Traitement des maladies inflammatoires du tube digestif chez l’enfant

Traitement des maladies inflammatoires du tube digestif chez l’enfant

Arch Pediatr 1998 ; 5 (SuppI2): 105s-8s © Elsevier, Paris Seance pleniere : Maladies inflammatoires chroniques du tube digestif Traitement des mala...

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Arch Pediatr 1998 ; 5 (SuppI2): 105s-8s

© Elsevier, Paris

Seance pleniere : Maladies inflammatoires chroniques du tube digestif

Traitement des maladies inflammatoires du tube digestif chez l'enfant

o Goulet, B Cuenod-Jabri Service de gastroenterologie et nutrition pediatriques, hopitalNecker-Enfants-Malades, 149, ruede Sevres, 75743 Paris cedex 15, France

MALADIE DE CROHN La maladie de Crohn (MC) est consideree comme une maladie systemique en raison des manifestations extradigestives et de l'importance des signes generaux et inflammatoires, en particulier au COUTS des poussees, Au plan strictement digestif, elle atteint n'importe quelle partie du tube digestif depuis la cavite buccale jusqu'a la marge anale. L' atteinte est segmentaire et focale ; chez I' enfant, elle est assez souvent ileocolique droite. Son evolution se fait comme chez l'adulte, par poussees successives, souvent extensives. Sa gravite est majeure chez l'enfant en raison d'une plus longue duree d'evolution au cours de la vie et de son important retentissement sur la croissance staturoponderale liee a la maladie elle-meme ou ason traitement [1-3]. Son traitement n'est pas etiologique en l'absence de cause reconnue ; il est module en fonction des poussees evolutives et il n'y a pas de schema therapeutique formeI. Son diagnostic impose d'informer les parents et l' enfant du caractere chronique et du haut risque de dependance therapeutique. La frequence des rechutes fait reserver le traitement chirurgical a des indications particulieres. Enfin, son retentissement sur la croissance justifie une utilisation assez large des techniques de nutrition artificielle.

Poussee moderee La sulfasalazine (Salazopyrine") est active dans les formes coliques d'intensite moderee a la dose de 50 a 100 mg/kg/j (maximum 4 g/j) en doses fractionnees avec les repas. Des reactions d'intolerance (eruptions, cephalees, troubles digestifs) ne sont pas rares. Anemic et agranulocytose sont, en revanche, exceptionneUes. ActueUement, la mesalazine (5-aminosalicylate) la dose de 30 mg/kg/j en deux prises tend a remplacer la Salazopyrine", surtout dans les formes

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atteignant le grele et/ou Ie colon droit. Ses effets second aires se limitent a des troubles digestifs atype de nausees ou de vomissements et ades cephalees. Le Flagy l® (metronidazole) ala dose de 25 a 40 mg/kg/j, en agissant sur la flore anaerobic, a une certaine efficacite dans les formes coliques et surtout anoperineales. Il est bien tolere et n' est jamais utilise comme unique traitement. La prise en charge dietetique est associee au traitement medicamenteux et comporte une alimentation hypercalorique, riche en protides et limitee en fibres.

Poussee d'Intensite moyenne Les corticoides constituent la therapeutique la plus puissante dans toutes les localisations de la maladie, mais ils exposent ades complications et retentissent, en particulier, sur la croissance staturale. Ils peuvent etre administres par voie veineuse les premiers jours, ala dose de I a2 mg/kg/j, en utilisant la methylprednisolone en deux injections. Devant l'amendement rapide des signes cliniques, un relais par prednisolone orale est etabli pour 2 a4 semaines, duree moyenne necessaire pour obtenir une remission. Le traitement est ensuite diminue progressivement, puis arrete. Lorsque la remission est obtenue, un traitement d' entretien peut etre assure par la mesalazine, Les rechutes res tent frequentes et peuvent reveler une corticodependance. La corticotherapie a faibles doses et/ou sur un mode alterne (l jour sur 2) permet de reduire les effets secondaires, notamment Ie retentissement statura!' En revanche, lorsqu' eUe est prolongee ades doses de prednisone superieures a0,25 mg/kg/j, el1e entraine un ralentissement de la croissance staturale secondaire ades alterations du metabolisme proteique [4]. L' importance du retard de croissance semble directement reliee ala severite de la maladie et ala dose cumulee de corticoides. Ainsi, dans les formes corticode-

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pendantes, l'association d'une MC encore activeet descorticoides est aI'origine des plusgrands retards de croissance staturale etjustifie d'autres approches therapeutiques, reposant sur Ies immunosuppresseurs au sur les techniques de nutrition therapeutique.Lescorticoides dont le metabolisme hepatiqueest rapide (budesonide) ant rnoinsd' effets systemiques et sur l'axe hypothalamo-hypophysaire, mais leur efficacite dans les poussees de MC de I' enfant n' est pas demontree. Deux immunosuppresseurs sont utilises chez l'enfant,le 6-mercaptopurine, analogue de l'hypoxanthine, et l'azathioprine (Imurel") (1 a2 mglkg/j), derive imidazole de la mercaptopurine. Leur indication est la corticodependance, afin de limiter Ies effets secondaires de la corticotherapie au long cours a niveau eleve [5]. La nutrition enterale continue (NEC) sur 24 heures a ete proposee comme traitement d'attaque de la maladie. Sa realisation pratique repose sur I' administration d'un melange nutritif semi-elementaire ou polymerique par sonde nasogastrique souple. L'apport calorique souhaitable correspond a 150 a 200 % de la depense energetique de repos et est ajuste en fonction de la prise ponderale, EIle est initialement exclusive. Bien qu'elle permette une reinsertion familiale et scolaire.Ia NEC prolongee adomicile n'est pas toujours acceptee par les enfants et adolescents au plan psychologique en raison de la sonde nasogastrique. L'alimentation est reintroduite tres progressivement a distance de la phase aigue. Les centre-indications se limitent aux complications digestives de la maladie (stenose serree, colectasie). Les indications de la NEC sont resumees dans le tableau I. Elle est utilisee dans deux perspectives: controle des poussees de la maladie, correction des desordres nutritionnels et en particulier de la croissance staturale. Dans Ie traitement des poussees de la maladie,on peut considerer qu'elle est aussi efficace que les corticoides [6]. Une meta-analyse a montre qu'elle est moins efficace que les corticoides [7], mais il n'a pas ete tenu compte de l'effet deletere des corticoides sur la croissance et de I'eventuel effet benefique de la poursuite de la NEC. Par ailleurs, une importante etude multicentrique pediatrique, chez 68 enfants, montre

Tableau I. Indications de la nutrition therapeutique dans la rnaladie de Crohn.

Nutrition enterale

Nutrition parenterale

Premiere poussee de maladie de Crohn Retard de croissance staturale Rechute aprescorticothernpie Formes conicoresistantes et/ou corticodependantes Stenose intestinalemoderee

Formes aigueset/ouetendues de maladie de Crohn Formescortlcoresisrantes ou corticodependantes Echec de la nutrition enterale Fistuledu grele proximal Stenoseintestinale serree Phaseperioperatoire

que la NEC est plus efficace dans une premiere poussee de MC qu'au cours des recidives [8]. Le type de diete utilisee pour la NEC reste un sujet debattu. Plusieurs etudes ont compare I'efficacite de la NEC elernentaire ou non elementaire, sans montrer de difference significative (9, 10]. La reponse ala NEC semble dependre plus de I'age de debut de la maladie et de sa duree que de sa severite et de sa localisation. Son effet along terme par rapport aux corticotdes sur la frequence et la precocite des rechutes n' est pas different, dans les etudes utilisant des NEC de duree relativement breve, 3 a6 semaines. L'utilisation plus prolongee pourrait maintenir plus longtemps en remission, tout en maintenant un bon etat nutritionnel [2, 11]. Poussees severes La nutrition parenterale (NP) par catheter central le plus souvent associee aune corticotherapie est parfois indiquee (tableau I). EIIe entraine rapidement une amelioration de I'etat nutritionnel et un controle de la maladie. Elle permet dans certains cas d' arreter la corticotherapie ou d' eviter une intervention chirurgicale pour stenose ou fistule, Conduite adomicile, laNP pennet une reinsertionfamilialeet scolaire dans un meilleur contexte psychologique, Les resultats de la NEC ou de la NP ant ete compares dans les formes corticodependantes ou resistantes sans montrer de difference d'efficacite entre les deux modes de nutrition [13]. Cela pourrait suggerer que les deux techniques ont Iememe « effet repos digestif » ou, plut6t, que I' amelioration nutritionnelle est plus importante que le repos digestif pour contraler une MC active. Traitement chirurgical

La chirurgie n'est pas un traitement de Ia MC car I'exerese des segments atteints expose aplus au moins long terme a une recidive sur une autre partie du tube digestif. Toutefois, Ie traitement chirurgical est systematique et urgent dans trois situations: les perforations digestives avec peritonite, les hemorragies massives persistantes et la dilatation « toxique » du colon ou colectasie. En dehors de l'urgence, le traitement chirurgical est envisage: - dans les stenoses serrees, non levees par un traitement anti-inflammatoire, en cas de fistule enteroenterale ou enterocutanee persistante ; - dans certaines formes actives et resistantes aux traitements envisages precedemment (corticoides, azathioprine etlou nutrition parenterale), La resection est souvent suivie d'une reprise de la croissance staturale etlou d'un debut de puberte [14, 15] ; -Ies lesions anoperineales severes peuvent parfois beneficier d'un geste local; e1les necessitent exceptionnellement une derivation digestive.

Traiternentdes maladies inflamrnatoires du tube digestif

RECTOCOLITE HEMORRAGIQUE

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mise en route du traitement anti-inflammatoireet une correction de l' etat nutritionnel. II faut cependant noter que la nutrition parenteralemettant Ie tube digestif au repos a peu d'effet sur I'evolutivite de la maladie.

Rappel clinique La rectocolite hemorragique (RCB) peut affecter de jeunes enfants, mais la majorite des cas pediatriques s'observe entre 10 et 18 ans. Les manifestations intestinales se caracterisent par une diarrhee mucopurulente et sanglante [1, 16]. Les sympt6mes extra-intestinaux accompagnent mais peuvent parfois preceder de quelques mois les signes digestifs. lis' agit soit de manifestations generales: perte de poids, retard de croissance, retard pubertaire, temperature vesperale au hyperthermie severe, soit divers symptomes comme : erytherne noueux, erytherne polymorphe, stomatite aphteuse, arthra1gies, arthrite, conjonctivite, uveite. Formes algues et suraigues La severite de la poussee initiale (hemorragie, syndrome inflarnmatoire) et I'etendue des lesions (pancolite) constituent un facteur de pronostic. Une pancolite hemorragique avec manifestations extra-intestinales, hypoalbuminemie et anemie, fait craindre une rnauvaise reponse au traitement medical et la necessite d'une colectornie acourt terme. Ces formes tres severes exposent ades complications atype de colectasie (risque de perforation au de translocation bacterienne), d'hemorragies massives ou d'accidents thrornboembo1iques. Colite moderee et/ou localisee Les episodes aigus hemorragiques y sont frequents au cours-des premieres annees ; les episodes de remission se prolangent eventuellement et, parfois, 1amaladie peut s arreter completement.

Anti-inflammatoires non sterotdiens La sulfasalazine (Salazopyrine") est efficace en phase aigue et previent egalement les rechutes. Elle doit done etre administree de facon continue. II faut cependant souligner certaines intolerances digestives, une anemichemolytique, I'agranulocytose, I' erytheme polymorphe et la maladie serique. L' efficacite therapeutique n' apparait souvent qu'apres 1 semaine de traitement. La dose preconisee est de 50 a100 mg/kg/j (maximum 4 g/j)en dosesfractionnees avec les repas. Cette posologie est reduite de moitie lorsqu'une remission a ete obtenue. Corticotdes lis ne sont utilises que dans les formes assez severes ou lorsque les manifestations extra-intestinalessont importantes. En phase aigue, Ia corticotherapie intraveineuse sous forme de prednisone ou de methylprednisoloneest debutee it la dose de 1 a2 mg/kg/j (sans depasser 60 mg/j). Une fois la symptomatologie aigue controlee, on debute un sevrage progressif jusqu' a 15 mg/j, puis diminution de1adose quotidienne de 2,5 a5 mg par semaine jusqu'a administration des corticoides 1 jour sur 2. La methylprednisoloneen lavements rectaux (Betnesols) est efficace surtout dans les formes limitees de la ma1adie. On ne doit cependant pas meconnaitre Ie risque de passage systernique des corticordes.

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Colite chronique Apres les premiers mois, les episodes aigus font place aune evolution a bas bruit du processus inflammatoire et de la symptomatologie. Dans ces formes sont observees des stenoses siegeant habituellement au niveau du sigmoide. Complications Certaines manifestations extra-intestinales peuvent etre considerees comme des complications de la maladie. L'hepatite chronique active peut etre vue en association avec la colite ulcereuse de meme qu'une cholangite sclerosante. Le risque de degenerescence carcinomateuse est surtout eleve dans les pancolites chroniques et sur Ie rectum residuel apres colectomie. II est tres limite en cas d'atteinte limitee au colon gauche ou aI'ampoule rectale.

Traitement L'hospitalisation est indispensable dans les formes aigues et suraigues, permettant une evaluation diagnostique, la

Immunosuppresseurs L'azathioprine (Imurel"), ala dose de 1 a2 mg/kg/j, a ete proposee pour potentialiser I'effet des corticoides et permettre leur administration discontinue [17]. La ciclosporine n'a pas fait la preuve de son efficacite chez I'enfant. Chirurgie

Elle est indiquee dans les formes algues ou suraigues non au mal controlees par le traitement medical: persistance d'une colite hemorragique malgre Ie repos digestif et la corticotherapie, necessitant des transfusions repetees. La proctocolectomie avec ileostornie definitive n'est plus proposee. On realise plutot une colectomie avec anastomose ileorectale si Ie rectum Ie permet. L' atteinte severe du rectum peut justifier sa protection par une ileostornie temporaire, La coloproctectomie avec creation d'un reservoir ileal en J est I' approche chirurgicale la plus curative mais pas la plus simple chez l'enfant. Le probleme de la transformation maligne ne se posant pas chez l'enfant, cette intervention n'est envisagee, al'age pediatrique,qu' en cas d'atteinte persistante du rectum malgre un traitementlocal bien conduit (antidiarrheiques,lavements auxcorticoides)

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etlou si I'enfant reste dependant d 'une corticotherapie par

voie generate. Dietitique En raison d'une anore xie souvent associee. Ies restrictions alimentaires ne sont pas souhaitables. Cependant, l'exclusion du lactose et des fibres alirnentaires est recommandee.

Agents antidiarrheiques Les opiaces peuvent etre dangereux en phase aigue (cornme dans le megacolon toxique), Le tenesme et les douleurs abdominales peuvent etre ameliores par les antispasmodiques et les anticholinergiques. CONCLUSION Le traitement des maladies inflammatoires du tube digestif de I' enfant est difficile, i1 justifie une prise en cha rge dans des centres pediatriques specialises reunissant medecins, ch irurgiens, endoscopistes et dieteticiennes ayant une large experience de ces maladies . L 'utilisation limitee des corti coides et Ie maintien ou la restau ration d'un etat nutrition.nel optimal, grace ala nutriti on therapeutique, do ivent permettre aux enfants et adolescents de maintenir une vitesse de croissance leur assurant une taille definitive con venable. De nouveaux traitements sont actuellement en cours d'etude chez l'adulte et font appel des anticorps monoclonaux (anti-CD4, anti-TNF) ou encore al'interleukine 10. II n' ajamais ete demontre que des facteurs psychologiques declenchent ce type de maladie. Leur role dans Ie declenchement oul 'intensite des poussees n'est pas non plus prou ve, En revanche, comme dans toute maIadie chronique de l' enfant, i1 faut tenter d' ameliorer Ia tolerance au lourd handicap que representent ces maladies et leurs traitements . Une prise en charge psychologique doit absolument etre associee,

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