CONGRES La fonction liante du cri s'organise progressivement. La structure biologique du cri vient 5 la place de l'objet indiqud, et prdpare mSme une structure de parentalitd sensorielle. Par exemple, si on enregistre les cris de ddtresse d'un petit macaque et qu'on les fait dcouter un groupe alors qu'il est en paix, la rn~re du petit singe enregistrd va regarder le magndtophone, et les autres femelles du groupe vont routes se tourner vers elle. On est ddj~ dans des structures de parentd sensorielle : le cri indique un objet non pergu. Chez les macaques, la structure du cri rdv~le si le danger vient d'un ldopard, d'un aigle ou d'un serpent. Appliqud fi l'enfant, on constate que Fenfant seul a des cris plus aigus qu'en prdsence d'une personne familiSre. Quand cette personne parle, la structure du cri change et sa durde augmenm. La fondamentale est lide ~t la structure physique de l'appareil phonatoire de l'enfant (voCtte du palais, base du crane,...) alors que le spectre de fi:& quence est plut6t attribuable aux parties molles (pharynx, langue, joues) ; or il y a, dans [es parties molles, des muscles lisses ttSs sensibtes an stress. La voie dmue est un des indicateurs d'dmotion ies plus fiables.
O n s'apetgoit que, des 2 ~ 4 mois, l'enfant qui va parler met en place une signature verbale, c'est-f.-dire que l'on reconnalt son cri, que l'on peut prddire la structure du c r i e t son timbre, en fonction du milieu et de la personne qui va rentrer dans la pihce. Que se passe-t-il mainrenant quand une femme met au monde des jumeaux ? I1 y a deux enfants qui doivent trouver une place dans la pelure historicisde de leur m~re, celle oh la sensorialitd est strucmrde par notre affectivit& Voyons, d'abord, des j umeaux dizygotes de marne sexe. Un travail commun avec B Golse, sur les premiSres phrases prononcdes apr~ la naissance, montre que l'attribution de leurs prdnoms respectifs aux enfants est chargde de sens tird de l'expdrience de la m~re lorsqu'elle dtait enfant. C d a influe sur le type d'interactions m~re-enfant en fonction de ses projections fantasmatiques, c'est&-dire qu'elle structure d i f f & e m m e n t le champ sensoriel. Les enfants, m8me jumeaux, n'ont donc par la mSme mSre (du point de vue de la stimulation sensorielle), le mSme degrd d'attention, la m~me durde de jeu. }[ 18 mois, l'enfant moins stimuld est trbs anxieux face ~t mute sdparation, alors que sa sceur est
calme, mais il n'y a peut-&re pas de relation de cause ~ effet. Des constations semblables ont dt4 fakes avec des paires de jumeaux monozygotes. Dans le cas pr& sentd, les endormissements et les rdveils de ces deux enfants se faisaient de fagon trhs contrastde. I1 y a probablement des diffdrences entre eux au plan endocrinien, vu la qualitd de leur sommeil, et la question se pose de la part de d6terminant biologique dfi k l'intervention de la mhre. La th~se rdcente de O Brouillet, k Montpellier, portait sur la fagon dont le starut social de l'adulte fa~onne en partie l'histoire de l'enfant, ~ partir de t'dtude des postures utilisdes pour porter l'enfant, et des consdquences possibles sur le degrd de stimulation sensorielle, que re~oit l'enfant, en fonction de cette posture. Mais, par ailleurs, certains enfants sont actifs, et d'autres passifs. L'intention de l'adulte organise la pdriph&ie. Cette intention rencontre un enfant actifou passif. Le bdbd est donc un syst~me rapidement dvolutif, qui vit dans une structure influencde par le srarut social et l'histoire de sa m~re.
influence de I'environnement et du g( nome sur le d( veloppement du cerveau et des ,( fonctions sup( rieures , , P I~vrard Service de neurologie p~diatrique, h6pital Robert-Debr~, 48, bd S&rurier, 75019Paris
e ddbat quasi mdtaphysique entre innd et acquis renalt, actuellement, du fait des nouveaux outils de connaissance que sont la gdndtique et le cognitivisme. En l'dtat, les neurosciences ne peuvent pas trancher. Elles peuvent, par contre, dresser un catalogue raisonnd de ce qu'elles connaissent de l'impact de la gdndtique et de l'environnement sur le d&eloppement. Les neurones commencent ~ apparaitre, par division, dans les zones ger-
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minales pdri ventriculaires, d'ofi ils migrent le long de guides gliaux vers leur future position dans le cortex. Entre la 10 e et la 12 e semaine d'amdnorrhde, les neurones et leur support glial sont group& en unitds de base organisdes en colonnes verticales comptant environ 1 000 neurones. Cette organisation en colonnes se retrouve aussi bien chez la souris que dans l'esphce humaine. Ce qui fait la diff&ence entre ces deux esphces, ce sont les unitds adjacentes,
le hombre total d'unitds et leur int.erconnexions dans le cerveau mature. De nombreux phdnom~nes environnementaux peuvent intervenir, de manitre ddfavorable, sur la production et la migration des neurones. Par exemple, la cocaine in utero donne des anomalies de la migration des neurones, oh les neurones qui devraient former la couche intraveineuse se retrouvent distribuds sur les 6 couches du cortex. Par ailleurs, les raisons pour lesquelles une femme
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CONGRE-S enceinte a pris de la cocaine vont, etles aussi, jouer un r61e dans le d&eloppement de son enfant. partir de la 20 ~ semaine, le cerveau devient ddpendant de son approvisionnement en oxyg~ne ; L'hypoxie ou l'anoxie peuvent provoquer des l&ions maintenant mieux apprdhend&s, dont on connait des dizaines de types anatomopathologiques. Certains de ces types sont associ& ~i des d6ficiences mentales ou ~i des tableaux neuropsychologiques relativement sp&ifiques (on a discutd le r61e d e certains dans la dyslexie par exemple), mais la limite entre normal et pathologique est parfois difiqcile ~ ddfinir. Jusqu'~ la 20 ° semaine, les connexions entre neurones sont quasi inexistanres. partir de la 20 ~ semaine, les neurones se multiplient de moins en moins, mais grandissent par dmission d'axones et de dendrites, et s'interconnecrenr de plus en plus. Au-del~ de ce stade, s'il y a destruction massive de tissu nerveux, nous pourrons observer des ph6nom~nes de cicatrisarion apparemment impressionnants en volume. Toutefois, comme l'on montr6 les exp&iences d'ex6r~se large du ndocortex gauche chez des foetus de singe par P Goldman-Rakic, se sont des prolif&ations dendritiques, axonales et gliales qui occupent l'essentiel du volume de l'exdr~se, mais le hombre de neurones prdsents n'augmente pas lots de la cicatfisation, puisqu'il n'y a plus de multiplication. De plus, Ies connexions compensatoires qui s'&ablissent sont ddfavorables, puisque le singe se portera mieux ult&ieurement lorsque l'on inlfibera ces connexions nouvdles. Vers 26 ~ 27 semaines, le cerveau acquiert une diffdrentiation sexudle, ce qui se traduit notamment par des asym&ries. O n connak bien maintenant la concordance entre sym&risation du planum temporal postdrieur et dyslexie C'est ~ ce stade que cette variante morphologique apparak. La gen~se de la douleur est un phdnom~ne qui m&ite que l'on s'y attarde. En effet, il y a une perception foetale de la douleur, mais pour que les phdnom~nes douloureux puissent avoir un retentissement psychique, il faut que let fibres thalamoeorficales soient en place, ce qui
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survmnt vers la 24-25 ~ semaine. Cela dit, il y a probablement, lots de la construction du cerveau. Des niveaux de mdmoire successifs qui se suivent et ont probablement des significations successives entre 22-23 semaines de vie postconceptionnelle er l'adolescence, par exemple. Le p h d n o m ~ n e de , gate control >~, qui est l'autoanesth&ie ~ la douleur au niveau mddullaire, commence ~i se ddvelopper vers le 6 ° mois de grossesse. I1 n'existe donc pas chez le grand prdmaturd, et peu chez l'enfant nd avant terme. O n peut donc supposer que la douleur a chez eux un grand retentissement, m8me si une corrdlation prddse avec les phdnomSnes psychodynamiques est difficile ~ &ablir. I1 nous manque des donn&s pour mesurer cet impacr et il faudra, probablement, pour ce faire mertre au point de nouveaux outils dpistdmologiques La sensorialitd foetale fair beaucoup parler d'elle. I1 est certain qu'elle existe. Les voles auditives sore mydlinisdes l'~Lgede 7 mois. Le foetus a un odorat et pergoit dans le liquide amniotique les odeurs de certains aliments ing&& par sa mSre, Mais, avant 26 semaines, l'absence quasi totale de dendrites et de synapses darts le cortex humain, donc d'interconnexions entre neurones corticaux, amine k douter du fait que des perceptions tr&s prdcoces puissent &re intdgrds sur un plan psychologique. Jusqu'~t 30 semaines au moins, le petit nombre de synapses conduit au scepticisme en la mati~re ; l'idde m~me de vie psychique tr~s dlaborde chez un foetus de moins de 30 semaines est donc accueillir avec beaucoup de r&erve. Pour admettre que la sensorialitd influe, avant 30 semaines, sur la vie psychique, il faudrait supposer que les cellules nerveuses communiquent entre dies aurrement que par les synapses, er cda par un autre systSme encore inconnu ce jour ; or, une tdle conception est ~t l'opposd de ce que l'on salt du fonctionnement du cerveau depuis les travaux de Ramon et Cajal, il y a un slide. Ceci, bien stir, n'emp&he pas une possible intdgration sensorielle sous-corticale. Les enfants hydranencdphales ont une intdgration sensorielle sufflsante pour sourire, alors meme que tout le ndocortex est absent, et de ce fair, route vie psychique dlaborde. I1 y a des conditionnements
foetaux ind~niables ~i certains bruits ou certains niveaux sonores, par exemple. Pour illustrer encore l'existence de condinonnements sous-corticaux, on a pu constater que, chez des enfants comareux d'~ge prdscolaire, les PEA se modhqaient assez rdgufi~rement lorsqu'ils entendaiem la voix de leur m~re mais par une autre voix. Cela ne signifie pas n&essairemenr qu'~t cet instant donnd l'enfant fait une intdgration psychologique et affecfive de sa m~re, puisque l'activitd corticale en &at de coma esr faible voire nulle, mais cela peur vouloir dire que les frdquences associ&s fi cette voix sont mieux reconnues. Toutefois, il est difiqcile, dans l'un ou l'autre cas, de scinder cet effet de la voix maternelle de tout contexte affectif. Les activations organisatrices au niveau du cortex se manifestent lors du phdnom~ne de stabilisation synaprique ddcrit par JP Changeux. I1 existe beaucoup trop de synapses k la naissance, certaines seront 61imindes et celles qui persistent vont se stabiliser. Ce phdnom~ne a d'abord 6td d&rit chez l'animal mais dans l'esp&e humaine, nous avons dgalement des exemples. Ainsi, les &udes en PET-scan, chez les aveugles pr&oces, montrent qu'ils conservent un m&abolisme tr~s intense dans les lobes occipitaux alors qu'il n'y a pas d'information visuelle ~ traiter. Les aveugles tardifs n'ont pas un tel hypermdtabolisme. Darts le cas d'aveugles pr&oces, les synapses excessives n'ont pas disparu. De mSme, chez un animal d'exp&ience, on peut consid~rablement augmenter la taille de l'aire mortice en liant la patte du c6td opposd pendant le d&eloppemem (travaux de C Bonnier). L~t aussi les synapses qui devraient &re dlagu&s ne vont pas disparakre, et le cortex moteur sera trop grand. Ces synapses ne sont pas foncfionnellement utiles. Dans l'esp&e humaine, la stabilisation synaptique est essentiellement posmatale car il y a assez peu de synapses fonctionnelles pendant l'essentiel de la vie foetale. Ce ph~nom~ne est intense pendant les 3 premiSres ann&s de la vie, se poursuit jusqu'~t l'adolescence et mSme un peu apr~s, et il est trSs sensible ~il'environnement et aux exp&iences. Cela offre des possibilit& d'intervention qu'il faudrait explorer grace k des travaux
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CONCR S communs entre sp&ialistes de diff&entes approches. I1 y a malheureusement des limites ~i ce que la stimulation peut r@arer. Les exp&iences, d&ormais dassiques, de Valverde sur des macaques nouveau-ntis qui on a suturd les paupihres, ont montrd que l'absence de stimulations visuelles, ~t un moment donnG limitait l'dtablissement de connexions an nivean des lobes occipitaux. Ce phdnomhne, nous le savons maintenant, est en partie irrdversible. Une autre notion importante en neuropddiatrie est celle d'intervalle libre. Entre le moment oh se produit une l&ion et l'apparition de signes diniques, des mois ou des anndes peuvent d&ouler. Mdme avec une surstimulation on ne peut pas toujours en gommer t0talement les consdquences, mdme si l'on peut les limiter. Cela montre la limite de ce que l'on peut faire par l ' e n v i r o n n e m e n t . Cependant, une dtude am&icaine (portant sur 37 000 enfants chez lesquels des neuropddiatres avaient posd un diagnostic , trhs vraisemblable ~ d'infirmitd motrice cdrdbrae ldg&e dans la premiere annde de vie) a montrd une absence de c o n f i r m a -
tion de ce diagnostic ~i l'~ge de 7 ans et ceci dans 74 % des cas. Donc il existe, malgrd tout, des possibilitds d'intervention non ndgligeables. Parmi les enfants dits hyperkin&iques, une minoritd a des troubles d'origine neurologique. Parmi eux, il y e n a qui conservent des stigmates jusqu'5 l'adolescence. J Stevenson, en Anglererre, constate que 75 % d'entre eux ont dgalement des troubles du langage &tit. I1 y a, probablement, des dldments d'ordre gdndtique darts de nombreux cas. mais n o u s savons maintenant q u ' u n e minoritd de porteurs de ces marqueurs gdndtiques va ddvelopper ce syndrome, et que d'autres facteurs, notamment affectifs, auront un effet d&isif dans s o n apparition. C Ramey, aux fltats-Unis, a dtudid un grand nombre d'enfants qui avalent un poids de naissance inf&ieur ~ 2 kg et &aient nds avant 37 semaines. Ces enfants ont requ, au prix d'un investissement humain et financier important, certaines stimulations qui ont, statistiquement, entrain6 une augmentation du QI de 13 points. I1 est important qu'en France nos approches se conffontent et se rappro-
chent, pour faire dvoluer la prise en charge concrhte, mais aussi le domaine conceptuel et celui de la recherche. Je suis convaincu que certaines stimulations psychodynamiques se traduisent par des amdliorations, que nous n'avons pas su &udier jusqu'ici, notamment par manque d'outils adapt& pour le faire. I1 nous faut rester prudents devant certains phdnom~nes tr~s pr&oces tant que nous n'avons pas ddmontrd leur signification prdcise ; des extrapolations trop rapides ou sophistiqudes peuvent ne pas &re plausibles aux yeux de n o s coll8gues, et aboutir ~ des rejets durables. Le postulat d'une vie psychique intense avant 30 semaines me pose un problhme dans la mesure oh il n'y a presque pas de synapses et de dendrite dans le ndocortex, mais peut-dtre y a-t-il des phdnomhnes au niveau du tronc cdrdbral ? L'effet de balancier, que l'on observe entre interprdtations du ddveloppement exdusivement neurobiologiques ou psychodynamiques, ne cesse d'aller trop loin, tantht dans un sens et tant6t dans l'aurre, en fonction de nos connaissances nouvelles mais surtout de n o s ignorances. I1 nous faut &re rigoureux et humbles.
quelle place pour la g4n4tique dans les sciences cognitives ? A Munnich Service
de g6n6tique, h6pital Neeker-Enfants-Malades,
ans le ddbat entre ddterminisme gdndtique absolu et influence extdrieure absolue, il est bon de rappeler quelques dvidences. Le programme g& ndtique d'ddification du cerveau et de mise en place des syst~mes d'apprentissage ne peut passe rdduire ~lun dchange entre g~nes. Quand on ndglige l'apport du milieu, on fait dire ~i la gdn&ique plus qu'elle ne peuc Comme outils de connaissance, le gdn&icien dispose des &udes familiales, des identifications de g~nes, de l'dtude des remaniements chromosomiques et des syndromes de g~nes contigus, ainsi que des m&hodes exp&imentales, embryologie moldculaire, knock-out (dli-
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mination sdlective d'un g~ne), transfection de chromosome. Pour les &udes familiales, on rdunit des families qui comptent des individus porteurs de dysfonctionnements cognitifs, comme les retards mentaux lids au sexe, o6 l'on cherche ~ilocaliser un ghne sur le chromosome X par des techniques chromosomiques. La cartographie du gdnome humain a permis de localiser, pr&isdment, certains g~nes, comme pour la parapldgie avec retard mental en Xq 2.1. Nous disposons maintenant de marqueurs pour toutes les 50 000 paires de bases, ce qui permet des &udes de clonage positionnel pour localiser les g~nes en cause.
Nous connaissons de nombreux g~nes responsables de dysfonctionnements cognitifs, mais nous ne pouvons pas passer directement de la reconnaissance d'un g~ne k la comprdhension de sa fonction. Pour la mucoviscidose par exemple, il a fallu pros de 10 arts pour passer de la localisation ~ la structure, puis enfin au m&anisme. La fonction d'un g~ne ne permet pas toujours de comprendre par quel mdcanisme les fonctions cognitives sont atteintes. Ainsi, dans l'alphathalassdmie avec retard mental on a identifid le g~ne XNP (un facteur de transcription qui rdgule l'expression des g~nes) et dans le syndrome de Coffin-Lowry, une sous-unitd
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