Deep-Sea Research, 1965, Vol. 12, pp. 883 to 891. Pergamon Press Ltd. Printed in Great Britain.
Apercu sur les r~sultats de deux plong~es effectu~es dans le ravin de Puerto-Rico par le bathyscaphe A r c h i m b d e J. M. PI~R~S*
(Received 22 July 1965) Abstract--Two dives, to depths of 7,300 m and 3,100 m were performed on the southern side of the Puerto-Rico trench, chiefly for biological observations. The deposition of organic material is more considerable at 7,300 m (where a process of decantation seems to occur) than at 3,100 m. Limestone flags observed at 3,100 m showed signs of active present-day corrosion. Plankton study is made difficult, when the bathyscaphe dives to great depths, by the speed of descent (about 1 m/sec). During the dive to 7,300 m the density of the plankton showed a marked diminution towards 6,600 m, that is, passing from the abyssopelagic to the hadopelagic zone. The increase in density of the plankton usually observed in the last few metres above the bottom seemed slight, although many amphipods (Stegocephalids ?) were seen. During the dive to 3,100 m numbers of a medusa (Aglantha ?) were seen between 1,500 and 2,800 m; below 2,900 m plankton was virtually absent. Only the benthic epifauna could be studied, as the bottom sampler failed to work. At 7,300 m the community was characterized by the abundance of a liparidid fish (Careproctus ? : about 200 individuals); fair numbers of holothurians were also seen (Synallactidae and Myriotrochus), several Nematocarcinus, and a large asellote isopod, probably of an undescribed species. At 3,100 m a total absence of epifauna was noted on hard substratum, and a synallactid holothurian was dominant on muddy sand; the fishes were very rare. General remarks on the use of the bathyscaphe, in its present state, for biological work, are given.
DANS le cadre de l'op6ration " Deepscan " entreprise c o n j o i n t e m e n t par le C.N.R.S. et la M a r i n e Nationale, du c6t6 francais, et par u n groupe de laboratoires amdricains d o n t le L a m o n t Geological Observatory, j ' a i ex6cut6 les 22 et 25 mai 1964 deux plong6es avec le bathyscaphe Archim~de dans le ravin de Puerto-Rico. Je ne reviendrai pas sur la description de ce ravin; une synth6se des connaissances acquises jusqu'5, l'op6ration " Deepscan " a 6t6 faite par H. DELAUZE (1963). Q u o i q u ' u n e plong6e en bathyscaphe soit u n e op6ration trop coflteuse et trop rare pour q u ' o n ne cherche pas ~t en tirer des r6sultats sur tous les plans possibles, m o n activit6 6tait orient6e surtout vers les aspects biologiques. Mes deux plong6es ( P R 4 et P R 5) venaient apr6s la plong6e d'essai (PR l) et les deux plong6es effectu6es par le Professeur P. DRACH, Directeur-adjoint du C.N.R.S. (PR 2 et P R 3). Je d6sirais principalement : - - d ' u n e part, avoir une id6e des peuplements p61agiques, que les observations des plong6es P R l, P R 2, P R 3, disaient ~tre p r a t i q u e m e n t nuls; - - d ' a u t r e part 6tudier le benthos et le n e c t o b e n t h o s abyssal et hadal qui paraissaient assez riches, n o t a m m e n t en poissons, et ceci jusqu'5. 8 300 m ( P R 2, Prof. P. DRACH), *Station Marine d'Endoume et Centre d'Oc6anographie, Marseille, France. 883
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ce qui 6tait d6j~ une particularit6 remarquable puisque tes poissons les plus proJbnds connus jusqu'ici avaient ~t6 ramen6s de 7,650 m environ. La richesse en poissons nectobenthiques signal6e aux plong6es 2 et 3. surprenantc surtout pour la plong6e vraiment hadale n 2, postulait--d'une part que le planctm~ ne devait pas ~tre aussi pauvre qu'on ]e pr~tendait,--d'autre part, qu'il devait avoir des venues de d6tritus organiques divers en provenance du plateau continental et m~me des milieux continentaux (ceci 6tant /t rapprocher de la fr6quence avcc laquelle on est oblig6 de proc~der au dragage du chenal permettant aux gros navire~ d'acc6der au port de San Juan). La plong6e profonde devait d o n e ' --~tre faite sur la face S du ravin, la plus proche de la ligne de rivage et dans un~, aire off les isobathes ne soient pas trop resserr6s;--s'accomplir avec une lenteur descensionnelle telle qu'on puisse 6tudier les peuplements p61agiques. Le premier point 6tait facile/t r6aliser et le choix du point y a satisfait au del'a de toutes les esp6rances, d'autant plus que les travaux pr61iminaires ex6cutds par le USS Conrad avaient permis d'6tablir une excellente carte du ravin en courbes de niveau. Les r6sultats de cette premiere plong6e ( P R 4 ) /t 7,300 m ayant, pax confrontation avec les observations faites par P. DRACtJ lors de PR 2 et PR 3, pennis de conclure qu'il y avait une relative homog6n6it6 des peuplements au dela de 7 000 m, il m'a paru plus int6ressant de consacrer ma plong6e PR 5 ~ une profondeur nettement plus faible. L'id6al efit 6t6 6videmment de faire trois plong6es, une hadale au delft de 7 000 m, une franchement abyssale, par exemple vers 5 000 m, et une franchement bathyale vers 2 000 m. Malheureusement le fair que nous devions, fort justement, laisser ~i nos coll~gues amdricains, la moiti6 du nombre total des plong6es, ne me permettait de faire que deux op6rations, aussi ai-je choisi de faire la seconde/l la limite entre les 6tages bathyal et abyssal vers 3 000 m (PR 5). Le second point, concernant l'6tude des peuplements p61agiques, prdsentait des difficult6s beaucoup plus grandes. Je reviendrai /t la fin de cette note sur les probo 16mes de l'optique et de l'6clairage de l'ArchimOde, mais d~s maintenant, il taut souligner que ce bathyscaphe, contrairement au FNRS 111 est destin6 it aller normalement /t des profondeurs tr6s importantes. Dans ce cas, et pour que l'ensemble de l'op6ration ne ddpasse pas 8-10 heures, on est oblig6 de descendre une vitesse de l'ordre de 1 m/sec au moins, jusqu'h une certaine distance du fond. Or il est impossible, surtout avec les hubtots de petit diam6tre, "2t optique grandchamp, de cuivre du regard un objet; par ailleurs ces hublots presentent des d6fieiences sur le plan strictement optique. Avec le FNRS 111, l'6tude du plancton exigeait de descendre / t u n e vitesse maximale de 0,4-0,5 m/sec; avec l'Archimede, et jusqu'g ce qu'on ait am61ior6 l'optique, il semble que l'6tude du plancton ne soit possible que lorsque la vitesse de descente est inf6rieure ~ 0,2 m/sec. PLONGEE PR4 22/23 Mai 1964. Prise de plong4e h 16 h 49 par ~ = 19 ° 04' 6N et G 6 6 22' 4W. Retour en surface ~ 00 h 36 par ~ =-; 19° 09' 5N et G = 66 ° 22'W profondeur moyenne atteinte 7 300 m. Conditions de plongde. Les appareils photographiques ne fonctionnaient pas, non plus que le pH m~tre. L'enregistrement de temp6rature a 6t6 satisfaisant h partir de 1 000 m. La d6croissance de T est pratiquement r6guli6re de l 000 m (6,8 C)
Aper~u sur les r6sultats de deux plongdes effectu~esdarts le ravin de Puerto-Rico par le bathyscaphe 885 /l 4 800 m (2,38°C) puis s'acc61bre brusquement pour tomber ~ 2°C h 5 000 m, avant de remonter /L 2,30°C vers 7 200-7 300 m. Plancton. C o m m e je l'ai indiqu6 plus haut, l'dtude du plancton n'a pu 6tre faite, et de fa~;on imparfaite, qu'h partir de 18 h 50 (5 950 m) ou la descente a 6t6 tr6s ralentie, puisque l'arriv6e au fond (7 250 m) n'a eu lieu qu'/l 20 h 41 soit/l une vitesse moyenne inf6rieure /~ 0,2 m/sec. Les seuls points qu'on puisse retenir sont les suivants : - - d e s essaims d'euphausiacdes ont 6t6 observds entre 6 100 et 6 150m, et entre 6 400 et 6 450 m. --Vers 6 200 m et vers 6 400 m on a observ6 un essaim mixte d'euphausiac6s et Amphipodes. L'appauvrissement du peuplement para~t tr~s net/t partir de 6 600 m, et, jusque vers les vingt derniers mbtres prdcddant le fond on ne voit plus qu'un microplancton trbs clairsem6 avec de-ci, de-l/t, un amphipode ou une euphausiac6e isol6; aperqu 6galement un Chetognathe blanc. Cet appauvrissement para~t correspondre assez nettement au passage de la zone abyssopdlagique ~ la zone hadopdlagique. Darts la couche de 20 m prdc6dant imm6diatement le fond, l'enrichissement est nettement moins accus6 que celui qu'on observe habituellement lorsqu' on approche un fond de l'6tage bathyal (c'est-h-dire ne d6passant pas 3 000 m). Toutefois on observe ane ldgbre augmentation du hombre des amphipodes dont la densit6 atteint une valeur de 1 individu pour 5-6 m 3. Ces amphipodes dont la taille para]t ~tre au maximum de 10-12 mm sont remarquables par l'aspect dilat6 de la rdgion antdrieure, dfi au d6veloppement tr~s important des plaques coxales; il semble qu'ils appartiennent /t la famille des Stegocephalidae.
Foml, Benthos et Nectobenthos. La distance parcourue sur le fond a 6t6 de un mille environ. Le fond 6tait couvert d'une vase argileuse fine, ais6e ~. mettre en suspension, de couleur gris-jaune assez claire, indiquant une certaine oxydation superficielle, donc une certaine circulation de l'eau au niveau m~me du s6diment. Le courant portait au Nord, avec une vitesse de l'ordre de 0,7 cm/sec. II y a des signes consid6rables de transports en provenance des terres 6merg6es : feuilles mortes et noircies, d6bris de roseaux, branches d'arbres, et aussi de nombreux d~tritus d'origine humaine (boOtes de conserves vides, cartons, papier, etc.). L'apport de d~bris organiques en profondeur est certainement consid6rable et beaucoup plus important que celui issu des eaux sus-j~tcentes. L'importance de cet apport est attest6e par la richesse de l'endofaune, dont on n'a rien vu, mais qui se manifeste par la densit6 des trous. Ceux-ci ont un diambtre de 0,5 1 c m e t sont, en moyenne, au nombre de 5-10/m 2. I_a faune s~dentaire ou fix6e est assez restreinte, h l'exception sans doute de la fraction endog6e qui nous est rest6e inconnue. L'616ment dominant est repr6sent+ par des Holothuro~dea, dont il semble y avoir trois esp~ces. La plus commune (25 exemplaires environ pour l'ensemble de la plongee) est une forme assez d~prim6e, sans podia dorsaux et /t t6gument assez lisse, atteignant 10-15 cm de long; elle para~t appartenir /~ la famille des Synallactidae (peut-6tre a u g . Pseudostichopus ou Mesothuria). Une autre esp6ce beaucoup plus rare (3 exemplaires), est non aplatie et /~ corps couvert de tubercules (longueur : 10-12 cm); il est impossible de
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donner une indication sur sa position systrmatique possible. J'ai aperqu 6gatement deux sprcimens d'une hotothurie tr~s allongre (30 cm pour un diam~tre de 4 cm environ), de couleur grise, rampant sur le fond en y laissant un profond siUon et qui pourrait appartenir au g. Myriotrochus. Le reste de la faune franchement benthique, n'a rrvr16 que trois esp~ces :--une actinie fouisseuse (2 exemplaires), peut-~tre de la famille des Edwardsiidae, de couleur blanche, dont la couronne (diam~tre 7-8 cm) portait une trentaine de tentacules;--une polych~te de ta famille des Sabellidae, (hauteur 10-12cm) "~ panache respiratoire tr~s bilobr, d'un blanc pur;--probablement un echiuride, car j'ai vu ~ deux reprises un filament blanc de 30 cm de long environ sortant d'un trou du srdiment et qui pourrait 6tre la trompe d'un de ces animaux. Le nectobenthos est reprrsent6 par des malacostraces et des poissons. L'esp~ce principale de malacostrac6 est une grosse Crevette du groupe des Caridea dont la longueur atteint 10-12 cm et qui est d'un gris rouge assez foncr. Le rostre est tr~s court et les prrriopodes 4 'h 8 (pattes ambulatoires) sont tr~s longs, gr~les et subrgaux. Le comportement est tout/~ fait curieux : l'animal nage essentiellement avec les plropodes qui sont assez longs et les pattes arnbulatoires sont rejetres plutrt vers l'arri~re comme des balanciers. 11 parait /t peu pros certain qu'il s'agit d'une esp~ce du g. Nematocarcinus, d'ailleurs connu de l'Atlantique oriental du nord et du centre jusque vers 4 000 m; toutefois je n'ai pas bien distingu6 les longs fouets antennaires et antennulaires, qui 6taient sans doute rejetrs vers l'arrirre. Cette observation 6tendrait largement la distribution du genre vers les profondeurs croissantes. Deux autres Natantia indrterminables ont 6t6 observrs; toutefois Fun d'eux, d'environ 5 cm de long et de couleur violette, appartenait trrs probablement '~ la famille des Alpheidae. L'616ment de plus remarquable de cette faune nectobenthique est reprdsente par un isopode du groupe des Asellota, dont j'ai vu deux exemplaires et qui ne correspond /t aucun genre connu dans la littrrature, pourtant assez abondante, consacrre aux isopodes des grands fonds. Le corps est en forme de tablette altongre de 7-8 cm de long pour un cm de large au maximum, de couleur ivoire, bord6 sur les crtrs du prreion de rouge loner. Les prrriopodes ambulatoires sont trrs longs et gr~les (au moins 1,5 fois la longueur du corps) et l'animal s'en sert assez maladroitement d'ailleurs, pour nager, un peu ~ la faqon des pycnogonides; la natation est faiblement aidre par des battements du plron. Les poissons sont beaucoup plus nombreux en individus que les crustaces. C'est un tiparididr, propablement d u g . Careproctus qui est de tr~s loin l'616ment dominant au point de vue quantitatif. La taille la plus rrpandue parait-~tre de l'ordre de 10-12 cm et le corps est d'un blanc /~ peine rosr. La nage est un peu " vrillre" et assez discontinue, l'animal se laissant frrquemment retomber sur le fond o/1 il reste quelques minutes toujours avec le corps 16grrement arqur, et toujours dans une position qui paraR drsrquilibrre, c'est-b.-dire que l'animal est inclin6 sur un crt& 11 y a d'autres individus plus gros, atteignant 25 cm de long, de couleur plus franchement rosre et /~ yeux trrs noirs et plus gros, dont le comportement est trrs analogue. I1 n'est pas possible de dire s'il s'agit de deux e s p i e s voisines, ou seulement d'individus jeunes et figrs appartenant b. la mrme esp+ce. Quoiqu'il en soit, les Careproctus sont trrs communs et j'en ai compt6 environ 200 au cours du trajet effectu6 sur le fond.
Apergu sur les r6sultats de deux plong6es effectu6esdans le ravin de Puerto-Rico par le bathyscaphe 887 J'ai observ6 6galement deux exemplaires d'un poisson h corps gris-noirfitre m~16 de rose et tr6s effil6; l'aspect rappelle assez celui de Melanostigma gelatinosum GiJnther, qui est connu de la r6gion mais n'a jamais 6t6 trouv6 au-del~, de 1 200 m. J'ai aper~u aussi un macrurid6 de 30 cm de long environ, mais sans pouvoir l'&udier suffisamment pour permettre une identification, m~me approximative. PLONG/~E PR 5 26 mai 1964--Prise de plong6e ~ 07 h 30 par 4, = 18" 52' 5N et G ~ 66 < 15' 6W. ---Retour en surface ~ 13 h 55 par 4' -- 18° 51' 3N et G ..... 66 ° 18' 5W.--Profondeur atteinte 3 100 m. Conditions & plong&. Les appareils photographiques ne fonctionnent pas, non plus que le pH m&re. L'enregistrement de temp6rature a 6t6 bon; en dehors de la thermocline de surface il y a une discontinuit~ nette vers 750 m (fi 600 m, 10,2°C, 800 m 6,94°C). La temp6rature sur le fond est de 2,9°C. Planeton. En raison de la faible profondeur vis6e, on a pu adopter une vitesse de descente plus faible que pour la plong& PR 4. Cette vitesse a 6t~ de l'ordre de 0,5 m/sec de 0 ~. 1 800 m, de l'ordre de 0,25 m/sec de 2 200 "a 2 600 m et inf6rieure ~. 0,20 m/sec de 2 600 m au fond (3 100 m). Jusqu'~. 1 800 m la vitesse a emp&h6 pratiquement toute observation. J'ai apergu quelques euphausiac6es et un petit ct6naire vers 2 200 m, un gros cop6pode calanide vers 2480 m, et quelques euphausiac6es encore vers 2 7 1 0 m . Enfin entre 1500 et 2 8 0 0 m on a vu une quinzaine d'exemplaires d'une Trachym6duse de la famille des Trachynemidae de 30-40 mm de haut, assez transparente, de couleur brun-rouge, nageant assez activement mais dont les tentacules, certainement tr6s courts, n'ont pu etre discern6s; la couleur et la taille font ~videmment penser "~ Crossota brunnea Vanh~ffen, tr6s commune dans les zones bathyp61agique et abyssop61agique des trois grands oceans, mais la forme allong6e et la pr6sence d'une courte expansion aborale g61atineuse montre des affinit6s avec la sous-famille des Aglaurinae (g. Aglantha). A partir de 2 900 m e t jusqu'au fond la faible vitesse descensionnelle permet d'affirmer que le plancton est &onnamment pauvre.
Fond; Benthos et Nectobenthos La distance parcourue sur le fond a 6t6 de l'ordre de un mille. Ce fond montre des dalles 6parses, qui donnent ~ penser qu'il y a u n substrat rocheux dont la surface est irr6guli6re, les creux 6tant combl& par du s6diment. Les d6bris issus des milieux continentaux (bois et feuilles mortes) sont beaucoup moins nombreux qu'fi la plong6e PR 4. 11 semble que le courant au voisinage du fond porte vers le 20, avec une vitesse de l'ordre de 0,5 cm/sec. II est probable que le transport, peut-&re discontinu, est suffisamment 6nergique pour que la majorit6 des d6bris provenant du continent et du plateau continental aille vers des profondeurs plus grandes. Le s6diment parait avoir une fraction fine (poudres et argiles) tr& faible et comporter surtout une fraction assez grossi~re (petits graviers et sable grossier) qui semble issue de la roche sous-jacente (ou de roches analogues situ6es plus haut sur la pente). Les mouvements d'h61ice du bathyscaphe ne soul6vent qu'un faible nuage et qui retombe assez vite.
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Les dalles rocheuses paraissent de deux sortes : J'ai vu une seule fois, un calcaire blanc d'aspect assez compact et sans trou. L'aspect le plus r6pandu est celui d'un calcaire jaune, qui parait tendre et se d~lite assez facilement. Sur plusieurs dalles, j'ai vu des perforations de P61dcypodes lithephages ressemblant beaucoup par leurs dimensions 5. celles des Gastrochaena ou des Saxicara. Ces perforations, dent le diam6tre est de l A 1,5 cm. ne sent pa~ g6n6rales. Les trous ne semblent pas habit6s actuellement: il pourrait s'agir tic perforations anciennes, rdalisdes en eaux peu profondes, sans doute .stir le plateat,~ continental. 11 est int&essant de souligner que la corrosion parait, sinon so pour~ suivre actuellement, du moins 6tre tr6s rOcente, car on observe souvent au voisinagc imm6diat des affleurements rocheux une proportion importante de petits cailloux (2 h 4 cm dans leur plus grande dimension) d'aspect assez anguleux malgre la nature plut6t tendre, semble-t-il, de la roche. J'ai observ6 aussi, par places, dans le fond, des depressions ayant une surface un peu sup6rieure A celle qu'ont, en moyenne, les aflteurements; dans ces d6pressions il y a des petits cailloux, de la m6me nature que la roche qui 6merge normalement, et qui paraissent un peu plus gros. I1 semble qu'il s'agisse 1'~ du stade ultime de dSgradation de certaines dalles rocheuses, dent la corrosion a cess6 'a partir du moment off la surtace de la roche a dtd recouverte par une pellicule de sable isstl de cette d6gradation m6me. Cette corrosion des roches, qui parait 6tre actuelle, pose 6videmment un probl+me. Son origine ne peul 6tre algale, vu la profondeur. Bien qu'on observe assez souvent des perforations, je n'ai vu au voisinage des affleurements aucun reste de coquilles pouvant faire croire i~ I'existence de pdl6cypodes lithophages; d'ailleurs dans l'6tat actuel de nos connaissances les motlusques de ce groupe ne paraissent pas ddpasser la partie superieure de l'6tage bathyal, et on peut penser que tes trous observds correspondent h u n peuplement ancien. La corrosion peut encore ~tre attribude A trois causes :--une altaration purement chimique:---une altdration bact6rienne: une altdration par des eponges (Cliona ou genre voism). Dans les deux premiers cas on comprend real pourquoi l'alt6ration s'arreterait lorsque les fragments d6tachds de la roche en place, fragments qui sont particuli6rement nombreux, at~teignent 2 it 4 cm dans leur plus grande dimension, fin revanche, ce type d'dvolution correspend assez bien Ace qui est connu sur le plateau continental pour les roches o0 les concr6tionnements calcaires d'origine biologique attaqu6s par des Cliona; le processus de corrosion s'arrate lorsque la dimension des fragments est de l'ordre de quelques centim~tres, cette dimension devenant incompatible avec la survie de eponge. Je n'ai pas observ6 un seul animal sessile ou sedimentaire sur les dalles rocheuses. Certes, j'ai dej/t signal6 (Pr~RES, 1958, 1959), A plusieurs reprises cet affaiblissement du taux de couverture des substrats durs au del/~ des horizons les plus 61ev6s de l'6tage bathyal, affaiblissement qui s'observe aussi dans les portions totalement obscures des grottes sous-marines et qui parait devoir atre imput6 A l'obscurite (sans que la voie par laquelle agit ce facteur puisse etre soup?onn6e). Darts le cas prdsent, je pense que la fragilit6 de la roche-substrat peut atre aussi un facteur inhibiteui de l'installation d'une 6pibiose. Sur le substrat meuble l'endofaune parait beaucoup plus pauvre qu'a 7 250 m, il y a peu de trous et on n'observe pas du tout le semis assez rdgutier que j'ai vu tots
Aperqu sur les r~sultats de deux plong6es effectu6es dans le ravin de Puerto-Rico par le bathyscaphe 889 de m a premiere plong~e (PR 4). 11 y a quelques tumuli, de dimensions moyennes (diam~tre de l'ordre de 40 cm pour une hauteur voisine de 25 cm). J'en ai vu un avec un grand entonnoir (et un trou) b~ la partie sup6rieure. Sur le fond lui-mame l'61~ment d o m i n a n t de la faune est, et de tr~s loin, une grosse Holothurie ",i corps nettement ddprim6. La longueur atteint 30-35 (40) cm avec une largeur de l'ordre de 12 (14) cm. La couleur gdn6rale ne varie gu~re : l'ensemble du corps est " pain cuit," les bords latdraux du trivium " pain brOl6," les podia buccaux paraissent dgalement trbs somhres; sur le milieu du bivium et sur presque route la longueur il y a une raie plus claire, parfois presque blanche. Les bords du trivium paraissent assez amincis et festonn6s. Ces holothuries laissent stir le sol d'dnormes sillons sinueux souvent ddpourvus d'animal au bout, ce qui s'explique puisque j ' a i v u , d'assez loin, un exemplaire nagei par ondulations du corps. Assez souvent la partie postdrieure du corps est relevde obliquement au-dessus du substrat ~l la mani+re des Psychropotidae, mais ne prdsentc pas l'effilement de cctte region qui est caractdristique de cette famille. Ces holothmies sont, le plus souvent mais non toujours, en groupes de 5-10 individus r@artis sur une surface de l'ordre de 20 25 m e. Le sddiment est encombr6 de f~ces spiraldes, ii spirale assez allong6e, que j'avais d ' a b o r d prises pour des excrdments d'entaropneustes, mais qui appartiennent indiscutablement/~ cette holothurie. La longueur des tortillons (enroulds) est c o u r a m m e n t de l'ordre de 10-15 cm. lls sont aisds/t distinguer de quelques excrdments de Squales que j'ai vus dont le diamatre de spire est plus fort, qui sont plus gros et plus courts. Par ses podia buccaux, en position terminale (et non ventrale), cette grande espbce parait devoir 6tre rangde darts la famille des Synallactidae, et sa ['orme aplatie conduirait ii l'attribuer a u g . Pseudostichopus. En dehors de ce peuplement dense d'holothuries le reste de la faune visible est assez pauvre. On notera pour les eponges :--4 exemplaires d'une tr~s grosse espbce, atteignant 20 '5, 25 cm de haut, de couleur gris sale, et dont la forme en coupe dvoque un peu les Calyx:--une hexactinellide ~ corps globuleux d'une blanc laiteux translucide de 10 cm de diamatre environ, dressd sur un pddoncule d'une vingtaine de centim+trcs de h a u t ; - - u n e esp~ce sphdro'idale gris-fonc6, de 7-8 cm de diamatre, rappelant un peu l'aspect des Tuherella, avec des oscules assez nombreuses rdguli~rement rdparties sur l'ensemble de la surface. Les anthozoaires sont trbs peu n o m b r e u x : je n'ai vu qu'un seul octocoralliaire simple (aspect de Funiculina), d'une quinzaine de centim+tres de haut, /~ polypes tr~zs petits et un petit Gorgonaire ramifi6 en 6ventail/t rameaux serrds, parfaitement 6tald dans un plan perpendiculaire au sens du courant. J'ai aper?u un seul crustac6, une crevette pdndide de couleur violette. Les echinodermes autres que les holothuries 6taient reprdsentds par : - - u n spatangide de couleur grise, long de 15 cm pour une hauteur de 7 8 cm :--3 exemplaires d'une ophiuride /t aspect d'Ophiura, ia disque trbs aplati, de couleur blanc rosd, '~ bras mobiles dans le plan horizontal seulement et peu flexueux, dont le diamatre total atteignait 20-25 cm ; - - u n e astdride blanchfitre, de diam~tre total 25-30 cm, '5_ disque tras petit et ~t bras assez gr~les paraissant prdsenter une ldg+re constriction Was de l'origine : l'aspect est assez celui d'une Freyella, mais celles-ci ont toujours plus de 5 bras, ce qui n'etait pas It cas du spdcimen observ6 et ferait plut6t pencher pour une forme voisine du g. Zoroaster. Contrairement /t la plongde /t 7 300 m cette plongde PR 5 /t 3 100 m n'a pas montr6 une riche faune de poissons. Deux spdcimens seulement ont dr8 aper?us :
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--Fun de couleur blancjaunfitre, est un apode, d'une quarantaine de cm de long; les proportions g6n6rales du corps, l'aspect de la longue nageoire caudale e t l a forme des m~choires, 6voquent l e g . Congermuraena KAUP, (1859), orthographie d'ailleurs Congromuraena par divers autres auteurs; une esp6ce prolbnde de ce genre est connue de l'Atlantique Central et de la M6diterran6e.--L'autre est u, grand macrurid6 atteignant environ 1 m de longueur totale, ~ queue tr6s longue et tr6s fine, de couleur grishtre assez claire, qui nageait/l environ 1,5 m au dessus du fond; la forme g6n6rale du corps, celle de la t6te, la longueur de la queue 6voquent assez Trachonurus sulcatus (Goode et Bean); cependant cette espece, connue des parages de la Martinique, n'a fourni, jusqu'ici que des sp6cimens de 35 h 40 cm de long, mais ~ des profondeurs moins grandes. REMARQUES
GENERALES
I1 n'est pas possible de tirer ~ proprement parler une conclusion de deux plong6es seulement, et ceci d'autant plus que divers dispositifs de l'Archimkde appellent encore des modifications. La vision, surtout pour le plancton o0 les sujets observ6s sont tr~s mobiles, est tr6s inf6rieure b. ce qu'eUe 6tait au travers du hublot du FNRS 1II; l'6clairage est 6galement moins favorable aux observations de plancton, car moins ais6ment r6glable que sur l'ancien bathyscaphe; en particulier lors de la plong6e PR 4, m6me pendant la descente ralentie de 5 950 m ~ 7 300 m les observations ont 6t6 tr6s difficiles. Pour le benthos les d6ficiences du syst+me optique et de l'6clairage sont moins g~nantes. La mobilit6 e t l a manoeuvrabilit6 de l'ArchimOde sont tr6s sup6rieures 5. celles du FNRS 111; pratiquement seule la vitesse lente permet l'observation du fond. Les appareils de pr61~vement de faune benthique n'ont pas fonctionn6 pendant mes plong6es; en fait, s'il ont parfois pu 6tre utilis6s pour d'autres plong6es, ils ont fait preuve d'une d6plorable fragilit6; ils sont en cours de refonte en rue des plong6es de 1965. Ce probl6me des appareils de pr61+vement concernant non seulement le benthos, mais aussi le nectobenthos et le plancton, doit ~tre au premier plan des pr6occupations des ing6nieurs. Lorsqu'on plonge en M6diterran6e ou dans le proche Atlantique on rencontre une faune assez bien connue, ce qui permet de reconnaitre un assez fort pourcentage des esp6ces observ6es, il n'en est pas de m~me dans des losses dont la thune a 6t6 peu 6tudi6e; dans l'avenir, et m6me apr6s perfectionnement des appareils de collecte, il serait tr~s utile de jumeler les plong6es du bathyscaphe avec des pr616vements effectu6s par les mdthodes classiques h partir d'un navire de surface. Ceci pos6, il est cependant possible de d6gager des deux plong6es effectu6es quelques points essentiels :-Les peuplements p61agiques paraissent en g6n6ral tr6s ctairsem6s; les m6galoplanctontes sont particuli6rement peu nombreux; il y a un net appauvrissement g6n6ral vers 6 600 m, c'est-h-dire h la profondeur qui correspond au passage de la zone abyssop61agique ~ la zone hadop61agique; sur le talus le plancton au voisinage du fond parait particuli6rement pauvre ce qui pourralt ~tre attribu6 h un courant g6n6ral descendant la pente; ~ 7 300 m (fond de d6cantation) le plancton est un peu enrichi dans la couche de vingt m6tres pr6c6dant le fond.
Apergu sur les r6sultats de deux plong6es effectu6esdans le ravin de Puerto-Rico par le bathyscaphe 89l A la limite de l'6tage bathyal et de l'6tage abyssal (3 100 m) le peuplement benthique 6pig6 est ~, dominance d'esp6ces d&ritivores, surtout Holothuries, mais aussi ophiurides, spatangides; il y a quelques formes suspensivores (eponges, cnidaires) ; les poissons sont pratiquement inexistants. II n'y avait aucune 6pif:aune visible sur les roches. Dans l'6tage hadal (7 300m) le peuplement comporte essentiellement des d6tritivores (holothuries) et des crustac6s divers (isopodes, d6capodes) qui ont sans doute aussi, en pattie du moins, un r6gime alimcntaire & base de d6tritus; il ne semble pas y avoir d'esp~ces 6pig6es se nourrissant de particules en suspension; en revanche la faune de poissons est tr6s fiche en individus et compte au moins trois esp6ces. La densit6 du peuplement, tr+s remarquable pour l'6tage hadal, est imputable & l'importance des apports organiques issus du plateau continental et des terres 6merg6es. D'autres plong6es permettent d'affirmer que ce peuplement subsiste inchang6 jusqu'5. 8 300 m.
RI~S U MI~
Deux plong~es ont 6t~ effectu6es, ax6es principalement sur la biologie, ~ 7 300 m et 3 100 m, sur la rive sud du ravin de Puerto Rico. L'apport de mati6res organiques issues des terres 6merg6es et du plateau continental est beaucoup plus important 7 300 m, of~ parait se faire une certaine d6cantation, qu'& 3 100 m. A 3 100 m ont 6t6 observ6es des dalles calcaires pr6sentant des signes d'une corrosion actuelle tr6s active. L'6tude du plancton est rendue tr6s difficile lorsque le bathyscaphe plonge ~t grande profondeur par la vitesse de descente. Lots de la plong6e ~t 7 300 m la densit6 du plancton a montr6 une grosse diminution vers 6 600 m, c'est-&-dire en passant de la zone abyssop61agique & la zone hadop61agique; Faugmentation de densit6 de la population planctonique qu'on constate habituellement dans les derniers m6tres pr6c6dant le fond paralt faible quoiqu'on ait observ6 un assez grand nombre d'amphipodes (stegocephalides ?). Lots de la plong6e h 3 100 m on a observ6 un assez grand nombre de sp6cimens d'une m6duse (Aglantha ?) entre 1500 et 2 800 m; ~t partir de 2 900 m l e plancton ~tait presque inexistant. Seule la faune benthique 6pig6e a pu fitre 6tudi6e, l'appareil de pr616vement n'ayant pas fonctionn6. A 7 300 m, le peuplement 6tait remarquable par l'abondance d'un poisson Liparididae (Careproctus ?): environ 200 sp6cimens; on a observ6 aussi des Holothurides assez abondants (Synallavtidae et Myriotrochus), des Nematocarcinus, et un Isopode Asellote de grande taille, probablement inconnu. A 3 100 m; on a not6 l'absence totale d'6pifaune de substrat dur, et sur le fond sablo-vaseux la dominance d'une holothuride synallactide (Pseudostiehopus); los poisson~ ~taient trbs rares. REFERENCES
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