Traitement des séquelles de brûlures des membres

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EMC-Chirurgie 2 (2005) 565–578 www.elsevier.com/locate/emcchi Traitement des séquelles de brûlures des membres Surgical management of limb burn sequ...

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EMC-Chirurgie 2 (2005) 565–578

www.elsevier.com/locate/emcchi

Traitement des séquelles de brûlures des membres Surgical management of limb burn sequelae A. Mojallal, J.-P. Comparin, A. Chichery, D. Voulliaume, J.-L. Foyatier * Centre des brûlés, service de chirurgie plastique, centre hospitalier Saint-Joseph-Saint-Luc, 20, quai Claude Bernard, 69365 Lyon, France

MOTS CLÉS Brûlure ; Membres ; Brides rétractiles ; Lambeau ; Greffe de peau

KEYWORDS Burn; Limbs; Scar contracture; Flap; skin graft

Résumé La brûlure, sans tenir compte de son étiologie, ne touche que rarement les articulations. Néanmoins, la fonction est très souvent atteinte par les séquelles cutanées. Le placard cicatriciel, qu’il soit en zone articulaire ou non, provoque par sa rétraction et son absence d’élasticité une limitation des mouvements articulaires. La prévention de ces séquelles nécessite une excision tangentielle des brûlures et une greffe de peau mince dans les trois premières semaines, suivie d’une rééducation fonctionnelle précoce et prolongée. Le traitement chirurgical de ces séquelles se fait par des libérations de brides ou excision de placards cicatriciels, suivies d’une couverture par greffe de peau totale ou lambeaux cutanés (locaux, régionaux ou libres). Les séquelles esthétiques et fonctionnelles des différentes articulations des membres (excepté la main) sont énumérées et pour chacune les techniques de reconstruction sont détaillées. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Burn injuries, regardless of the aetiology, rarely involve the joint. However, the joint function is often impaired due to burn cutaneous sequelae. Articular or non articular scar contracture can reduce joint movements. Prevention consists in tangential excision and split thickness skin graft before the end of the third week, immediately followed by rehabilitation and physiotherapy. The surgical management of the scar contracture consists in an incision or excision of the scar and the covering of the soft tissue loss by full thickness skin graft or cutaneous flaps (local, regional or free). The aesthetic and functional sequelae of the limb joints (except the hand) are described with their different techniques of reconstruction. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction La prise en charge des brûlés dans les centres spécialisés, avec des soins locaux adaptés, une

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Foyatier).

excision-greffe de peau réfléchie et correctement réalisée, et surtout, la rééducation fonctionnelle précoce, soutenue et prolongée ont fait régresser les séquelles majeures de brûlures des membres dans les pays développés. La réparation des séquelles de brûlures des membres fait appel à de nombreuses techniques chirurgicales allant de la greffe de peau totale au lambeau libre. Mais, à aucun moment le geste

1762-570X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcchi.2005.09.001

566 chirurgical ne doit se placer prioritaire aux gains fonctionnel et esthétique final à long terme.

Étiologies Par définition, toutes les brûlures dépassant le premier degré peuvent être à l’origine de séquelles esthétiques et/ou fonctionnelles. La rétraction en flexion des articulations est celle la plus fréquemment rencontrée au niveau des membres. Cette rétraction est liée à l’alitement prolongé et l’inactivité physique d’un grand brûlé lors de son séjour. De plus, le non-respect de plusieurs règles peut favoriser ces séquelles : • l’absence de traitement chirurgical d’une brûlure profonde avant le 21e jour est à l’origine de phénomènes inflammatoires et rétractiles importants ; • l’excision trop profonde de la brûlure, comme « l’excision à l’aponévrose », en dehors des carbonisations est à l’origine d’une squelettisation du membre, de « marches d’escaliers » avec la peau adjacente et des adhérences massives des greffes de peau ; • un protocole de rééducation non adapté, non réalisé ou non poursuivi majore les séquelles quelle que soit la profondeur initiale. La connaissance et le respect de ces règles permettent en partie de réduire au long cours les séquelles majeures des brûlures.

Principes de traitement Analyse de la demande D’une façon schématique, le problème esthétique existe toujours mais ne représente pas obligatoirement le motif de la consultation. Ce motif peut être soit d’ordre fonctionnel, soit esthétique, soit les deux. L’atteinte fonctionnelle des séquelles de brûlures des membres est très rarement liée à une atteinte tendineuse ou osseuse. La brûlure n’altère que rarement les articulations mais leur fonction est altérée par la brûlure du revêtement cutané. Les réductions des amplitudes articulaires et les déformations sont liées à la rétraction du placard cicatriciel. Les solutions thérapeutiques proposées sont différentes en fonction du type des séquelles. Mais, il faut garder à l’esprit qu’une réparation fonctionnelle doit également être esthétique.

Délai de prise en charge Les séquelles fonctionnelles des membres peuvent être améliorées par des gestes chirurgicaux relati-

A. Mojallal et al. vement simples, et n’imposent pas d’attendre la fin de la croissance. Au contraire, ils doivent parfois être réalisés avant la croissance pour permettre un bon développement statural. Ce d’autant plus qu’une interposition de peau saine sous forme de lambeaux locaux ou de greffe de peau totale dans un placard cicatriciel représente un gain de peau immédiat, mais surtout une possibilité d’expansion ou d’extension physiologique progressive avec le temps et la croissance.1

Traitement Atteinte fonctionnelle Les séquelles fonctionnelles de brûlures des membres sont rarement le fait de lésions directes articulaires, osseuses ou tendineuses. Ce sont les rétractions cutanées sus-jacentes qui sont le plus souvent responsables de l’impotence fonctionnelle et de la limitation de l’amplitude articulaire. Ces rétractions cutanées peuvent être en regard ou en dehors des articulations. Zone non articulaire Petite surface Il est rare que de petits placards cicatriciels en dehors des zones articulaires soient à l’origine d’atteinte fonctionnelle. Sauf s’il existe des adhérences avec les muscles, dans ce cas il faut réaliser une excision-greffe de la zone d’adhérence. Si cela n’est pas possible, il faut alors décoller la zone d’adhérence, ou réaliser une Lipostructure® sous cette zone.2 Mais une récidive est toujours à craindre. Grande surface De grandes brides rectilignes sont parfois présentes sur toute la longueur du membre. Lorsqu’elles sont entourées de tissus sains, leur traitement fait appel aux techniques de plasties locales (Trident, Z, IC, etc., cf. infra). Lorsqu’il s’agit d’un vaste placard cicatriciel et qu’il n’existe pas de tissu sain aux alentours, il faut réaliser une incision puis interposer une greffe de peau totale. Zone articulaire : membres supérieurs Région axillaire L’articulation de l’épaule possède la plus grande amplitude de toutes les articulations. La rééducation précoce et prolongée ainsi que le port de vêtements compressifs et d’attelles sont des éléments primordiaux dans la prévention des séquel-

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les. La prévention ne permet pas d’éliminer toutes les séquelles mais permet d’en diminuer le nombre et surtout la gravité. Les séquelles axillaires sont plus fréquemment rencontrées chez les enfants. Certains auteurs proposent de traiter chirurgicalement les séquelles axillaires dès l’apparition des premiers symptômes afin de prévenir l’atteinte des tissus sous-jacents,3 alors que d’autres tels que Huang et al.4 ont montré une nette amélioration des rétractions locales après pressothérapie et port d’attelle durant un an. Nous pensons également que le traitement chirurgical doit être réservé aux échecs d’un protocole complet de rééducation. En cas d’atteinte fonctionnelle majeure, de déformation importante, chez une personne d’âge avancé avec capacités importantes d’ankylose, le traitement chirurgical précoce peut être proposé. Sinon, il est préférable de débuter le traitement par les moyens non chirurgicaux. La notion d’atteinte associée est également importante. L’atteinte des mains, du visage et du cou nécessite d’être réparée en premier lieu. En dehors de ces cas, il faut attendre la fin de la maturation cicatricielle et du protocole de rééducation. Ces séquelles peuvent être corrigées avant ou pendant la croissance. Un lambeau ou une greffe de peau totale interposés dans un placard cicatriciel est un gain de peau dynamique et ce dernier continue à croître avec le temps.1 Une classification des séquelles de brûlures de la région axillaire est utile pour une uniformisation des propositions thérapeutiques. Huang et al.4 proposaient une classification basée sur le degré de mobilité de l’épaule. Une atteinte de moins de 25 % était classée légère, une atteinte de 25 à 50 % moyenne et une atteinte de plus de 50 % sévère. Law et al.3 ont établi une classification reposant sur des éléments anatomiques et Achauer5 a décrit une classification inspirée des deux entités précédentes. Nous avons repris cette classification pour clarifier la prise en charge et nous proposons un type de technique chirurgicale pour chaque stade. Il ne s’agit que d’une orientation thérapeutique, et le geste réalisé doit être adapté à chaque cas.

position de la plaque aréolomamelonnaire (PAM) doit être comparée au côté opposé, car la traction du pilier axillaire antérieur peut la déplacer. Dans ces cas, la mobilité de l’épaule est peu restreinte. Selon l’état des tissus avoisinants, le débridement ou l’incision de la bride est suivi d’une greffe de peau totale prélevée en zone non brûlée, ou d’une plastie locale. Une plastie en Z, de multiples Z, un double Z asymétrique, une plastie en IC, en Trident ou une plastie en Y-V peuvent être réalisées (Fig. 2). Le risque des plasties en Z dans ce contexte, c’est la présence de placard cicatriciel à la base du lambeau ou l’apparition d’une nécrose de la pointe si une zone cicatricielle est prélevée avec le lambeau. Une solution plus séduisante dans les brides simples est la plastie en Y-V. Dans ce type de plastie, le lambeau triangulaire n’est pas décollé du plan profond, il est simplement avancé pour former un V. Cette plastie n’est utilisée que pour des brides modérées. D’autres lambeaux locaux type plastie en V-W peuvent également être réalisés. Il faut veiller à ne pas déplacer sur le versant thoracique la zone pileuse axillaire. Les lambeaux de transposition appelés également plastie en IC ou plastie en Z asymétrique sont très utiles à connaître. Ils utilisent la peau non brûlée de la face interne du bras ou de la paroi thoracique (Fig. 3). Ils doivent être réalisés en dehors des zones pileuses (de part et d’autre du sommet du creux axillaire). Lorsque les plasties locales ne sont pas suffisantes, un lambeau fasciocutané de la face interne du bras peut être utile. Ce lambeau a été utilisé par Budo et al. dans les brides axillaires antérieures.6 Il a été décrit la première fois par Kaplan et Pearl comme un lambeau axial centré sur l’artère collatérale cutanée ulnaire.7 Song et al. ont décrit deux autres vaisseaux pouvant être inclus dans ce lambeau : la collatérale radiale et la branche antérieure de l’artère du biceps.8 Atteinte des deux piliers antérieur et postérieur sans atteinte du sommet du creux axillaire (Fig. 1B). Dans ces cas, il y a une diminution moyenne voire importante de la mobilité de l’épaule. La réparation est plus complexe. Pour ces séquelles plus étendues, les lambeaux locaux ne sont plus adéquats. Il faut réaliser une incision pour libérer la bride, puis la perte de substance créée par l’écartement des berges de l’incision est recouverte par : • Une greffe de peau totale. • Des lambeaux locorégionaux fasciocutanés : C le lambeau latérothoracique. Depuis la description du lambeau fasciocutané recouvrant le muscle grand dorsal9–11 et ceux de la région scapulaire et parascapulaire, une nouvelle voie dans la réparation des séquelles axillaires

Classification des séquelles de brûlures axillaires (Fig. 1) Atteinte isolée du pilier antérieur ou postérieur (Fig. 1A). L’existence de brides isolées d’un des deux piliers est assez fréquente. L’examen clinique préopératoire doit être complet et précis. La bride doit être examinée dans toutes les positions de l’épaule et lors des mouvements de pronosupination de l’avant-bras coude en flexion puis en extension. Le noyau central et l’axe de traction maximale de la bride doivent être recherchés. La

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Figure 1 A, B, C, D. Classification des séquelles de brûlures axillaires.

Figure 2 Bride du pilier axillaire antérieur (type 1). Réalisation de deux lambeaux de transposition type IC, l’un provenant de la face interne du bras (A), l’autre de la région latérothoracique (B). (Collection du Dr Foyatier).

s’est ouverte. C’est un lambeau fasciocutané à pédicule supérieur dont le bord antérieur correspond au bord antérieur du muscle grand dorsal. Sa partie distale a une vascularisation au hasard. Ce lambeau peut être prélevé sur

des zones déjà cicatricielles sans risque vasculaire (Fig. 4) ; C des lambeaux scapulaires et parascapulaires en îlot retourné dans la région axillaire ont également été décrits.12,13 Les lambeaux fas-

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Figure 3 Fille 6 ans, bride axillaire postérieure de type I (A, B) siège d’une plaie chronique par traction. Réalisation d’un lambeau en IC après incision de la bride (C).

ciocutanés sont bien adaptés pour la région axillaire. Il s’agit de lambeaux minces qui se plaquent bien au sommet de la région axillaire, la zone donneuse est fermée directement. Les suites opératoires immédiates sont plus simples que la greffe de peau totale. Une mobilisation immédiate est réalisée, l’hospitalisation est plus courte ; C le lambeau fasciocutané de la face interne du bras (Fig. 5). • Des lambeaux musculocutanés pédiculés (grand pectoral, grand dorsal, etc.) ou libres (grand fessier, etc.)14,15 ont été décrits pour la couverture de la région axillaire, mais ces lambeaux sont trop épais et mal adaptés et à l’origine de réelles gênes fonctionnelles à long terme. Leur

indication se limite à l’exposition des éléments nobles axillaires lors du débridement. Atteinte de tout le creux axillaire (Fig. 1C). C’est l’atteinte la plus sévère du creux axillaire. Elle est associée à une importante limitation des mouvements de l’épaule. Lorsque tout le creux axillaire est brûlé un large débridement est nécessaire. Le débridement doit être complet en faisant attention aux éléments nobles axillaires. Le débridement de l’apex axillaire est le moment le plus dangereux de la dissection. Une des façons de contourner ce problème, c’est une double incision de part et d’autre du sommet axillaire en laissant ce placard cicatriciel en place. Chaque incision doit se terminer en « V » pour éviter les brides latérales. Il est parfois nécessaire d’inciser les aponévroses

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Figure 3 (suite) Résultat à 4 mois (D) après port d’un conformateur (E). (Collection du Dr Mojallal).

musculaires pour obtenir plus de souplesse. En faisant ainsi, l’apex est épargné et les tissus potentiellement infectés (glandes pilosébacées) de la région axillaires ne sont pas touchés. S’il s’agit d’une double incision, une couverture par greffe de peau totale peut être réalisée ; si un débridement complet a été fait, alors un vaste tissu de recouvrement est nécessaire. Les lambeaux fasciocutanés qui représentent la meilleure solution thérapeutiques sont souvent trop étroits. Il est parfois possible de réaliser un lambeau fasciocutané latérothoracique expansé au préalable (Fig. 6). Les autres possibilités chirurgicales sont les greffes de peau totale expansées ou non, ou les greffes demi-épaisses (greffe en miroir). Les lambeaux libres ne sont indiqués qu’en dernier recours. Atteinte extrinsèque (Fig. 1D). Ce sont les cicatrices des régions avoisinantes qui sont à l’origine de la réduction de la mobilité articulaire. Celles-ci doivent être traitées comme toutes les lésions isolées, par incision ou débridement puis interposition ou couverture par une greffe de peau totale ou un lambeau (cf. supra). Coude Les séquelles de brûlures rencontrées au niveau du coude sont le plus souvent des brides rétractiles de la face antérieure. Les autres pathologies rencontrées sont les périostéoarthropathies (POA), et les ulcérations chroniques olécraniennes. Comme pour toutes les autres séquelles de brûlures, la prévention représente le meilleur traitement. Lorsqu’il y a eu greffe de peau, une attelle en extension suivie de rééducation intensive est nécessaire. Le traitement chirurgical de ces lésions

varie en fonction de leur stade. Plusieurs classifications ont été proposées pour les lésions du coude. Stern et al.16 ont proposé une classification anatomique, Baux et al.,17 une classification fonctionnelle. Achauer5 préfère une classification anatomique en quatre groupes. Nous avons repris la classification proposée par Achauer. Bride rectiligne. Pour les brides simples ou complexes peu larges, le meilleur traitement est la réalisation de plasties locales type Z, IC, etc., ou une incision suivie d’une greffe de peau totale. Atteinte modérée. Ce sont des brides développées sur moins de 50 % de la face antérieure du coude. Ces brides sont également traitées par des plasties locales ou par incision-greffe de peau totale. Le résultat postopératoire est en général bon. Atteinte majeure. Elle concerne plus de 50 % de la surface du coude. Le traitement est nécessairement une incision suivie d’une greffe de peau. Les lambeaux locaux ne sont pas utilisables dans ce cas. Des lambeaux fasciocutanés du bras ou de l’avantbras peuvent être réalisés.18–21 Les lambeaux à distances sont inadaptés, sauf le lambeau-greffe thoracique. Ces patients n’obtiennent pas d’extension complète en postopératoire. Si l’atteinte est postérieure, un lambeau musculaire du muscle brachioradialis ou du muscle extensor radialis carpi22 peut être réalisé. Si la surface est plus grande, ou si l’atteinte concerne tout un membre, un lambeau de type grand dorsal pédiculé ou un lambeau fasciocutané oblique externe peuvent être réalisés.23 Ossifications hétérotopiques. Johnson24 a été le premier à avoir décrit les POA chez des patients brûlés. Les trois cas de sa série avaient une POA du coude et une de l’épaule. Evans25 montre une inci-

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Figure 4 Bride des deux piliers axillaires antérieur et postérieur (type 2) (A). Réalisation d’un lambeau fasciocutané de transposition prélevé dans la région latérothoracique (B). Résultat à 1 an (C, D). On peut noter le gain d’amplitude articulaire et la largeur du lambeau lors de la mise en tension (C, D). (Collection du Dr Foyatier).

dence de 2 % et Munster et al.26 ont relevé 13,6 % d’ossification du coude. Tout patient présentant une diminution de la mobilité du coude 2 à 3 mois après la brûlure doit faire suspecter une POA. Les ossifications sont visualisées à la radiographie simple ou à la tomodensitométrie (TDM) qui permet de visualiser l’étendue des lésions. Une grande partie de ces ossifications s’estompent avec le temps, seuls 30 % provoquent une limitation majeure de l’articulation nécessitant un geste chirurgical.5 Ces lésions sont extrêmement difficiles à traiter. Une libération profonde allant jusqu’à la capsule articulaire, aux insertions musculaires et ligamentaires ainsi que la résection des ponts osseux est nécessaire. Une couverture cutanée par lambeau est

souvent nécessaire. Une rééducation douce, passive et non douloureuse doit être instaurée avant et après l’intervention. Zone articulaire : membres inférieurs La destruction massive des vaisseaux lymphatiques par la brûlure ou par l’excision trop profonde aggrave les séquelles. Une lyse des greffes, un œdème chronique et une lenteur à la maturation cicatricielle peuvent être rencontrés. Genou Brides poplitées. Brides latérales ou médiales. Les brides de la région poplitée sont les séquelles les plus fréquemment rencontrées au niveau des mem-

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Figure 5 Patient de 48 ans ayant un placard cicatriciel axillaire (A, B, C, D). Réalisation d’un lambeau de transposition en IC 3 ans auparavant. Ce lambeau est insuffisant en longueur et il persiste une bride dans la partie postérieure du placard cicatriciel. Réalisation d’un lambeau fasciocutané de la face interne du bras. Bride postérieure, résultat à 15 jours. (Collection du Dr Mojallal).

bres inférieurs. La bride est souvent unique située de part ou d’autre du creux poplité avec conservation de l’intégrité des tissus sains du creux poplité. Dans ces cas la rétraction cicatricielle doit être brisée par une plastie locale type Z, IC, V-Y ou Trident. Ces lambeaux donnent de meilleurs résultats qu’une incision-greffe de peau, car les soins

postopératoires sont plus simples et la rééducation peut être débutée rapidement. Brides médianes postérieures. Les brûlures plus importantes de la région postérieure provoquent des brides à ce niveau. Dans ces cas, un débridement suivi d’une couverture par greffe de peau totale ou par un lambeau fasciocutané est néces-

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Figure 6 Placard cicatriciel de tout le creux axillaire (type 3) (A). Réalisation d’un lambeau latérothoracique expansé et d’une plastie en IC provenant de la face interne du bras (B). Résultat à distance (C, D). (Collection du Dr Foyatier).

saire. Parmi les lambeaux fasciocutanés, les plus utilisés sont le lambeau de la face postérieure de la cuisse ou le lambeau sural à pédicule proximal. Pertes de substance. Exposition des structures profondes. L’exposition de certaines structures profondes du creux poplité nécessite obligatoirement la couverture par un lambeau. Il peut s’agir d’un lambeau fasciocutané (lambeau postérieur de la cuisse, antérolatéral de la cuisse, poplité, ...) ou musculaire ou musculocutané (jumeau, sartorius, rectus femoris, etc.), ou d’un lambeau libre.

Ulcérations chroniques récidivantes. Les placards cicatriciels ulcérés et instables sont les principales séquelles de la région prérotulienne. Cette pathologie est particulièrement fréquente chez les enfants et les adultes travaillant à genoux. La couverture par une simple greffe de peau n’est pas bien adaptée à cette localisation, car l’épaisseur du tissu prérotulien est insuffisante. La greffe serait alors le siège de multiples ulcérations récidivantes. Si la couverture par des lambeaux fasciocutanés type poplité, sural, antérolatéral de cuisse ou

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Figure 7 Placard cicatriciel instable de la région prérotulienne sur un membre entièrement excisé-greffé (A, B). Réalisation d’un lambeau musculaire de jumeau interne greffé (C, D). (Collection du Dr Mojallal).

autres est possible,27–29 les lambeaux musculaires greffés restent néanmoins la meilleure solution pour nous. Pour la face antérieure du genou, c’est le lambeau du muscle jumeau interne ou externe qui est le plus intéressant (Fig. 7). Pour le reste, il faut avoir recours à un lambeau libre microanastomosé (Fig. 8). Si toutefois la réalisation d’un tel geste n’est pas faisable, une greffe de peau la plus épaisse possible doit être faite en veillant à garder le maximum de tissu prérotulien. Jambe Brides simples. Les séquelles cicatricielles des jambes à type de bride simple peuvent faire l’objet des mêmes plasties locales, tout en tenant compte de la faible élasticité des tissus à ce niveau. Placards cicatriciels. Lorsqu’il s’agit d’un placard cicatriciel, plusieurs possibilités existent : la réduction cicatricielle itérative, l’expansion cutanée,30 mais l’expansion cutanée au niveau des membres donne des résultats inconstants avec un fort taux de complications,31 le remplacement du placard cicatriciel par une greffe de peau totale ou plus récemment l’utilisation du derme artificiel (Intégra®). Exposition des structures profondes. Il s’agit fréquemment d’une exposition osseuse ou tendi-

neuse. Si la surface osseuse exposée est de petite taille ou de taille moyenne, une corticotomie pour bourgeonnement suivie d’une greffe de peau mince peut être réalisée. En cas d’échec ou si la surface est plus grande, une couverture par un lambeau est nécessaire. Il faut idéalement réaliser un lambeau fasciocutané. Mais, la jambe est souvent le siège de brûlures étendues ou de greffes, et ces lambeaux fasciocutanés ne sont pas réalisables. Il faut alors réaliser un lambeau musculaire greffé de type lambeau de gastrocnemius (pour le tiers supérieur) ou de soleus (pour le tiers moyen) ou du fléchisseur commun de l’hallux (tiers inférieur). En dernier recours un lambeau libre microanastomosé ou un lambeau fasciocutané en cross-leg peuvent être envisagés (Fig. 9). Placards cicatriciels instables. Ces lésions superficielles chroniques et récidivantes sont souvent à l’origine de pansements au long cours dégradant la qualité de vie des patients. De plus, des infections à répétition type érysipèle peuvent survenir à ce niveau. En fonction de la localisation, de la profondeur et de la superficie de ces lésions, une excision superficielle suivie d’une greffe de peau mince ou totale suffit en général. Sinon toutes les autres techniques de couvertures plus complexes peuvent être réalisées.

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Figure 8 Placard cicatriciel instable de la face interne du genou, séquelle d’une brûlure électrique (A). Échec d’expansion et de lambeau local de la face interne de la cuisse. Réalisation d’un lambeau musculocutané microanastomosé de grand dorsal (B). (Collection du Dr Comparin).

Figure 9 Placard cicatriciel avec exposition de la fibula, séquelle d’une brûlure électrique (A). Réalisation d’un lambeau musculocutané microanastomosé de grand dorsal (B). (Collection du Dr Comparin).

Ulcères de Marjolin. Marjolin a décrit en 182332 l’apparition d’un carcinome sur une plaie chronique. Le membre inférieur est un des sites préférentiels de cette pathologie. Il s’agit dans la majorité des cas

d’un carcinome spinocellulaire. Le traitement consiste en une excision large de la lésion puis une couverture par greffe de peau ou lambeau en fonction de la profondeur de la perte de substance (Fig. 10).

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Figure 10 Séquelles de brûlures du membre inférieur gauche. Ulcérations chroniques et cancérisation après 10 ans (A). Excision large de la lésion et couverture par un lambeau microanastomosé de grand dorsal recouvert par une greffe méchée (B), résultat à 10 mois (C). (Collection du Dr Mojallal).

A. Mojallal et al. Tendon d’Achille (TA) Bride de la région achilléenne et raccourcissement du TA. Le raccourcissement du TA chez les grands brûlés est un problème fréquent. Étant donné la faible épaisseur des tissus sous-cutanés au niveau du quart distal de jambe, l’exposition tendineuse est fréquente. Le port d’attelle adaptée et la réalisation des séances de kinésithérapie précoce et prolongée ont une importance primordiale dans la prévention de ces problèmes. L’attelle doit bien respecter la région postérieure de la cheville et du talon pour éviter les compressions. Les brides de la région achilléenne nécessitent souvent une libération cutanée suivie d’une greffe de peau. Cela permet en général de corriger la déformation. Si le raccourcissement touche également le TA, celui-ci devra être allongé voire excisé s’il n’est plus fonctionnel. Ramarkrishnan et al.,33 ont présenté une technique de lambeau fascial retourné de l’aponévrose jambière, qui permet de couvrir le TA. Ce lambeau est ensuite greffé. Perte de substance cutanée de la région achilléenne. Les pertes de substance de cette zone nécessitent une couverture par lambeau, pédiculé, libre ou un lambeau cross-leg.34,35 L’utilisation du derme artificiel Integra® a été montrée dans les petites pertes de substance de cette région. Le néoréseau vasculaire sous-dermique permet de passer en pont sur la zone tendineuse (Fig. 11). Pieds Brûlures dorsales du pied. Les brûlures de la face dorsale du pied sont à l’origine de brides en exten-

Figure 11 Brûlures de la face postérieure de la jambe gauche avec exposition du tendon d’Achille (A). Bourgeonnement après excision (B). Mise en place de derme artificiel Integra® (C). Résultat à distance après couverture par une greffe de peau mince (D). (Collection du Dr Voulliaume).

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sion des articulations métatarsophalangiennes. Si, à la maturation cicatricielle, il persiste toujours cette tension cutanée, une ou deux incisions transversales au niveau de la tête des métatarses et à la face antérieure de la cheville doivent être réalisées allant au-delà du tissu fibreux sous-cutané. Puis, cette perte de substance créée par l’élargissement spontané de cette incision doit être couverte par une greffe de peau totale. Brides des orteils. Les brides en flexion des orteils sont rares. L’aspect typique est celui de la disparition des espaces plantaires sous les orteils. Ces brides doivent être incisées et traitées par greffe de peau ou par des lambeaux locaux. En cas de greffe de peau, un embrochage est nécessaire pour immobiliser les orteils. Mais lorsqu’il s’agit d’une réparation par lambeau, l’embrochage n’est pas nécessaire et le port d’attelle de position est suffisant. Déformations commissurales. Les déformations commissurales du pied peuvent être rapprochées de celles des doigts. Les techniques de correction chirurgicale sont identiques à celles de la main. L’incision-greffe de peau ou une plastie en V-M permettent dans la majorité des cas de traiter ces séquelles.

Disgrâce esthétique Lorsque la demande est uniquement d’ordre esthétique, elle concerne soit les anomalies de surface, soit les anomalies de contour. Anomalies de surface Ces anomalies peuvent concerner la couleur, la texture ou la souplesse de la peau. Les dyschromies tant au niveau du membre supérieur qu’au niveau du membre inférieur peuvent être motifs de consultation. • Lorsqu’il s’agit de petites zones circonscrites, elles peuvent bénéficier d’une résection itérative. L’expansion est rarement indiquée au niveau des membres. Le remplacement du placard cicatriciel par une unité complète de greffe de peau totale peut se discuter. L’utilisation de derme artificiel type Intégra® recouvert d’une greffe de peau mince peut représenter une alternative séduisante. • Les grandes surfaces ne sont pas accessibles au traitement chirurgical. Il faut alors utiliser des moyens tels que les dermocorticoïdes, les maquillages, etc. Anomalies de contour La cicatrice ou le placard cicatriciel manque de souplesse par rapport à la peau normale. Cette

Figure 12 Patient de 43 ans, électrisation par accident de pêche. Point de sortie au niveau des deux pieds. Greffe instable et placard douloureux en regard de la première métatarsophalangienne, empêchant le patient de se chausser (A). Réalisation d’un lambeau musculaire du muscle court extenseur des orteils à pédicule distal (B), greffé dans le même temps (C). Résultat à 10 mois (D). Le matelassage musculaire en regard de l’articulation permet le chaussage. (Collection du Dr Mojallal).

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zone cicatricielle ne suit donc plus les contours de la silhouette. Dans ces cas, une silhouettoplastie ou liposculpture est parfois nécessaire. Il faut alors lipoaspirer les zones adjacentes et/ou réaliser une greffe d’adipocytes, Lipostructure®, sous la zone cicatricielle36 (Fig. 12).

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