Traitement hormonal substitutif de la ménopause et risques cardiovasculaires

Traitement hormonal substitutif de la ménopause et risques cardiovasculaires

Rev MEd Interne 2000 ; 21 Suppl 4 : 475-7 © 2000 l~ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits rEservEs La m6nopause Traitement hor...

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Rev MEd Interne 2000 ; 21 Suppl 4 : 475-7 © 2000 l~ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits rEservEs

La m6nopause

Traitement hormonal substitutif de la m6nopause et risques cardiovasculaires EY. Scarabin Unit~ Inserm U258, E,pid~miologie cardiovasculaire et m~tabolique, hOpital PauI-Brousse, 16, avenue Paul Vaillant-Couturier, 94807 Villejuif cedex, France

Les maladies cardiovasculaires reprEsentent l'une des premitres causes de mortalit6 chez les femmes dans les pays industrialis6s. Ces affections sont rares avant la mEnopause, mais leur incidence augmente rapidement aprEs 50 ans. L'hypothbse d'un r61e cardioprotecteur des estrogbnes a souvent EtE avancEe pour expliquer cette relative immunitE des femmes jeunes et la prevention du risque coronarien est le plus important des bEnEfices escomptEs du traitement hormonal substitutif de la menopause (THS). L'effet reel du THS sur le risque cardiovasculaire est encore largement inconnu, mais son impact semble dEpendre du territoire (artEriel ou veineux), de la localisation (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cErEbraux) et du mEcanisme (ischEmique ou hEmorragique). MI~TA-ANALYSES DES I~TUDES

D'OBSERVATION Cardiopathies isch6miques Au cours des vingt derniEres annEes, un nombre important d'Etudes d'observations a examine le lien entre un recours au THS et le risque de cardiopathies ischEmiques. Plusieurs mEta-analyses sur le sujet ont EtE rEalisEes. Un travail recent [1] portant sur 19 Etudes de cohorte a montrE une reduction significative de 38 % du risque d'infarctus du myocarde (risque relatif de 0,62 avec un intervalle de confiance h 95 % de 0,56 h 0,69). Ces Etudes se sont dEroulees le plus souvent dans les pays anglo-saxons et ont concernE essentiellement les estrogbnes conjuguEs 6quins. La reduction du risque coronarien est limitEe ?a la pEriode d'utilisation des estrog6nes. Elle est retrouvEe chez les femmes utilisant des estrogEnes seuls ou associEs ~tun progestatif. 11 n'existe aucune correlation entre cet effet protecteur et la durEe du traitement.

Accidents vasculaires c~r6braux Les accidents vasculaires cErEbraux ischEmiques et hEmorragiques ont EtE frEquemment regroupEs dans les Etudes EpidEmiologiques rendant difficile toute Evaluation de l'impact du THS en fonction du mEcanisme. Sept Etudes (trois Etudes prospectives et quatre Etudes cas-tEmoins) ont analyse l'association entre un THS et la survenue d'un accident vasculaire cErEbral d'origine ischEmique [ 1]. Globalement, il existe une augmentation significative du risque de 12 %. Les rEsultats sont similaires chez les femmes recevant un ~estrogEne seul et chez celles recevant un traitement combine estroprogestatif. Trois Etudes ont analyse l'association entre un THS et la survenue d'un accident vasculaire cErEbral hEmorragique [ 1]. Elles montrent globalement une reduction significative du risque de 35 %.

Maladie veineuse thrombo-embolique Le risque de thrombose veineuse chez les femmes ayant recours ~ un THS n'a pas requ beaucoup d'attention dans le passE. L'effet thrombog~ne des ~estrogbnes a 6tE surtout EtudiE chez les femmes utilisant des contraceptifs oraux et les rEsultats observes avec la pilule ont EtE le plus souvent extrapolEs au THS. Des donnEes rEcentes montrent que le THS augmente le risque de maladie thromboembolique veineuse. Globalement, le THS multiplie par deux h trois le risque veineux [2]. L'augmentation du risque de maladie veineuse thrombo-embolique lie au THS apparalt plus 6levEe au cours de la premiBre annEe d'utilisation. Seule la voie orale d'administration des estrogEnes a EtE EtudiEe. Aucune difference substantielle n'a EtE dEtectEe entre les traitements eestrogEniques seuls et ceux associEs hun progestatif.

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PLAUSIBILITI~ BIOLOGIQUE DES RI~SULTATS

Autre effet potentiel

Les effets biologiques des estrog~nes sont gEnEralement compatibles avec un r61e protecteur du THS v i s a vis du risque artEriel. Les progestatifs ont gEnEralement un effet inverse et l'impact du THS sera donc la rEsultante de ces deux composantes. L'exc~s de risque d' accident vasculaire cErEbral ischEmique et thrombotique veineux pourrait s'expliquer par un effet procoagulant des estrog~nes en particulier en debut de traitement. Le mEcanisme de la reduction du risque d'accident vasculaire cErEbral hEmorragique reste obscur.

L'athErosclErose est considErEe comme une pathologie inflammatoire chronique et les oestrog~nes ont un effet favorable sur des marqueurs solubles de l'inflammation vasculaire, en particulier ICAM-1 [5]. Cette molecule d'adhEsion est impliquEe dans la fixation des leucocytes h l'endothElium et leur migration vers la media. Elle pourrait jouer un rEle important dans les premieres Etapes du processus athEromateux.

Impact sur les lipides

Les mEta-analyses prEcEdentes reposent sur des donnEes d'observation et une association n'implique pas nEcessairement l'existence d'une relation causale. La reduction claire du risque coronarien observEe chez les femmes ayant recours h un THS peut s'expliquer par d'autres facteurs que le seul traitement. Dans le contexte du THS, ces biais potentiels peuvent ~tre regroupEs autour de la selection des femmes et de leur observance du THS.

L'action des oestrogbnes sur les lipides est tr~s cohErente avec la reduction du risque coronarien associE au THS mais elle ne peut expliquer qu'une partie de l'effet cardioprotecteur presumE. Les estrog~nes ont pour effet d' augmenter le HDL cholesterol et de diminuer le LDL cholesterol. Ces modifications sont liEes h l'effet de premier passage hEpatique et n'apparaissent que pour la voie orale d'administration. Les progestatifs ont un effet oppose ~t celui des oestrog~nes [3]. Les estrog~nes administrEs par voie transdermique ne modifient pas la concentration de HDL-cholestErol mais celle du LDL-cholestErol diminue apr~s plusieurs mois de traitement.

Effets sur l'h~mostase Les estrogbnes oraux induisent une augmentation des marqueurs d'activation de la coagulation (fragment F1 +2 de la prothrombine et/ou fibrinopeptide A) et une diminution de l'activitE antithrombine du plasma. Ces modifications s'accompagnent d'une augmentation du potentiel fibrinolytique (diminution de l'inhibiteur de l'activateur tissulaire du plasminog~ne) comparable ~t celle observEe avec les contraceptifs oraux En revanche, les oestrog~nes percutands ont peu ou pas d'effets dEcelables sur la coagulation et/ou la fibrinolyse [4].

L I M I T E S DES I~TUDES D ' O B S E R V A T I O N

Biais de s~lection Un traitement hormonal substitutif est plus volontiers prescrit ~ des femmes ayant un niveau socio-Educatif ElevE, compliante, mince et globalement en meilleure santE. Ces facteurs de confusion sont difficiles a prendre totalement en compte dans l'analyse des enquEtes EpidEmiologiques.

Biais d'observance I1 est bien 6tabli qu'une bonne observance est associEe une reduction de la mortalitE d'origine cardio-vasculaire pouvant atteindre 50 % m~me si le traitement request un placebo [6] ! L'amplitude de cet effet est voisine du ben6rice coronarien observe dans les Etudes de cohorte chez les utilisatrices de THS. Cette diminution du risque est limitEe aux femmes en cours d'utilisation et dispara~t ?al'arrEt du traitement.

LES ESSAIS RANDOMISI~S Impact sur la paroi art~rielle Les 0estrogbnes semblent exercer une action hEmodynamique favorable. Des Etudes chez l'animal et chez l'homme ont montrE que les ~estrogEnes amElioraient la vasodilatation dEpendante de l'endothElium. Trois explications sont avancEes : une amelioration de la synthEse et du relarguage du monoxyde d'azote 5 partir d'Etudes chez l'animal, une inhibition de l'oxydation du LDL cholesterol, facteur de dysfonctionnement endothelial, enfin une inhibition de l'expression de l'endothEline, un puissant vasoconstricteur.

Un premier essai de prevention secondaire de l'infarctus du myocarde (Heart and Estrogen-progestin Replacement Study, HERS), rEalisE aux Etats-Unis, a montrE aucune reduction du risque coronarien chez des femmes ayant des antEcEdents personnels de cardiopathie ischEmique et traitees par une association oestro-progestative (0,625 mg d'0estrog~nes conjuguEs Equins et 2,5 mg d'acEtate de mEdroxyprogestErone) ou un placebo [7]. Un deuxi~me essai de prevention secondaire, rEalisE Egalement aux I~tats-Unis, vient de montrer tout rEcemment que l'Evolution de l'athErome coronarien 6tait le

Traitement hormonal substitutif de la mrnopause et risques cardiovasculaires

m~me chez les femmes recevant un traitement hormonal substitutif de la menopause ou un placebo [8]. Un vaste essai de prevention primaire (Women Health Initiative, WHI) est en cours aux Etats-Unis. I1 est prrvu de suivre pendant au moins 5 ans 27 000 femmes hgEes de 50 h 79 ans et en apparente bonne santE. Les rEsultats sont attendus en 2007.

RI~FI~RENCES 1

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CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS Le brnrfice cardioprotecteur du THS, fortement sugg6r6 par les 6tudes d'observations reste h drmontrer par des essais cliniques randomis6s. Le recours au THS dans la prrvention des cardiopathies ischrmiques ne peut ~tre recommand6 aujourd'hui. L'impact du THS sur le risque d'accident vasculaire cErrbral n'est pas suffisamment connu et semble drpendre de la nature ischrmique ou h6morragique de ces accidents. La prescription d'un THS repose sur une 6valuation individuelle du rapport brnrfice/ risque. Parmi les risques ?~prendre en compte, le cancer du sein pose d'importants probl~mes, particulibrement lors d'une utilisation prolongEe. L'augmentation du risque de thrornbose veineuse chez les utilisatrices d'oestrogbnes oraux est claire mais le risque attribuable est faible. Les progestatifs et les voies non orales d'estrogEnoth6rapie restent ~ Evaluer.

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