À propos de la dermatologie de liaison

À propos de la dermatologie de liaison

Ann Dermatol Venereol 2006;133:641-2 Éditorial À propos de la dermatologie de liaison C. MICHEL P Service de Dermatologie, Centre Hospitalier E. M...

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Ann Dermatol Venereol 2006;133:641-2

Éditorial

À propos de la dermatologie de liaison C. MICHEL

P

Service de Dermatologie, Centre Hospitalier E. Muller, 20, rue du Dr Laennec, BP 1370, 68070 Mulhouse Cedex. Tirés à part : C. MICHEL, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

armi les aspects les plus attirants de notre spécialité, la diversité des dermatoses associées aux maladies internes représente à mon avis la partie la plus passionnante. Pratiquement toutes les maladies de la médecine interne se déclinent sur la peau : cancérologie, hématologie, immunologie, en passant par l’allergologie, la rhumatologie et tant d’autres jusqu’à la psychiatrie. Au cours de notre pratique hospitalière, cette caractéristique nous amène immanquablement à examiner des malades en consultation inter-service. Ces consultations, la plupart du temps intéressantes et justifiées voire urgentes, sont parfois excessives ou sources d’abus. Cependant, le caractère facilement visible des lésions, même lorsqu’elles ne sont pas pathognomoniques, peut conduire à un diagnostic d’autant plus spectaculaire, pour les non-initiés, qu’il est posé immédiatement à l’examen clinique. En réfléchissant à cet éditorial, je me remémorais mes débuts d’interne en dermatologie, où, un peu anxieuse, je partais dans les services demandeurs comme on part à l’aventure. Je ne savais quelle dermatose j’allais rencontrer et si j’allais surtout la reconnaître : l’angoisse du débutant. Depuis mon anxiété a beaucoup diminué et inversement les années et l’expérience vont croissant (en moindre mesure pour les années, j’ose l’espérer…). L’appréhension fait plutôt place à un sentiment de défi : trouver la solution là où les autres « sèchent ». À présent, lorsque les jeunes internes se tournent vers leurs aînés (ou « seniors » dont je fais désormais partie), j’essaye de rester attentive à leur demande. Bien sûr, cela fait partie de mon rôle pédagogique mais surtout, j’ai à plusieurs reprises pu constater le petit adage suivant : quand l’interne ne sait pas, il s’agit peut-être d’une dermatose rare ou d’une forme atypique. En revanche, la pratique qui, je crois, nous ulcère tous, ce sont les lettres peu voire pas remplies. Sous prétexte que la peau est un organe entièrement visible et, par conséquent, que toute indication est superflue, les renseignements sont parfois réduits à leur plus simple expression : « merci de voir M. ou Mme pour examen dermatologique ». Un de mes maîtres a pris, une fois pour toutes, l’habitude de répondre à ce genre de missive par ces termes laconiques : « examen dermatologique fait » ! Cette répartie oblige le responsable dans ses petits souliers à l’appeler pour en savoir plus. D’autres fois, l’incrédulité de nos interlocuteurs est telle qu’il nous faut défendre nos positions preuves à l’appui. Ainsi, l’interne vient un jour me montrer un malade avec des bulles douloureuses des doigts. L’étoposide qui lui était administré pour une tumeur testiculaire avait provoqué ces lésions digitales. J’explique cela à l’interne et elle appelle dans le service concerné son homologue qui refuse de nous croire. Je dois dire que cette réponse ne m’a pas fait très plaisir et même, que j’ai été profondément vexée. Je me suis donc vengée sur mon ordinateur et le medline en les obligeant à me cracher un article sur le sujet, article que je me suis fait un devoir d’envoyer à ce docteur St Thomas [1]. À ce propos et en dehors de toute polémique, je crois que l’adjonction de publications ou de références à nos courriers est toujours bienvenue, gage de sérieux et appréciée de nos interlocuteurs. 641

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Éditorial Il arrive aussi que ces consultations soient plus sportives. Récemment, je me suis retrouvée assise en face d’une mamie démente du service de gériatrie qui essayait sournoisement de me gifler dès que je me penchais pour examiner sa dermite de la lèvre. Cette information pourtant sympathique manquait évidemment dans la lettre qui l’accompagnait, heureusement elle m’a chaque fois ratée ! Toutes ces anecdotes sont heureusement assez rares et, dans l’ensemble, les lettres sont relativement exhaustives, accompagnées des dossiers (demandés systématiquement) et les relations sont beaucoup plus confraternelles que ce que je vous ai décrit précédemment. Bien sûr, il arrive, de temps en temps, des demandes de consultations excessives pour des onychomycoses anciennes ou autres maladies sans caractère d’urgence. Cependant, depuis que les lettres doivent être faxées au secrétariat avant la remise d’un rendez-vous, ces pratiques abusives ont tendance à s’espacer. Pour les avis plus urgents un appel téléphonique bien argumenté suffit. Enfin, je crois qu’il est de notre devoir à tous, pour l’avenir de notre spécialité et le bien-être de nos malades, de continuer à diffuser les progrès scientifiques en dermatologie et de cultiver les relations avec nos interlocuteurs des autres services. À ce titre, l’éditorial de M. Heffernan « The Era of Cooperation » dans les Archives du mois de janvier 2006 [2] est tout à fait révélateur. Avec l’avènement d’un nombre croissant de traitements systémiques puissants en dermatologie, il prévoit une coopération renforcée entre les soignants et prédit un avenir brillant à notre spécialité au sein de la médecine. Il ne nous reste plus qu’à être les acteurs de ces nouveaux enjeux pour lui donner raison. Références 1. Murphy CP, Harden EA, Herzig RH. Dose-related cutaneous toxicities with etoposide. Cancer 1993;71:3153-5.

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2. Heffernan MP. The era of cooperation. Arch Dermatol 2006;142:93-5.