Une complication ophtalmologique du chérubisme

Une complication ophtalmologique du chérubisme

Cas clinique Rec¸u le : 25 juillet 2005 Accepte´ le : 27 mars 2006 Une complication ophtalmologique du che´rubisme An ophthalmological complication ...

354KB Sizes 0 Downloads 54 Views

Cas clinique

Rec¸u le : 25 juillet 2005 Accepte´ le : 27 mars 2006

Une complication ophtalmologique du che´rubisme An ophthalmological complication of cherubism A. Elfahsi, A. Oujilal*, M. Lahlou, A. Lazrak, M. Kzadri Service d’ORL et de chirurgie maxillofaciale, hoˆpital des spe´cialite´s, BP 6220 Rabat institut, Maroc

Summary

Re´sume´

Introduction. Cherubism is a rare familial fibro-osseous lesion usually observed in children. The diagnosis is clinical and radiological. Outcome is generally favorable, but with a risk of ophthalmologic complications, especially lower eyelid retraction, proptosis, diplopia, displacement of eyeball and loss of visual acuity. Clinicians must be aware of these complications for proper detection and specific treatment. Observation. We report a case of cherubism observed in a 10year-old boy who presented exophthalmia with reduced visual acuity on the right due to reduction of the volume of the orbital cavity and compression of the optic nerve. Partial maxillectomy was required for decompression. Discussion. Cherubism can lead to various types of ophthalmologic complications. Exophthalmos and loss of visual acuity due to compression of the optic nerve are the most common. Surgery is generally not required, but can become crucial in selected patients. © 2006 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction. Le che´rubisme est une le´sion fibro-osseuse, rare, a` caracte`re familial, qui apparaıˆt essentiellement chez l’enfant, et dont le diagnostic est radioclinique. L’e´volution est ge´ne´ralement favorable, mais elle peut eˆtre e´maille´e de complications notamment ophtalmologiques, repre´sente´es surtout par la re´tractation de la paupie`re infe´rieure, le ptoˆsis, la diplopie, le de´placement de globe oculaire et la perte de l’acuite´ visuelle. Ces complications doivent eˆtre connues pour pouvoir les rechercher et leur proposer un traitement spe´cifique. Observation. Un garc¸on aˆge´ de dix ans, porteur d’un che´rubisme, a pre´sente´ une exophtalmie et une diminution de l’acuite´ visuelle. Ces symptoˆmes e´taient lie´s a` une re´duction du volume de la cavite´ orbitaire et a` une compression du nerf optique. Il a e´te´ ne´cessaire de re´aliser une maxillectomie partielle de de´compression. Discussion. Le che´rubisme peut eˆtre a` l’origine de complications ophtalmologiques de nature varie´es. Les plus fre´quentes sont l’exophtalmie et la baisse de l’acuite´ visuelle par compression du nerf optique. Si dans la plupart des cas aucune the´rapeutique chirurgicale n’est propose´e dans le che´rubisme, un tel traitement devient primordial et urgent dans ces complications particulie`res. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Keywords: Cherubism, Exophtalmos, Visual acuity

Mots cle´s : Che´rubisme, Exophtalmie, Acuite´ visuelle

L

e che´rubisme est une le´sion fibro-osseuse que l’on inte`gre classiquement dans le cadre des dysplasies fibreuses des maxillaires. C’est une maladie rare, he´re´ditaire, familiale et be´nigne qui apparaıˆt essentiellement chez l’enfant et qui inte´resse un ou les deux maxillaires. Cette affection apparaıˆt et e´volue le long des deux premie`res de´cennies puis se stabilise ou parfois re´gresse le plus

* Auteur correspondant. Rabat institut, BP 6590, Maroc. e-mail : [email protected]

58 0035-1768/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.stomax.2006.03.003 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:58-60

souvent spontane´ment. Cependant, cette e´volution favorable ne doit pas faire me´connaıˆtre certaines complications entre autres ophtalmologiques qui peuvent eˆtre a` l’origine de troubles fonctionnels parfois graves. Nous rapportons ici un authentique cas de che´rubisme ayant entraıˆne´ une complication ophtalmologique tout en pre´cisant les particularite´s e´pide´miologiques, diagnostiques et the´rapeutiques de telles complications.

Une complication ophtalmologique du che´rubisme

Observation Un enfant aˆge´ de dix ans pre´sentait depuis l’aˆge de quatre ans une tume´faction de type osseuse et d’e´volution progressive, d’abord au niveau de l’os mandibulaire du coˆte´ gauche, puis a` l’aˆge de sept ans au niveau de l’os maxillaire du coˆte´ droit. Ces deux tume´factions ont continue´ a` e´voluer jusqu’a` l’aˆge de neuf ans ou` le patient a constate´ une diminution de son acuite´ visuelle, pre´dominant a` droite et e´value´e a` 3/10. Dans ses ante´ce´dents familiaux, on retrouvait un fre`re plus grand porteur d’un che´rubisme apparu a` l’aˆge de quatre ans. Le facie`s e´tait arrondi, avec une tume´faction indolore, de consistance osseuse, de´veloppe´e aux de´pens des deux maxillaires, bilate´rale et syme´trique. Cette tume´faction e´tait associe´e a` une exophtalmie bilate´rale plus accentue´e a` droite (fig. 1). L’examen endobuccal objectivait une tume´faction sousmuqueuse, en regard des deux re´gions gingivodentaire et palatine, et qui pre´sentait les meˆmes caracte´ristiques que la tume´faction faciale. Les radiographies standard et une tomodensitome´trie du massif facial montraient de multiples le´sions kystiques confluentes, de tailles variables, inte´ressant la totalite´ de l’os maxillaire et la majeure partie de la mandibule. L’extension intraorbitaire e´tait bilate´rale mais a` pre´dominance droite (fig. 2, 3). Les condyles mandibulaires e´taient intacts.

L’ensemble de ces donne´es cliniques et radiologiques, associe´es aux ante´ce´dents familiaux, faisait poser le diagnostic de che´rubisme. Une maxillectomie partielle droite a e´te´ effectue´e pour de´comprimer le nerf optique. L’analyse anatomopathologique de la pie`ce ope´ratoire mettait en e´vidence une prolife´ration fibroblastique dense en collage`ne et richement vascularise´e, a` laquelle se meˆlaient de nombreuses cellules ge´antes multinucle´e´es ayant les attributs d’oste´oclastes. Le diagnostic de che´rubisme e´tait confirme´. L’e´volution a e´te´ marque´e par une ame´lioration de l’acuite´ visuelle qui est passe´e de 3/10 a` 7/10. L’enfant a e´te´ revu re´gulie`rement a` la consultation ; aucun signe d’e´volutivite´ n’a e´te´ de´cele´ apre`s un recul de 18 mois.

Figure 2. TDM en coupe axiale, montrant les le´sions e´tendues en intraorbitaire droit.

Figure 1. Vue de face de l’enfant.

Figure 3. TDM en coupe coronale, montrant de multiples le´sions kystiques confluentes, de taille variable, inte´ressant la totalite´ de l’os maxillaire et la majeure partie de la mandibule.

59

A. Elfahsi et al.

Discussion Le che´rubisme est une affection familiale, rare, a` caracte`re he´re´ditaire, lie´e au ge`ne 4p16.3 et dont la transmission se fait selon un mode autosomique dominant [1]. Les premiers cas de che´rubisme ont e´te´ de´crits par Frangenheim en 1914 [2], actuellement le nombre de cas de che´rubisme rapporte´ dans la litte´rature est d’environ 280 cas [3]. Son diagnostic peut eˆtre souleve´ dans les cas typiques par les simples donne´es cliniques et radiologiques. L’examen anatomopathologique ne fait que confirmer ce diagnostic. L’e´volution spontane´e du che´rubisme est habituellement favorable, avec une re´gression des le´sions a` l’aˆge adulte [4] et son traitement reste axe´ essentiellement sur l’abstention et la surveillance. Cependant, le che´rubisme peut eˆtre la cause d’une dysmorphie faciale et de complications fonctionnelles graves notamment ophtalmologiques [3, 5-8]. En effet, l’extension intraorbitaire des le´sions du che´rubisme peut se traduire sous diffe´rents aspects et peut eˆtre responsable d’une exophtalmie d’importance variable, avec de´viation du globe oculaire [7], d’une baisse de l’acuite´ visuelle plus ou moins se´ve`re secondaire a` une compression du nerf optique [3, 6]. Elle peut e´galement occasionner un dysfonctionnement des muscles extrinse`ques oculaires a` l’origine d’une diplopie, d’un ptoˆsis [3, 8] et de la re´tractation de la paupie`re infe´rieure [3]. La visibilite´ d’une zone scle´rotique dans le regard vers le haut te´moigne d’une atteinte du maxillaire et plus pre´cise´ment du plancher de l’orbite. Ces manifestations ophtalmologiques peuvent eˆtre unies ou bilate´rales, plus ou moins syme´triques. Cependant, les signes d’appel sont surtout l’exophtalmie, la diplopie, la douleur ou la baisse de l’acuite´ visuelle. La radiologie joue un roˆle important pour renforcer l’impression clinique surtout en cas d’expression incomple`te. Elle est domine´e par la tomodensitome´trie et l’imagerie par re´sonance magne´tique. Vu le jeune aˆge des patients et la re´pe´tition de la surveillance, une technique non irradiante comme l’imagerie par re´sonance magne´tique doit eˆtre privile´gie´e, comple´te´e occasionnellement par un scanner qui renseigne mieux sur la structure osseuse essentiellement [9]. Les images sont assez caracte´ristiques, repre´sente´es par de multiples images hypodenses, de type kystique, se´pare´es ou confluentes, et qui peu-

60

Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:58-60

vent inte´resser toutes les parois de l’orbite. L’imagerie par re´sonance magne´tique a l’avantage de pre´ciser l’extension aux diffe´rentes structures intraorbitaires en particulier le nerf optique. Sur le plan the´rapeutique, l’abstention avec surveillance est souvent propose´e en l’absence de toute compression du globe oculaire, compte tenu du caracte`re re´gressif des le´sions. Cependant, dans les formes avec complications ophtalmologiques notamment diplopie et diminution de l’acuite´ visuelle, un traitement chirurgical trouve toute sa place. Il consiste en une maxillectomie partielle par voie vestibulaire [6], comme pour notre patient. L’orbitotomie est une alternative qui permet le curetage des le´sions osseuses dystrophiques intraorbitaires [7, 6]. Lors de cette chirurgie, un saignement, parfois important, peut eˆtre observe´ et peut conduire a` terminer rapidement l’intervention ou a` la re´aliser en deux temps [9]. Cela a` conduit certains auteurs a` pre´fe´rer l’embolisation arte´rielle pre´alable [6, 9].

Re´fe´rences 1.

2.

3.

4.

5.

6.

7. 8. 9.

Mangion J, Rahman N, Edkins S, Barfoot R, Nguyen T, Sigurdsson A, et al. The gene for cherubism maps to chromosome 4p16.3. Am J Hum Genet 1999;65:151–7. Chossegros C, Blanc JL, Cheynet F, Vitton J. Le che´rubisme. A` propos de l’observation de trois familles. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1990;91:23–32. Ozkan Y, Varol A, Turker N, Aksakalli N, Basa S. Clinical and radiological evaluation of cherubism: a sporadic case report and review of the literature. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2003;67:1005–12. Timosca GC. Le che´rubisme : re´gression des le´sions et re´ge´ne´ration osseuse spontane´e. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1996; 97:172–7. Silva EC, De Souza P, Barreto DC, Dias RP, Gomez RS. An extreme case of cherubism. Br J Oral Maxillofac Surg 2002; 40:45–8. Ahmadi AJ, Pirinjian GE, Sires BS. Optic neuropathy and macular chorioretinal folds caused by orbital cherubism. Arch Ophthalmol 2003;121:570–3. Colombo F, Cursiefen C, Neukam FW, Holbach LM. Orbital involvement in cherubism. Ophthalmology 2001;108:1884–8. Carroll AL, Sullivan TJ. Orbital involvement in cherubism. Clin Experiment Ophthalmol 2001;29:38–40. Henry F, Testelin S, Gauvin AC, Poirier J, Henry E. Che´rubisme : inte´reˆt de l’imagerie et de l’embolisation pre´ope´ratoire. J Radiol 2003;84:1774–8.