Y a-t-il un lien entre hypnotisabilité et psychopathologie ?

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Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 127–131 http://france.elsevier.com/direct/AMEPSY/ Mémoire original Y a-t-il un lien entre hypnotisabilité e...

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Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 127–131 http://france.elsevier.com/direct/AMEPSY/

Mémoire original

Y a-t-il un lien entre hypnotisabilité et psychopathologie ? Is there a relationship between hypnotisability and Psychopathology? M.-C. Gay Université Paris 10 Nanterre, Département de Psychologie, Laboratoire des Faits Culturels, 200, avenue de la République, 92001 Nanterre cedex, France Reçu le 2 février 2004 ; accepté le 29 février 2004 Disponible sur internet le 09 mars 2005

Résumé Janet et Charcot ont tous deux considéré l’hypnose comme étant un indicateur psychopathologique, général chez Janet, spécifique à l’hystérie pour Charcot. Si l’hypnotisabilité est actuellement considérée comme étant une caractéristique normale de la personnalité, la question de savoir pourquoi les hystériques hospitalisées à la Salpêtrière étaient particulièrement hypnotisables s’est éteinte pendant près d’un siècle du fait du discrédit porté sur Charcot, pour se reposer dans les années 1980, au décours des travaux sur les caractéristiques des personnalités très hypnotisables. Il existe en fait un lien indirect entre l’hypnose et les troubles psychopathologiques de type hystérique, lien qui passe par un biais commun : la fantaisie. La caractéristique commune des personnes très hypnotisables et de celles présentant des troubles psychopathologiques est en effet l’usage de leur imagination, utilisée par les uns pour répondre à des suggestions hypnotiques, par les autres pour produire des troubles et, si la présence d’un trouble de type hystérique ou de personnalité multiple rend très probable l’existence d’une réponse hypnotique élevée, du fait de la mobilisation de mécanismes liés à l’imagination, l’inverse n’est pas vrai : la majeure partie des sujets très imaginatifs et très hypnotisables ne présentent aucun trouble psychologique. Le fait que Charcot et Janet aient considéré l’hypnotisabilité comme un phénomène pathologique en soi s’explique donc vraisemblablement de par leur clientèle, composée exclusivement de patients présentant des troubles psychiques, et notamment des hystéries graves, population qui représente le versant pathologique d’une population plus générale s’inscrivant dans un cadre normatif sur le plan de la réponse à l’hypnose. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract Janet and Charcot both regarded hypnotic states as an indicator of psychopathology – either a general indicator (Janet) or an indicator of hysteria in particular (Charcot). If susceptibility to hypnosis is currently viewed as a normal disposition, the question why patients with hysteria who were hospitalised at the Salpêtrière were so easy to hypnotise was ignored for almost a century on account of Charcot’s discreditation, to be resuscitated in the 1980s in the course of investigations on the characteristics of very easily hypnotisable persons. Personalities of this type exhibit a non-pathological syndrome characterised by a reliance on fantasy, which manifests itself in the major role played by the imaginary in their daily lives. Such people inhabit a world in which fantasy and the imagination occupy a central place, and notably tend to compensate for their often unsatisfying affective lives and disappointments by constructing a parallel world. They are also markedly prone to acquiring psychosomatic disorders, which are largely the product of their imagination.The origins of the very easily hypnotisable personality lie in childhood, and take root in one of two ways. The first involves the very early familiarisation of the child with games requiring an exercise of the imagination, as a result of a parent encouraging this type of activity. The second is characterised by a defensive reaction against a hostile environment, commonly involving childhood abuse, where the child resorts to flights of fantasy as the only means of escaping from his powerlessness. These studies therefore tend to indicate that there is an indirect link between hypnosis and psychopathological troubles of a hysterical nature, which rests on a common feature : fantasy. The shared characteristic of the very easily hypnotisable personality and persons presenting psychopathological problems would be their exercise of the imagination, which the former rely on in responding to hypnotic suggestion, the latter in producing pathological symptoms. If the presence of problems of a hysterical type or of multiple personality syndrome very likely signifies a high susceptibility to hypnosis, the inverse does not hold: The majority of highly imaginative and very easily

Adresse e-mail : [email protected] (M.-C. Gay). 0003-4487/$ - see front matter © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.amp.2004.02.011

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hypnotisable subjects do not exhibit any psychological problems. The fact that Charcot and Janet regarded susceptibility to hypnosis as a pathological phenomenon is therefore apparently explained by the nature of their clientele, which consisted exclusively of patients with psychological problems, notably cases of major hysteria. This population proved to be particularly easy to hypnotize and represented the pathological facet of a wider, pathologically normal population. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Mots clés : Charcot ; Hypnose ; Hystérie ; Janet ; Psychopathologie Keywords: Charcot; Hypnosis; Hysteria; Janet; Psychopathology

1. Introduction À la fin du XIXe siècle, Charcot tout comme Janet ont associé l’hypnose à des phénomènes psychopathologiques. Pour des raisons différentes. Pour Charcot, l’hypnotisabilité était un symptôme de l’hystérie, dans la mesure où elle en mimait les symptômes (Charcot, 1890) [4]. Pour Janet, l’hypnotisabilité est un indice plus général de psychopathologie, qu’il interprète comme une tendance à la dissociation des fonctions psychiques supérieures, induisant l’émergence de phénomènes automatiques (Janet, 1889) [12]. L’association de l’hypnose et de la psychopathologie a été battue en brèche par la théorie de Bernheim (1916) [1] pour qui la suggestibilité était une capacité commune, ce qui depuis a été vérifié dans de nombreuses études, puisque 90 % de la population est hypnotisable, à des degrés divers (Council, 1999) [5]. La question d’un lien établi par l’école de la Salpêtrière entre l’hypnose et la psychopathologie a ainsi purement et simplement disparu. Pourtant, rétrospectivement, les patientes de Charcot étaient en réalité particulièrement hypnotisables, plus que la moyenne de la population si l’on considère les performances qu’elles accomplissaient sous hypnose et les amnésies spontanées qui suivaient les séances d’hypnose, bien que le motif de leur hospitalisation n’ait pas de lien avec l’hypnose. Si la question de la relation entre hypnose et psychopathologie s’est éteinte dans le sillage du discrédit de Charcot et du désintérêt pour l’hypnose, elle s’est posée à nouveau dans les années 1980 en Amérique du Nord, au décours des recherches sur les caractéristiques de personnalité des sujets très hypnotisables. Ces recherches mettent en évidence un type de personnalité spécifique, caractérisé par une imagination hors du commun et qui est susceptible d’être associée, dans certains cas et de façon indirecte, à des troubles psychopathologiques.

2. Implication dans l’imaginaire et réponse hypnotique S’il est impossible actuellement de trancher sur le fait que la réponse hypnotique se situe entre engagement stratégique de l’attention et réponse automatique (Sarbin, 1972 [23] ; Hilgard, 1977 [8]), en revanche l’implication des facteurs d’imagerie et de l’imaginaire a pu être démontrée dans la réponse

aux suggestions effectuées sous hypnose (pour une synthèse, voir Council, 1999) [5]. Plusieurs études (Shor, 1960 [24]; Hilgard, 1974 [10], 1979 [9] ; Rhue et Lynn, 1986 [14], 1989 [20] ; Wilson et Barber, 1983 [27]), portant sur des personnes très hypnotisables, permettent d’identifier un profil de personnalité particulier : la personnalité encline à la fantaisie (Fantasy Prone Personality, Wilson et Barber, 1983), qui consiste en un syndrome non pathologique, se définissant comme une constellation adaptative de traits et d’habiletés qui, en temps de difficulté émotionnelle, aurait une fonction compensatrice. Ces personnes présentent une histoire particulière, où l’imaginaire tient une place prépondérante. Leur enfance se caractérise en effet par : • l’importance des jeux fondés sur la croyance, qui dépassent le faire-semblant, dans la mesure où poupées, ours, etc. étaient considérés comme des êtres vivants dotés de personnalités nettement différenciées ; • la croyance en l’existence réelle de monstres, elfes et autres personnages surnaturels ; • très jeunes, l’écoute de récits ou la lecture d’histoires qui stimulent l’imagination ; • d’autre part, depuis leur plus tendre enfance, ces sujets sont profondément sensibles aux expériences sensorielles (souvenirs olfactifs, tactiles et auditifs particulièrement intenses) ; • ils mentionnent des souvenirs très précoces, semblant témoigner d’une mémoire vive des premières années de leur vie. Cependant, la crédibilité des souvenirs est soumise à caution, du fait qu’il n’y a pas de moyen de contrôle de l’exactitude du souvenir et du fait de la tendance de ces sujets à la fantaisie1. À l’âge adulte, ils continuent à vivre dans un monde de fantaisie et considèrent que le rêve éveillé, l’imagination et la fantaisie occupent une place centrale dans leur vie. Ils compensent notamment une vie affective souvent peu satisfaisante et leurs déceptions en développant une vie parallèle, et possèdent, entre autre, une imagination sexuelle très développée. En vieillissant, ils n’ont donc pas cessé de rêver, mais 1

Ainsi, Malinoski, en 1999 [16], montre la sensibilité de la mémoire autobiographique à la suggestion et à la désirabilité sociale. Ainsi, sur un échantillon de 133 étudiants, la moyenne d’âge du premier souvenir évoqué spontanément est de 3,7 ans. Lorsque l’on incite fortement les sujets à se rappeler, ils obtiennent une moyenne de 1,6 an pour le premier souvenir, avec 33 % avant un an. Les résultats sont corrélés avec la susceptibilité hypnotique.

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ont cessé d’en parler. Ils ne sont par ailleurs généralement pas conscients d’avoir une personnalité particulière, qu’ils considèrent comme étant une dimension commune à tous les individus. De même, le fait qu’ils aient un imaginaire très développé ne peut être détecté à première vue et rien ne les distingue des gens ordinaires. De façon générale, ils se créent donc un monde imaginaire, qui a pour eux autant de réalité que le monde réel, et ce mode de fonctionnement peut être considéré comme une variante de la normale. Ces sujets disent avoir des talents particuliers : • ils auraient la capacité d’halluciner des objets et expérimentent leurs fantaisies comme étant aussi réelles que la réalité, avec des images hypnagogiques ; • ils posséderaient des talents de guérisseurs et relatent des expériences paranormales, telles la télépathie, la prémonition ou la décorporisation (out-of-the-body experiences), ce qui avait déjà été repéré par Faria au début du XIXe siècle. L’intérêt de ces sujets pour ce type d’expériences ainsi que leur caractère non pathologique ont été confirmés à plusieurs reprises, aux États-Unis mais également en Australie (Nadon, Laurence et Perry 1987 [17] ; Spanos, 1988 [25] ; Council & Huff, 1990 [6] ; Irvin, 1991 [11])2 ; • de même, ils perçoivent et sont influencés par des informations présentées si brièvement qu’elles sont pour les autres à peine perceptibles, ce qui relève d’une plus grande automaticité perceptuelle ; • les fantaisies vives et les souvenirs sont associés à des réactions physiologiques ou somatiques, témoignant d’une grande labilité psychosomatique : 70 % relatent des maladies ou symptômes physiques en relation avec leur imagination (intoxications alimentaires suite à l’impression d’avoir ingéré de la nourriture avariée, accompagnée de maux de tête, vomissements, nausées, inflammations...). Ces phénomènes somatiques apparaissent également dans certains types de situations récurrentes ou suite à l’implication excessive dans des récits ou films, dans lesquels ils s’identifient à un ou plusieurs personnages. Soixante pour cent des femmes relatent la survenue de grossesses nerveuses, avec aménorrhée, vomissements matinaux, modification du buste, mouvements du fœtus. Ces fausses grossesses s’achèvent après l’obtention de résultats négatifs au test de grossesse. Pour compléter le profil, et plus prosaïquement, ces sujets sont : • plus facilement absorbés dans les expériences quotidiennes (Shor, 1960 [7] ; Tellegen et Atkinson, 1974 [26]) ; • plus facilement en retard aux rendez-vous : ils oublient le temps, se trompent de jour. L’absorption et la ponctualité sont corrélées (Evans, 1991 [7]) et toutes deux corrélées à la susceptibilité hypnotique. 2 Cependant, il s’avère que ces sujets surestiment leurs capacités en matière de clairvoyance, leurs résultats à des tâches de divination étant similaires à ceux obtenus par une population tout-venant (Rhue & Lynn, 1992) [14].

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Les différences individuelles liées au plaisir de se plonger dans l’imaginaire et la croyance en la magie et au surnaturel sont repérables chez les enfants à partir de l’âge de quatre ans, et ces caractéristiques influencent la réponse hypnotique dès l’âge de six ans (Le Baron, Zelber & Fanurik, 1985 [13]). Les caractéristiques de ces sujets sont en contraste très marqué avec la basse fréquence des expériences de ce type relevées chez les sujets moins hypnotisables du groupe contrôle et révèlent une suggestibilité très importante, non seulement sous hypnose mais également en état de veille, du fait notamment de leur automaticité perceptuelle. Ces excellents sujets hypnotiques présentent donc un trait de personnalité commun, caractérisé par une capacité à se plonger dans un mode de fantaisie et un recours à la fantaisie très développé, qui se manifeste dès l’enfance. Ces personnes sont adaptées, tout en présentant des signes de processus de pensée plus régressifs ou primitifs, ainsi que des manifestations associées à des symptômes hystériques, concomitants physiologiques d’une imagination très développée (Wilson et Barber, 1983 [27]). J. Hilgard, (1979 [9]) à l’issue de ses précédents travaux, pose l’hypothèse, suivie par Rhue et Lynn (1987 [21], 1992 [14]) que cette capacité à s’engager dans l’imaginaire peut être développée par différents biais, soit par la participation active de l’un des parents ou d’un adulte signifiant dans des activités imaginatives, soit comme mécanisme de défense face à un environnement hostile. Dans le cadre de l’hypnose, plusieurs études appuient l’hypothèse défensive, permettant d’effectuer un lien indirect entre engagement dans l’imaginaire, hypnotisabilité et psychopathologie. 3. Défense par l’imaginaire et maltraitance infantile À partir de leurs travaux relatifs à l’enfance des sujets particulièrement doués sur le plan de la fantaisie et très hypnotisables, Lynn et Rhue suggèrent que certains troubles mentaux peuvent se développer sur la base d’une telle personnalité encline à la fantaisie. Bien que la majorité (75 à 80 %) de leurs échantillons ne présentent aucun trouble pathologique, ils retrouvent tout de même entre 20 et 35 % de personnes enclines à la fantaisie qui présentent des profils pathologiques (1986 [15], 1989 [20], 1992 [14], 1997 [19]). Ces profils pathologiques sont associés à une histoire de maltraitance infantile qui se caractérise par un sentiment de solitude et d’isolement important ainsi que par la fréquence des punitions, et parfois de maltraitance physique grave (fractures, brûlures volontaires, etc.), ce qui est en contraste avec les sujets moins enclins à l’imagination, lesquels relatent moins fréquemment ce type de vécu. Ils sont retrouvées dans l’étude de Pekala (2001) [18]. Ces études rapportent toutes des antécédents de maltraitance infantile, d’expériences traumatiques et d’abus sexuels chez une partie des excellents sujets hypnotiques. Les troubles relevés sont de type paranoïde, hystérique, personnalités multiples ou états limite (Lynn et Rhue, 1997 [19] ; Bowers, 1991 [3]).

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Le fait que les personnes présentant des troubles hystériques ou/et de personnalités multiples soient très hypnotisables a été vérifié depuis. Ainsi, dans une étude portant sur l’hystérie sévère (syndrome de Briquet), Bliss (1984) [2] montre que les symptômes hystériques sont associés à une capacité hypnotique très élevée dans la plupart des cas : sur 33 femmes examinées présentant des troubles importants et multiples de conversion, 82 % s’avèrent être d’excellents sujets hypnotiques, avec une moyenne de 9.5 sur 12 à la SHSS : C contre 6.6 pour le groupe témoin. Un tableau de personnalité multiple, tel que décrit au DSM-III, est associé aux symptômes hystériques chez 42 % des sujets de l’échantillon [2]. En 2002, Roelofs [22], partant des similarités entre phénomènes hypnotiques et des symptômes de conversion, confirme cette tendance en montrant que la susceptibilité hypnotique de 50 patients consultant pour troubles de conversion est supérieure à celle de patients contrôles consultant pour d’autres troubles psychologiques. De façon intéressante, l’étude montre que l’étendue des conversions est en relation avec le degré d’hypnotisabilité : plus ils sont hypnotisables, plus les troubles de conversion sont importants. Les personnes présentant un syndrome de personnalité multiple obtiennent des scores élevés aux échelles de susceptibilité hypnotique (Bliss, 1984 [2]). Sur les 32 sujets de son échantillon (20 femmes et 12 hommes), 28 sujets obtiennent un score moyen de 10.1 sur 12 à la SHSS : C, ce qui les classe parmi les virtuoses hypnotiques. L’hypothèse serait que ces personnes utiliseraient l’imaginaire comme moyen de gérer les peurs dans l’enfance, dans des situations où il n’y avait pas d’échappatoire possible, telles que des abus physiques et psychologiques. Ainsi, elles auraient une tendance chronique à se plonger dans l’imaginaire comme substitut à l’expression de la colère et la rage, ce qui pourrait expliquer leurs difficultés à différencier la réalité et l’imaginaire. Il existe donc bien un lien entre les pathologies rencontrées à la Salpêtrière (notamment hystériques) et l’hypnotisabilité. Ce lien s’établit sur la base de l’utilisation d’une même compétence, l’imagination, qui sous-tend la réponse involontaire aux suggestions mais qui est susceptible par ailleurs d’être utilisée comme défense primaire face à un environnement hostile. Ainsi, si le fait d’être un excellent sujet hypnotique n’implique pas de désordres sur le plan de la personnalité et n’a rien de pathologique dans la plupart des cas, on retrouve cependant des troubles psychopathologiques parmi les excellents sujets hypnotiques.

gies psychiques, ce qui s’explique si l’on considère que cette capacité s’est initialement développée chez eux en terme de défense face à un environnement hostile. Ces pathologies se caractérisent notamment par la création de personnalités multiples ou de symptômes de type hystérique 3. Si l’imaginaire est susceptible de générer des troubles de type hystérique, la réponse hypnotique quant à elle est largement déterminée par la capacité à utiliser son imaginaire pour répondre aux suggestions, et les sujets très enclins à la fantaisie obtiennent des résultats largement supérieurs aux autres. La majeure partie de ces sujets très imaginatifs ne présentent aucun trouble psychologique. On voit ainsi que le lien entre hypnotisabilité et psychopathologie passe par la convergence des voies de l’imaginaire, mais que les deux entités ne peuvent se substituer l’une à l’autre : si la présence d’un trouble de type hystérique ou de personnalité multiple rend très probable l’existence d’une réponse hypnotique élevée, du fait de la mobilisation de mécanismes liés à l’imagination, l’inverse n’est pas vrai, fort heureusement. Le fait que Charcot et Janet aient considéré l’hypnotisabilité comme un phénomène pathologique en soi s’explique donc vraisemblablement de par leur clientèle, composée exclusivement de patients présentant des troubles psychiques, et notamment des hystéries graves, population qui représente le versant pathologique d’une population plus générale s’inscrivant dans un cadre normatif sur le plan de la réponse à l’hypnose.

Pour en savoir plus [1] [2]

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4. Conclusion Il existe bien un lien entre hypnotisabilité et psychopathologie, mais indirect et plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. En effet, une partie des sujets particulièrement doués sur le plan imaginaire est susceptible de développer des patholo-

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Les troubles de conversion et de division de la personnalité, impliquant tous deux une dualité interne, se retrouvent associés, la question étant également de savoir si ces deux entités sont distinctes, ayant pour point commun une plasticité somato-psychique très élevée, ou si la personnalité multiple n’est qu’un avatar voire un remplaçant de l’entité « hystérie », aujourd’hui disparue des classifications internationales.

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