Articles scientifiques Mémoire original
Ann Dermatol Venereol 2007;134:521-5
Absence de valeur prédictive des signes de régression histologique sur l’envahissement du ganglion sentinelle A. ALQUIER-BOUFFARD (1), F. FRANCK (2), J. JOUBERT-ZAKEYH (2), I. BARTHÉLÉMY (3), S. MANSARD (1), S. UGHETTO (4), B. AUBLET-CUVELIER (4), P.-J. DÉCHELOTTE (2), J.-M. MONDIÉ (3), P. SOUTEYRAND (1), M. D’INCAN (1)
Résumé Introduction. La valeur pronostique de la présence de signes histologiques de régression dans la tumeur primitive de mélanome est discutée. Objectif. Déterminer s’il existe une association entre la présence de signes de régression dans la tumeur primitive de mélanome et la présence de micrométastases ganglionnaires. Malades et méthode. Il s’agissait d’une étude monocentrique, rétrospective, portant sur 84 tumeurs primitives de mélanome d’épaisseur supérieure à 1 mm et le ganglion sentinelle correspondant. L’analyse des signes de régression a été effectuée par deux examinateurs indépendants. L’indice de Breslow, l’âge, le sexe, la localisation du mélanome ont été notés pour chaque tumeur. Résultats. Parmi les 84 mélanomes étudiés, 40 avaient des signes de régression et 24 étaient associés à des micrométastases ganglionnaires. Parmi ces derniers, seules 10 avaient des signes de régression. Il n’y avait pas d’association entre signes de régression et micrométastases (RR = 0,5 ; p = 0,5). Seuls un indice de Breslow supérieur à 2 mm (RR = 4,6, p = 0,03) et le sexe masculin (RR = 7,6, p = 0,006) apparaissaient comme prédictifs de l’atteinte du ganglion sentinelle. En analyse multivariée, ces deux derniers facteurs étaient indépendants avec, pour RR respectifs 3,2 (IC95 p. 100 : [1,1-9,1]) et 4,6 (IC95 p. 100 : [1,5-13,8]). Discussion. Ces résultats suggèrent qu’il n’y a pas une forte association entre la régression au sein de la tumeur primitive et la présence d’une micrométastase dans le ganglion sentinelle. Ils confirment que l’indice de Breslow est significativement prédictif de la présence de micrométastases.
L
a mise en évidence de micrométastases ganglionnaires est le meilleur indicateur pronostique de métastases et donc d’une évolution potentiellement défavorable du
(1) Service de Dermatologie, (2) Service d’Anatomie Pathologique, (3) Service de Chirurgie Maxillo-faciale, Plastique et Reconstructrice, Université d’Auvergne Clermont-Ferrand 1, CHU, Hôtel-Dieu, Clermont-Ferrand. (4) Département de Biostatistiques, CHU, Hôtel-Dieu, Clermont-Ferrand. Tirés à part : M. D’INCAN, Service de Dermatologie, Hôtel-Dieu/Polyclinique, 17, boulevard Malfreyt, 63058 Clermont-Ferrand Cedex 1. E-mail :
[email protected]
Summary Background. The predictive value of regression in melanoma is debated. Aim of the study. A retrospective single-centre study to evaluate the correlation between regression in primary skin tumor and the presence of micrometastases in sentinel lymph nodes. Patients and methods. Histological signs of regression in 84 melanomas (>1 mm) with corresponding sentinel lymph nodes were studied by two independent pathologists. Results. Regression was seen in 40 skin melanoma tumors while micrometastasis was seen in 24. Of the tumors with micrometastasis, only 10 were regressive (RR: 0.47, p=0.49). Breslow value >2 mm and male sex were predictive for node micrometastasis (RR: 4.6, p=0.03 and RR: 7.6, p =0.006, respectively). On multivariate analysis, these two factors were independent. Comments. These data suggest that regression in primary cutaneous melanoma is not predictive for lymph node metastasis.
Regression in primary cutaneous melanoma is not predictive for sentinel lymph node micrometastasis. A. ALQUIER-BOUFFARD, F. FRANCK, J. JOUBERT-ZAKEYH, I. BARTHÉLÉMY, S. MANSARD, S. UGHETTO, B. AUBLET-CUVELIER, P.-J. DÉCHELOTTE, J.-M. MONDIÉ, P. SOUTEYRAND, M. D’INCAN Ann Dermatol Venereol 2007;134:521-5
mélanome [1-13]. De nombreux travaux ont étudié les facteurs anatomocliniques qui influencent le pronostic des mélanomes, soit en termes de taux de survie [1-13], soit en termes de valeur prédictive de l’atteinte du ganglion sentinelle (GS) [14-21]. Leurs résultats confirment tous la valeur pronostique de l’indice de Breslow. La valeur pronostique de l’existence ou non de signes de régression histologique au sein de la tumeur primitive est controversée [15-26]. Cependant, dans la plupart des services recevant des malades atteints d’un mélanome, la présence de signes histologiques de régression dans la tumeur primitive incite à une majoration des marges 521
A. ALQUIER-BOUFFARD, F. FRANCK, J. JOUBERT-ZAKEYH et al.
d’exérèse de la tumeur primaire. C’est ainsi que les mélanomes de moins de 1 mm d’épaisseur comportant des signes de régression sont considérés comme « faussement fins » c’està-dire comme des mélanomes d’épaisseur supérieure qui auraient involué. Ils sont, dès lors, traités comme des mélanomes de mauvais pronostic avec, outre la majoration des marges d’exérèse, une surveillance clinique et/ou paraclinique plus rapprochée. Au total, la présence de signes de régression est perçue par beaucoup de dermatologues comme un facteur péjoratif, incitant à un traitement plus lourd que ne justifierait pas l’indice de Breslow mesuré sur la tumeur primitive. Dans le but d’évaluer la valeur pronostique de la présence des signes de régression dans la tumeur primitive, nous avons étudié, dans une série rétrospective personnelle de 84 malades, la corrélation entre la présence de signes histologiques de régression dans les tumeurs cutanées primitives et l’existence d’une micrométastase dans le GS.
Malades et méthode ÉCHANTILLONS TUMORAUX De janvier 2001 à mars 2005, tous les malades hospitalisés dans le service de dermatologie du CHU de ClermontFerrand pour un mélanome d’épaisseur supérieure ou égale à 1 mm, en l’absence de métastases décelables par l’examen clinique et par un examen tomodensitométrique corps entier, se sont vus proposer l’analyse du GS. Nous avons retenu les tumeurs pour lesquelles nous disposions, en plus des lames initiales, d’un bloc permettant la réalisation d’au moins quatre plans de coupe supplémentaires. Nous avons exclu les mélanomes qui avaient été préalablement biopsiés de crainte que l’existence d’une réaction cicatricielle ne perturbe l’analyse des signes histologiques de régression et les mélanomes de diagnostic incertain. ANALYSE HISTOLOGIQUE DES TUMEURS PRIMITIVES Les lames ont été anonymisées. Quatre à 50 plans de coupe par tumeur ont été colorés à l’HES et des immunomarquages avec l’anticorps HMB45 et avec un anticorps anti-PS100. Les coupes ont été analysées par deux histopathologistes (FF, JJ-Z) qui, pour chaque tumeur et de manière indépendante l’un de l’autre, ont renseigné les informations suivantes : confirmation du diagnostic de mélanome, confirmation de marges d’exérèse saines, indice de Breslow, niveau d’invasion selon Clark, type anatomique du mélanome, existence ou non d’une ulcération et d’emboles vasculaires, description de signes de régression histologique. Les seules informations dont disposaient les histopathologistes étaient le sexe et l’âge du malade, le siège et le diamètre de la lésion dans son plus grand axe. Le résultat de l’analyse du GS n’était pas porté à leur connaissance. Dans une seconde étape, les deux histopathologistes ont confronté leurs résultats pour chaque tumeur. En cas de discordance sur la présence ou non de signes de régression, une 522
Ann Dermatol Venereol 2007;134:521-5
troisième lecture en commun avec un troisième lecteur était réalisée et, si un consensus était obtenu, la tumeur était retenue pour l’étude. DÉFINITION DES SIGNES DE RÉGRESSION DANS LES TUMEURS PRIMITIVES Elle a été établie en commun par l’ensemble des auteurs du travail à la suite d’une analyse de la littérature. Elle a ensuite été testée sur plusieurs tumeurs. Nous avons adopté les cinq critères histologiques de régression définis par Kang et al. [27] : – disparition des cellules tumorales du derme et/ou de l’épiderme, – présence d’une fibrose dermique, – présence d’un infiltrat inflammatoire lymphocytaire (tumor infiltrating lymphocytes, TIL) quelle qu’en soit l’abondance, disposé en bande et sans prédominance périvasculaire, – altération du schéma vasculaire avec des vaisseaux congestifs à paroi épaissie disposés sans ordre ou bien parallèlement à l’épiderme (contrairement à ce qui est observé dans les cicatrices), – présence d’une incontinence pigmentaire. ANALYSE HISTOLOGIQUE DES GS Les lames des GS n’ont pas été relues pour cette étude. En effet, l’analyse histologique du GS est réalisée dans notre équipe selon le protocole suivant depuis 2001. Chaque GS est inclus en paraffine dans sa totalité. Une coupe est réalisée tous les 320 µm puis colorée en HES. La présence de cellules métastatiques est confirmée par un immunomarquage (anticorps HMB45 et anti-PS100). Si l’analyse en HES ne trouve pas de cellules tumorales, un immunomarquage est réalisé sur tous les plans de coupe. ANALYSE STATISTIQUE La recherche d’une association entre l’existence d’une micrométastase et la présence des différents caractères anatomocliniques des tumeurs primitives a été effectuée à l’aide du test du Chi2 ou du test de Fischer et du test de Cochran-MantelHaenszel pour les analyses ajustées puis en analyse multivariée par régression logistique multiple.
Résultats De janvier 2001 à mars 2005, 105 malades atteints d’un mélanome de plus de 1 mm d’épaisseur ont accepté la procédure d’étude du GS. Quatorze mélanomes ont été, d’emblée, exclus de l’étude car nous ne disposions pas d’un nombre suffisant de coupes pour l’analyse. Six ont également été exclus, soit parce qu’ils avaient été biopsiés avant leur exérèse complète, soit parce que le diagnostic de mélanome était incertain. Parmi les tumeurs primitives restantes, dans 86 p. 100 des cas, les résultats des analyses des deux pathologistes concernant la présence ou non de signes de régression étaient concordants. Pour 11 tumeurs, une nouvelle analyse des lames a été faite,
Absence de valeur prédictive des signes de régression histologique sur l’envahissement du ganglion sentinelle
Ann Dermatol Venereol 2007;134:521-5
Tableau I. – Tableau descriptif de la population de mélanomes étudiés en fonction de l’épaisseur selon Breslow.
Total Âge médian Sexe (M/F) Diamètre moyen Siège : – Tronc – MI – MS – Autres Type : – SSM – MN – ALM – MSD Phase : – horizontale – verticale Indice de Breslow (médiane) Niveau III Ulcération (U) Régression (R) GS envahi R + GS + U + GS + Emboles Nævus associé TIL +
Indice de Breslow 1,5 à 2 mm 2 à 4 mm 19 18 55 [26 ; 74] 40 [19 ; 78] 10/9 10/18 10,95 11,28
Total 84 58 [19 ; 78] 43/41 13,75
1-1,49 mm 28 51 [32 ; 78] 14/14 10,89
+ de 4 mm 19 55 [35 ; 77] 9/10 17,53
33 29 19 4
12 7 7 2
9 5 4 1
6 7 6 1
6 10 2 0
67 6 8 3
26 0 0 2
16 1 2 0
13 2 2 1
13 2 4 0
24 60 1,9 81 39 40 24 10 11 6 16 30
16 12 1,0 26 4 17 6 2 0 1 7 -
12 7 1,7 18 9 9 3 0 2 0 3 -
13 16 3,2 18 12 7 7 3 4 1 3 -
18 1 5 19 14 7 8 5 5 4 3 -
ALM : acrolentigineux ; GS : ganglion sentinelle ; GS + : ganglion sentinelle envahi ; MN : mélanome nodulaire ; SSM : mélanome de type Superficial Spreading Melanoma ; TIL : Tumor infiltrating lymphocytes ; MSD : Mélanome sur mélanose de Dubreuilh.
en commun, par les deux pathologistes et par un troisième observateur, aboutissant à un résultat consensuel dans dix cas. La tumeur pour laquelle aucun consensus n’a pu être obtenu quant à la présence ou non de signes de régression n’a pas été prise en compte dans l’étude. Au total, nous avons retenu, pour l’analyse statistique, 84 tumeurs cutanées primitives d’épaisseur supérieure à 1 mm avec, pour chacune, le GS correspondant (tableau I). Quarante tumeurs étaient considérées comme régressives (tableau I). Vingt d’entre elles comportaient cinq signes de régression différents, dix-neuf en comportaient quatre et une en comportait trois. Vingt-quatre tumeurs étaient associées à un envahissement du GS et seules dix d’entre elles avaient des signes de régression. En analyse univariée (tableau II), la régression n’apparaît pas statistiquement liée à la présence de micrométastases ganglionnaires, toutes épaisseurs, selon Breslow, confondues (RR = 0,8, p = 0,5). En conduisant l’analyse après avoir stratifié la population selon la valeur de l’indice de Breslow (soit en quatre sous-groupes, tableau I, soit en deux sous-groupes l’un comportant les tumeurs inférieures à 2 mm, l’autre rassemblant les tumeurs d’épaisseur supérieure ou égale à 2 mm), aucun lien statistique entre régression et atteinte du GS n’était mise en évidence (données non présentées).
Un indice de Breslow supérieur ou égal à 2 mm et l’appartenance au sexe masculin comportaient un risque relatif d’atteinte du GS de 2,1 (p = 0,03) et de 2,9 (p = 0,006) respectivement (tableau II). En analyse multivariée, ces deux critères restaient significatifs et indépendants avec, pour le Tableau II. – Risque relatif d’atteinte du ganglion sentinelle en fonction des caractéristiques anatomocliniques et épidémiologiques du mélanome. Sexe masculin Âge > 60 ans Site : tronc Diamètre > 15 mm Breslow > 2 mm Type ALM-MN* Phase verticale > 5 mitoses Ulcération Emboles Nævus Régression
Risque relatif 2,9 [1,3-6,5] 0,7 [0,3-1,6] 1,1 [0,6-2,2] 0,5 [0,2-1,3] 2,1 [1,1-4,3] 0,5 [0,1-1,7] 2,0 [0,8-5,2] 1,4 [0,7-2,8] 1,0 [0,5-1,9] 1,2 [0,4-3,9] 0,6 [0,2-1,7] 0,8 [0,4-1,6]
p 0,006 0,4 0,8 0,1 0,03 0,2 0,1 0,4 0,9 0,8 0,3 0,5
* ALM : acrolentigineux ; MN : mélanome nodulaire.
523
A. ALQUIER-BOUFFARD, F. FRANCK, J. JOUBERT-ZAKEYH et al.
sexe masculin un risque relatif de 4,6 (IC95 p. 100 = [1,5 ; 13,8]) et pour un indice de Breslow supérieur à 2 mm, un risque relatif de 3,2 (IC95 p. 100 = [1,1 ; 9,1]).
Discussion La régression est un ensemble de signes histopathologiques qui permettent de penser que la taille d’une tumeur, au moment de son examen histologique, est plus faible qu’elle était quelques semaines ou quelques mois auparavant. Dans le mélanome, la fréquence des signes de régression varie entre 7 et 58 p. 100 selon les études [11, 19, 23]. Dans notre série, portant sur 84 mélanomes de plus de 1 mm d’épaisseur enregistrés de manière prospective et sans a priori, cette fréquence est de 47,6 p. 100. Ces différences de fréquence s’expliquent, principalement, par l’absence d’une définition consensuelle des critères histologiques de régression à laquelle s’ajoute la difficulté à reconnaître de manière reproductible certains d’entre eux. Pour notre étude, nous avons retenu les critères édictés, en 1993, par Kang et al. [27] car ce sont les plus précis et les plus complets. Kang et al. sont les premiers à souligner que la variation inter-observateurs de l’appréciation des signes de régression est importante. C’est la raison pour laquelle, nous n’avons retenu pour notre travail que les tumeurs pour lesquelles deux pathologistes indépendants ont fourni des résultats concordants. À notre connaissance, aucune étude portant sur l’évaluation de la régression n’a pris cette précaution méthodologique [15, 17]. Notre étude n’a porté que sur les mélanomes d’épaisseur supérieure à 1 mm. Entre 2001 et 2005, nous avons réalisé l’étude du GS chez les malades atteints de tumeurs d’épaisseur inférieure à 1 mm mais presque exclusivement lorsque des signes de régression étaient présents. Parmi les 21 mélanomes ainsi étudiés, 19 avaient des signes de régression et, parmi ces derniers, un seul était associé à une atteinte du GS. Le biais de sélection évident pour cette catégorie de mélanomes fins ne permet pas d’interpréter ce résultat. À l’inverse, l’analyse du GS a été systématique pour tous les mélanomes de plus de 1 mm. Notre résultat suggère que la présence de signes de régression n’a pas de valeur pronostique sur l’existence concomitante d’un envahissement du GS. Les analyses en sous-groupes nous ont également permis de montrer que ce résultat est observé qu’elle que soit la valeur de l’indice de Breslow. Seuls un indice de Breslow supérieur à 2 mm, l’âge supérieur à 60 ans et le sexe masculin apparaissent comme des facteurs de risque pour l’atteinte du GS. La valeur pronostique sur l’envahissement du GS de critères épidémiologiques et histopathologiques observés chez les malades atteints de mélanomes de plus de 1 mm d’épaisseur a été rapportée dans quatre études [14, 16, 19, 20]. La régression a été l’un de ces facteurs analysés. Dans aucune étude, elle n’apparaît en analyse multivariée comme facteur pronostique de l’atteinte microscopique ganglionnaire. Cependant, les critères de définition de la régression ainsi que la méthodologie de leur analyse ne sont souvent pas précisés. En 2003, deux travaux ont porté spécifiquement sur 524
Ann Dermatol Venereol 2007;134:521-5
la valeur pronostique de la régression. Ces deux études sont de valeur inégale. Dans celle de Fontaine et al. [17], la valeur pronostique de caractéristiques épidémiologiques (sexe, âge, site de la tumeur) et histologiques (épaisseur, ulcération régression) a été analysée à partir de 97 couples mélanome-GS. La définition retenue pour la régression était clairement expliquée, mais les analyses étaient faites par des histologistes différents, probablement à des temps différents, avec, parfois, des résultats discordants. Dans cette étude, la régression n’apparaissait pas comme un facteur pronostique de l’atteinte microscopique du GS. Olah et al. [15], en étudiant 134 mélanomes d’épaisseur inférieure à 2 mm, aboutissaient à une conclusion opposée puisque, dans leur série, le risque d’atteinte du GS était multiplié par dix en présence de signes de régression dans la tumeur primitive. Ce résultat nous semble discutable d’abord parce que la valeur pronostique de la régression n’a été mise en évidence qu’en analyse univariée, ensuite parce que les critères histologiques de r‘nségression étaient insuffisamment définis et analysés, en apparence, par un seul histopathologiste. Plus récemment, dans deux études, l’une rétrospective, l’autre prospective, portant sur des effectifs importants, a été analysée la valeur pronostique de différents facteurs épidémiologiques et histologiques sur la survie des mélanomes d’épaisseur supérieure à 1 mm. Dans aucune de ces études, la régression n’est apparue comme un facteur pronostique de survie [4, 6]. La signification pathogénique de la régression est inconnue. La détection d’aberrations chromosomiques dans les mélanocytes des mélanomes régressifs suggérerait que la régression pourrait témoigner d’une progression dans la croissance tumorale [28]. À l’inverse, d’autres auteurs ont montré que dans les mélanomes régressifs étaient recrutés, de manière oligoclonale, des lymphocytes T fortement inducteurs d’apoptose, ce qui tendrait à présenter la régression comme la résultante d’une réaction immunitaire forte de l’organisme à l’égard de la tumeur [29]. Quelles que soient les interprétations des observations biologiques, les données des études cliniques, dont celles issues de notre étude, suggèrent que la présence de signes de régression ne constitue pas, au défaut de puissance près, un facteur prédictif d’envahissement du GS. Comme, en outre, les données de la littérature montrent que la présence de signes de régression n’a pas d’influence sur la survie, il nous semble raisonnable de considérer que l’indice de Breslow reste, pour le moment, le facteur pronostique essentiel observable sur la tumeur primitive et que, en conséquence, la présence de signes de régression ne justifie pas un élargissement des marges d’exérèse au-delà de valeurs que justifierait l’indice de Breslow.
Références 1. Buettner PG, Leiter U, Eigentler TK, Garbe C. Development of prognostic factors and survival cutaneous melanoma over 25 years. Cancer 2005; 103:616-24. 2. Paladugu RR, Yonemoto RH. Biologic behavior of thin malignant melanoma with regressives changes. Arch Surg 1983;118:41-4.
Absence de valeur prédictive des signes de régression histologique sur l’envahissement du ganglion sentinelle
3. Balch CM, Soong SJ, Gershenwald JE, Thompson JF, Reintgen DS, Cascinelli N, et al. Prognostic factors analysis of 17.600 melanoma patients: validation of the American Joint Committee on Cancer melanoma staging system. J Clin Oncol 2001;19:3622-34. 4. Leiter U, Buettner PG, Eigentler TK, Garbe C. Prognostic factors of thin cutaneous melanoma: an analysis of the Central Malignant Melanoma Registry of the German Dermatological Society. J Clin Oncol 2004;22: 3660-7. 5. Lindholm C, Andersson R, Dufmats M, Hansson J, Inqvar C, Moller T, et al. Invasive cutaneous malignant melanoma in Sweden 1990-1999. Cancer 2004;101:2067-78. 6. Gimotty PA, Guerry D, Ming ME, Elnitsas R, Xu X, Czerniecki B, et al. Thin primary cutaneous malignant melanoma: a prognostic tree for 10 year metastasis is more accurate than American Joint Committee on Cancer Staging. J Clin Oncol 2004;22:3668-76. 7. Glass LF, Guffey JM, Schroer KR, Reintgen DS. Histopathologic study of recurrent Clark II level melanomas. Sem Surg Oncol 1993;9:202-7 8. Grob JJ, Richard MA, Avril MF, Delaunay M, Wolkenstein P, Souteyrand P, et al. The kinetics of the visible growth of a primary melanoma role the tumor aggressiveness and is an independent prognostic marker: a prospective study. Int J Cancer 2002;102:34-8. 9. Mansson-Brahme E, Cartensen J, Erhardt K, Lagerlöf B, Ringborg U, Rutquist L. Prognosis factors in thin cutaneous malignant melanoma. Cancer 1994;73-9:2324-32. 10. Clark WH, From L, Bernardino EA, Mihm MC. The histogenesis and biologic behaviour of primary human malignant melanoma of the skin. Cancer Res 1969;29:705-26. 11. Shaw HM, Balch CM, Soong SJ, Milton GW, McCarthy WH. Prognostic histopathological factors in malignant melanoma. Pathology 1985;17:271-4. 12. Gromet M, Epstein WL, Blois MS. The regressing thin melanoma: a distinctive lesion with metastatic potential. Cancer 1978;48:2282-92. 13. Marshall MU. Melanoma and sentinel nodes. Current Surg 2003;60: 16-7. 14. Chakera AH, Drzewiecki KT, Eigtved A, Ravn Juhl B. Sentinel node biopsy for melanoma: a study of 241 patients. Melanoma Res 2004;14: 521-6. 15. Olah R, Guyal I, Korom E, Varga A, Dobozy R. Tumour regression predicts higher risk of sentinel node involvement in thin cutaneous melanomas. Br J Dermatol 2003;149:662-4.
Ann Dermatol Venereol 2007;134:521-5
16. N’Guyen L, Mc Clay F, Cole DJ, O’Brien PH, Gillanders WE, Metcalf JS, et al. Melanoma thickness and histology predict sentinel lymph node status. Am J Surgery 2001;181:8-11. 17. Fontaine D, Parkhill W, Greer W, Walsh N. Partial regression of primary cutaneous melanoma: is there an association with sub-clinical sentinel lymph node metastasis? Am J Dermatopathol 2003;25:371-6. 18. Cuellar FA, Vilalta A, Rull R, Vidal-Sicart S, Palou J, Ventura PJ, et al. Small cell melanoma and ulceration as predictors of positive sentinel lymph node in malignant melanoma patients. Melanoma Res 2004;14:277-82. 19. McMasters KW, Wong SL, Edwards MJ, Ross MI, Chao C, Noyes R, et al. Factors that predicts the presence of sentinel lymph node metastasis in patients with melanoma. Surgery 2001;130:151-6. 20. Lens MB, Dawes M, Newton-Bishop JA, Goodacre T. Tumour thickness as a predictor of occult lymph node metastases in patients with stage I and II melanoma undergoing sentinel lymph node biopsy. Br J Surg 2002;89:1223-30. 21. Wagner JD, Corbett L, Park HM, Davidson D, Coleman JJ, Havlik RJ, Hayes JT. Sentinel lymph node biopsy for melanoma: experience with 234 consecutive procedures. Plast Reconstr Surg 2000;105:1956-66. 22. Fearfield LA, Rowe A, Fischer NF, Gore ME, Bunker CB. Clinico-pathological features of relapsing very thin. Clin Exp Dermatol 2001;26:686-95. 23. Mc Govern VJ, Shaw HM, Milton GW, Farago GA. Prognostic significance of the histological features of malignant melanoma. Histopathology 1979;3:385-93. 24. Cooper PH, Wanebo HJ, Ward Hagar R. Regression in malignant melanoma. Arch Dermatol 1985;121:1127-31. 25. Kelly JW, Sagebiel RW, Blois MS. Regression in malignant melanoma. Cancer 1985;56:2287-91. 26. Halliday GM, Patel A, Hunt MJ, Tefany FJ, Barnetson R. Spontaneous regression of human melanoma/non melanoma skin cancer: association with infiltrating CD4 + T cells. World J Surg 1995;19:352-8. 27. Kang S, Barnhill RL, Mihm MC, Sober AJ. Histologic regression in malignant melanoma: an interobserver concordance study. J Cutan Pathol 1993;20:126-9. 28. Bastian B. Hypothesis: a role of telomere crisis in spontaneous regression of melanoma. Arch Dermatol 2003;139:668-9. 29. Weimann TK, Wagner C, Goos M, Wagner SN. CD 44 variant isoform v10 is expressed on tumor -infiltrating lymphocytes and mediates hyaluronan- independent heterotypic cell-cell adhesion to melanoma cells. Exp Dermatol 2003;12:204-12.
525