Analyser nos pratiques : un pas vers la qualité ? Expérience de la maternité du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze

Analyser nos pratiques : un pas vers la qualité ? Expérience de la maternité du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze

La Revue Sage-Femme (2012) 11, 205—209 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com POUR LA PRATIQUE / FOR PRACTICE Analyser nos pratiques : un p...

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La Revue Sage-Femme (2012) 11, 205—209

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

POUR LA PRATIQUE / FOR PRACTICE

Analyser nos pratiques : un pas vers la qualité ? Expérience de la maternité du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze Analyze our practices: A step towards quality? Experience of the maternity of Bagnols-sur-Cèze E. Mougenez ∗, M. Makosso Centre hospitalier Louis-Pasteur, avenue Alphonse-Daudet, BP 75163, 30205 Bagnols-sur-Cèze cedex, France Disponible sur Internet le 24 octobre 2012

MOTS CLÉS Qualité ; Revue de morbi-mortalité ; Staff-EPP

KEYWORDS Quality; Review of morbidity mortality; Staff-EPP



Résumé Aujourd’hui, l’amélioration de la qualité des soins est une démarche qui doit être continue, afin de répondre aux attentes des usagers en termes de sécurité, et en cela, réfléchir sur nos pratiques constitue une base pour les rendre cohérentes. Nous souhaitons faire partager la dynamique mise en place dans notre maternité gardoise de niveau II, suite à l’organisation de réunions d’analyse de pratiques depuis janvier 2009. Nous expliciterons dans un premier temps les concepts en rapport avec ce sujet, puis nous livrerons notre expérience de terrain, au travers de trois points spécifiques sur lesquels nous avons aujourd’hui un recul suffisant en termes de mesure d’impact. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Today, the improvement of the quality of care is an approach, which must be continuous to meet the expectations of users in terms of safety and, reflecting on our practices, provides a basis to make them coherent. We want to share the dynamic in our maternity, based in the south of France, following staff meetings discussing the analysis of our practices since January 2009. We will first explain the concepts in relation to this subject, then we will give our field experience, through three specific points upon which we can now look back with enough measurement of impact. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Mougenez).

1637-4088/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.sagf.2012.08.001

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E. Mougenez, M. Makosso

L’objectif de cet article est de faire partager notre expérience d’analyse de pratiques. Dans un premier temps, nous expliciterons les concepts en rapport avec ce sujet, puis nous vous livrerons notre expérience de terrain.

Se profile ici la notion d’efficience : la prise en charge individualisée est certes omniprésente, mais apparaissent également les notions de prise en charge collective, de santé publique, de meilleure utilisation des ressources financières, et de satisfaction du patient.

Les recommandations pour la pratique clinique

La démarche qualité

Définition Ce sont « des propositions développées de fac ¸on méthodique dont le but est d’aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés, dans des circonstances cliniques données » [1].

Utilité en pratique quotidienne L’article R. 4127-325 du Code de la santé publique stipule : « dès lors qu’elle a accepté de répondre à une demande, la sage-femme s’engage à assurer personnellement avec conscience et dévouement les soins conformes aux données scientifiques du moment que requièrent la patiente et le nouveau-né ». Les recommandations pour la pratique clinique (RPC) correspondent à un état des lieux des connaissances à un instant donné, elles ne sont donc pas figées et les praticiens que nous sommes doivent garder une certaine souplesse d’utilisation [2]. Comment les diffuser ? La diffusion simple n’a pas d’impact sur les pratiques, mais un fort degré d’échanges au sein des équipes, et des prises de décision collégiales constitueraient un terrain favorable à leur application. A contrario, des freins organisationnels, comme un turn-over important, une surcharge de travail ou encore une mauvaise coordination inter-services peuvent limiter leur impact [3].

C’est une manière d’agir qui fait appel à des aspects techniques (gestion de projet), mais aussi à des aspects relationnels (implication et motivation des personnes). En effet, l’amélioration de la prise en charge des patients est étroitement liée à l’organisation du travail, et donc aussi à la prise en compte du facteur humain. Cette démarche d’amélioration constante peut être illustrée par le modèle managérial de Deming (cycle Plan-Do-Check-Act [PDCA]) : • Plan : planifier les actions ; • Do : les mettre en œuvre ; • Check : vérifier les résultats ; • Act : prendre des mesures correctives si besoin, ou des mesures de pérennisation le cas échéant [5].

Les freins à la qualité La qualité induit une démarche de changement et implique de rendre compte de son organisation interne, donc, de clarifier les choses, d’identifier ce qui pose problème, et en cela, elle inquiète. . . En effet, une organisation est un tissu complexe de personnalités et de relations humaines, d’habitudes et de ressentis, et un changement remet en cause tout cet échafaudage. Il implique de nouveaux partenaires, de nouvelles méthodes, de nouveaux comportements. Selon Drevon, « les freins à la qualité sont : habitude, lassitude et certitude » [6]. À nous de ne pas tomber dans ce piège !

L’impact sur la qualité des soins

Le développement professionnel continu

Il existe plusieurs critères pour mesurer cet impact [1] : • l’audience des RPC (nombre de citations dans des articles scientifiques) ; • la connaissance par les soignants de leur existence, de leur contenu (par le biais d’enquêtes de pratiques) ; • les modifications des pratiques professionnelles : analyse de dossiers, mesure de la variation d’indicateurs ; • l’amélioration de l’état de santé des patients.

« Le développement professionnel continu a pour objectif l’évaluation des pratiques professionnelles [EPP], le perfectionnement des connaissances, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique et de la maîtrise médicalisée des soins » [7]. En effet, la formation continue atteste que les professionnels ont « flirté » avec de nouvelles connaissances, et l’EPP va montrer qu’ils savent les mettre en pratique. L’évaluation devient ainsi le précurseur indissociable de la qualité des soins. Les décrets d’application sont parus au Journal officiel no 0001 du 1er janvier 2012. Ils détaillent le contenu de cette obligation pour les sages-femmes1 , mais aussi pour les médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes et les professionnels de santé paramédicaux. Le développement professionnel continu (DPC) constitue une obligation individuelle qui s’inscrit dans une démarche permanente. Les sages-femmes satisfont à leur obligation annuelle dès lors qu’elles participent à un programme de DPC annuel ou pluriannuel. Ce programme doit être

Promouvoir la qualité Définition La définition de l’Organisation mondiale de la santé de 1992, est la suivante : « Délivrer à chaque patient l’assortiment d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l’état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains, à l’intérieur du système de soins » [4].

1

Décret no 2011-2117 du 30 décembre 2011 relatif au développement professionnel continu des sages-femmes.

Analyser nos pratiques : un pas vers la qualité ? Tableau 1

Statistiques d’activité, maternité de Bagnols-sur-Cèze, niveau IIa. Naissances

2007 2008 2009b 2010 2011

207

920 1040 1002 1034 1031

Voies basses spontanées (%)

69 71 74

Voies basses instrumentales (%)

Césariennes

Taux HPPa

11 13 10

13 % 20 % 20 % 16 % 15 %

5,71 % 3,73 % 3,56 %

0,01

0,04

pc

HPP : hémorragie du post-partum. a Pertes supérieures à 500 mL après voie basse et supérieures à 1000 mL après césarienne (recueil de cet indicateur depuis 2009). b Date de mise en place des revues de morbi-mortalité. Plus de la moitié des HPP était post-césarienne en 2009, avec deux hystérectomies d’hémostase. En 2010 et 2011, environ 1 % des HPP était post-césarienne. c Comparaison statistique 2009—2010.

conforme à une orientation nationale ou à une orientation régionale de DPC et comporter une des méthodes et des modalités validées par la HAS après avis de la commission scientifique indépendante des sages-femmes. L’organisme gestionnaire du DPC finance et valide par la délivrance d’une attestation. Si la sage-femme n’a pas satisfait à son obligation de DPC, son conseil départemental de l’Ordre lui adressera une lettre recommandée pour lui exposer sa carence. La sage-femme disposera alors de deux mois pour fournir un justificatif ou une réponse motivée.

Vous avez dit évaluation des pratiques professionnelles ? « C’est l’analyse de la pratique professionnelle en référence à des recommandations et selon une méthode validée [par la HAS] comportant la mise en œuvre et le suivi d’actions d’amélioration des pratiques. Les pratiques professionnelles sont constituées à la fois de pratiques individuelles et collectives ; elles comportent une dimension organisationnelle. Ces pratiques concernent les activités diagnostiques, thérapeutiques ou préventives » [8]. Le thème choisi doit être porteur d’un enjeu d’amélioration. Le problème doit être fréquent et l’évaluation faisable (en termes de moyen et en termes d’existence de RPC ou de données scientifiques valides) [9]. Elle pourra s’effectuer sous diverses formes, et utiliser diverses méthodes2 : • comparaison à un référentiel : audit clinique, enquêtes de pratiques, etc. ; • analyse des processus : chemin clinique, etc. ; • méthodes de résolution de problèmes : revue de morbimortalité (RMM), etc. ; • méthodes d’analyse et de résolution : suivi d’indicateurs, cycle PDCA, etc.

En pratique : retour d’expérience Dans notre service, nous organisons des RMM et des staffsEPP depuis janvier 2009 (Annexe 1). Nous allons vous 2

www.has-sante.fr.

présenter notre expérience, au travers de trois points spécifiques qui ont été mis en exergue comme porteurs d’amélioration lors de nos premières réunions d’analyses de dossiers, et sur lesquels nous avons aujourd’hui un recul suffisant en termes de mesure d’impact.

Les aléas interprétatifs du rythme cardiaque fœtal On sait que l’objectivité est déterminée par l’esprit d’observation, la critique, la rigueur et l’impartialité, et ce n’est que grâce à cela qu’elle se distingue de la subjectivité [10]. Or, force a été de constater que nous n’étions pas objectifs dans nos analyses des enregistrements cardiotocographiques. Les actions que nous avons mises en place suite à ce constat ont été les suivantes : • organiser une formation interne sur l’analyse du RCF ; • concevoir un tampon d’aide à l’analyse, qui doit être apposé régulièrement sur le tracé et dont les items sont complétés par la sage-femme. Cette trac ¸abilité exerce les professionnels à l’analyse objective (entraînement intellectuel), aide à décrire précisément le tracé, et permet à quelqu’un qui n’était pas présent lors du travail de comprendre quelle a été la démarche diagnostique en cas de tracé suspect ; • généraliser la gazométrie au cordon à tous les accouchements ; • équiper le bloc obstétrical d’une centralisation des monitorages ; • concevoir et afficher un poster « reminder » sur la conduite à tenir à l’expulsion incluant la classification de Melchior. Un premier audit de dossiers a été effectué en août 2010, et un second en octobre 2010. Ces audits ont montré que le tampon était utilisé dans 15 %, puis dans 30 % des dossiers examinés. Nous allons maintenant créer un indicateur (grâce à des audits réguliers) sous la forme d’un « baromètre d’utilisation », qui sera affiché au bloc obstétrical.

Le taux de césariennes En 2008 et 2009, ce taux atteignait les 20 % (Tableau 1). Du jamais vu pour notre établissement de type IIa,

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E. Mougenez, M. Makosso

historiquement connu pour son faible taux de césariennes ! Le plan d’actions qui en a découlé est celui-ci : • mettre en place une technique de surveillance fœtale de deuxième ligne (lactacidémie au scalp) • organiser un kit « lactates au scalp » comprenant tout le matériel nécessaire et le protocole de prélèvement ; • étudier plusieurs dossiers concernés par cette technique en staffs-EPP.

La prise en charge de l’hémorragie du post-partum Bien que notre service soit engagé depuis 1999 dans l’amélioration de la prise en charge de l’hémorragie du postpartum (HPP), nous avons mis en exergue certains défauts d’ordre organisationnel. Suite à ces constats, nos objectifs ont été : • de conduire une nouvelle EPP sur la prévention et la prise en charge de l’HPP ; • de mettre en œuvre le plan d’actions qui en a découlé ; • d’utiliser le Pabal® lors des césariennes sous anesthésie loco-régionale ; • de réévaluer nos prises en charge en 2012.

lors des réunions, et cela nous amène à avoir plus de rigueur dans la tenue du dossier. On a aussi gagné en rigueur dans l’analyse du RCF, et ‘‘dans le phrasé’’ lors de nos appels à l’obstétricien ».

Conclusion La qualité est une œuvre collective que nous tentons d’appréhender de fac ¸on dynamique pour susciter l’intérêt des professionnels. Cela implique un management participatif et nécessite d’accompagner les évolutions jusqu’au bon fonctionnement régulier (audits réguliers, pérennisation des RMM et staffs-EPP, suivi des participations . . .). C’est pourquoi nous avons choisi de mener nos réunions de manière formative, car nous former puis nous évaluer nous permet d’entrer dans cette démarche d’équipe pérenne : évoluer en évaluant. Ainsi, cette démarche permet aux professionnels de s’approprier les pratiques efficientes au bénéfice des patients, tout en valorisant leurs actions. « Sans cesse sur le métier remettez votre ouvrage ».

Déclaration d’intérêts Quel impact sur le terrain ? À ce jour, nos pratiques se sont certes améliorées, mais l’impact essentiel, demeure le ressenti de l’équipe qui s’investit beaucoup dans cette culture de l’amélioration, qui au fur et à mesure que le temps passe, se transforme en état d’esprit. Pour une sage-femme : « on réactualise nos connaissances, on voit les manques qui sont mis en évidence

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Annexe 1. Charte de fonctionnement des revues de morbi-mortalité et des staffs-EPP, service de gynécologie-obstétrique.

RMM et staff-EPP — Gynécologie-Obstétrique Charte de fonctionnement 1. Engagement 2. Fréquence

3. Participants

4. Ordre du jour 5. Modération 6. Finalités (rappel)

Version 01 Mise à jour septembre 2011

Le service s’engage dans une amélioration de la sécurité des soins par la mise en place de revues de morbi-mortalité (RMM) et de staff-EPP. La RMM (ou le staff-EPP selon les dossiers) sera organisée à une fréquence de 5 à 7 fois par an. Le tableau de planification est affiché en début d’année. Il est géré par la sage-femme cadre et le chef de service. Tous les médecins du service, internes, sages-femmes et sage-femme cadre sont invités à participer à cette réunion. Les sages-femmes doivent participer au minimum à la moitié des réunions. Les cas à étudier en séance sont identifiés lors des staffs journaliers. Le chef de service, est en charge du choix des cas à discuter (en concertation avec l’équipe) et de l’organisation des RMM et staffs-EPP. L’objectif des RMM n’est pas de rechercher une culpabilité, ni les erreurs des individus mais de comprendre le mécanisme de l’accident, d’identifier ses causes favorisantes et les raisons profondes du dysfonctionnement et de mettre en place des actions de prévention. L’objectif des staffs-EPP est de faire une analyse régulière de ses pratiques professionnelles et d’intégrer une dimension d’évaluation dans son exercice quotidien. Le staff-EPP se déroule dans un climat de confiance est de confidentialité. Il s’agit d’un lieu de formation et de partage des connaissances et compétences médicales en y associant une démarche de médecine basée sur les preuves (Evidence Based Medicine).

Analyser nos pratiques : un pas vers la qualité ?

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RMM et staff-EPP — Gynécologie-Obstétrique Charte de fonctionnement

Version 01 Mise à jour septembre 2011

7. Présentation des cas

1 Le cas est présenté si possible par un membre de la RMM n’étant pas impliqué dans la prise en charge du patient, selon le plan suivant : anonymisation de la présentation, discussion sur les caractères évitables de la complication (selon les cas présentés), discussion sur la physiopathologie et les données bibliographiques, et relevé des décisions. 2 Une évaluation de la qualité des débriefings est effectuée en fin de chaque séance.

8. Confidentialité

La discussion est confidentielle et concerne les membres habituels des équipes.

¸abilité des cas 9. Trac

Un résumé anonyme est écrit, décrivant le cas, et portant les propositions de changements dans l’organisation des soins ou de rédaction d’un nouveau protocole. Chaque action identifiée est consignée dans le compte-rendu de séance, afin de pouvoir en suivre la mise en œuvre.

10. Archivage

Ce résumé et ces décisions ne font pas partie du dossier du patient.

¸abilité des réunions 11. Trac

Le service note le nom des participants, pour permettre à chaque médecin et à chaque SF de faire valoir sa participation, dans le cadre de son évaluation de pratique professionnelle. Un compte-rendu de séance est rédigé par la sage-femme cadre, validé par le chef de service, puis par les membres présents lors de la réunion suivante, et archivé dans le classeur des débriefings du service pour consultation.

12. Suivi

Le service met en place des indicateurs pour suivre les résultats de son action. La sage-femme cadre rédige un bilan d’activité annuel, présenté aux membres de la RMM et archivé dans le classeur spécifique.

13. Approbation

La version 00 est approuvée à l’occasion de la réunion du 6 avril 2010.

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