Chir Main 2000 ; 1 : 63-6 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
Mémoire original
'!-"meurs métastatiques des parties molles des doigts. A propos de six cas J.F. Filloux l , C. Fontaine2 1 Clinique du Val d'Ouest, 39, chemin de la Vernique, 69 J30 Écully, France,' 2 CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France.
(Reçu le 30 mai 1999 ; accepté le 10 décembre 1999)
Résumé Les métastases des parties molles des doigts sont rares. Les auteurs rapportent six cas. Les aspects cliniques sont très variables, ce qui peut induire des erreurs de diagnostic. En revanche, quel que soit le traitement, le mauvais pronostic est de règle. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
main 1 métastase 1 tissu mou 1 tumeur 5ummary - 50ft tissue metastases of the fingers : a report of 6 cases. Soft tissue metastases of the fingers are rare. The authors report six new cases. The clinical presentation is variable and can cause difficulty in diagnosis. The bad prognosis of these lesions is emphasized. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS hand 1 metastases 1 soft tissues tumours
En 1907, De Massary et Weil [1] rapportèrent le premier cas de métastase des parties molles d'un doigt. Il s'agissait de la dissémination d'un cancer du rein à la pulpe du quatrième doigt gauche. Ces lésions sont rares: en 1992, en colligeant les données de la littérature, Rousseau et al. [2] publient une revue de 22 cas (1907 à 1989) dont un cas personnel. Quatorze de ces 22 cas présentent une localisation digitale. Nous rapportons six cas personnels. OBSERVATIONS Cas 1 Un patient âgé de 67 ans fut opéré d'un cancer du poumon. Cinq mois plus tard, il a présenté une lésion de l'index droit évoquant un panaris et fut traité comme tel. Deux semaines après, l'aspect local s'était
aggravé. La pulpe était augmentée de volume et la douleur était insomniante. La phalange distale dut être amputée et l'examen histologique montrait qu'il s'agissait d'une métastase de son cancer du poumon. L'état général du patient s'altéra rapidement et il décéda un mois après l'apparition de la métastase. Cas 2 En mars 1987, un patient âgé de 76 ans souffrit d'une douleur du coude droit avec perte de la mobilité. Les clichés radiographiques montrèrent une tumeur ostéolytique de l'extrémité distale de l'humérus. Une biopsie fut pratiquée ce qui permis de constater l'existence d'une métastase dont l'origine était un cancer du rein. Une résection articulaire avec implantation de prothèse totale du coude fut réalisée en juin 1987.
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J.F. Filloux, C. Fontaine
En février 1988, il fut victime d'une fracture pathologique des deux os de l'avant-bras de ce membre. Les clichés radiographiques objectivèrent de nombreuses métastases osseuses disséminées sur le radius, le cubitus, les os du carpe et les métacarpiens. En outre, il existait des tumeurs métastatiques au niveau des pulpes des deuxième et troisième doigts. Non seulement, l'indolence ne put être obtenue avec les médicaments, mais l'impotence fonctionnelle était totale. Le traitement de ces complications morbides fut l'amputation du membre supérieur. Le patient décéda en août 1988. Cas 3 Un patient âge de 54 ans a présenté une tuméfaction de la pulpe du cinquième doigt droit. Il avait été précédemment opéré d'un cancer du pharynx. L'exérèse de la tumeur fut une simple tumorectomie. Le diamètre principal était de 1 cm et l'examen histologique a montré qu'il s'agissait d'une métastase de son cancer pharyngé. Le patient décéda trois mois plus tard.
Figure 1. Aspect clinique du cas nO 4.
Cas 4 (figures 1 et 2) Un patient, âgé de 58 ans, a consulté pour une tuméfaction située sur la face palmaire de la deuxième phalange du majeur gauche. Cette tuméfaction était présente depuis trois semaines. Par ailleurs, il avait été laryngectomisé pour un cancer deux ans auparavant. À l'examen, cette tuméfaction était totalement indolente, dure, nodulaire, mobile par rapport au plan profond, mais adhérente à la peau et ulcérée depuis quatre jours. Les clichés radiographiques montrèrent uniquement un épaississement des parties molles de la face palmaire de la deuxième phalange. En raison de ses antécédents, cette lésion était suspectée être métastatique. Lors de l'exérèse, l'examen extemporané a affirmé qu'il s'agissait d'une métastase d'un carcinome épidermoïde. Le site d'exérèse fut recouvert par un lambeau homodactyle en îlot à flux rétrograde. Deux mois après l'intervention, il présentait une métastase au niveau du calcanéum gauche. Un an après l'intervention, il présentait des métastases généralisées entraînant le décès 14 mois après l'intervention.
Figure 2. Aspect histologique du cas n° 1. Les nombreuses plages de nécrose (en gris clair sur la photo) expliquent que le tableau infectieux soit au le< plan.
Cas 5 En janvier 1992, un patient âgé de 62 ans subit une sigmoïdectomie en raison de la présence d'un adénocarcinome. En septembre de la même année, il présentait une hernie inguinale droite. Il demanda que soit pratiquée, dans le même temps opératoire, l'exérèse d'une tuméfaction pulpaire de son index gauche, gênante dans la réalisation de la pince pollicidigitale. L'examen anatomopathologique montrait qu'il s'agissait d'une métastase de son adénocarcinome. Il s'agissait d'une métastase unique. Il décéda en juin 1993.
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Tumeurs métastatiques des parties molles des doigts
Cas 6 Un patient âgé de 72 ans consultait pour un panaris avec nécrose cutanée de la pulpe du quatrième doigt. Il présentait, par ailleurs, une pneumopathie. Les radiographies de poumons pratiquées dans le cadre du bilan pré-anesthésique étaient évocatrices d'un cancer du poumon. La phalange distale fut amputée et l'examen histologique montra qu'il s'agissait d'une métastase d'un cancer du poumon. Le patient décéda 6 mois plus tard. DISCUSSION Ces lésions sont rares puisque, en 1957, Posh [3] n'avait retrouvé aucune métastase dans une série de 300 tumeurs de la main vues en deux ans. Pour Amadio et Lombardi [4], sur une période de 43 ans, seulement 18 patients ont présenté des métastases au niveau de la main ou des doigts et seulement quatre étaient des métastases des parties molles. Malgré cette rareté, plusieurs données se dégagent: Selon Kerin [5], les patients de race noire seraient moins souvent touchés que les blancs. Il s'agit d'une pathologie concernant l'adulte de 40 à 60 ans, avec un pic de fréquence vers 55 ans. Dans notre courte série, la moyenne est de 65 ans. N'importe quel doigt peut être touché. Les hommes sont deux fois plus souvent atteints que les femmes; cela peut s'expliquer par la prévalence du cancer pulmonaire dans ce type d'affection. Le cancer du rein serait le deuxième pourvoyeur de cette pathologie selon Castello et al. [6], mais cette affirmation doit être tempérée par le fait que leur
étude sur les métastases, situées au niveau de la main, comprenait essentiellement des métastases osseuses. Ces lésions peuvent avoir un aspect trompeur. Fragiadekis et Panayotopoulos [7], Levack et al. [8], puis Rose et Wood [9] ont signalé que la métastase peut revêtir la forme d'un panaris ou d'une infection chronique. Ce tableau d'infection était au premier plan dans un tiers de nos cas. L'existence de ces formes cliniques de métastase trouve son explication lors de l'examen histologique qui révèle souvent dans ces cas, des plages de nécrose intratumorale particulièrement étendues. En raison de la faiblesse des effectifs nous ne pouvons pas affirmer s'il existe un cancer primitif plus fréquemment responsable de cette forme clinique. Moens et al. [10] ont rappelé que les métastases osseuses peuvent aussi donner lieu à un tel tableau. D'une manière générale, ce tableau d'infection conduit à un traitement initial inapproprié. La métastase peut aussi prendre cliniquement l'allure d'une tuméfaction bénigne comme dans nos troisième et cinquième observations. Ces tuméfactions sont généralement dures, indolores même à la palpation et en partie mobiles. Cet aspect bénin peut même être aussi retrouvé à l'examen histologique et Hayes [Il] rapporte un cas de confusion clinique et histologique avec une tumeur glomique. Parfois, comme dans l'observation de Heymans et al. [12], la métastase est inaugurale. Ce cas de figure représente 16 % des cas selon Kerin [5]. Il concerne un tiers de nos observations. Nous ne pouvons donc qu'adhérer à la proposition de Moens et al. [10] selon lesquels toute lésion chronique de la
Tableau I. Principales données des six observations. Cas
Sexe
Âge
Côté
Doigt concerné
Métastase révélatrice ?
Primitif
Traitement
1
M
67
droit
2'
non
poumon
amputation distale
2
M
77
droit
2' et 3'
oui
rein
amputation du membre supérieur
6
3
M
50
droit
5'
non
pharynx
excision
3
4
M
58
gauche
3'
non
pharynx
excision et lambeau
14
non
sigmoïde
excision
9
oui
poumon
amputation distale
6
5
M
62
gauche
2'
6
M
72
gauche
4'
Survie (en mois)
66
J.F. Filiaux, C. Fontaine
main, même chez un patient sans antécédent, justifie une biopsie. Ces lésions ont souvent un pronostic extrêmement péjoratif. Il faut souligner qu'il reste peu influencé par l'agressivité ou non du traitement. Dans leur série, qui toutefois comprenait aussi des métastases osseuses, Morris et House [11] font état d'une survie moyenne qui reste inférieure à 6 mois, quelle que soit l'importance de l'exérèse et qu'il y ait ou non association d'un traitement complémentaire par radiothérapie ou par une chimiothérapie adjuvante. Dans la série de 18 cas d'Amadio et Lombardi [4] mais qui incorporaient là aussi des métastases osseuses, seuls 3 cas survivent au-delà de un an : il s'agissait de métastase unique révélatrice. Il se peut que la métastase unique révélatrice soit d'un moins mauvais pronostic. Cela mériterait d'être étudié par l'analyse d'un plus grand nombre de cas. La survie à plus de 18 mois de l'observation de Fragiadekis et Panayotopoulos [7] fait figure d'exception puisque selon Morris et House [13] 85 % des patients présentant une métastase au niveau de la main, aussi bien osseuse que des parties molles, ne survivent pas un an.
Le traitement n'ayant apparemment que peu d'influence sur la survie, il doit permettre rapidement, suivant le contexte, un retour à l'indolence ou de recouvrir la fonction et cela aux moindres frais. RÉFÉRENCES
2
3
4 5 6 7 8 9 10
CONCLUSION II
En conclusion, il faut insister, d'une part, sur l'aspect trompeur des lésions et, d'autre part, sur le très mauvais pronostic de ces lésions, qui semble peu influencé par la nature et l'importance du geste thérapeutique.
12 13
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