1. Radiographie latérale en extension. Fusion des corps vertébraux C4-C5. L'étrécissèment de l'espace discal C6-C7.

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III FIG. 2. Cinémyéloradiographie. L'explication dans le texte.

IV

VI FIG. 2 (cont.)

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VII

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IX FIG. 2 (cont.)

FIG. 3. Myélographie. Sténose pathologique au niveau de C3-C4.

FIG. 4. Myélographie. Décubitus ventral et cou en extension. Sténoses multiples au niveaux de C2-C3, C3-C4, C5-C6, et C6-C7, par l'action des ligaments jaunes.

FIG. 5. Myélographie. Décubitus ventral et cou en flexion. Les sténoses de C2-C3 et C3-C4 ont disparu. Elles persistent au niveau de C5-C6 et C6-C7.

Syndrome médullaire par hernie cervicale molle

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le lipiodol dans la région cervicale. On remarque que le canal rachidien est plus étroit à partir de C2-C3, ce qui confirme les descriptions, faites par divers auteurs, concernants le diamètre antéro-postérieur du canal rachidien cervical. Cependant, chez notre malade, il semble exister un certain rétrécissement au niveau de C3-C4. Sur la figure 4, le cou en extension complète, on remarque des "sténoses" multiples au niveau de C2-C3, C3-C4, C5-C6 et C6-C7. Il s'agit, dans cette position de la tête, de la compression exercée par les ligaments jaunes. Sur la radiographie suivante (Fig. 5), le cou en flexion, ces "sténoses" segmentaires ont disparu, bien qu'elles persistent au niveau de C5-C6 et C6-C7. Intervention chirurgicale (25.11.1961): Laminectomie bilatérale de C7, C6, C5, C4 et C3. L'exploration de l'espace extradural montre l'existence d'une protrusion bilatérale, au niveau de C6-C7, plus accentuée du côté gauche. Au niveau de C5-C6 et de C3-C4, on trouve aussi une proéminence bilatérale, mais moins accentuée. Incision de la dure-mère ; exposition des ligaments dentés et section de ceux-ci, en nombre de trois, de chaque côté. Ces ligaments étant sectionnés, on explore la paroi antérieure du canal rachidien et on découvre, au niveau de C6-C7, du côté droit, une protrusion bien délimitée et de consistance molle. La protrusion, découverte par voie intradurale, est exposée pour son extirpation, par voie extradurale. Après incision du ligament vertébral commun postérieur et du ligament annulaire, des fragments de matière discale s'extériorisent spontanément, et sont facilement extirpés au moyen de légères tractions. L'hémotasie soigneuse et suture des plans durale, musculaire, aponeurotique et tégumentaire. Etat post-opératoire. L'intervention a été bien tolérée. Le malade peut commencer à se lever 15 jours aprèsl 'opération. Un examen neurologique, pratiqué un mois plus tard, montre une amélioration de la spacticité, la démarche devenant presque normale. Un an après l'intervention, l'amélioration persiste.

Commentaire Du point de vue du diagnostic d'une lésion médullaire, avant l'étude myélographique et cinémyélographique, la diagnostic devait s'appuyer sur les données suivantes: (a) l'existance d'une paraparésie spasmodique, avec hyperréflexie, bien que légère, signe de Babinski unilatéral, léger déficit dans la manœuvre de Barré; (b) les parasthésies aux extrémités inférieures avec affectation de la sensibilité vibratoire ; (c) absence des réflexes cutanés ab­ dominaux; (d) les parasthésies dans la région cubitale des deux mains; (e) la fusion des corps vertébraux C4-C5, avec un léger rétrécissement de l'espace discal C6-C7, qui, cependant, ne fut apprécié que plus tard; (f) le blocage manométrique en position d'extension cervicale. Les examens au moyen de contraste et l'intervention chirurgicale dé­ montrèrent la pathologie du rachis cervical, avec compression médullaire. Il est intéressant que dans le liquide céphalo-rachidien il n'ait pas existé de dissociation albuminocythologique: l'hypercytose modérée pouvant être interprétée comme l'expression d'une réaction de la part de l'arachnoïde. La fréquence, avec laquelle les discopathies cervicales s'accompagnent d'arachnoïdite, est bien connue. Le fait que l'altération du rachis cervical, coupable des symptômes médullaires, ait été située plus bas que la fusion vertébrale, mérite d'être commenté. Cette altération peut être considérée comme conditionnée par une surcharge fonctionnelle, due à cette fusion. Ceci est une possibilité dy­ namique, dont on doit toujours tenir compte. Nous remarquerons, finalement, que, comme nous l'avons suggéré au

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début, quelques caractéristiques du tableau clinique du malade (son aspect, hébété, la présence d'un réflexe semblable à celui de succion, une note vaguement dystonique, etc.), ainsi que son évolution, nous ont fait soup­ çonner l'existence, à part de sa pathologie cervicale, d'un trouble encépha­ lique, certainement léger et difficile à classer. Résumé Les auteurs présentent un cas d'hernie discale cervicale molle, qui a pu être extirpé et qui produisait un syndrome spinal, avec paraparésie spasmodique et parasthésies. Il existait une fusion, vraisemblablement congénitale, des corps vertébraux C4 et C5, mais la protrusion discale se situait entre les sixième et septième vertèbres, probablement par la surcharge fonction­ nelle. Nous soulignons la valeur de la manométrie spinale posturale (en extension). Le cas a été étudié au moyen de la myélographie de routine et la cinémyéloradiographie.