Allergie aux anti-infectieux

Allergie aux anti-infectieux

Session allergologie Allergie aux anti-infectieux A. Hamzaoui L Pavillon B, Hôpital A Mami de Pneumologie, Ariana, Tunisie. 10S70 Rev Mal Respir...

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Session allergologie

Allergie aux anti-infectieux

A. Hamzaoui

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Pavillon B, Hôpital A Mami de Pneumologie, Ariana, Tunisie.

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Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 10S70-10S72 Doi : 10.1019/20064091

es antibiotiques sont responsables de plus de 50 % des allergies médicamenteuses. Ils se comportent comme des haptènes [1]. L’organe le plus fréquemment atteint est la peau : 2 à 3 % des patients hospitalisés développent des réactions cutanées allergiques. Les manifestations cliniques varient selon les mécanismes pathogéniques impliqués : à médiation IgE, à anticorps IgG ou cellulaires T retardés. Trois facteurs interagissent dans l’expression de l’allergie : le médicament responsable, l’infection traitée et l’état immunitaire du patient. Les exemples les plus frappants sont ceux des allergies au cotrimoxazole développées par la majorité des patients VIH+, et celles aux βlactamines au cours des mononucléoses infectieuses. Au cours de la mucoviscidose, la sensibilisation aux céphalosporines est fréquente [1]. L’atopie n’augmente pas le risque d’allergie aux antibiotiques, mais les réactions des asthmatiques sont plus sévères [2]. Les éruptions maculo-papulaires ou morbilliformes (secondaires à une réponse T) et les urticaires et angio oedèmes (à médiation IgE) constituent les réactions allergiques les plus fréquentes aux antibiotiques [1-3]. Le spectre clinique s’étend des manifestations cutanées énignes (érythème fixé pigmenté) à celles mettant en jeu le pronostic vital : anaphylaxie, syndromes de Stevens Johnson et de Lyell, hépatites, néphropathies et cytopénies (à anti-corps IgG) [1-3]. Les réactions les plus sévères sont observées quand l’antibiotique est utilisé par voie intraveineuse [2]. Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse, rare, associe fièvre, adénopathies, lésions cutanées sévères, hépatite et hyperéosinophilie a été décrit avec les sulfamides et la minocycline qui est responsable parmi les cyclines des manifestations allergiques les plus sévères [1]. Les bêta-lactamines constituent la famille la mieux étudiée. Une évaluation prospective de l’utilisation de benzylpénicilline a objectivé 3,2 % de réactions allergiques, responsables de réactions immédiates anaphylactiques avec un risque d’ana-

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phylaxie était estimé à 1,5-4 pour 104 injections (75 % des réactions anaphylactiques aux États-Unis sont dues aux bêta-lactamines). Les aminopénicillines sont cependant les antibiotiques les plus incriminés dans l’allergie. Les réactions retardées sont le plus souvent cutanées. Les formes les plus sévères sont plus souvent dues aux pénicillines qu’aux céphalosporines [3-5]. L’allergie aux macrolides touche 0,4 à 3 % des patients, elle est le plus souvent limitée à une molécule [6]. L’hypersensibilité au cotrimoxazole touche 3 % de la population générale, sans réaction croisée avec les sulfamides non antibactériens [2]. Les quinolones ont aussi été incriminées, avec des réactions croisées entre elles. Les médicaments anti-tuberculeux provoquent des réactions cutanées, fréquentes et souvent bénignes, mais aussi des cytopénies liées à la présence d’anti-corps (antirifampicine au cours des thrombopénies), des hépatites, et des lupus induits (isoniazide) [2, 7]. Les réactions systémiques sévères contre-indiquent toute réintroduction, mais l’association initiale systématique d’une tri ou quadri thérapie complique l’identification du médicament responsable. La stratégie diagnostique s’appuie sur l’interrogatoire en précisant les manifestations, leur délai d’apparition par rapport à la prise médicamenteuse et les prescriptions antérieures [1, 2]. Il est nécessaire d’obtenir la description la plus détaillée des différents antibiotiques reçus, qu’ils aient été tolérés ou non, de la chronologie et des motifs de leur prescription ainsi que des manifestations qui leur ont été imputées. Les effets secondaires non allergiques doivent être éliminés : un diagnostic excessif d’allergie à un antibiotique d’usage courant hypothèque le pronostic ultérieur du patient en diminuant le choix d’antibiotiques utilisable donc diminue l’efficacité des traitements prescrits et augmente le risque de résistance. Une exposition professionnelle est possible (éleveurs, industrie, personnel soignant). Une documentation de l’allergie est indispensable [1, 3]. La confirmation « biologique » de l’allergie à IgE pour la pénicilline se fait par la réalisation de tests cutanés, pricks et intradermiques [1, 4]. Cela est possible car les composants immunogènes de la pénicilline ont été identifiés et se trouvent dans la molécule mère. Ils sont disponibles dans le commerce. Le déterminant majeur de la pénicilline est le benzyl pénicylloyl qui correspond au noyau bêta-lactamine ouvert, fixé ensuite sur un résidu poly-lysine (PPL). Les déterminants mineurs correspondent à d’autres métabolites. Les chaînes latérales des pénicillines semi-synthétiques (amoxicilline (AX) et ampicilline (AMP) surtout) sont responsables des allergies avec TC négatifs aux déterminants de la pénicilline. La sensibilité atteint 70 % en combinant les 4 haptènes (PPL, MDM, AX, AMP). La spécificité des tests cutanés est suffisante pour confirmer le diagnostic de réaction immédiate à la pénicilline : elle est de 97-99 % [1, 4]. Ce n’est pas le cas des autres antibiotiques pour lesquels des tests négatifs n’ont aucune valeur prédictive, des métabolites pouvant constituer les composants immunogènes. L’existence de 6 % de réactions croisées entre pénicillines et céphalosporines doit être prise en compte [5]. Les tests cuta-

nés aux bêta-lactamines déclenchent chez 11 % des patients positifs des réactions systémiques, correspondant dans la plupart des cas à la réaction initiale, impliquant des précautions drastiques encas d’anaphylaxie antérieure [1, 2]. Ces réponses systémiques sont observées pour 50 % des tests à l’amoxicilline. La réactivité cutanée immédiate diminue avec le temps : 100 % des sujets négativent à 5 ans pour l’amoxicilline. Les recommandations actuelles préconisent malgré la rareté des réactions sévères, la réalisation de test de provocation avant la prescription de bêta-lactamines, si les tests cutanés sont négatifs, mais l’histoire évocatrice d’allergie. La mise en évidence in vitro d’IgE spécifiques à la pénicilline est moins sensible que les tests cutanés [1]. Elle est intéressante quand le risque de réaction allergique sévère est important. Les tests cutanés sont aussi utiles au diagnostic des réactions retardées, par patchs et tests intradermiques à lecture tardive : 24 à 96 h selon les cas. Leur spécifité et sensibilité sont variables, les tests intradermiques sont considérés plus sensibles. Les réponses retardées persistent positives des années après la réaction allergique [4]. Les réactions secondaires aux autres mécanismes nécessitent la réalisation rapide au moment de l’accident d’autres tests : Coombs, dosage du complément et de la tryptase sériques. Les tests de transformation lymphoblastique nécessitent des laboratoires spécialisés [1]. Les tests de provocation sont demandés lorsque les tests cutanés sont négatifs ou irréalisables [8]. Réalisés le plus souvent par voie orale, ils ne se conçoivent qu’en milieu spécialisé très sécurisécar ils reproduisent la symptomatologie initiale. Parmi les patients suspects d’allergie aux βlactamines avec des tests cutanés négatifs, seuls 8 % répondent positivement en provocation. La confirmation d’une allergie à d’autres antibiotiques, comme les macrolides ou les quinolones est obtenue dans 13 à 23 % des cas suspects : plus de 75 % des diagnostics d’allergie aux antibiotiques sont ainsi infirmés, permettant au patient de bénéficier de prescriptions adaptées aux infections ultérieures [1, 8]. Le terrain influence le risque de réaction allergique médicamenteuse. La fréquence de réaction cutanée au trimethoprime-sulfamethoxazole augmente en cas d’immunodéficit, elle est maximum au cours du sida. Les IgE n’interviendraient pas dans ces manifestations. Le rôle des lymphocytes CD8+ serait prépondérant. Le mécanisme impliquerait un ralentissement de l’acétylation des drogues par le cytochrome P450 [2]. Les anti-parasitaires et les antifongiques ont aussi été associés à des réactions allergiques : cutanées le plus souvent (nystatine, fluconazole, terbinafine) mais aussi systémiques anaphylaxie (ketoconazole) et maladie sérique (griséofulvine). Les anti-viraux sont fréquemment responsables de réactions allergiques chez les sujets sidéens : les inhibiteurs de la transcriptase réverse et des protéases. Des éruptions ont été décrites chez des patients atteints d’hépatite chronique C traités par de l’interféron et de la ribavarine [9]. © 2006 SPLF, tous droits réservés

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Il est important de préciser le processus allergique en cause avant de décider de la possibilité de réutilisation du médicament en cause. Les recommandations concernant les bêta-lactamines sont codifiées : l’éviction de toute bêta-lactamine en cas d’allergie à la pénicilline risque de diminuer l’efficacité de l’antibiothérapie, d’augmenter son coût et les résistances. La réponse aux tests cutanés conditionne donc la conduite ultérieure. Des tests positifs contre-indiquent l’utilisation des pénicillines. Certains patients allergiques à l’amoxicilline tolèrent la benzylpénicilline (7 %). Des tests positifs à la pénicilline multipliant le risque d’allergie aux céphalosporines par 4 ils impliquent un test de provocation aux céphalosporines, des tests négatifs autorisent leur usage. L’allergie à une céphalosporine ne contre-indique pas la prescription de pénicilline si le test cutané à la pénicilline est négatif. La maladie sérique au céfaclor est liée à une anomalie métabolique et autorise l’utilisation des autres céphalosporines [1, 2, 4, 5]. Si l’utilisation de l’antibiotique est indispensable, et l’absence de réaction initiale potentiellement fatale [10], une induction de tolérance est envisageable sous certaines conditions [1, 2]. Les manifestations secondaires à une réaction IgE répondent dans 3 cas sur 4 à une désensibilisation réalisée en quelques heures. Des complications anaphylactiques sont possibles. Pour les allergies dues à d’autres mécanismes, en dehors de celles potentiellement fatales, une augmentation progressive des doses sur plusieurs jours jusqu’au seuil thérapeutique est proposée. La répétition de l’induction de tolérance est nécessaire à chaque nouvelle prescription de l’antibiotique en cause. Les protocoles d’induction de la tolérance aux pénicillines sont bien définis. Ils servent de modèle pour les autres antibiotiques tels que les anti-tuberculeux [7, 11]. La prévention de l’allergie aux antibiotiques nécessite le recours le plus large possible à la vaccination antimicrobienne. L’utilisation des vaccins peut malheureusement se compliquer aussi de manifestations allergiques secondaires au support de culture (allergie à l’œuf) ou aux additifs comme le thimerosal [12].

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L’utilisation large des antibiotiques explique leur implication dans plus de la moitié des réactions allergiques aux médicaments. Ceci constitue un argument supplémentaire contre leur prescription abusive excessive et injustifiée : « les antibiotiques ? c’est pas automatique ! ».

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