Valeur diagnostique de l’hyperferritinémie et de la ferritine glycosylée dans la maladie de Still de l’adulte

Valeur diagnostique de l’hyperferritinémie et de la ferritine glycosylée dans la maladie de Still de l’adulte

C A S C L I N I Q U E © 2005, Masson, Paris Presse Med 2005; 34: 928-32 Valeur diagnostique de l’hyperferritinémie et de la ferritine glycosylée ...

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Presse Med 2005; 34: 928-32

Valeur diagnostique de l’hyperferritinémie et de la ferritine glycosylée dans la maladie de Still de l’adulte 3 observations

Service de médecine interne et rhumatologie, Hôpital de la Source, Centre hospitalier régional d’Orléans, Orléans (45)

Correspondance: Bachar Chahine, 19, rue Buzot, 27000 Évreux bacharchahine@hot mail.com Tél.: 0689960251

Reçu le 9 décembre 2004 Accepté le 3 juin 2005

Bachar Chahine François Luthier

Summary

Résumé

Value of hyperferritinemia and glycosylated ferritin in the diagnosis of adult-onset Still’s disease 3 case reports

Introduction Le diagnostic de la maladie de Still de l’adulte reste un diagnostic d’élimination. Les critères de Yamaguchi sont des éléments importants pour établir le diagnostic, après exclusion de toute pathologie infectieuse, hématologique, auto-immune, et néoplasique. Un taux très élevé de ferritine sérique associé à un pourcentage diminué de ferritine glycosylée sont des critères récemment proposés dans l’orientation diagnostique, voire comme marqueurs d’évolutivité de la maladie. Ce nouveau score a une spécificité plus élevée que les autres scores, y compris celui de Yamaguchi. Observations Nous rapportons 3 observations de patients, chacun ayant une ferritinémie très élevée dépassant 9000 µg/L et un taux de ferritine glycosylée inférieur à 20 %. Discussion Le diagnostic de la maladie de Still a été établi dans les 3 cas à la fois selon le score de Yamaguchi et selon le nouveau score. Une des patientes a répondu favorablement à un traitement par colchicine. Conclusion Les taux de ferritine et de ferritine glycosylée sont des marqueurs diagnostiques intéressants. Le nouveau score proposé par B. Fautrel et al. est important pour exclure les diagnostics différentiels.

Introduction The diagnosis of adult-onset Still’s disease currently requires application of Yamaguchi’s criteria and then exclusion of infectious, hematologic, autoimmune and neoplastic disorders. A recent article suggests that very high levels of serum ferritin together with an unusually low percentage of glycosylated ferritin may serve as diagnostic criteria or even as markers of disease progression. This new score has greater specificity than the other scores, including that of Yamaguchi. Cases We describe 3 new cases with very high ferritin levels (exceeding 9000 µg/L) and glycosylated ferritin levels lower than 20%. Discussion The diagnosis of Still’s disease was determined in all three cases by both Yamaguchi’s score and the new criteria. One patient responded well to treatment with colchicine. Conclusion Ferritin and glycosylated ferritin levels are interesting diagnostic markers. The new score suggested by Fautrel et al. is especially useful in that it does not require the exclusion of a list of differential diagnoses. B. Chahine, F. Luthier Presse Med 2005; 34: 928-32 © 2005, Masson, Paris

a présentation clinique de la maladie de Still de l’adulte est hétérogène. L’absence de signe pathognomonique de cette affection a fait établir des critères pertinents pour poser le diagnostic. Il a été récemment proposé, comme critère majeur d’orientation clinique, l’hyperferritinémie associée à la diminution importante de la fraction glycosylée de la ferritine, sans 1-3 nécessairement recourir aux critères d’exclusion . Les valeurs augmentées de la ferritine peuvent être liées à plusieurs groupes d’affections: les hémochromatoses, les néoplasies, les hépatopathies, la drépanocytose, les syndromes hémophagocytaires dont la maladie de

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Still . Ces élévations considérables de la ferritine sérique ont été rattachées à une hyperactivité histiocytaire, qui peut aboutir à un syndrome hémophagocy5-7 taire au cours d’une poussée évolutive de la maladie . La ferritine glycosylée est une isoforme de la ferritine, elle représente habituellement 50 % de la ferritine totale chez un sujet sain. Sa diminution importante peut différencier la maladie de Still des autres affections comportant une hyperferritinémie. Un taux de ferritine glycosylée inférieur à 20 % de la ferritine totale est évocateur d’une maladie de Still, un taux entre 20 et 40 % s’observe dans les autres groupes et dans les autres 23 juillet 2005 • tome 34 • n°13

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maladies de système, tandis que les valeurs normales se 4 situent entre 50 et 80 % . Nous décrivons 3 observations,établies comme étant des maladies de Still de l’adulte selon les critères de Yamaguchi, avec une hyperferritinémie associée à un taux bas de ferritine glycosylée.

Observations NUMÉRO 1 Une patiente de 20 ans, sans antécédent particulier, ni notion de voyage récent, a été adressée pour une fièvre évoluant depuis 3 mois,associée à une éruption cutanée fugace prurigineuse et à des polyarthralgies intermittentes siégeant dans les articulations interphalangiennes proximales, les poignets et les chevilles. Un mois plus tard, à cette symptomatologie s’associait une douleur pharyngée pour laquelle la patiente recevait un traitement par loratadine, amoxicilline et aspirine 3 g/jour, pendant 7 jours, améliorant les symptômes. Trois semaines après la fin du traitement, la même symptomatologie réapparaissait,s’atténuant sous cétirizine,paracétamol et prednisone 1 mg/kg/j pris pendant 5 jours. Deux semaines avant son admission,alors qu’elle n’avait plus de traitement,survenaient une fièvre à 39,5 °C sans frissons, avec éruption cutanée diffuse prurigineuse, myalgies,asthénie,toux sèche et pharyngite,ainsi qu’une arthrite de la cheville gauche et une polyarthralgie généralisée. L’examen clinique trouvait une température à 38,7 °C, des maculo-papules érythémateuses non prurigineuses diffuses sur l’ensemble du tronc, ainsi que des arthralgies diffuses, avec synovite de la cheville gauche. L’examen ORL trouvait un pharynx érythémateux et des adénopathies cervicales bilatérales.Le reste de l’examen clinique était normal. Sur le plan biologique, il y avait un syndrome inflammatoire important: hyperleucocytose à neutrophiles (leucocytes 18700/mm3, dont 16420 polynucléaires neutrophiles – PNN), hémoglobine (Hb) à 10,6 g/dL, fibrinogène à 6,72 g/L (N: 1,5-3,5), vitesse de sédimentation VS à 103 mm à la 1ère heure, protéine C réactive (CRP) à 220 mg/L (N: 0 à 5 mg/L), légère cytolyse hépatique: aspartate aminotransférases (ASAT) 52 UI/L (N: 0 à 40); alanine aminotransférases (ALAT) 42 UI/L, (N: 0 à 40), albuminémie 33 g/L (N: 35 à 44). Le taux de créatine phosphokinase (CPK) totale était à 4 UI/L, (N: 50 à 170) et celui de l’aldolase était à 10,3 µmol/L (N: 2 à 8). Les examens bactériologiques et sérologiques étaient normaux: examen cytobactériologique urinaire (ECBU), hémocultures,VIH, borréliose, virus Epstein Barr (EBV), cytomégalovirus (CMV), parvovirus B19. L’antigène HBs était négatif, le titre des anticorps Ac anti-HBs était à 98 UI/L, les Ac anti-HBc étaient négatifs (vaccination préa23 juillet 2005 • tome 34 • n°13

lable connue). Le bilan d’auto-immunité (facteurs antinucléaires, anticorps anticytoplasme de polynucléaires – ANCA –, facteurs rhumatoïdes) était négatif, de même que l’HLA-B27. L’enzyme de conversion était peu élevée: 58 UI/L, pour une normale inférieure à 52. La radiographie thoracique montrait un hile gauche augmenté de volume sans autre anomalie pleuro-parenchymateuse ou médiastinale. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien était normal, notamment pas d’adénopathie médiastinale. L’échocardiographie transthoracique était normale, pas de signe d’endocardite.Au cours de la surveillance dans le service, nous avons constaté une fièvre oscillante entre 38,5 °C et 39,5 °C avec des pics thermiques le soir allant jusqu`à 40,1 °C. Les hémocultures sont restées négatives. Les éléments du nouveau score étaient dosés: ferritinémie à 9700 µg/L (N: 6 à 120) et ferritine glycosylée à 16 %. Le diagnostic de la maladie de Still était alors retenu. La corticothérapie était débutée au 8e jour de l’admission, par un bolus de 250 mg de méthylprednisolone.Vingt-quatre heures plus tard, la symptomatologie avait complètement disparu: apyrexie, disparition de l’arthrite de la cheville, de l’éruption et de la douleur pharyngée, la VS descendait à 90 mm, la CRP à 132 mg/L. La patiente est sortie sous prednisone 1 mg/kg/j. Elle était revue 2 semaines plus tard, elle ne signalait aucune symptomatologie, les adénopathies avaient disparu. Il persistait encore des stigmates biologiques,moins intenses:hyperleucocytose à 17000/mm3, syndrome inflammatoire (VS à 40 mm, CRP à 22 mg/L, haptoglobine 2,5 g/L),hyperferritinémie à 4107 µg/L,ferritine glycosylée encore à 16 %.Au quatrième mois,la ferritinémie avait chuté à 1097 µg/L, la VS à 15 mm et la CRP à 4 mg/L. La corticothérapie était ramenée à 0,5 mg/kg/j.Au 8e mois, les signes biologiques s’amélioraient encore : ferritinémie 42 µg/L, VS 5 mm, CRP 4 mg/L,ASAT 18 UI/L,ALAT 57 UI/L. La patiente était en rémission clinique,elle avait repris son travail,la corticothérapie était diminuée à la dose d’entretien de 10 mg/j. Dix-huit mois plus tard, nous relevions : ferritinémie 101 µg/L,VS 5 mm, CRP à 1 mg/L. La diminution progressive de prednisone était poursuivie, en l’absence de symptômes cliniques et biologiques.Il n’a pas été nécessaire de recourir aux immunodépresseurs.

NUMÉRO 2 Une patiente de 21 ans,originaire du Rwanda,en France depuis 6 ans, a été adressée pour poly-arthralgie, polyadénopathie et fièvre prolongée.Trois mois auparavant, elle avait consulté pour adénopathies axillaires gauches, puis droites, cervicales et inguinales, persistantes depuis 1 mois, sans fièvre. Une biopsie ganglionnaire avait trouvé une lymphadénite réactionnelle avec hyperplasie lymphoïde, sans inflammation granulomateuse ni nécroLa Presse Médicale - 929

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sante, ni lésion tumorale. Un mois plus tard, à cette adénopathie généralisée s’associait une polyarthralgie prédominant aux poignets et aux genoux, répondant peu aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), sans fièvre, ni asthénie. La fièvre était apparue 1 mois après les arthralgies, elle oscillait entre 38,5 et 39 °C. S’y associaient une éruption cutanée intermittente, papuleuse, non prurigineuse, ainsi qu’une asthénie et une pharyngite. À son admission, nous retrouvions l’asthénie et la polyadénopathie. Nous ne notions ni synovite ni éruption. Le bilan biologique montrait un syndrome inflammatoire (hyperleucocytose à 16500/mm3,dont 11200 de PNN, anémie normocytaire Hb à 9,5 g/dL, CRP à 53 mg/L,VS à 50 mm, haptoglobine à 4,3 g/L), et une cytolyse hépatique avec ASAT à 586 UI/L,ALAT 379 UI/L, sans cholestase (bilirubine totale 8 mmol/L, phosphatases alcalines 59 UI,gamma glutamyl transpeptidases 55 UI), aldolase 34 µmol/L, CPK totale 150 UI/L. Le bilan d’auto-immunité était négatif. L’enquête infectieuse (ECBU,hémocultures,sérologies bactériennes et virales) était aussi négative.Pour l’hépatite B,nous observions un profil de vaccination préalable, comme en attestait l’interrogatoire. L’échocardiographie transthoracique ne montrait pas de valvulopathie, le péricarde était normal. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien ne révélait pas d’adénopathies profondes. La ferritinémie était dosée à 16605 µg/L, la ferritine glycosylée était inférieure à 5 %.Durant l’hospitalisation,des pics fébriles avaient été constatés, surtout le soir, sans éruption cutanée,associés à des arthralgies prédominant aux genoux,aux poignets,et aux chevilles.Le diagnostic de la maladie de Still a été établi. La patiente recevait 3 bolus de 250 mg de méthylprednisolone, atténuant la symptomatologie rapidement.Elle a quitté l’hôpital sous 1 mg/kg/j de prednisone. Elle a été revue 1 mois plus tard, avec des arthralgies ayant récidivé et un syndrome inflammatoire persistant (VS 79 mm, CRP 58 mg/L), une légère cytolyse hépatique (ASAT 35 UI/L,ALAT 57 UI/L), et une ferritinémie à 11813 µg/L. La corticothérapie a été augmentée à 2 mg/kg/j.Un mois plus tard,la patiente gardait des arthralgies des genoux; la biologie indiquait: VS 35 mm,CRP 18 mg/L,ALAT 64 UI/L,ASAT 32 UI/L,ferritinémie 333,5 µg/L. Après 4 mois de corticothérapie, la persistance de la symptomatologie articulaire conduisait à introduire du méthotrexate à la posologie 10 mg par semaine, après une ponction-biopsie hépatique mettant en évidence une discrète fibrose péri-centrolobulaire et péri-sinusoïdale. Parallèlement, la corticothérapie était progressivement diminuée.Après 2 mois de traitement par méthotrexate, soit à 6 mois du diagnostic, la patiente se plaignait de douleurs polyarticulaires invalidantes, sans fièvre, sans éruption, elle avait repris ses études. La sur930 - La Presse Médicale

veillance biologique montrait:ALAT 107 UI/L,ASAT 63 UI/L,VS 12 mm, CRP 0 mg/L, leucocytes 17900/mm3, Hb 11,8 g/dL, ferritinémie 4 µg/L. Le bilan d’auto-immunité (dont facteurs rhumatoïdes) est resté négatif. L’apparition d’une cytolyse hépatique et la persistance des manifestations articulaires conduisaient à arrêter le méthotrexate, et à recourir à l’infliximab à la posologie de 3 mg/kg en maintenant la corticothérapie à 15 mg/jour. Le syndrome inflammatoire persistait (VS 67 mm, CRP 49 mg/L), mais la ferritinémie était strictement normale à 62,5 µg/L.

NUMÉRO 3 Une patiente de 28 ans, originaire d’Algérie, sans antécédents particuliers, a été adressée pour fièvre à 3940 °C évoluant depuis 2 semaines, associée à des myalgies, une asthénie, une douleur pharyngée et une polyarthralgie. L’examen clinique trouvait une fièvre à 39,5 °C, une éruption cutanée maculo-papuleuse de l’avant-bras gauche, une diminution du murmure vésiculaire aux 2 bases pulmonaires avec des râles crépitants, absence d’adénopathies, examen ORL sans particularité. Pendant l’hospitalisation la fièvre se présentait comme étant de type hectique avec des pics plus élevés le soir. Sur le plan biologique, nous relevions une hyperleucocytose à 18700/mm3 dont 17000 PNN, une VS à 55 mm, une CRP à 530 mg/L, Hb à 13 g/dL, une cytolyse hépatique (ASAT 85 UI/L, ALAT 52 UI/L), des CPK totales à 124 UI/L, albuminémie à 21 g/L. Le bilan bactériologique était négatif (ECBU, hémocultures, sérologies bactériennes. La recherche d’ADN de Tropherima whippelii sur une biopsie duodénale était négative, de même que la recherche de bacilles alcooloacido-résistants dans les tubages gastriques. Le bilan virologique était lui aussi négatif: sérologie VIH, hépatites A, C, E, avec Ag HBs négatif et Ac anti-HBs à 89 UI/L, anticorps anti-HBc négatifs (antécédent connu de vaccination), CMV, EBV, myxovirus A et B, hantavirus, parvovirus B19. Le bilan auto-immun était négatif: facteurs anti-nucléaires, facteurs rhumatoïdes,Ac anti-ADN natif. La radiographie thoracique montrait un syndrome alvéolaire bilatéral au niveau des bases, associé à un épanchement pleural bilatéral prédominant à gauche. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien montrait, outre l’épanchement pleural avec comblement alvéolaire en regard, un épanchement péricardique modéré, une hépatomégalie modérée, l’absence d’adénopathies. La fibroscopie bronchique et l’aspiration bronchique étaient normales. La thoracoscopie était normale, de même que les biopsies pleurales et péricardiques. Entre-temps, la patiente a été mise sous prednisone 1 mg/kg/j pendant 2 semaines. L’inefficacité de la corticothérapie avait conduit à remplacer la prednisone 23 juillet 2005 • tome 34 • n°13

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par la colchicine 2 mg/j dans l’hypothèse d’une maladie périodique. Le dosage de la ferritinémie a été fait a posteriori, il était à 33989 µg/L, la ferritine glycosylée était inférieure à 5 %. Une semaine après l’introduction de la colchicine, la patiente était devenue cliniquement asymptomatique. Il persistait les stigmates biologiques suivants : VS à 6 mm, CRP à 6 mg/L, leucocytes à 11 000/mm3. La cytolyse hépatique s’était aggravée (ASAT à 143 UI/L,ALAT 164 UI/L). Cette aggravation a entraîné l’arrêt de la colchicine après un mois de traitement, ce d’autant plus que les symptômes cliniques et le syndrome inflammatoire biologique avaient disparu. Le diagnostic de maladie de Still a été retenu a posteriori et aucun traitement corticoïde ni immunosuppresseur n’a été prescrit.Au 6e mois après l’arrêt de la colchicine, la patiente a repris son travail; elle était toujours asymptomatique. Les leucocytes étaient à 4900/mm3, la VS à 3 mm, la CRP à 1 mg/L, ASAT à 18 UI/L et ALAT à 17 UI/L. La ferritinémie avait diminué à 30 µg/L et la ferritine glycosylée avait réaugmenté à 50 %.

Discussion

culaire chronique, sur laquelle viennent parfois se greffer des poussées systémiques (cas n° 2) ; c’est dans cette forme qu’on peut observer des destructions articulaires, plus particulièrement aux hanches et aux 10 genoux et qu’un traitement par infliximab a été 11 récemment proposé . Le suivi médical prolongé dans les 3 cas confirme l’impression clinique du diagnostic. Six séries de critères de classification ont été proposés, mais ceci nécessite d’avoir préalablement éliminé les critères d’exclusion.Aucune n’a été démontrée comme étant l’“étalon or”; en conséquence, le diagnostic de la 12 maladie de Still reste clinique . Le score de Yamagu13 chi est le plus utilisé, car il a une sensibilité de 96,2 % 3 et une spécificité de 92,1 % . Il nécessite la présence d’au moins 4 critères majeurs, ou 3 critères majeurs et 3 mineurs, à condition d’éliminer les critères d’exclusion. Dans nos 3 cas, le diagnostic a été établi après élimination des critères d’exclusion: le bilan infectieux, bactérien et viral, le bilan d’auto-immunité, les enzymes musculaires, le bilan d’hémopathie, la recherche d’une néoplasie, sont tous négatifs. Récemment, un nouveau score a été proposé par B. Fautrel et al. de l’équipe de rhumatologie de la Pitié-Salpê3 trière à Paris , rapporté au tableau 1. Ce score ne nécessite pas les critères d’exclusion; il a une sensibilité de 80,6 % et une spécificité atteignant 98,5 %,plus élevée que 3 celles du score de Yamaguchi . Le taux très élevé de ferritinémie manque de spécificité, alors que le taux effondré de la ferritine glycosylée est plus spécifique,ce qui en fait un critère majeur pour orienter le diagnostic.Avec ce critère,le diagnostic est conforté rétrospectivement,surtout si aucune pathologie infectieuse ou néoplasique sousjacente ne s’est déclarée.Ce nouveau score est intéressant pour étayer le diagnostic en pratique clinique,mais le nouveau critère majeur (ferritine glycosylée < 20 %) n’est pas à lui seul pathognomonique de la maladie de Still de l’adulte.

L’absence de test spécifique et de manifestations cliniques caractéristiques de la maladie de Still, sa faible incidence, la variété de sa présentation clinique rendent 2,9 le diagnostic difficile en pratique clinique . C’est une affection intéressant essentiellement l’adulte jeune, 9 entre 16 et 35 ans chez environ 70 % des patients , aussi fréquente chez la femme que chez l’homme, sans distinction géographique. La triade classique associant une fièvre élevée, des manifestations articulaires, une éruption cutanée évanescente est inconstante. Cette triade a été constatée chez ces 3 patients. L’éruption est typiquement un exanthème maculo-papuleux rose non prurigineux concomitant des pics fébriles, mais il peut être persistant et indépendant de la fièvre chez 1 patient sur 3. La symptomatologie revêt 3 formes évolutives, intéressant Tableau 1 chacune approximativement un tiers 10 Nouveau score de diagnostic proposé dans la maladie de Still des patients . Dans la première de l’adulte forme, la maladie se résume à une seule poussée, articulaire et systéCritères majeurs Critères mineurs mique (cas n° 1 et 3). Dans la Fièvre hectique > 39 °C Éruption maculo-papuleuse seconde, la maladie évolue par pousArthralgies Leucocytes > 10000/mm3 sées successives articulaires ou systéÉrythème fugace miques, entrecoupées de périodes de Pharyngite rémission plus ou moins prolongées; Granulocytes neutrophiles > 80 % le nombre et la sévérité des poussées Ferritine glycosylée < 20 % sont extrêmement variables et les périodes de rémission peuvent durer au moins 4 critères majeurs ou plusieurs années. La dernière forme 3 critères majeurs + 2 critères mineurs évolutive est celle d’une maladie arti23 juillet 2005 • tome 34 • n°13

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Notre 3e observation soulève la question d’une éventuelle maladie périodique. L’origine méditerranéenne de la patiente et l’atteinte des séreuses sont en faveur de cette hypothèse, mais la présentation clinique et biologique plaident plus en faveur d’une maladie de Still. Il serait intéressant de connaître les valeurs de la ferritine glycosylée au cours de la maladie périodique en poussée. Cette patiente a bien répondu à la colchicine. Cette dernière a une efficacité inconstante dans la maladie de Still, tout comme les AINS qui ne sont suf9 fisants que dans 20 % des cas .

Conclusion La maladie de Still est de diagnostic difficile,en raison de l’absence de critères pathognomoniques et de la variété des signes cliniques.Le nouveau score de diagnostic,proposé par Fautrel et al., apparaît comme un élément important du diagnostic, plus spécifique que le score classique de Yamaguchi,et il a bien été observé chez chacun de nos patients.Notre troisième observation montre les difficultés diagnostiques et l’hétérogénéité des réponses à des thérapeutiques diverses. ■

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Brève

Quand la douleur se développe au paradis

© BSIP/Ingram

L a quête du bien-être peut conduire certains vers un ailleurs mythique, une sorte de terre promise sans souffrance, dont la seule évocation du nom invite au rêve du paradis, à savoir Tahiti. Mais derrrière les apparats joyeux du début de séjour, nombre d’européens réalisent que le paradis n’était pas pour eux à Tahiti. C’est alors qu’à défaut de pouvoir exprimer un mal-être commun à tous les expatriés, nommé communément mal du pays ou nostalgie, ces européens installés en Polynésie développent au fil de leur séjour une symptomatologie douloureuse chronique diverse comprenant lombalgies ou lombosciatalgies, tendinopathies, migraines, colopathie fonctionnelle (Douleurs 2005; 6: 97-101). C’est ce qu’illustre une étude ayant consisté à suivre, sur une durée comprise entre 3 mois et 2 ans, 21 patients douloureux chroniques originaires de métropole et expatriés en Polynésie. Ce suivi par une équipe de thérapeutes formés à cette prise en charge a révélé, pour 19 patients sur 21, des difficultés d’adaptation liées à l’environnement, à l’éloignement, au décalage culturel, à la désillusion, laquelle est suivie de rancune et de rejet envers les îles et leurs habitants. Ces patients ont d’autant plus de mal à exprimer leurs difficultés qu’ils sont persuadés d’avoir rejoint “le paradis“, loin d’un environnement quotidien jugé hostile, de liens familiaux et sociaux qui finalement leur manquent. S’il est aisé de partir, c’est une toute autre histoire que d’arriver. ■ Philippe Letonturier 932 - La Presse Médicale

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