TDM double énergie : applications thoraciques

TDM double énergie : applications thoraciques

Revue des Maladies Respiratoires (2012) 29, 1268—1271 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com SÉRIE NOUVEAUTÉS EN IMAGERIE THORACIQUECOORDONN...

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Revue des Maladies Respiratoires (2012) 29, 1268—1271

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

SÉRIE NOUVEAUTÉS EN IMAGERIE THORACIQUECOORDONNéE PAR G. FERRETTI

TDM double énergie : applications thoraciques Dual energy CT for thoracic applications M. Remy-Jardin a, J.-B. Faivre a, F. Pontana a, J. Remy a,b,∗ a

Service d’imagerie thoracique, CHRU de Lille, 59037 Lille, France Radiologie, université Lille-2, hôpital Calmette, CHU de Lille, boulevard du Pr-Leclercq, 59037 Lille cedex, France

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Rec ¸u le 9 juin 2012 ; accepté le 10 juin 2012 Disponible sur Internet le 23 octobre 2012

Objectif En préambule à la description des applications thoraciques de la double énergie, rappelons les quatre fac ¸ons d’utiliser les énergies (ou kilovoltages) sur un scanner. La première consiste à étudier séparément les caractéristiques d’absorption de chaque tissu ou liquide de la région examinée parce qu’elles sont plus ou moins dépendantes de l’énergie. En soumettant une région anatomique à deux énergies extrêmes, on peut séparer les matériaux qu’elle contient : c’est le principe de la « double énergie ». La seconde consiste à reconstruire toute une gamme d’énergies comprises entre deux énergies extrêmes : entre 80 kV ou faible énergie et 140 kV ou haute énergie ; on peut ainsi reconstruire les données comme si elles avaient été acquises à 90, 100, 110, 120 ou 130 kV. C’est le principe de la « multi-énergie ». Le rayonnement X qui a traversé le corps humain est complètement modifié. Il est partiellement absorbé, partiellement diffusé, partiellement durci quand ses composantes molles sont exclues de sa trajectoire ou, inversement, atténué. Un rayonnement idéal sélectionné par l’opérateur pour l’acquisition devient donc un rayonnement ayant des longueurs d’ondes variables selon sa diffusion, son atténuation, son durcissement ; il est appelé



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Remy).

polychromatique. Dans ce rayonnement polychromatique, il y a dominance d’une longueur d’onde qu’on peut isoler pour le rendre partiellement et virtuellement monochromatique ou monoenergétique. C’est une troisième fac ¸on d’utiliser l’énergie que l’on nomme « énergie monochromatique ». Dans l’acquisition d’un volume soumis à plusieurs énergies, on peut isoler une ou plusieurs énergies monochromatiques caractéristiques de l’iode, du calcium, de sels métalliques. Pour chaque énergie transformée par la traversée du corps humain, on peut donc sélectionner le monochromatisme le plus proche d’un matériel d’intérêt. Enfin, lorsque la double énergie est fournie par deux tubes à rayons X, on peut appliquer la même énergie sur les deux tubes pour leur demander plus de puissance chez une personne obèse ou demander à chaque tube et son détecteur satellite de ne faire que la moitié du travail pour réduire la durée d’émission de chaque tube et gagner en résolution temporelle. C’est donc utiliser deux fois la même énergie pendant une demi-rotation : c’est la quatrième possibilité qui est appelée « double source — simple énergie ». La technique « double énergie » a été introduite en scanographie dans les années 1980 mais les performances des équipements radiogènes de l’époque n’étaient pas suffisantes, d’où sa mise en sommeil pendant près de trente ans. Son objectif principal est d’apporter une dimension fonctionnelle à l’imagerie morphologique du thorax et d’obtenir une analysabilité optimum des différents compartiments vasculaires de cette région anatomique [1].

0761-8425/$ — see front matter © 2012 Publi´ e par Elsevier Masson SAS pour la SPLF. http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2012.08.002

TDM double énergie : applications thoraciques

Matériel

1269 Les deux acquisitions simultanées à 140 et 80 kV vont pouvoir subir plusieurs types de reconstructions, variant selon l’objectif de l’acquisition en double énergie. Si l’objectif de l’examen est de fournir une information fonctionnelle de type ventilation ou perfusion en complément à une imagerie morphologique, la séquence des reconstructions va être double : • la première étape consiste en la reconstruction d’une imagerie diagnostique, identique à celle obtenue sur un scanner « classique », par fusion des informations acquises par les deux tubes ; cette imagerie est qualifiée de « moyennée » car elle va comprendre des proportions variables de chaque tube ; habituellement, on reconstruit des images intégrant des données du tube à haute énergie (à hauteur de 60 %) et des données du tube à basse énergie (à hauteur de 40 %) qui, in fine, ont les caractéristiques des examens « classiques » (simple tube) acquis à 120 kV ; • l’imagerie de perfusion ou de ventilation va ensuite consister en une extraction du produit de contraste au sein de chaque voxel pour fournir une cartographie de la microcirculation pulmonaire (imagerie de perfusion) ou de la distribution de la ventilation pulmonaire (imagerie de ventilation).

À côté de la tomodensitométrie « classique » utilisant un seul tube à rayons X et une seule énergie (ou kilovoltage) pour balayer l’ensemble du thorax, il est donc actuellement possible de réaliser des examens en double énergie. Cette technologie a été introduite en 2006 sur des machines comportant deux tubes à rayons X avec application d’un kilovoltage différent sur chaque tube pendant la rotation de l’ensemble du système autour du patient (technologie double source ; Siemens). Plus récemment, la double énergie est devenue disponible sur des machines ne disposant que d’un seul tube à rayons X. Un constructeur a développé une modulation rapide du kilovoltage pendant la rotation du système tube-détecteur satellite (General Electric). Une alternative est basée sur l’analyse de la même énergie par des détecteurs de sensibilité différente, superposés dans le cercle de rotation (détecteurs « sandwich » ; Philips) : le plus proche du patient analyse et arrête les faibles énergies ; le plus éloigné du patient analyse les hautes énergies. Un dernier système, également basé sur une technologie monosource, est actuellement en développement par la société Toshiba. Parce que la technologie double énergie produite par un système double source a été la première introduite, les applications cliniques de cette nouvelle technologie présentées dans cette fiche technique sont le reflet des évaluations rapportées dans la littérature à partir de scanners double source. Sur le plan pratique, il s’agit extérieurement d’un scanner identique à une machine « classique », sans modification importante du mini-tunnel dans lequel le patient est positionné. En pathologie thoracique, les deux kilovoltages les plus habituellement appliqués sur chaque tube à l’acquisition sont 140 kV et 80 kV, avec ou sans filtration additionnelle pour la haute énergie. Le temps d’acquisition de la hauteur thoracique adulte avec un protocole double énergie est de l’ordre de dix secondes. Comme sur des scanners « classiques », le milli-ampérage est adapté au kilovoltage de chaque tube afin de compenser la faible énergie (tube à 80 kV) et d’atténuer les conséquences de la haute énergie (tube à 140 kV).

Si l’objectif de l’examen est d’optimiser l’information morphologique d’un examen TDM, deux principales options de reconstruction sont possibles. La première est de rendre disponible un éventail d’énergies (ou « multi-énergie ») ; pour cela, on reconstruira les images à partir des deux tubes (images à 80 kV ; images à 140 kV) et on génèrera, à partir des données des deux tubes, des images supplémentaires qui auront des caractéristiques identiques à celles d’examens qui auraient été acquis en simple énergie à 90, 100, 110, 120 ou 130 kV. La seconde option va avoir pour objectif de créer une imagerie dite « spectrale monochromatique » qui consiste à choisir, dans un rayonnement polychromatique, l’énergie la plus adaptée aux pics d’absorption de matériaux à numéro atomique élevé tels que l’iode, le calcium, les sels métalliques. Les images monochromatiques ainsi créées pourront avoir une énergie donnée, dans une gamme allant de 60 keV à 100 keV.

Procédure

Indications et contre-indications

La procédure correspond habituellement à une acquisition avec produit de contraste. Il sera possible d’acquérir des données après : • administration intraveineuse des produits de contraste iodés habituels (pour les acquisitions vasculaires optimisées et l’imagerie de perfusion ci-après détaillées) ; • inhalation d’un gaz rare, non radioactif, pour l’imagerie de ventilation.

Il s’agit d’une nouvelle technologie, encore peu répandue et dont les indications ne sont pas stabilisées. Les contre-indications à l’angioscanner double énergie sont les mêmes que celles de l’angioscanographie simple énergie. Il n’y a pas, à notre connaissance, de contre-indications à l’inhalation de krypton stable qui, non absorbé par la membrane alvéolaire, n’a pas de diffusion circulatoire. L’inhalation de xénon peut au contraire, avoir des effets secondaires qui dépendent de la concentration du gaz inhalé. Le premier objectif clinique de la TDM double énergie est d’apporter une « dimension fonctionnelle » à l’imagerie morphologique du thorax, ces deux types d’information pouvant être disponibles à partir de la même acquisition. L’imagerie de « perfusion » étudie la captation du traceur iodé dans la microcirculation mais n’en étudie pas le transit à différents temps. Elle est utilisée dans toutes les indications à l’étude

Deux gaz sont actuellement utilisables, le xénon utilisé dans un mélange comportant 20 à 30 % de xénon et 70 % d’oxygène, et, plus récemment, le krypton dans un mélange comportant 80 % de krypton et 20 % d’oxygène. L’acquisition peut être unique, à la fin d’une inspiration forcée faisant suite à plusieurs manœuvres respiratoires du mélange gaz rare—oxygène ou selon le principe du « wash-in », « washout », nécessitant alors plusieurs acquisitions.

1270 scanographique de la circulation pulmonaire (embolie pulmonaire aiguë, thromboembolie chronique, hypertension pulmonaire, suivi post-vasoocclusion des anévrismes artérioveineux pulmonaires, retours veineux pulmonaires anormaux partiels réimplantés) [1—3]. Selon les techniques d’acquisition, il est ainsi possible d’étudier la captation d’iode par une seule acquisition sélectionnée au moment de l’imprégnation maximum artériolaire, capillaire et veinulaire pulmonaire. Focalement, il est également possible d’étudier le transit du marqueur par plusieurs acquisitions, véritable imagerie de perfusion [4]. Le même principe est applicable à l’inhalation d’un gaz rare, soit pour topographier et quantifier des territoires non ventilés ou rétentionnant le marqueur sur l’ensemble du thorax, soit pour étudier, sur une zone d’intérêt plus limitée, le transit du marqueur pendant la respiration [1]. À partir de la seule acquisition avec produit de contraste (injecté ou inhalé), on peut obtenir, en plus de l’imagerie avec contraste, une « imagerie virtuelle sans contraste ». Ce mode de reconstruction va ainsi éviter d’irradier inutilement les patients dans toutes les situations où l’imagerie avec contraste tire bénéfice d’une acquisition préalable sans contraste. Par les mêmes procédés techniques, il est également possible de générer une imagerie thoracique avec soustraction des structures osseuses. L’optimisation de l’imagerie morphologique peut tirer de grands bénéfices de la multi-énergie et de l’imagerie spectrale monochromatique. Le bilan pré-thérapeutique d’un certain nombre de maladies nécessite une expertise simultanée de plusieurs compartiments vasculaires. L’exemple le plus représentatif est le bilan d’extension préthérapeutique d’un carcinome bronchopulmonaire. Il est impératif d’étudier la veine cave supérieure et les troncs veineux innominés. Si la veine cave est trop chargée en iode, les groupes ganglionnaires 4R et 10R ne peuvent pas être analysés parce qu’ils sont masqués par des artéfacts en rayon hyper- et hypo-denses provenant de la veine cave supérieure. L’artère pulmonaire et ses branches de division peuvent être envahies, conditionnant les modalités de la résection et les possibilités d’une angioplastie chirurgicale. L’envahissement veineux pulmonaire ou venoatrial doit être exclu ou décrit. L’aorte, ses lésions athéromateuses ainsi que celles des artères coronaires, les artères systémiques du poumon si le carcinome est compliqué d’hémoptysies, doivent enfin pouvoir être correctement analysées. Ce quadruple objectif d’obtention d’une concentration optimale du produit de contraste dans tous les compartiments vasculaires du thorax au cours d’un seul examen devient accessible avec l’acquisition double énergie et les reconstructions multi-énergies ou spectrales monochromatiques. Citons également, en dehors de l’oncologie thoracique, le bilan d’une thromboembolie chronique qui nécessite une analysabilité égale des artères pulmonaires proximales et périphériques, du retour veineux pulmonaire, des vaisseaux systémiques du poumon et des cavités cardiaques. Enfin, tous les vaisseaux thoraciques (veineux systémiques, artériels pulmonaires, veineux pulmonaires et artériels systémiques) peuvent être source d’une hémoptysie ; ils méritent une optimisation de leur évaluation en routine clinique. Il est maintenant possible d’adapter le contraste iodé au compartiment vasculaire dont on veut privilégier l’étude : veine cave supérieure et ses afférentes,

M. Remy-Jardin et al. artères pulmonaires, veines pulmonaires, aorte et artères systémiques et surtout de ne pas abandonner l’un d’eux quand il est le siège d’artéfacts dus à une surconcentration iodée ou à une étude sous-optimale par concentration insuffisante.

Risques et effets secondaires Les conséquences de l’injection d’iode étant connues et celles de l’inhalation de krypton stable étant absente, le seul risque de la scanographie double énergie est une irradiation un peu plus importante qu’en simple énergie si l’on considère que cette dernière a considérablement réduit son irradiation depuis les nouvelles technologies de réduction de dose. La dose rec ¸ue par le patient est, selon sa morphologie et l’indication de l’examen, comprise entre 300 et 450 mGy.cm soit de 5 à 8 mSv pour une irradiation annuelle moyenne de l’ordre de 3 mSv. Cette estimation moyenne n’est pas définitive parce que tous les constructeurs développent des technologies de réduction drastique de dose.

Résultats À rentabilité diagnostique comparable, les différentes imageries de perfusion pulmonaire proposées par la médecine nucléaire, l’IRM, et la scanographique double énergie doivent se substituer l’une à l’autre et non s’additionner. À notre connaissance, aucune technique d’étude de la perfusion pulmonaire ne peut actuellement, aussi bien que le scanner, apporter autant d’informations associées morphologiques et fonctionnelles sur le réseau artériel pulmonaire proximal et distal. Des défects de perfusion pseudo-emboliques sont possibles dans l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ce qui sous-entend que leur constat impose l’étude morphofonctionnelle des voies aériennes proximales et distales, des artères pulmonaires proximales et distales et du parenchyme en une seule acquisition. Il est prématuré de tirer des lec ¸ons définitives d’une innovation technologique aussi récente et peu répandue. Il semble illogique de dissocier dans le bilan d’une maladie pulmonaire ce qui appartient aux informations morphologiques et à leur retentissement fonctionnel à l’échelon lobulaire et acinaire. Aucune technique ne permet jusqu’à présent de savoir avec certitude si, dans certaines maladies, les altérations fonctionnelles ne précédent pas celles de la structure, et inversement dans d’autres. Enfin, en se plac ¸ant au point de vue du patient chez lequel un examen TDM doit être réalisé, il est également illogique de dissocier les bénéfices qu’il peut tirer de la double énergie de ceux qu’il peut tirer en termes de résolution temporelle de la double source destinée à l’étude morpho-fonctionnelle d’une région anatomique aussi intriquée que le cœur et ses vaisseaux, entourés par les poumons et leurs vaisseaux, leurs voies aériennes et leur parenchyme.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

TDM double énergie : applications thoraciques

POINTS ESSENTIELS • Le scanner double énergie permet de coupler imagerie morphologique et étude de la perfusion pulmonaire à partir d’une même acquisition. • L’imagerie de perfusion est un appoint précieux à l’étude angioscanographique des artères pulmonaires. • L’imagerie multi-énergie et l’imagerie spectrale monochromatique permettent de compenser les excès et insuffisances d’opacification des vaisseaux thoraciques. • L’imagerie de ventilation complète la séméiologie TDM des maladies obstructives des petites voies aériennes.

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Références [1] Ko JP, Brandman S, Stember J, et al. Dual-energy computed tomography. Concepts, performance, and thoracic applications. J Thorac Imaging 2012;27:7—22. [2] Remy-Jardin M, Faivre JB, Pontana F, et al. Thoracic applications of dual energy. Radiol Clin N Am 2010;48:193—205. [3] Kang MJ, Park CM, Lee CH, et al. Dual-energy CT : clinical applications in various pulmonary diseases. RadioGraphics 2010;30:685—98. [4] Pontana F, Faivre JB, Remy-Jardin M, et al. Lung perfusion with dual-energy multidetector-row CT (MDCT). Acad Radiol 2008;15:1494—504.