Rev Rhum [E´d Fr] 2002 ; 69 : 814-21 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833002003812/SSU
Syndromes rhumatismaux d’origine mycosique et parasitaire Paul E. McGill* Consultant physician and rheumatologist, Musculoskeletal Unit, Stobhill Hospital, Glasgow G21 3UW, UK
mycoses tropicales / arthrites mycosiques / mycétomes / arthrites filairiennes / arthrites parasitaires tropical mycosis / fungal arthritis / mycetoma / microfilarial arthritis / parasitic arthritis
Les maladies de l’appareil locomoteur d’origine mycosique sont rares et souvent de diagnostic difficile, surtout à leur phase précoce. De plus en plus, ces maladies s’observent en association avec la toxicomanie par voie intraveineuse et les déficiences immunitaires (iatrogènes et liées au VIH). Il est important que les rhumatologues pensent à ces causes inhabituelles et parfois exotiques de pathologie rhumatismale. Bien que de nombreuses mycoses soient présentes à travers le monde, diverses infections mycosiques sous-cutanées ou profondes s’observent plus fréquemment ou même exclusivement en zone tropicale. Ces maladies doivent être bien connues car elles peuvent s’observer en dehors des zones d’endémie par le jeu des migrations des populations mondiales [1, 2]. On peut observer des arthralgies ou des arthrites sévères mais transitoires, généralement accompagnées d’une mycose primitive avec ou sans érythème noueux (par exemple, histoplasmose ou coccidioidomycose). Cependant, ce sont les atteintes osseuses et articulaires des mycoses disséminées (profondes) qui posent les problèmes cliniques les plus sérieux. Les arthrites et ostéomyélites mycosiques tendent à évoluer de façon chronique, à bas bruit, pendant plusieurs mois, ce qui conduit souvent à un retard diagnostique et à des erreurs thérapeutiques (corticoïdes par voie systémique ou intra-articulaire par exemple). Une bonne connaissance des signes extra-articulaires et de l’épidémiologie des mycoses facilite leur diagnostic pré-
*Correspondance et tirés à part.
coce et la mise en route d’un traitement approprié. Les manifestations pulmonaires et cutanées sont les signes extra-articulaires les plus fréquents. Le traitement associe habituellement des médicaments antimycosiques et divers gestes chirurgicaux. L’amphotéricine B reste la clé de voûte du traitement médical (souvent pour des raisons économiques), mais la flucytosine, le kétoconazole et l’itraconazole seuls ou en association sont également efficaces. Bien que l’itraconazole ne soit pas la panacée pour le traitement des mycoses profondes, ce médicament représente un progrès considérable [3]. La présente mise au point porte principalement sur les mycoses observées dans les régions tropicales et soustropicales. Les mycoses plus cosmopolites et celles qui prédominent en Amérique du Nord ne seront pas prises en compte ici. Le lecteur qui souhaite une mise au point sur les manifestations rhumatismales de la candidose, de la coccidioidomycose et de l’aspergillose est prié de consulter Cuellar et al., 1992 [4]. HISTOPLASMOSE Cette mycose profonde due à H. capsulatum s’observe dans l’ensemble du monde, bien que l’endémie soit particulièrement importante dans l’Ohio et le Mississippi aux États-Unis. L’histoplasmose africaine due à H. capsulatum var duboisii est endémique en Afrique centrale et de l’Ouest et s’observe de façon sporadique dans d’autres régions du continent [5, 6]. Des cas d’histoplasmose africaine ont été décrits chez des immi-
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grés vivant en France, ainsi que dans les pays européens voisins et dans des régions plus lointaines [7, 8]. Les formes disséminées d’histoplasmose à H. capsulatum sont fréquentes en Amérique du Nord chez les malades infectés par le VIH ; quelques observations ont été décrites en Afrique en association avec le SIDA, mais de nombreux cas échappent probablement au diagnostic dans ce contexte [9]. La variante africaine est peut-être elle-aussi souvent méconnue, car malgré l’augmentation alarmante des cas de SIDA en Afrique, les observations d’infection à H. duboisii restent rares, bien que cet état de choses soit peut-être en train de changer [10, 11]. Dans le sol, ce champignon dimorphique pousse sous forme mycélienne et produit des spores. L’infection se fait par inhalation de spores. Les deux variantes sont très voisines, si ce n’est la taille plus grande des spores de la variante africaine. Ce sont surtout les manifestations cliniques caractéristiques de chaque espèce qui permettent de faire la distinction. La primo-infection à H. capsulatum est habituellement asymptomatique. Initialement, le tableau le plus fréquent associe un syndrome pseudo-grippal, des polyarthralgies ou polyarthrites migratoires et un érythème noueux ou polymorphe. On observe parfois une pleurésie ou une péricardite. L’histoplasmose pulmonaire chronique s’observe chez les individus immunocompétents porteurs d’anomalies pulmonaires anatomiques. L’histoplasmose disséminée survient en cas d’immunodéficience et affecte le poumon, la moelle osseuse et le tissu lymphoréticulaire. Malgré la présence de l’organisme dans la moelle osseuse, il est rare d’observer une ostéomyélite ou une arthrite [12]. Dans l’histoplasmose africaine, en revanche, une ostéomyélite, volontiers multifocale, survient dans 50 % des cas environ [13]. L’organisme s’étend de l’os vers les tissus mou, provoquant la formation de fistules. L’atteinte des vertèbres peut se traduire par une compression médullaire et une paraplégie. Les formes monostotiques doivent conduire à éliminer la tuberculose, une infection à pyogènes et un ostéosarcome [14]. Les formes polyostotiques peuvent simuler l’ostéomyélite multifocale de la drépanocytose [15]. L’examen des coupes histologiques des tissus infectés montre des granulomes à cellules géantes contenant de volumineuses cellules à forme levure. L’amphotéricine B et le fluconazole sont utilisés pour le traitement, quoique l’itraconazole soit peut être supérieur pour les traitements plus prolongés [16].
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CRYPTOCOCCOSE Cryptococcus neoformans touche principalement le poumon. La dissémination est rare et s’observe habituellement chez des malades affaiblis par d’autres affections, notamment une immunodéficience iatrogène ou liée au VIH. La méningite est la manifestation clinique la plus fréquente, surtout actuellement en Afrique subsaharienne. L’ostéomyélite cryptococcique, habituellement monostotique et souvent vertébrale, est une complication bien décrite mais rare, dont la plupart des observations concernent des hôtes immunocompétents, même dans les régions d’Afrique à forte endémie sidéenne [17]. L’ostéomyélite vertébrale avec abcès paravertébraux rappelle la tuberculose, surtout dans les régions où cette dernière est fréquente. L’arthrite cryptococcique est rare et s’observe habituellement en association avec une corticothérapie [18, 19]. La fréquence de la cryptococcose associée au VIH n’a pas augmenté, peutêtre en raison d’une notification incomplète. Le diagnostic repose sur la biopsie du tissu atteint [20]. Le traitement fait appel à un débridement chirurgical et à l’association d’amphotéricine B et de 5-fluorocytosine. Le fluconazole peut être utilisé à la place de l’amphotéricine B [21]. BLASTOMYCOSE La blastomycose nord-américaine s’observe aussi en région tropicale, notamment en Amérique du Sud et en Afrique. Blastomyces dermatiditis est un champignon dimorphique, et la contamination se fait par inhalation. La dissémination se fait des poumons vers la peau (80 %) et les os (60 %). L’atteinte osseuse se traduit par des lésions ostéolytiques avec une discrète réaction périostée mais sans séquestre [22, 23]. Les lésions vertébrales s’accompagnent d’abcès des tissus mous et d’une atteinte de la moelle épinière, simulant une tuberculose. La monoarthrite du genou, de la cheville ou du coude est rare et survient habituellement par contiguïté à partir de l’os voisin. L’organisme est présent dans le liquide synovial, la synoviale et l’os. Le traitement consiste en un débridement avec drainage et en l’administration d’amphotéricine B. Le kétoconazole et l’itraconazole peuvent aussi être utilisés. Cette infection devient de plus en plus fréquente chez les malades infectés par le VIH, et la dissémination massive peut provoquer le décès dans ce contexte [24].
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PARACOCCIDIOIDOMYCOSE Cette maladie due à Paracoccidiodes brasiliensis est appelée aussi blastomycose sud-américaine. Comme son nom l’indique, on l’observe en Amérique centrale et du Sud [25]. Comme pour la blastomycose et la cryptococcose, la primo-infection pulmonaire est souvent silencieuse mais peut donner lieu, chez les sujets réceptifs, à une dissémination vers la peau et les tissus lymphoréticulaires ou, parfois, vers l’os. Il est rare de voir une atteinte articulaire, qui se fait par contiguïté à partir d’un foyer osseux adjacent. Le traitement est similaire à celui de la blastomycose [26]. Le lien avec l’infection par le VIH est de plus en plus étroit [27, 28]. SPOROTRICHOSE La sporotrichose est due à un champignon dimorphique, Sporothrix schenkii, qui se rencontre dans les végétaux en voie de décomposition, le bois et le sol. La maladie s’observe donc principalement chez les individus qui travaillent au grand air. La sporotrichose a été bien décrite en 1914 chez les mineurs d’or en Afrique du Sud. Il s’agit maintenant de la plus fréquente des infections sous-cutanées dans la population générale d’Afrique du Sud et du Mexique. Les hommes sont plus souvent atteints que les femmes, principalement en raison de la prédominance masculine dans les professions et activités de loisirs qui comportent un risque de contact avec l’organisme [29, 30]. La forme lymphocutanée peut s’accompagner de monoarthrite. La forme disséminée est rare et s’observe chez les sujets alcooliques ou immunodéprimés, notamment infectés par le VIH. Dans l’infection par le VIH, l’atteinte cutanée diffuse peut s’accompagner d’une atteinte polyarticulaire et polyostotique [30]. Le diagnostic repose sur l’immunofluorescence indirecte, les cultures de membrane ou de liquide synovial et l’examen histologique. Le traitement fait appel à l’amphotéricine B. Le kétoconazole ou l’itraconazole peuvent être utilisés à la place de l’amphotéricine B ou pour le traitement au long cours chez les malades infectés par le VIH. MYCÉTOME Il s’agit d’un terme descriptif qui désigne un ensemble d’infections chroniques des tissus sous-cutanés, des os et des articulations, habituellement aux membres. Les mycétomes s’observent dans l’ensemble des régions tropicales et sous-tropicales. La prévalence est maximale en Inde et en Extrême Orient, au Vénézuela et au Mexique
et, enfin, dans toute l’Afrique subsaharienne, particulièrement dans le Sahel, du Sénégal et de la Mauritanie à l’ouest à la Somalie et à Djibouti à l’est [31, 32]. Deux groupes d’organismes sont responsables de mycétomes. L’actinomycète (actinomycétome) Malgré leur nom, il s’agit de bactéries aérobies sensibles aux antibiotiques. Ces organismes ressemblent aux champignons parce que leur aspect est filamenteux et qu’ils peuvent provoquer une suppuration chronique avec des fistules par lesquelles s’écoulent du pus et des « granules ». Maduromycétome (eumycétome) Ici, il s’agit d’authentiques champignons, comme par exemple Madurella mycetomatis, qui sont très résistants aux médicaments antimycosiques. Les actinomycètes du genre Nocardia, Nocardiopsis, Streptomyces et Actinomadura sont tous responsables d’actinomycétomes. Nocardia spp. (N. brasiliensis) est la principale cause d’actinomycétome en Inde et dans les Amériques, tandis que Streptomyces somaliensis et Actinomadura madura sont plus fréquents dans le Sahel et sur la péninsule arabique [31, 33]. Dans les régions plus humides du continent africain, A. pelletieri est plus fréquent. Les actinomycètes étaient en cause chez 60 à 70 % des malades dans les séries les plus récentes. Ces deux groupes d’organismes sont présents dans le sol et pénètrent dans la peau et les tissus sous-cutanés à l’occasion de plaies. Ce mode de contamination explique que les mycétomes s’observent principalement chez les individus qui travaillent au grand air. L’aspect histologique se caractérise principalement par une inflammation granulomateuse chronique avec des micro-abcès formés autour de collections de l’organisme causal. Une réaction de fibrose est visible autour des régions de suppuration. Les filaments mycéliens des colonies de champignons sont souvent enchâssés dans un tissu fibreux dense qui fait obstacle à la pénétration des médicaments antimycosiques. La formation de fistules est une caractéristique frappante des mycétomes. L’infection s’étend à travers les plans tissulaires, provoquant la destruction progressive des muscles, des aponévroses, des os, des tendons et des articulations [34]. Les mycétomes siègent le plus souvent au pied (pied de Madura) ou à la main. Cependant, d’autres localisations s’observent et peuvent poser des problèmes diagnostiques (figure 1).
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Figure 2. Mycétome du pied (pied de Madura). Figure extraite de Muirs Textbook of Pathology, par R. MacSween et R. Whaley, 1992, p. 334, figure 8.35. Publiée avec l’aimable autorisation de E. Arnold Publishers, Londres. Figure 1. Eumycétome de la fesse touchant les os du bassin chez un jeune Masaï (Kenya).
La triade symptomatique classique consiste initialement en un œdème induré et indolore suivi par l’apparition de multiples fistules par lesquelles s’écoule un matériel purulent riche en grains (figure 2), de couleur noire, rouge ou blanche selon le champignon en cause. L’évolution est lente mais inexorable et conduit à la destruction des aponévroses, des os et des articulations. L’examen complémentaire le plus important est une biopsie chirurgicale de bonne qualité du tissu atteint. Le prélèvement doit être divisé en plusieurs fragments et envoyé au laboratoire pour un examen au microscope optique, un examen histologique et des cultures à la recherche des deux groupes de micro-organismes. Dans toutes les formes de mycétome, un débridement chirurgical précoce s’impose. Cependant, dans de nombreuses régions tropicales, le diagnostic mycologique et histologique est souvent porté avec retard, de sorte que le résultat du traitement est médiocre, laissant souvent un handicap fonctionnel sévère séquellaire. Idéalement, tous les malades doivent recevoir un traitement médi-
camenteux prolongé. Un antibiotique à spectre large est efficace en cas d’actinomycétome, et l’on peut s’attendre à une guérison clinique avec un risque faible de récidive. L’administration de co-trimoxazole pendant neuf mois en association avec la streptomycine pendant les deux premiers mois est efficace, relativement peu coûteuse et disponible dans la plupart des pays tropicaux. Bien que les champignons en cause soient sensibles in vitro et que les nouveaux médicaments suscitent de grands espoirs, les formes mycosiques répondent mal aux médicaments. Une excision locale étendue suivie d’une greffe peut être efficace dans les formes précoces, mais l’amputation est habituellement nécessaire en cas de lésions évoluées. AFFECTIONS PARASITAIRES Bien qu’un très grand nombre d’individus résidant en zone tropicale souffrent de maladies parasitaires, les syndromes rhumatismaux sont relativement rares et peuvent conduire à des erreurs diagnostiques si le clinicien n’est pas averti. D’une façon générale, les manifes-
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tations articulaires sont liées soit à une réaction allergique ou immunitaire, soit à l’atteinte directe d’une articulation. Les oligoarthrites et polyarthrites dues aux parasites sont bien décrites et seraient secondaires à la présence de complexes immuns circulants (« rhumatisme parasitaire ») [35, 36]. En pratique, une parasitose doit être évoquée en cas d’oligoarthrite ou de polyarthrite chez un sujet qui vit en zone d’endémie, un voyageur ou un immigré. Le diagnostic de rhumatisme parasitaire est habituellement étayé par une médiocre réponse aux anti-inflammatoires contrastant avec l’amélioration qui suit le traitement antiparasitaire.
lipides est élevée (épanchement chyleux). L’arthrite est souvent une manifestation précoce et isolée qui précède le lymphœdème régional. Des observations ont été rapportées en Inde, au Sri Lanka et en Nouvelle Guinée [37-39]. Le traitement par la diéthylcarbamazépine permet de faire le diagnostic et d’obtenir la guérison. Loase
Les filaires sont des vers fins et longs qui libèrent des microfilaires. Ces derniers envahissent les tissus souscutanés. Des arthropodes (mouches et moustiques) transmettent les microfilaires d’une personne à une autre.
Cette maladie, qui ne se rencontre que dans les forêts vierges équatoriales d’Afrique et de certaines régions de l’Amérique du sud, est due à une filaire appelée loa-loa. Le parasite est introduit dans la peau par la femelle du taon noir (taon du buffle). Les filaires adultes migrent à travers le tissu conjonctif et sont visibles dans le tissu sous-cutané sous la forme d’œdème de Calabar. La migration de microfilaires dans une articulation peut provoquer une arthrite qui simule une arthrite septique. La fièvre est la règle. Le liquide synovial contient parfois des éosinophiles polymorphes et des microfilaires [40]. Une vascularite leucocytoclasique par hypersensibilité a été décrite [41]. Bien que l’arthrite cède parfois spontanément, le traitement par la diéthylcarbamazépine permet de porter le diagnostic et d’obtenir la guérison. Dans une série de dix cas d’arthrite à éosinophile chez des Chinois de Singapour, la diéthylcarbamazépine a été efficace dans quatre cas, sans qu’aucun parasite n’ait été mis en évidence [42].
Filaire de Bancroft
Onchocercose
HELMINTHIASES Les helminthes constituent une famille d’organismes multicellulaires parmi lesquels les nématodes (vers ronds) et les douves peuvent provoquer des syndromes rhumatismaux allant de réactions allergiques transitoires à des arthropathies sévères. Les helminthes ci-dessous peuvent provoquer de tels syndromes. Filariose
Ce parasite est largement présent dans les zones tropicales et sous-tropicales, notamment dans le Pacifique, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Arthrite chyleuse Il s’agit d’une arthrite caractérisée par la présence de lymphe dans une articulation. L’arthrite chyleuse est due à une filaire, Wuchereria bancrofti, qui réside dans les vaisseaux lymphatiques. Les lésions de ces vaisseaux provoquées par les vers sont responsables d’un lymphœdème régional. La maladie est endémique en Inde, dans les régions tropicales d’Afrique et d’Asie et en Amérique du Sud. Elle s’accompagne d’une monoarthrite aiguë stérile, le plus souvent du genou. Les malades sont habituellement fébriles, et le liquide jaune crémeux peut être pris pour du pus. Cependant, il ne contient ni germes ni filaires, et sa concentration en
L’onchocercose est due à une filaire, Onchocerca volvulus, transmise par une simulie infectée. Elle s’observe en Afrique de l’Ouest et centrale (Simulium damnosum) et en Afrique de l’Est (S. naevi), ainsi qu’en Amérique centrale et du Sud. La dermatite, les nodules souscutanés et les lésions oculaires (cécité des rivières) sont les principaux signes cliniques. Les nodules siègent sur les saillies osseuses et augmentent lentement de volume pendant une période qui peut atteindre cinq ans (figure 3 et 4). On peut observer deux formes d’arthrite : (1) une monoarthrite de la hanche, du genou ou du coude, avec des nodules adjacents à l’articulation touchée et des microfilaires dans le liquide synovial ; (2) une polyarthrite d’allure rhumatoïde qui touche les petites articulations des mains et qui peut être favorisée ou aggravée par l’administration de diéthylcarbamazépine [43].
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Dracunculose (ver de Guinée) Dracunculus medinensis est un ver volumineux dont les larves pénètrent dans l’organisme après absorption d’eau contenant des crustacés infectés. La dracunculose s’observe en Afrique de l’Ouest et Centrale, en Inde et en Asie du Sud-Est. La femelle gravide migre vers les endroits du corps qui sont en contact avec l’eau, généralement les jambes. Le parasite peut envahir le genou, la cheville ou, plus rarement le coude. La libération de microfilaires dans l’articulation provoque l’apparition d’une synovite aiguë à éosinophiles [44]. On peut observer un épanchement lymphocytaire réactionnel stérile lorsqu’un ver est à proximité d’une articulation mais n’y pénètre pas. L’émergence du parasite à la surface de la peau se fait par l’intermédiaire d’une ulcération. Des fistules se forment. L’arthrite septique (habituellement staphylococcique) est une complication grave [45]. Les radiographies montrent parfois un ver calcifié (figure 5). Le ver peut être extrait de l’articulation par arthroscopie ou chirurgie. En revanche, il est impossible d’extraire le ver des tissus mous. Les médicaments antiparasitaires ne tuent pas le ver. La gnathostomiase est due à un nématode appelé Gnathostoma spinigerum et acquis lors de la consommation de poisson cru. L’atteinte de l’appareil locomoteur consiste en la formation d’abcès dans les muscles striés [46, 47]. La schistosomiase est due à une douve dont deux des trois espèces qui infectent l’homme. S. mansoni (appareil digestif) et S. haematobium (appareil urinaire), ont été rendues responsables de diverses manifestations rhumatismales, surtout en Égypte. Une tendinite d’Achille, une fasciite plantaire ou une polyarthrite inflammatoire peuvent s’observer isolément ou en association sous la forme d’une arthrite réactive [48, 49]. Des schistosomes ont été mis en évidence dans la membrane synoviale au genou et à la hanche [50]. Le traitement antischistosomial est efficace. La strongyloïdose peut être responsable d’arthrite réactive, de vascularite et d’infestation directe du tissu synovial [35]. L’échinococcose (hydatidose) peut se traduire par la présence de kystes dans les os et les muscles. Des cas d’arthrite réactive ont été décrits [51-53]. Trichinose
Figures 3 et 4. Onchocercose chez un garçon ougandais.
Trichinella spiralis est un nématode qui est responsable d’une myosite à éosinophiles conduisant à la formation de kystes et à la présence de larves calcifiées dans les
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Figure 5. Ver de Guinée calcifié.
muscles striés. La myosite s’accompagne d’une cysticercose (Tinea soleum et T. multiplex). PROTOZOAIRES Des arthrites et des myosites ont été décrites dans diverses protozooses comme la lambliase (arthrite) et la toxoplasmose (myosite). Aucune de ces manifestations n’est particulière aux tropiques si ce n’est peut-être la trypanosomiase sud-américaine (maladie de Chagas), dans laquelle on observe une myosite. RE´FE´RENCES 1 Briand V, Lortholary O. Infections mycosiques endémiques. Rev Prat 2001 ; 5 : 747-51. 2 Drouhet E, Dupont B. Ostéoarthrites fungiques. Rev Rhum Mal Ostéoartic 1981 ; 4 : 153-61. 3 Perez-Gomez A, Prieto A, Torresano M, Diez E, Mulero S, Labieno I, et al. Role of the new azoles in the treatment of fungal osteo-articular infections. Semin Arthritis Rheum 1998 ; 2 : 226-44. 4 Cuellar ML, Silviera SH, Espinoza LR. Fungal arthritis. Ann Rheum Dis 1992 ; 51 : 690-6.
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