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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2017) xxx, xxx—xxx
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ÉDITORIAL
Une consultation « tatouages » en centre hospitalier universitaire, pour qui et pour quoi faire ? A ‘‘tattoo’’ consultation service in a university hospital: For whom and for what purpose?
D’après un sondage publié en ce début d’année par l’IFOP (Institut franc ¸ais d’opinion publique), réalisé sur un échantillon de 1002 personnes avec la participation du syndicat national des artistes tatoueurs (SNAT), 14 % des franc ¸ais seraient tatoués [1]. Ce chiffre est en progression par rapport au précédent sondage réalisé en 2010 (10 % des Franc ¸ais) [2,3]. Cette progression reste « modeste » si on la compare aux données américaines. En effet, depuis 2003, l’institut Harris-Poll réalise régulièrement un sondage sur les tatouages dans la population américaine : de 16 % en 2003, la proportion d’américains adultes tatoués atteint quasiment les 30 % en 2015 [4]. Si on applique les résultats du sondage IFOP à la population totale adulte franc ¸aise de plus de 18 ans, soit 52,1 millions d’habitants [5], on peut estimer qu’à ce jour près de 7,3 millions de Franc ¸ais ont (ou ont eu) un tatouage. Le nombre de tatoueurs professionnels déclarés en France n’est pas connu car les données des différentes agences régionales de santé ne sont pas centralisées. Le SNAT regroupe environ 1500 tatoueurs, mais le nombre total serait sans doute bien plus élevé si les personnes exerc ¸ant à domicile étaient prises en compte. Les complications associées au tatouage sont connues de longue date, depuis les travaux de Follin (1849), Hutin (1853) et Berchon (1869) [6]. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe , les complications étaient principalement infectieuses, syphilis primaire ou secondaire en tête devant les infections à pyogènes et les allergies au « cinabre » (sulfure de mercure, utilisé pour obtenir le rouge des tatouages) [6]. Les complications du tatouage étaient pourtant considérées comme extrêmement rares par les auteurs eu égard au nombre de tatoués. Il faut dire qu’en 1924, d’après une étude autopsique de 9000 corps, 9 % des hommes et 0,7 % des femmes étaient tatoués [7].
http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2017.07.006 0151-9638/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Kluger N, Descamps V. Une consultation « tatouages » en centre hospitalier universitaire, pour qui et pour quoi faire ? Ann Dermatol Venereol (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2017.07.006
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Avec le temps, le profil des complications s’est modifié [8] : la syphilis d’inoculation a disparu avec l’apparition de la pénicilline, et a laissé la place libre aux complications allergiques au sulfure de mercure, puis les épidémies d’hépatites B et C ont été rapportées en raison de tatoueurs peu regardants sur l’hygiène et l’asepsie. Aux progrès médicaux se sont greffés des aléas inattendus en rapport avec les tatouages : brûlures durant des imagerie en résonance magnétique (IRM), fixation « suspecte » des traceurs ganglionnaires lors de TEP-TDM (tomographie par émission de positons), ou encore le « faux problème » de l’analgésie péridurale sur les tatouages lombaires. Les réactions allergiques perdurent depuis 50 ans sans que l’on ait encore pu clairement en identifier la ou les causes précises. Les risques toxicologiques et carcinologiques au long cours liés à la présence des encres dans le derme sont toujours sujets à discussion [9] et donnent du fil à retordre à la communauté européenne qui se penche sur la législation encadrant la composition de ces encres [10]. Les complications infectieuses (mycobactérioses, infections bactériennes communes, virales, mycologiques ou parasitaires) font discuter des maladies d’inoculation ou les conséquences des produits de tatouage sur la réponse immunitaire locale. Les réactions granulomateuses sont une autre illustration de cette perturbation de la réponse immune locale. La fréquence réelle des complications cutanées et le risque annuel pour un tatoué de développer une complication sur tatouage sont très mal appréciés. Les chiffres varient entre 2 et 27 % selon les études et les méthodologies employées. Selon une étude allemande ayant porté sur plus de 3400 tatoués, 6 % décrivent un problème chronique sur tatouage [11]. Mais, il faut également préciser que chez un individu ayant plusieurs tatouages, tous ne sont pas responsables de symptômes. D’après une autre étude réalisée au Danemark, seuls 16 % des tatouages d’un individu tatoué sont sources de symptômes [12]. Ainsi, si on fixe arbitrairement que 5 % des tatoués auraient des symptômes persistants sur un de leurs tatouages, cela concernerait près de 365000 personnes en France. La demande médicale en France est de trois ordres : le détatouage, les complications associées au tatouage et les conseils à un patient souhaitant se faire tatouer. Sans surprise, le premier motif de consultation en relation avec un tatouage semble son retrait. Les regrets suivent l’augmentation du nombre de tatouages dans la population. Vingt-trois pour cent des sondés aux États-Unis déclarent regretter un tatouage, pour 14 % en 2012 [4]. Pour cette demande, une offre est disponible sur le territoire auprès des dermatologues et des médecins à orientation esthétique exerc ¸ant une activité de laser de détatouage (Q-Switched nanosecondes ou picosecondes). Des chirurgiens peuvent, plus rarement, être contactés pour des exérèses in toto de la peau tatouée [13,14]. En revanche, la prise en charge des complications associées aux tatouages et la dispensation de conseils adaptés aux patients nous semblent être une demande largement non satisfaite en France. En effet, nous sommes confrontés de fac ¸on hebdomadaire à des questions et des demandes d’avis provenant directement d’individus tatoués ou de tatoueurs, mais aussi de médecins, notamment dermatologues, quel que soit leur lieu d’exercice. Ces derniers sont souvent perplexes quant au diagnostic ou à la prise en charge des complications du tatouage.
Il nous est donc apparu indispensable de développer une plateforme dédiée aux tatouages. Il n’existe à notre connaissance que deux consultations de ce type, une à Copenhague [15] et une ouverte récemment à Amsterdam. Nous n’avons pas notion de consultation similaire en France à ce jour. Celle qui a débuté au printemps 2017 à l’hôpital Bichat à Paris a bien sûr un but diagnostique et thérapeutique. Elle nous permettra de centraliser et de colliger les cas. De plus, la recherche est actuellement embryonnaire, avec peu d’équipes s’investissant sur le sujet. Le plateau technique disponible dans un établissement universitaire permettra la réalisation d’études histologiques, physicochimiques et immunologiques à partir de biopsies disponibles pour mieux comprendre les conséquences de la présence d’un matériel physico-chimique étranger sur la physiologie cutanée. En particulier l’étude des réactions granulomateuses sur tatouage offre un modèle expérimental unique pour comprendre la sarcoïdose. Ces travaux devraient permettre de limiter, voire prévenir le risque de développement des complications des tatouages.
Déclaration de liens d’intérêts Nicolas Kluger : membre d’honneur du SNAT ; Vincent Descamps : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références [1] Fourquet J. Les francais et les tatouages; 2017 [http://www. ifop.com/?option=com publication&type=poll&id=3614]. [2] Fourquet J. Les franc ¸ais et les tatouages; 2010 [http://www. ifop.com/?option=com publication&type=poll&id=1220]. [3] Kluger N. Tatoués, qui êtes-vous ? Caractéristiques démographiques et comportementales des personnes tatouées. Ann Dermatol Venereol 2015;142:410—20. [4] Shannon-Missal L. Tattoo takeover: three in ten americans have tattoos, and most don’t stop at just one; 2016 [http://www. theharrispoll.com/health-and-life/Tattoo Takeover.html]. [5] Insee. Bilan démographique 2016; 2017 [https://www.insee. fr/fr/statistiques/1892086?sommaire=1912926]. [6] Beerman H, Lane RA. Tattoo; a survey of some of the literature concerning the medical complications of tattooing. Am J Med Sci 1954;227:444—64. [7] Rukstinat GJ. Tattoos: survey with special reference ot tattoos and scars as indicators of syphilis. Arch Pathol (Chic) 1941;31:640—55. [8] Kluger N, Bessis D, Raison-Peyron N, Guillot B. Tatouages permanents: de nouvelles complications au XXIe siècle. Presse Med 2006;35:1598—600. [9] Laux P, Tralau T, Tentschert J, Blume A, Al Dahouk S, Bäumler W, et al. A medical-toxicological view of tattooing. Lancet 2016;387:395—402. [10] Piccinini P, Pakalin S, Bianchi I, Senaldi C. Safety of tattoos and permanent make-up. Final report EUR 27947 EN; 10.2788/011817. [11] Klügl I, Hiller KA, Landthaler M, Bäumler W. Incidence of health problems associated with tattooed skin: a nation-wide survey in German-speaking countries. Dermatology 2010;221: 43—50. [12] Høgsberg T, Hutton Carlsen K, Serup J. High prevalence of minor symptoms in tattoos among a young population tattooed with carbon black and organic pigments. J Eur Acad Dermatol Venereol 2013;27:846—52.
Pour citer cet article : Kluger N, Descamps V. Une consultation « tatouages » en centre hospitalier universitaire, pour qui et pour quoi faire ? Ann Dermatol Venereol (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2017.07.006
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[13] Kluger N, Koljonen V, Blatière V. Les tatouages et la chirurgie dermatologique, plastique et viscérale. Ann Dermatol Venereol 2012;139:369—74. [14] Koljonen V, Kluger N. Specifically requesting surgical tattoo removal: are deep personal motivations involved? J Eur Acad Dermatol Venereol 2012;26:685—9. [15] Serup J, Sepehri M, Hutton Carlsen K. Classification of tattoo complications in a hospital material of 493 adverse events. Dermatology 2016;232:668—78.
b Consultation « tatouages », service de dermatologie, hôpital Bichat, assistance publique—hôpitaux de Paris, université Paris-VII-Denis-Diderot, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France ∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : nicolas.kluger@hus.fi (N. Kluger) evrier 2017 ; Rec ¸u le 18 f´ accepté le 21 juillet 2017
N. Kluger a,∗,b , V. Descamps b a
Departments of dermatology, allergology and venereology, university of Helsinki and Helsinki university central hospital, 00029 HUS, Finlande
Pour citer cet article : Kluger N, Descamps V. Une consultation « tatouages » en centre hospitalier universitaire, pour qui et pour quoi faire ? Ann Dermatol Venereol (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2017.07.006