Un point de vue pluridisciplinaire sur l’infection par le VHC

Un point de vue pluridisciplinaire sur l’infection par le VHC

D O S S I E R H É PAT O -G A S T R O E N T É R O L O G I E © 2004, Masson, Paris Presse Med 2004; 33: 544-9 Prise en charge pluridisciplinaire...

276KB Sizes 4 Downloads 148 Views

D

O S S I E R

H

É PAT O

-G

A S T R O E N T É R O L O G I E

© 2004, Masson, Paris

Presse Med 2004; 33: 544-9

Prise en charge pluridisciplinaire de l’infection par le virus de l’hépatite C

Un point de vue pluridisciplinaire sur l’infection par le VHC

1 - Département de virologie, Laboratoire Alphabio, Marseille (13) 2 -Département d’hépatogastroenterologie, Institut Arnault Tzanck, SaintLaurent du Var (06) 3 - Médecin généraliste, Noisy le Sec (93) 4 - Service de médecine interne, Hôpital La Pitié Salpêtrière, Paris (75)

Correspondance : Philippe Halfon, Laboratoire Alphabio, 23, rue de Friedland, 13006 Marseille. Tél. : 04 91 25 41 00

Philipe Halfon1, 2 Denis Ouzan , 3 Laurent Cattan , 4 Patrice Cacoub

Summary

Résumé

A pluridisciplinary point of view of hepatitis C virus infections

Plusieurs intervenants complémentaires sont impliqués dans la prise en charge de l’infection par le VHC. Virologues, généralistes, hépato-gastroentérologues et internistes doivent intervenir de manière complémentaire. Le rôle du biologiste est essentiel pour aider les cliniciens dans le choix des examens à prescrire pour le diagnostic d’infection à VHC (recherche d’ARN viral), pour établir un pronostic et prendre une décision thérapeutique (génotype, Fibrotest et Actitest). Le rôle du médecin généraliste est important à tous les stades de la prise en charge. Son intervention est aussi primordiale dans la reconnaissance et le suivi des comorbidités. Le rôle du médecin spécialiste L’hépatologue forme, avec le médecin généraliste, un couple indissociable pour la prise en charge d’un patient atteint d’hépatite C. Le médecin spécialiste ne devrait voir que les patients atteints d’hépatite C susceptibles d’entrer dans un programme de soins, l’indication de traitement étant en général posée par le médecin spécialiste. L’hépatologue doit enfin être au courant des différentes comorbidités ainsi que des traitements (substitutifs ou autres) mis en place à leur égard. Questions essentielles D’une manière générale, pour la prise en charge de l’infection par le VHC, 3 questions nécessitent une réponse : chez qui dépister une telle infection, quel bilan effectuer en cas de sérologie positive, quel suivi nécessaire pendant et après le traitement anti-VHC ?

Various complementary actors are implied in the management of HCV infections: virologists, general practitioners, hepatogastroenterologists and hospital residents, and they should all cooperate together. The role of biologist is crucial in assisting the practitioners in the choice of examinations to be prescribed for the diagnosis of HCV infections (search for RNA HCV), in establishing a prognosis and in deciding on the therapeutic strategy (genotyping, Fibrotest and Actitest). The role of the general practitioner is important at all stages of the management. The practitioner's involvement is also crucial in the recognition and follow-up of the concomitant diseases. The role of the specialist The hepatologist, together with the general practitioner, are inseparable partners in the management of a patient suffering from hepatitis C. The specialist should only see patients exhibiting hepatitis C who are participating in a treatment program, since the indication for treatment is usually decided on by the specialist. The hepatologist should be informed of the various concomitant diseases and the treatments (replacement therapy or others) prescribed for them. Crucial questions For the management of an HCV infection, in general 3 questions require an answer: who should be screened for such infections, what explorations should be performed in the case of positive serology and what follow-up is required during and after anti-HCV treatment ?

Fax : 04 91 78 14 75

P. Halfon, D. Ouzan, L. Cattan, P. Cacoub Presse Med 2004; 33: 544-9 © 2004 Masson, Paris

[email protected]

U

ne approche moderne de la prise en charge de l’infection par le VHC se doit de souligner le rôle et la particularité des différents praticiens impliqués.En effet,la complémentarité des différents intervenants (virologues, généralistes, hépato-gastroentérologues et internistes) doit permettre d’améliorer la prise en charge de la maladie.

Le point de vue du virologue La place des examens dans les différentes étapes de la prise en charge de l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est schématisée dans les figures 1 à 3. 544 - La Presse Médicale

DIAGNOSTIC Si le dépistage orienté sur la recherche des facteurs de risque est l’apanage du médecin praticien,le rôle du biologiste est essentiel pour aider les cliniciens dans le choix des examens à prescrire pour affirmer ou infirmer le diagnostic d’une infection active à VHC, avec la réalisation d’une recherche d’ARN VHC chez tout patient ayant une sérologie positive. Si l’ARN du VHC est retrouvé négatif, bien qu’il soit difficile de parler de guérison, une éradication virale doit être évoquée et conduire à un contrôle de ce résultat à 6 mois d’intervalle. La détection de l’ARN du VHC doit être également pratiquée,à titre de confirmation d’un test ELISA positif, 24 avril 2004 • tome 33 • n°8

Philippe Halfon, Denis Ouzan, Laurent Cattan, Patrice Cacoub

chez les sujets à risque élevé ou les malades suspects d’être atteints par le VIH, ainsi que chez les patients hémodialysés ou immunodéprimés.

PRONOSTIC ET DÉCISION

Figure 1 Arbre décisionnel de l’infection par le virus de l’hépatite C : du diagnostic au bilan pré-thérapeutique Anomalies biologiques hépatiques, toxicomanes, transfusés, manifestations extra-hépatiques, population carcérale, hémodialysés, hémophiles

THÉRAPEUTIQUE

L’apport du génotype et du Fibrotest-Actitest ont modifié à la fois l’approche pronostique et la décision de traiter. Il ne semble plus indispensable d’obtenir les résultats de la ponction biopsie hépatique (PBH) chez des patients infectés par un génotype 2 ou 3 sans comorbidité, en particulier chez ceux ayant une volonté d’éradication virale, quelles que soient les lésions histologiques. Quant aux patients infectés par un génotype 1,l’apport du Fibrotest par rapport à la PBH est en cours d’étude.

TRAITEMENT Avant traitement,il faut s’assurer que le patient est virémique et déterminer sa charge virale qui est un facteur prédictif de bonne réponse au traitement si elle est < 800 000 UI/ml ; ceci est validé pour les patients de génotype 1. Les patients infectés par un génotype 1 et 4 doivent être traités pendant 1 an et ceux infectés par un génotype 2 ou 1-3 3, pendant 6 mois . Pendant le traitement, la réponse est déterminée par l’arrêt de la réplication virale objectivée par la négativité de l’ARN VHC 6 mois après l’arrêt du traitement. La cinétique de décroise sance de la virémie à la 12 semaine a une valeur prédictive de la réponse à long terme : s’il elle est < 2 log, le risque de non réponse en fin de traitement est de 98 %, ceci pour les patients de génotype 1.

Le point de vue du généraliste Le médecin généraliste a une place importante à tous les stades de la prise en charge,sans que celle-ci soit 24 avril 2004 • tome 33 • n°8

Recherche anti-VHC (ELISA 3)

Négative

Positive

Pas d’infection VHC (sauf immunodéprimé)

ARN VHC qualitatif

Négative

Positive

Infection spontanément guérie

Infection chronique VHC (génotype, charge virale, estimation des lésions hépatiques, PBH-Fibrotest)

Figure 2 Infection par le virus de l’hépatite C : quels marqueurs et à quel moment ?

Traitement

Diagnostic • Tests sérologiques • ARN VHC qualitatif Bilan lésionnel • Biopsie hépatique • Fibrotest Bilan pré-thérapeutique • ARN VHC quantitatif • Génotypage

spécifique. En fait le généraliste sait plus “suivre”un patient qu’une maladie.Il faut avoir une réflexion autour des différents outils à disposition et de leur réelle utilisation dans le cadre de la prise en charge d’un patient infecté par le VHC. La sérologie ne semble pas poser de problèmes particuliers, sauf que, dans nos consultations,nous devons aussi évaluer le risque de faux négatifs et porter une attention particulière aux patients co-infectés

Suivi thérapeutique • ARN VHC qualitatif • ARN VHC quantitatif e (12 semaine)

Suivi post-thérapeutique • ARN VHC qualitatif

VIH/VHC ou, de manière plus générale, à ceux ayant une immunodépression. Le dosage des transaminases,en particulier de l’alanine amino-transférase, est certainement l’examen qui pose le plus de problèmes. Sa réalisation facile,“ancrée” dans l’inconscient du médecin généraliste ayant eu un jour à la faculté une formation en hépatologie, s’oppose à la difficulté de son interprétation. En dehors du manque de standardisaLa Presse Médicale - 545

D

O S S I E R

H

-G

É PAT O

A S T R O E N T É R O L O G I E

Un point de vue pluridisciplinaire sur l’infection par le VHC

Prise en charge pluridisciplinaire de l’infection par le virus de l’hépatite C Figure 3 Algorithme décisionnel thérapeutique fondé sur la charge virale et le génotype

Traitement par interféron pégylé et ribavirine Bilan initial : génotype et ARN VHC

Génotype 1

Génotype 2 ou 3

Ré-évaluation de l’ARN VHC

ARN VHC diminué de ≥ 2 log vs. valeur initiale

ARN VHC indétectable

Pas besoin d’évaluation de l’ARN VHC

ARN VHC non diminué

ARN VHC détectable Répéter ARN VHC à 24 semaines

Négatif Continuer le traitement

Positif Arrêter le traitement

Continuer le traitement

d’après Davis et al.16

tion des résultats, de nombreux médecins généralistes diagnostiquent et suivent encore l’infection chronique par le VHC uniquement avec ce marqueur. La corrélation histo-biochimique est imprécise et la répétition d’un examen “fluctuant” en médecine de ville est certainement responsable de retards diagnostiques de l’hépatite C. L’examen le plus simple et le plus performant est la PCR qualitative, qui devrait devenir la confirmation d’un test ELISA.Il existe souvent une confusion entre la PCR qualitative et quantitative et,en attendant les nouveaux tests, il est prescrit “PCR du VHC”. Or la PCR quantitative a peu d’intérêt en médecine générale,sauf dans le cadre d’un suivi thérapeutique ou face à un patient réticent au traitement et désirant avoir tous les arguments scientifiques pouvant lais546 - La Presse Médicale

ser évoquer une réponse favorable au traitement. Il existe, dans nos pratiques, une confusion avec le suivi de l’infection du VIH où la virémie a un rapport direct avec l’évolution voire la gravité de la maladie, ce qui n’est absolument pas le cas dans le cadre de l’hépatite C. Le génotype est un examen d’interprétation simple qui permet d’anticiper le discours autour du traitement. Le sérotype n’est que de peu d’utilité en médecine générale. Le discours autour de la PBH ou des tests biochimiques de fibrose doit se faire dans le cadre d’un partenariat éclairé avec les spécialistes impliqués dans la prise en charge du patient concerné. Notre rôle est aussi et surtout d’expliquer l’intérêt de ces examens dans le cadre d’une prise en charge globale et de les

identifier comme un moyen d’évaluer une maladie et non comme un examen de plus pour pouvoir accéder à un traitement. Ainsi, la PBH ferait peut être “moins mal” et les marqueurs biochimiques de fibrose et d’activité ne seraient pas qu’une alternative encore marginale car il sera intéressant de disposer d’examens reproductibles et moins invasifs dans le cadre d’un suivi. Enfin,il faut insister sur l’importance du coût de ces examens et de l’intérêt d’obtenir un statut d’ALD chez tous les patients virémiques,pas seulement lors de la décision de traiter. En effet, ce bilan “minimal” pourra comprendre 3 à 4 fois un dosage de transaminases, une PCR qualitative et un génotype,voire une PCR quantitative (sans grand intérêt en médecine générale). Cette dépense moyenne de 75 € à la charge du patient, qu’il faut avancer même si l’ALD est rétro-active, contribue aussi pour nos patients aux freins à la prise en charge. Il faut également rappeler le rôle primordial du médecin généraliste dans la reconnaissance et la prise en charge des comorbidités, notamment la consommation d’alcool, la surcharge pondérale et l’existence éventuelle d’un syndrome polymétabolique ou d’une co-infection par le VIH, ainsi que dans l’information sur les modes de transmission du VHC et leurs moyens de protection.

Le point de vue de l’hépatologue Le médecin spécialiste forme avec le généraliste un couple indissociable dans la prise en charge d’un patient atteint d’hépatite C. Le dépistage de l’hépatite C repose essentiellement sur le médecin généraliste qui n’a pas la tâche facile,puisqu’il se trouve maintenant confronté à une multitude de facteurs de risque (encadré 1). Pour être efficace, il faudrait idéalement qu’il puisse avoir 24 avril 2004 • tome 33 • n°8

Philippe Halfon, Denis Ouzan, Laurent Cattan, Patrice Cacoub

sur son bureau le tableau qui résume les différentes situations dans lesquelles le dépistage est aujourd’hui 4 recommandé . Une médiatisation plus large des facteurs de risque dits faibles pourrait l’aider, dans la mesure où le patient serait lui-même demandeur de sa sérologie. Si le dépistage a manifestement progressé en médecine générale au cours de ces 5 dernières années, aucun chiffre précis sur le nombre de sujets déjà dépistés n’est disponible en France aujourd’hui. Deux structures de dépistage organisé et gratuit (les centres de dépistage anonyme et gratuit et les centres d’examen de santé) pourraient cependant facilement permettre de donner une approximation de ce chiffre. Dans une enquête de pratique récente réalisée auprès de 219 médecins généralistes du département des Alpes-Maritimes, nous avons montré qu’il n’existait pas de différence de pratique entre les médecins qui déclaraient connaître et ceux qui ne connaissaient pas les recommandations des conférences de consensus françaises de 1997 et 1999 sur l’hépatite C : il existait souvent une confusion entre les tests qualitatifs et quantitatifs de réplication virale, dont les indications étaient parfois 5 mal connues . Le médecin spécialiste ne devrait voir que les patients atteints d’hépatite C susceptibles d’entrer dans un programme de soins.Le réflexe PCR VHC ou virémie qualitative d’emblée devant toute sérologie positive, devrait permettre au généraliste de rassurer les patients négatifs pour lesquels le recours au spécialiste est inutile.Chez les patients virémiques, le taux de transaminases permet de distinguer deux catégories de patients: • ceux qui ont des transaminases dont la valeur est supérieure au seuil de détection et pour lesquels il s’agira alors pratiquement toujours d’une hépatite chronique évolutive; 24 avril 2004 • tome 33 • n°8

Encadré 1 À qui proposer un test de dépistage pour l’infection par le VHC ? Le dépistage de l'hépatite C est un dépistage ciblé, systématisé sur certaines situations à risque. Les dernières recommandations de l'Anaes en 2001 sont les suivantes :

RISQUE ÉLEVÉ

• Sujets ayant reçu avant 1990 :

- soit des produits sanguins labiles - soit une greffe de tissu, d’organe ou de cellules

• Sujets susceptibles d’avoir été transfusés avant 1992 (chirurgie lourde, réanimation, accouchement difficile, hémorragie digestive, soins en néonatologie, exsanguino-transfusion)

• Sujets ayant reçu des produits sanguins stables avant 1988 • Sujets ayant utilisé au moins une fois des drogues par voie IV ou nasale (pour les toxicomanes qui restent actifs, le dépistage doit être renouvelé régulièrement)

• Les enfants nés de mère séropositive pour le VHC • Les sujets séropositifs pour le VIH • Les hémophiles • Les hémodialysés RISQUE NON QUANTIFIÉ OU FAIBLE

• Le partenaire sexuel d’un sujet contaminé • L’entourage familial des sujets infectés • Les sujets incarcérés ou l’ayant été • Lorsqu’il a été pratiqué un tatouage ou un piercing avec du matériel non à usage unique • Lorsqu’il a été pratiqué des soins de mésothérapie sans matériel à usage unique ou d’acupuncture sans utilisation d’aiguilles personnelles ou à usage unique

• Devant un taux d’ALAT élevé sans cause connue, un ictère ou une asthénie non expliqués • Les sujets originaires ou ayant reçu des soins dans les pays à forte prévalence du VHC (Asie, Moyen-Orient, Afrique, Amérique du Sud)

• Les professionnels de santé en cas d’accident d’exposition au sang. • ceux qui ont des transaminases

normales, sur au moins 3 examens successifs en moins de 6 mois, ont une vitesse de progression de la fibrose probablement lente et ne nécessitent pas de traitement, dans l’état actuel des connaissances. La détermination du génotype n’a de sens que chez les malades virémiques.Il s’agit là du second réflexe. Le génotype le plus fréquent est le génotype 1 (70 % des cas), les génotypes 2 et 3 ne représentant que 20 à 30 % des cas. Ce test conditionne, dans la quasi-majorité des cas,la pratique d’une ponction biopsie hépatique et la décision de traiter. La biopsie hépatique reste aujourd’hui l’examen de référence pour juger du retentissement de l’infection à VHC sur le foie.Le Fibrotest et

l’Actitest, proposés par Thierry Poynard pour remplacer la biopsie, disposent d’un dossier scientifique sérieux mais ne sont pas encore validés. Ils font l’objet depuis plusieurs mois d’une médiatisation extrême qui les a placés au premier rang des préoccupations de tous les patients.Un travail de validation multicentrique est en cours et ses résultats seront connus dans quelques mois. Aussi, dans l’état actuel des connaissances, il est prudent de ne proposer ce test que pour les patients chez lesquels la biopsie hépatique est impossible. Chez les malades de génotype 2 et 3, la biopsie hépatique n’est plus apparue comme indispensable (en dehors de comorbidité). Par contre, chez les malades de génotype 1,elle reste un La Presse Médicale - 547

D

O S S I E R

H

É PAT O

-G

A S T R O E N T É R O L O G I E

Un point de vue pluridisciplinaire sur l’infection par le VHC

Prise en charge pluridisciplinaire de l’infection par le virus de l’hépatite C élément incontournable de la décision de traiter. Lorsque le médecin généraliste évoque l’éventualité d’une biopsie hépatique, elle est en général beaucoup mieux acceptée par le patient. Ne sont éligibles au traitement que les malades motivés, virémiques, dont le taux de transaminases n’est pas toujours normal et qui ont une fibrose modérée ou sévère. Le traitement de référence est aujourd’hui l’interféron pégylé α2a ou 2b en association à la ribavirine. L’efficacité du traitement dépend de l’adhésion du patient, de son observance et de la capacité d’apporter la bonne dose de chacun des traitements pendant la bonne durée. Une étude récente utilisant l’interféron pégylé α2a a montré que, pour les génotypes 2 et 3, la durée de traitement optimale était de 6 mois et la dose de ribavirine de 800 mg par jour, en l’absence de contre-indication. Par contre, pour les malades de génotype 1 (les plus fréquents), la durée de traitement est de 12 mois avec une dose de ribavirine mini6 male de 1000 à 1200 mg par jour .Il est maintenant théoriquement possible de guérir environ 50 % des malades de génotype 1,60 % et 80 % de ceux qui sont infectés par les génotypes 2 ou 3. L’indication de traitement est en général posée par le médecin spécialiste. Le traitement n’est jamais une urgence, il doit s’intégrer à la vie sociale,familiale et professionnelle du patient, avec un contrat de suivi mixte (généraliste et spécialiste) qui assurera la gestion des effets indésirables.Le suivi virologique de l’efficacité des traitements est plus délicat.Il n’a pas d’intérêt chez les malades de génotype 2 ou 3 puisque l’annulation de la virémie sous traitement est pratiquement constante.Il est par contre d’un grand intérêt chez les malades de génotype 1, ne serait-ce que pour convaincre les malades de l’efficacité du traitement, ce qui permet d’obte548 - La Presse Médicale

nir une meilleure adhésion. Pour ce faire,il est donc indispensable de réaliser avant traitement (et ce, exclusivement pour le génotype 1) une virémie quantitative qui sera à nouveau réalisée à 3 mois de traitement. En l’absence d’efficacité virologique (absence de négativation de l’ARN du VHC à 3 mois ou absence de diminution de plus de 2 log entre J0 et S12), il faudrait rapidement définir (en dehors de l’arrêt) l’attitude thérapeutique qui permettrait de faire obtenir au patient les meilleures chances d’une éradication virale.Quel que soit le génotype, la disparition de l’ARN du VHC (recherche qualitative) 6 et 12 mois après la fin du traitement est synonyme de guérison. La prise en charge des patients atteints d’hépatite C se complique par l’émergence d’une population difficile à traiter. Le malade atteint d’hépatite C est aujourd’hui, dans environ 80 % des cas, un utilisateur de drogue (passé ou actuel). Des comorbidités (drogue, alcool, co-infection par le VIH) sont présentes dans 30 % des cas. L’hépatologue impliqué dans la prise en charge de l’hépatite C se doit de connaître les différents traitements substitutifs, ainsi que ceux de l’infection à VIH. Plus que jamais, la prise en charge de l’hépatite C dépend d’une étroite collaboration entre généralistes et spécialistes.

Le point de vue de l’interniste CHEZ QUI DÉPISTER UNE INFECTION PAR LE VHC? Etant donné le nombre très important de patients infectés par le VHC en France, estimé entre 500000 et 600000, le dépistage a été jusqu’ici orienté, pour des raisons essentiellement de coût-efficacité, en fonction de la présence de facteurs de risque (toxicomanes, transfusés, population carcérale, hémophiles, hémodialysés, infection à VIH…). La meilleure

connaissance de l’infection et le développement de campagnes de dépistage ont ainsi permis de dépister une grande partie des patients infectés. Pour augmenter encore le rendement du dépistage, il faut actuellement étendre largement les indications de la sérologie.Ainsi une étude épidémiologique française récente a permis de trouver de nombreux facteurs de risque, à partir de 450 patients infectés par le VHC, non infectés par le VIH, non transfusés et non toxicomanes, comparés à 757 témoins appariés pour l’âge, le sexe, l’origine géographique et le nombre de maladies chroniques. Une quinzaine de facteurs de risque étaient indépendamment associés au risque d’infection par le VHC, parmi les suivants : hospitalisation, endoscopie digestive, acupuncture, usage de cocaïne intra-nasale, interruption volontaire de grossesse,soins dermatologiques, injections ambulatoires, soins de manucure, sports violents. Par ailleurs, de nombreuses manifestations extra-hépatiques associées à l’infection par le VHC,présentes chez 30 à 50 % des patients, doivent conduire rapidement à la réalisation 7, 8 d’une sérologie du VHC .Certaines sont très fréquentes, volontiers non spécifiques et parfois négligées : asthénie, myalgies, arthralgies, arthrites, syndrome sec buccal ou oculaire, neuropathie périphérique. D’autres sont plus sévères et heureusement plus rares: purpura, vascularite systémique, néphropathie glo9,10 mérulaire, lymphome . Ces messages de dépistage très large doivent donc être connus et appliqués par les médecins généralistes et l’ensemble des spécialistes.

QUEL BILAN EN CAS DE SÉROLOGIE POSITIVE ? Derrière cette question, c’est en fait la question du traitement qui est déjà posée. Il faut affirmer le carac11-14 par la tère actif de l’infection positivité de la recherche de l’ARN 24 avril 2004 • tome 33 • n°8

Philippe Halfon, Denis Ouzan, Laurent Cattan, Patrice Cacoub

VHC qualitatif, puis il y aura deux cas de figure. • Le traitement anti-VHC n’est pas possible ou pas souhaité : il faut alors réaliser au minimum un dosage des transaminases et d’αfœtoprotéine, une échographie hépatique, puis réévaluer régulièrement l’activité de la maladie et d’éventuelles modifications de la prise en charge thérapeutique, notamment en fonction des progrès des traitements. • Le traitement anti-VHC est envisagé: un bilan lésionnel et un bilan pré-thérapeutique sont indispensables.Le bilan lésionnel apprécie le retentissement de l’infection sur le foie : α-fœtoprotéine, échographie hépatique, biopsie hépatique, marqueurs biochimiques de fibrose 15 (Fibrotest) . Le bilan pré-thérapeutique permet de guider les modalités du traitement : génotypage, ARN VHC quantitatif.

QUEL SUIVI PENDANT ET APRÈS LE TRAITEMENT ANTI-VHC?

• Il a été récemment démontré que la mesure quantitative de l’ARN e VHC à la 12 semaine de traitement a une excellente valeur prédictive de la

réponse virologique complète prolongée chez les patients de génotype 1. • De nombreuses manifestations extra-hépatiques peuvent devenir de véritables indications “non hépatiques” des traitements anti-VHC, et disparaîtront ou s’atténueront en cas de bonne réponse virologique : asthénie, arthralgies, myalgies. D’autres semblent moins sensibles: syndrome sec oculaire ou buccal, porphyrie cutanée. En cas de vascularite systémique liée au VHC, de type cryoglobulinémique ou périartérite noueuse, le traitement par bithérapie interféron-ribavirine est par16 ticulièrement efficace , mais doit être prolongé de 18 à 24 mois en moyenne. • Après la fin du traitement, l’ARN VHC qualitatif est le marqueur de choix.

Conclusion L’approche pluridisciplinaire dans la prise en charge du VHC apparaît aussi large que le panel des outils diagnostiques et pronostiques dont nous disposons actuellement. Au terme de cette revue, il apparaît que la prise en charge est sensible-

ment la même quel que soit le praticien impliqué, avec une collaboration étroite indispensable entre les différents acteurs de santé. Le rôle de chacun a pu être précisé autour du pivot que représente le médecin généraliste, sans oublier les rôles prépondérants des autres acteurs que sont l’entourage, les associations de malades, le personnel infirmier, le pharmacien et les travailleurs sociaux. L’apparition progressive, en quasi-routine dans les laboratoires, de techniques de biologie moléculaire standardisées a contribué à une meilleure prise en charge de l’infection par le VHC. L’amélioration des outils de biologie moléculaire (test unique qualitatif et quantitatif) et l’optimisation du choix des tests diagnostiques et de décision thérapeutique permettront d’éviter des examens inutiles afin d’améliorer le ratio coût-efficacité, paramètre constituant une des préoccupations indispensables actuellement dans le cadre de la maîtrise des dépenses de santé. Le développement de marqueurs sériques de fibrose hépatique ouvre des perspectives de pr ise en charge nouvelle. ■

Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16

24 avril 2004 • tome 33 • n°8

Davis GL. Monitoring of viral levels during therapy of hepatitis C. Hepatology 2002;36 ( Suppl 1):S145-51. Manns MP, Mc Hutchison JG, Gordon SC et al. Peginterferon alfa-2b plus ribavirin for initial treatment of chronic hepatitis C : a randomised trial. Lancet 2001 ;358 :958-65. Fried MW, Shiffman ML, Reddy KR et al. Peginterferon alfa-2a plus ribavirin for chronic hepatitis C virus infection. N Engl J Med 2002;347:975-82. Dépistage de l’hépatite C : populations à dépister et modalités de dépistage. Rev Prat 2001 ;15:1031-4. Ouzan D, Hofliger Ph, Cavailler P, Mamino C, Tran A. Enquête de pratique sur le dépistage et la prise en charge de l’hépatite C dans les Alpes-Maritimes. Gastroenterol Clin Biol 2003 ; 36:S121-127. Conférence de Consensus sur le traitement de l'hépatite C. Paris 27 et 28 Février 2002. Gastroenterol Clin Biol 2002;26:5-320. Cacoub P, Renou C, Rosenthal E et al. Extrahepatic manifestations associated with hepatitis C virus infection: a prospective multicenter study of 321 patients. Medicine 2000; 79: 47-56. Cacoub P, Poynard T, Ghillani P et al. Extrahepatic manifestations in patients with chronic hepatitis C. Arthritis Rheum 1999; 42: 2204-12. Cacoub P, Maisonobe T, Thibault V et al. Systemic vasculitis in patients with hepatitis C. J Rheumatol 2001; 28 : 109-18. Cacoub P, Lidove O, Maisonobe T et al. Interferon and ribavirin treatment in patients with hepatitis C virus–related systemic vasculitis. Arthritis Rheum 2003; 46: 3317-26. Cacoub P, Ratziu V, Myers R et al. Impact of treatment on extra hepatic manifestations in patients with chronic hepatitis C. J Hepatol 2002 ; 36 : 812-18 Raguin G, Carrat F, Karmochkine M, Dos Santos O, Cacoub P. The Epic study : a national multicentric case-control study on risk factors for community-acquired hepatitis C virus infection. 42nd ICAAC, San Diego, September 2002 ; (abst) V681. Bedossa P, Poynard T. An algorithm for the grading of activity in chronic hepatitis C. The METAVIR Cooperative Study Group. Hepatology 1996;24:289–93. Poynard T, Bedossa P, Opolon P. Natural history of liver fibrosis progression in patients with chronic hepatitis C. The OBSVIRC, METAVIR, CLINIVIR, and DOSVIRC groups. Lancet 1997;349:825–32. Poynard T, McHutchison J, Manns M, Myers RP, Albrecht J. Biochemical surrogate markers of liver fibrosis and activity in a randomized trial of peginterferon alfa-2b and ribavirin. Hepatology 200;38:481-92. Davis GL, Wong JB, McHutchison JG, Manns MP, Harvey J, Albrecht J.Early virologic response to treatment with peginterferon alfa-2b plus ribavirin in patients with chronic hepatitis C. Hepatology 2003 ;38:645-52. La Presse Médicale - 549