Cahier des charges en vue d’améliorer l’aspect esthétique et fonctionnel de la pollicisation dans les différences congénitales. Propositions techniques

Cahier des charges en vue d’améliorer l’aspect esthétique et fonctionnel de la pollicisation dans les différences congénitales. Propositions techniques

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Chirurgie de la main 27S (2008) S40–S47 http://france.elsevier.com/direct/CHIMAI/

Article original

Cahier des charges en vue d’améliorer l’aspect esthétique et fonctionnel de la pollicisation dans les différences congénitales. Propositions techniques ‘‘Principalisation’’ of pollicization in congenital conditions. Technical modifications for functional and aesthetic improvement P. Loréa *, J. Medina, R. Navarro, G. Foucher SOS main Strasbourg, clinique du diaconat, 2, rue Sainte-Élisabeth, 67000 Strasbourg, France

Résumé La pollicisation de l’index dans le cadre des différences congénitales a fait l’objet de nombreuses publications, mais peu ont souligné les insuffisances des techniques traditionnelles. Après avoir revu notre expérience de la pollicisation dans les malformations congénitales, nous avons mis en évidence plusieurs points faibles des techniques classiques, tant au niveau fonctionnel que esthétique. L’abduction est fréquemment faible, le repli commissural absent, la commissure triangulaire. Nous avons tenté de dresser un cahier des charges d’une bonne pollicisation et d’y répondre, en proposant diverses modifications techniques. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract After reviewing our experience of pollicization in congenital differences, we found that classical techniques have several weak points concerning function and appearance. Abduction is frequently insufficient and adduction quite weak. Aesthetically, the thumb has a slender aspect and the web fold is absent and the commissure looks more as a cleft. We tried to « principalize » the issues to propose some technical modifications for improvement of function and appearance. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Malformation congénitale ; Pollicisation ; Hypoplasie du pouce Keywords: Congenital malformation; Pollicization; Thumb hypoplasia

La pollicisation consiste en une transposition digitale en position de pouce. Cette opération est classique en traumatologie et dans certaines malformations congénitales de la main, notamment les hypoplasies radiales, les « mains à cinq doigts », les mains en miroir et certaines formes extrêmes d’hypoplasies ulnaires ou de déficits centraux. De nombreux auteurs ont contribué à cette popularité, mais c’est Gosset qui, le premier, a isolé en îlot un doigt sur ses pédicules, se libérant des contraintes d’un pont cutané [1]. Littler a non seulement participé à l’amélioration technique de cette opération mais a,

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Loréa).

en outre, publié une revue historique de cette reconstruction [2,3]. L’opinion concernant cette intervention a évolué au cours du temps. Brooks écrivait qu’elle donnait un résultat « esthétiquement désastreux et fonctionnellement décevant » [4]. Buck-Gramcko, en revanche, en trouvait les résultats « excellents » [5]. Nous étions dans l’ensemble déçus par l’aspect final du pouce apparaissant long et grêle avec une commissure ressemblant plus à une échancrure qu’à une première commissure avec les techniques classiques que nous avions utilisé : technique de Buck-Gramcko [5], de Blauth [6] et Malek et Grossman [7]. L’auteur senior (GF) a tiré parti du fait qu’il s’est consacré bénévolement au traitement exclusif des malformations congénitales de la main dans 11 pays pour tenter

1297-3203/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.main.2008.07.013

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d’améliorer les résultats, tant esthétiques que fonctionnels au cours d’une série prospective de 79 pollicisations. D’emblée, il nous paraît important de séparer les pollicisations d’index « normaux » des pollicisations d’index touchés par l’hypoplasie radiale. En effet, en cas d’hypoplasie radiale sévère, l’index peut être absent ou enraidi et même dans certains cas, seul le cinquième doigt est normal. Nous séparons donc nettement la technique de pollicisation d’un index normal de celle d’un index intéressé par l’hypoplasie radiale avec hypoplasie musculaire, enraidissement articulaire et, parfois même, camptodactylie. Nous décrirons les raisons des modifications techniques que nous proposons dans le cas de pollicisation d’index normal [8]. 1. Cahier des charges Nous avons tenté d’établir un cahier des charges d’une « bonne » pollicisation d’index normal, en tenant compte à la fois du résultat fonctionnel et de l’aspect esthétique. Les incisions doivent permettre :  une bonne vision des éléments anatomiques à disséquer ;  un large lambeau dorsal pour permettre une abduction maximale et une opposition au cinquième doigt ;  une cicatrice résiduelle dorsale limitée (sur la partie dite « sociale » de la main car exposée au regard) ;  une cicatrice à la base du pouce non circulaire pour éviter une rétraction responsable de troubles trophiques ;  une première commissure formant un repli (et non un angle), allant de la base du médius (à huit heures pour la main gauche et à quatre heures pour la main droite) au néopouce (Fig. 1). Le repli doit s’y insérer en distal par rapport à l’ancienne articulation interphalangienne proximale (IPP), à quatre heures pour une main gauche et à huit heures pour la droite. Une commissure « haute » diminue l’aspect trop long et gracile du néopouce. 1.1. Sur le plan fonctionnel Dans des publications antérieures, nous avons souligné les insuffisances rencontrées avec les techniques classiques.

Fig. 1. Position de la commissure (main gauche). Le repli commissural part de la position « quatre heures » du pouce (anciennement index) vers la position « huit heures » au niveau du médius [8].

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L’abduction est souvent insuffisante avec la technique proposée par Buck-Gramcko et cela s’explique par plusieurs facteurs. L’un est la bascule en hyperextension de l’articulation métacarpophalangienne de 60 à 808, telle que proposée par BuckGramcko. Cette mobilité est très variable dans l’hypoplasie radiale et une limitation dans l’hyperextension n’est pas rare, limitant secondairement l’abduction et la rétropulsion. Le degré d’hyperextension de la future articulation trapézométacarpienne doit donc dépendre de l’amplitude contrôlée en préopératoire. Le second facteur est en rapport avec l’anatomie même du transfert utilisé. L’extenseur commun, destiné à l’index, est classiquement transféré à la base de la première phalange du néopouce. Du fait de son origine du quatrième compartiment des extenseurs, ce transfert a trop souvent tendance à mettre le pouce en adduction et en supination. Seul un changement du trajet du transfert, en créant l’équivalent d’un premier compartiment, permettrait une fonction de long abducteur. L’insuffisance de flexion de l’articulation interphalangienne (anciennement interphalangienne distale) a été constatée par quelques auteurs et il a même été proposé de raccourcir le fléchisseur profond de l’index avec un risque inhérent d’adhérence [9]. Notre expérience nous a montré qu’il s’agissait en fait de ce que nous avons appelé un syndrome « d’obstruction du lombrical ». En l’absence d’excision du lombrical après la section de son insertion distale, l’absence de migration proximale du tendon ne permet pas l’adaptation du corps musculaire (d’ailleurs assez indépendant) du fléchisseur profond de l’index. Enfin, un des points majeurs et insuffisamment souligné dans la littérature est le manque de force dans la pince du nouveau pouce. Dans une série de pollicisations classiques d’index « normaux » en préopératoire, donc les « meilleurs » cas, la force de pince n’était que de 42 % de celle du côté sain. Il est donc logique de tenter de renforcer l’adduction. Malheureusement, les muscles à transférer restent limités et il faut donc penser à utiliser un adducteur (qui est souvent présent même dans des formes sévères d’hypoplasie selon notre expérience) et ajouter un transfert si possible car l’interosseux palmaire du second espace reste un muscle faible comparé à l’adducteur et à l’interosseux du premier espace dont la force était comparée par Littler à celle du masséter. Deux possibilités s’offrent que nous avons toutes deux utilisées : le transfert intrinsèque croisé qui reste complexe, mais utile en cas d’hypoplasie nette de l’interosseux palmaire du second espace avec utilisation pour le néopouce de l’interosseux dorsal du second espace qui se termine sur la sangle de l’extenseur du médius. La seconde qui n’exclut pas la précédente est le renforcement par l’extenseur commun de l’index qui, comme nous l’avons précisé ci-dessus, est un adducteur certes faible mais utile. Tous les auteurs s’accordent pour l’utiliser comme extenseur du néopouce. Or il ne procure que l’hyperextension de l’articulation interphalangienne car l’extension jusqu’à 08 peut être obtenue par les intrinsèques comme l’anatomie nous l’apprend et comme l’a confirmé l’étude que nous avons faite avec Étienne Rapp (résultats non publiés). Il nous a donc paru logique de venir renforcer avec cet extenseur l’action de l’interosseux palmaire du second espace.

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Fig. 2. Incisions cutanées [8].

2. Technique L’incision dorsale est située au niveau IPP, oblique en proximal et en dehors (Fig. 2, ligne AB). Un lambeau en crosse de hockey est dessiné avec une partie verticale sur la face palmaire de l’index et une partie horizontale sur la paume à la base du médius (BCDEFA). Les deux incisions latérales BC et AF sont respectivement situées à neuf heures et quatre heures sur un index gauche. Une seconde incision palmaire (GHI) s’étend dans l’axe du deuxième métacarpien jusqu’au pli de flexion distal du poignet. En cas de présence d’un pouce hypoplasique la seule modification comporte l’insertion de la peau dorsale dans le lambeau dorsocommissural, la peau palmaire étant totalement sacrifiée. Quatre lambeaux nécessitent d’être levés, en commençant par les lambeaux palmaires pour permettre, sous garrot, le remplissage progressif des veines dorsales. Le lambeau en crosse de hockey est soulevé sur sa base distale dans le plan antérieur aux pédicules vasculonerveux, en conservant sa couche graisseuse ; cela permet l’exposition des tendons fléchisseurs et permet l’ouverture de la poulie A1 et partiellement de A2. L’incision en accent circonflexe GFI permet de lever deux lambeaux palmaires, complétant l’approche des vaisseaux et des nerfs, puis des muscles interosseux et du deuxième métacarpien. Sur la partie dorsale de la phalange proximale de l’index, le lambeau est disséqué en préservant la partie du réseau veineux dorsal en rapport avec la/ les veines sélectionnées pour drainer le doigt. Nous ne décrirons pas en détail les étapes classiques de l’intervention : en palmaire, section de l’artère digitale radiale du médius, neurolyse des nerfs palmaires de l’index et du médius (fréquemment, le siège d’une boutonnière de Hartmann), désinsertion, puis excision du muscle lombrical, section du ligament intermétacarpien et sur le plan dorsal, sélection et préservation de deux veines dorsales et des branches du nerf radial. Nous insisterons cependant sur certains points techniques. Nous sectionnons transversalement le tendon extenseur en

proximal par rapport à l’articulation métacarpophalangienne, puis divisons les deux insertions distales des muscles intrinsèques de l’index. Le premier interosseux est disséqué par voie latérale au ras du métacarpien en évitant toute dissection de la face antérieure du muscle par où pénètre l’innervation. Ce détail explique sans doute l’absence de transfert d’opposition secondaire dans notre série depuis que nous respectons ce point, alors que pratiquement toutes les séries comportent un nombre non négligeable de transferts secondaires. L’appareil extenseur est ensuite divisé longitudinalement au niveau de la phalange proximale de l’index en deux languettes (et non trois comme cela est classique). Le muscle interosseux dorsal du « premier » espace est levé du deuxième métacarpien au ras du périoste et aucune dissection n’est menée en avant du muscle pour préserver son innervation. Le deuxième métacarpien est sectionné en distal à travers le cartilage de croissance et celui-ci est détruit par curetage. En fait, nous ne laissons qu’une coque d’os cortical de tête du métacarpien, tant le risque de destruction insuffisante du cartilage de croissance nous paraît important. Ce geste facilite aussi le passage de l’aiguille lors de la fixation au niveau de la base du métacarpien. La section distale du métacarpien facilite la dissection du premier interosseux palmaire (du « second » espace), qui est suivie de la section proximale du métacarpien. Cette section préserve un demi centimètre d’os pour préserver l’insertion du fléchisseur radial du carpe et du long extenseur radial du carpe. Nous l’effectuons oblique dans un plan antérieur et externe à l’aide d’un rongeur qui ouvre cette base en pétales de rose, maintenant les fragments en continuité avec le périoste. La fixation de la tête du deuxième métacarpien n’est plus effectuée par les deux points de BuckGramcko [5] en hyperextension maximale pour plusieurs raisons. Certes, la fixation sans hyperextension favorise dans certains cas une déformation distale avec flexion de la nouvelle articulation métacarpophalangienne (MP). Mais, la mise en place de deux points, comme la pratique Buck-Gramcko ne permet plus la rotation complète que nous souhaitons pour n’équilibrer le pouce que par les transferts musculotendineux. C’est pour la même raison que nous n’utilisons pas de broches car après son

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Fig. 3. Néoarticulation trapézométacarpienne. Fixation de la tête du deuxième métacarpien au sein de sa base [8].

ablation, le pouce « retombe » dans sa position d’équilibre musculaire. Nous utilisons un microancre (DePuy Mitek1) qui est mise en position de deux heures pour le côté gauche (et dix heures pour le côté droit). Ce matériel a, en outre, l’avantage de détruire une éventuelle épiphyse proximale du deuxième métacarpien non visible chez les enfants très jeunes. L’hyperextension naturelle de la MP est testée en préopératoire car elle est variable et il faut éviter une mise en hyperextension qui limiterait la mobilité de la base du néopouce. Cette mise en hyperextension est réglée par la fixation des fils attachés à l’ancre. Plus le passage des fils est périphérique sur la tête du métacarpien, moins importante est l’hyperextension (Fig. 3). La position d’équilibre du pouce ne dépend plus, avec cette fixation, que des transferts musculotendineux. Comme nous l’avons déjà précisé, l’extension physiologique du pouce au niveau interphalangien dépend des muscles intrinsèques et surtout de l’adducteur du pouce. Le long extenseur n’intervient que pour l’hyperextension. C’est la raison pour laquelle nous ne réanimons pas l’extension et nous ne divisons qu’en deux bandelettes l’appareil extenseur. Le second problème qui explique la fréquence des insuffisances d’abduction du pouce après pollicisation, selon la technique classique, est l’utilisation de l’extenseur propre de l’index pour l’extension et de l’extenseur commun, fixé sur la première phalange, pour l’abduction. Ces deux tendons viennent du quatrième compartiments des extenseurs et fonctionnent comme adducteur du néopouce (comme normalement le long extenseur du pouce). Par ailleurs, il sont responsables d’une supination du néopouce, obligeant le chirurgien à accentuer la pronation lors de la mise en

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Fig. 4. Transferts musculaires et tendineux d’équilibration du nouveau pouce [8].

place des points de Buck-Gramcko. Cette position de supination excessive est inesthétique au repos et peu fonctionnelle. Pour pallier ces insuffisances, nous utilisons l’extenseur propre de l’index comme adducteur pour renforcer la pince pollicidigitale. Pour améliorer l’adduction, nous utilisons l’adducteur lorsqu’il est présent, en ne le laissant inséré que sur le troisième métacarpien. Nous avons montré que cette présence est quasi constante dans les hypoplasies du pouce même sévères [10]. La seconde modification est l’utilisation d’un transfert croisé des intrinsèques en cas de gracilité du premier interosseux palmaire, l’interosseux dorsal servant de transfert d’adduction et le premier interosseux palmaire étant réinséré sur le médius. L’extenseur commun est, quant à lui, dérouté par passage dans l’insertion fibreuse proximale de l’interosseux dorsal, simulant un premier compartiment des extenseurs et permettant une abduction franche (Fig. 4). La fixation distale sur l’ancienne première phalange permet de fixer la pronation à 1358. Il est important de commencer par la fixation des transferts d’adduction, puis du nouveau long abducteur, pour régler la position définitive du pouce par la tension sur la bandelette radiale du premier interosseux dorsal. Après contrôle de l’hémostase, la peau est fermée, le grand lambeau palmaire de l’index formant le versant palmaire de la commissure et le lambeau du dos de la première phalange de l’index permettant de créer un repli commissural et de décaler légèrement la cicatrice sur la face palmaire de la main (Fig. 5). Un petit Z radial évite en dorsal une cicatrice circulaire susceptible de rétraction circonférentielle et de trouble trophiques. Le reste de la cicatrice est situé sur l’éminence thénar. Un gros pansement humide maintient ouverte la première

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Fig. 5. Place des lambeaux en fin d’intervention [8].

commissure et une goutte de colle du commerce au cyanoacrylate unit les pulpes du pouce et du médius. Une simple attelle dorsale en plâtre protège le pouce de chocs éventuels et le tout est fixé par un Elastoplaste1 passé autour du coude. La partie distale est perforée et sert à élever la main pendant les premières heures postopératoires. 3. Résultats Peu d’études ont fourni des résultats fonctionnels concernant les pollicisations pour différences congénitales. Notons les études de Clark et al. [11], Manske et al. [12], Ogino et Ishii [13], Roper et Turnbull [14]. La plupart des auteurs ont insisté sur la difficulté de juger les résultats dans une population infantile [11–16]. Notre expérience repose sur 79 pollicisations, effectuées par un chirurgien (GF). Pour apprécier les résultats fonctionnels et esthétiques des techniques classiques, nous avions revu 27 cas de pollicisation d’index normaux, effectuées à un âge moyen de 14 mois et revus avec un recul moyen de sept ans [17]. Dans le but de juger les meilleurs résultats possibles, nous avions exclu les mains botes radiales avec index enraidi ou en camptodactylie. Trois types d’incisions avaient été utilisées, celle de Buck-Gramcko [5] dans 23 cas, de Blauth [6] dans deux cas et de Malek et Grossman [7] dans deux cas. Les réinterventions ont concerné huit pollicisations :  trois pour raccourcissement métacarpien en raison d’une croissance excessive ;  une ostéotomie d’ouverture (ouverture commissurale insuffisante) ;  deux révisions de cicatrices ;  deux transferts d’opposition. Aucun patient ne présentait d’instabilité de la néoarticulation carpométacarpienne.

Les résultats concernant la sensibilité étaient satisfaisants avec une discrimination aux deux points en moyenne de 6 mm chez 18 enfants suffisamment âgés pour ce test. La mobilité étaient bonne dans 18 cas et moyenne dans sept cas ; en effet, si la mobilité de la nouvelle MP était constamment bonne (m = 658), celle de l’interphalangienne était absente ou inférieure à 208 dans sept cas. Jugé selon le score de Kapandji (modifié sur huit points au lieu de dix, du fait de « l’absence » d’un doigt long), la moyenne était de 6,5. La croissance a été bonne dans tous les cas, mais exagérée dans trois cas, nécessitant une ostéotomie de raccourcissement du métacarpien, et ce, malgré un curetage soigneux de l’épiphyse distale du deuxième métacarpien. L’intégration a été jugée durant le jeu, en comptant sur dix prises fines et dix prises larges (Lego1) le nombre de cas où le néopouce était utilisé et ceux où un autre doigt intervenait. Si l’utilisation du pouce reconstruit était constante dans la prise large (17/17 cas), la prise fine faisait intervenir un autre doigt au moins deux fois sur dix dans les dix cas restants. Nous avons été déçus par la force qui n’atteignait que 55 % dans le serrage du poing et 42 % dans la pince pollicidigitale (comparée au côté controlatéral ou aux standards, en fonction de l’âge dans les cas bilatéraux). Par ailleurs, nous avons développé ultérieurement un score esthétique basé sur les cicatrices visibles (trois points), l’aspect du pouce (« bosse » proximale au niveau carpométacarpien, longueur, gracilité et position au repos) (quatre points), ainsi que celui de la commissure (arrondie, angulaire, présence d’un repli) (trois points). Le score moyen de la série était de 6,5 points. Nous avons essayé d’améliorer ces résultats au cours d’une série prospective de 32 pollicisations, mais le recul insuffisant (3,4 ans) ne nous permet que de juger de la mobilité, de l’intégration dans le jeu et de l’aspect esthétique. L’extension de la nouvelle MP a été totale dans 26 cas, revus à plus d’un an. La flexion était en moyenne de 678 dans les 11 cas où la collaboration de l’enfant autorisé la mesure. Parmi ces 11

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enfants, huit avaient une mobilité de la nouvelle articulation interphalangienne en moyenne de 328 (six de ces huit patients avaient bénéficié d’une excision du lombrical). L’abduction a été jugée excellente dans huit des neuf cas d’hypoplasie unilatérale (symétrique au côté controlatéral) et l’opposition jugée selon le score de Kapandji atteignait 7 sur 8. Le score esthétique jugé dans 28 cas était en moyenne de 8,5 sur 10, principalement, du fait, d’un aspect moins grêle du pouce avec une position au repos satisfaisante et une commissure arrondie plus haut située et peu de cicatrices visibles (Fig. 6).

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4. Discussion La pollicisation de l’index reste l’opération de choix dans les aplasies et hypoplasies sévères du pouce [5,6,9,16,18]. De nombreux types d’incision ont été proposes : Littler [3], Blauth [6], Buck-Gramcko [5], Malek et Grossman [7], Manske et al. [12], Lister [19], et, enfin, Zancolli [20]. Différentes attitudes ont été décrites en ce qui concerne l’arrangement des muscles et des tendons [21]. Beaucoup d’auteurs, comme Zancolli [20], pensent que l’adaptation spontanée des tendons fléchisseurs et extenseurs est excellente, mais quelques chirurgiens préfèrent ajuster les fléchisseurs [22]et d’autres, plus nombreux, les extenseurs [3,5,24]. Une intervention précoce a la faveur de nombreux auteurs [5,12] pour favoriser le remodelage articulaire de la néotrapézométacarpienne et favoriser l’hypertrophie intrinsèque. Cependant, Manske et al. [12], dans une étude comparative, n’ont pas mis en évidence de nette différence. Nous préférons opérer autour de l’âge d’un an (moyenne 14 mois), excepté en cas de syndromes complexes (Fanconi, Blackfan-Diamond, Holt Oram, Townes Brookes. . .) ou d’une association (VACTERL) changeant l’ordre des priorités. Les principales indications sont l’hypoplasie du pouce, la main dite « à cinq doigts » et, plus rarement, la main en miroir [23], les formes transitionnelles de pouce triphalangien (hypoplasique) et de rares polydactylies radiales [24], de déficience centrale ou ulnaire. La discussion survient surtout en fonction du degré d’hypoplasie radiale. La classification de Müller [25], modifiée par Blauth [6] (Tableau 1), distingue cinq stades quelque peu conventionnels comme nous l’avons démontré [9]. Manske et McCaroll [26] ont subdivisé le type III en IIIA et IIIB selon la présence ou l’absence d’une articulation trapézométacarpienne et à proposer la pollicisation à partir du stade IIIB jusqu’au stade V. Egloff et Verdan [15] ont même étendu les indications au stade II. Nous ne pouvons pas être en accord avec une attitude stéréotypée face à une grande variété de formes intermédiaires et nous prenons la décision de reconstruction ou de pollicisation en fonction des constatations cliniques [9,17,27,28] : stabilité des articulations métacarpophalangienne et trapézométacarpienne, retrécissement de la première commissure, qualité des muscles intrinsèques et extrinsèques, importance de l’hypoplasie osseuse, potentiel de croissance, intégration corticale et décision parentale. En effet, en présence d’un pouce hypoplasique, certains parents, pour des raisons culturelles Tableau 1 Classification des hypoplasies du pouce selon Müller [25] modifiée par Blauth [6] TI T II T III

Fig. 6. Apparence postopératoire à six mois (A, B) et un an (C, patient différent).

T IV TV

Pouce grêle (sans hypoplasie thénarienne ?) Pouce en adduction, avec hypoplasie thénarienne et, occasionnellement, instabilité MP Aplasie partielle du premier métacarpien ; atrophie thénarienne avec quasi-absence musculaire et anomalies musculaires sévères Absence du premier métacarpien avec « pouce flottant » Absence du pouce

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parfois (Moyen-Orient et Asie), refusent le « sacrifice » du pouce « et d’un index ». Dans ce cas nous, décidons entre la reconstruction précoce si elle est possible et une pollicisation différée pour laisser aux parents le temps de voir la prise entre l’index et le médius. En cas de décision culturelle, il n’y a pas de raison de punir l’enfant en refusant toute amélioration et l’absence d’articulaltion trapézométacarpienne peut être traitée, comme nous l’avons démontré [10,27] par un transfert microchirurgical de la MTP du deuxième orteil qui apporte longueur, mobilité, stabilité et potentiel de croissance. Le reste de la reconstruction est classique, nécessitant pratiquement constamment plusieurs interventions, pour effectuer une plastie de première commissure, une stabilisation articulaire et une réanimation intrinsèque et extrinsèque. Nos résultats sont certes inférieurs à ceux obtenus par la pollicisation, mais restent utiles. Cependant, une intervention très précoce (avant l’âge d’un an) ne nous semble plus idéale car elle ne permet pas de juger de l’intégration et du potentiel de croissance. Cela nous a conduit a différer ce type de reconstruction, ce qui laisse également aux parents la possibilité de mieux comprendre l’avantage de la pollicisation en cas d’hypoplasie importante et d’exclusion fonctionnelle. Deux autres opérations doivent être envisagées en fonction de l’examen du patient : la pollicisation en cas d’hypoplasie radiale majeure (avec atteinte des doigts radiaux) et la pseudopollicisation ulnaire telle que nous l’avons décrite [29]. Car il n’y a aucun doute dans notre esprit, la pollicisation, bien qu’imparfaite dans ces résultats, donne en un seul temps opératoire, des résultats supérieurs à la reconstruction. Elle permet d’obtenir un pouce stable, sensible et en bonne position. Sa mobilité dépend en grande partie de celle existant avant la pollicisation et celle-ci peut être très limitée dans les hypoplasies radiales étendues (main bote radiale). Notre première série de patients opérés de pollicisations d’un index « normal », c’est-à-dire ne présentant pas de limitation fonctionnelle, nous a fait souligner un certain nombre d’insuffisances tant fonctionnelles qu’esthétiques. Notre taux de réintervention (30 %) est proche de celui observé dans les autres séries (36 % pour Sykes et al. [30] et 45 % pour Manske et al. [12]). Si la mobilité, la sensibilité et l’intégration cérébrale ont été globalement satisfaisants, la force et l’apparence restent deux éléments à améliorer. Nos résultats sur la force atteignant grossièrement la moitié de la normale sont proches de ceux publiés dans la littérature. Sur 14 mains, Kosin et al. [16] ont obtenu une force de serrage de 67 % et une pince de 60 %, Roper et Tunbull [14] sur neuf cas, 63 et 56 % et Manske et al. [12] sur 28 cas, 21 et 26 %. Les variations observées peuvent être en rapport avec le nombre de dysplasies radiales présentes dans ces séries. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’isoler les « meilleurs cas », avec un index de mobilité normale avant pollicisation. Sur le plan esthétique, les incisions proposées conduisent à trop de cicatrices dorsales et donc visibles, une commissure plutôt en « fente » et un pouce souvent trop en pronation, d’aspect trop long et trop grêle. Il nous a semblé important, plus que de proposer des modifications techniques, d’édicter un cahier des charges concernant cette opération.

Il n’est jamais satisfaisant de comparer une série rétrospective ayant un recul assez long avec une série prospective où la technique a évolué et les résultats ne sont que partiellement appréciés avec un recul court. Cependant, il nous a paru intéressant de dresser un cahier des charges et de proposer des modifications techniques qui semblent apporter une amélioration, tant fonctionnelle qu’esthétique. Il ne s’agit d’ailleurs pas de considérer cette technique comme « achevée », mais plutôt de stimuler l’imagination des chirurgiens qui pratiquent cette chirurgie qui doivent considérer la pollicisation comme une opération susceptible de nombreuses améliorations, du fait de ses insuffisances actuelles. Références [1] Gosset J. La pollicisation de l’index. J Chir 1949;65:402–11. [2] Littler JW. The neurovascular pedicle method of digital transposition for reconstruction of the thumb. Plast Reconstr Surg 1952;12:303–19. [3] Littler JW. Principles of reconstructive surgery of the hand. In: Converse JM, editor. Reconstructive plastic surgery. Philadelphia: Saunders Company; 1964. p. 1620–4. [4] Brooks D. Reconstruction of the injured hand. In: Wynn Parry CB, editor. Rehabilitation of the hand. 2nd ed., London: Butterworths; 1966 . p. 341. [5] Buck-Gramcko D. Pollicization of the index finger. Method and results in aplasia and hypoplasia of the thumb. J Bone Joint Surg 1971;53A: 1605–17. [6] Blauth W. Principles of pollicisation with special emphasis on new incision methods. Handchirurgie 1970;2:117–21. [7] Malek R, Grossman JAI. The skin incision in pollicization. J Hand Surg 1984;9A:305–6. [8] Foucher G, Medina J, Loréa P, Pivato G. Principles of pollicization of the index finger in congenital absence of the thumb. Tech Hand Surg 2005;9:96–104. [9] Bartlett GR, Coombs CJ, Johnstone BR. Primary shortening of the pollicized long flexor tendon in congenital pollicization. J Hand Surg 2001;26A:595–8. [10] Foucher G, Medina J, Navarro R. Thumb hypoplasia. In: Hovius S, editor. The pediatric upper limb. London: Martin Dunitz; 2002. p. 133–52. [11] Clark DI, Chell J, Davis TR. Pollicisation of the index finger. A 27-year follow-up study. J Bone Joint Surg 1988;80B:631–5. [12] Manske PR, Rotman MB, Dailey LA. Long-term functional results after pollicization for the congenitally deficient thumb. J Hand Surg 1992;17A:1064–72. [13] Ogino T, Ishii S. Long-term results after pollicization for congenital hand deformities. Hand Surg 1997;2:79–85. [14] Roper BA, Turnbull TJ. Functional assessment after pollicisation. J Hand Surg 1986;11B:399–403. [15] Egloff DV, Verdan C. Pollicization of the index finger for reconstruction of the congenitally hypoplastic or absent thumb. J Hand Surg 1983; 8A:839–48. [16] Kozin SH, Weiss AA, Webber JB, Betz RR, Clancy M, Steel HH. Index finger pollicization for congenital aplasia or hypoplasia of the thumb. J Hand Surg 1992;17A:880–4. [17] Foucher G, Navarro R, Medina J, Allieu Y. Pollicization, remains of the past or current operation. Bull Acad Natl Med 2000;184:1241–53. [18] Harrison SH. Pollicisation in children. Hand 1971;3:204–10. [19] Lister G. Reconstruction of the hypoplastic thumb. Clin Orthop Relat Res 1985;195:52–65. [20] Zancolli E. Transplantation of the index finger in congenital absence of the thumb. J Bone Joint Surg 1960;42A:658–60. [21] Riordan DC. Congenital absence of the radius. J Bone Joint Surg 1955;37A:1129–37. [22] Manske PR, McCaroll HR. Index finger pollicization for a congenitally absent or nonfunctioning thumb. J Hand Surg 1985;10A:606–13.

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