Revue de Pneumologie clinique (2014) 70, 315—321
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ARTICLE ORIGINAL
Chirurgie du cancer du poumon chez les greffés d’organe solide Lung cancer surgery in solid organ transplanted patients A. Arame , C. Rivera , W. Borik , G. Mangiameli , M. Abdennahder , C. Pricopi , P. Bagan , A. Badia , F. Le Pimpec Barthes , M. Riquet ∗ Service de chirurgie thoracique, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France Disponible sur Internet le 15 aoˆ ut 2014
MOTS CLÉS Transplantation ; Cancer broncho-pulmonaire ; Traitement chirurgical
∗
Résumé Objectif. — Chez les transplantés d’organes, l’incidence des tumeurs broncho-pulmonaires est réputée plus élevée et le pronostic plus mauvais que dans la population générale. Notre propos a été d’étudier les résultats du traitement chirurgical sur ce terrain. Méthodes. — Nous avons revu les dossiers de 49 hommes et 6 femmes, d’âge moyen 60,6 ans (extrêmes 38—85). Il s’agissait de greffes cardiaques (n = 37), rénales (n = 12), hépatiques (n = 5) et bipulmonaire (n = 1). Quarante-huit patients étaient tabagiques ; 42 présentaient de lourdes pathologies associées (76,4 %). Les tumeurs étaient découvertes dans le cadre d’une surveillance (78,2 % des cas, 43 patients), ou devant des symptômes (21,8 % des cas, 12 patients). Nous avons revu les caractéristiques de ces patients (épidermoïdes n = 23, adénocarcinomes n = 24, autres n = 8). Résultats. — Il y a eu 2 thoracotomies exploratrices, des résections atypiques chez 6 patients, 1 segmentectomie, 42 lobectomies et 4 pneumonectomies avec 34,5 % de complications postopératoires (n = 19 patients) et 7,4 % de mortalité (n = 4). La survie de la population a été de 46,4 % à 5 ans (65,4 % au stade I, n = 25) ; 35 patients sont décédés à distance dont 14 de leur cancer (40 %). Parmi eux, 2 avaient été réopérés d’un autre cancer du poumon : l’un 3 et 8 ans après (survie 16 ans) et l’autre 2 ans après (survie 70 mois). Conclusions. — Les résultats observés après chirurgie chez ces patients sont bons et les suites acceptables malgré des risques, a priori, majorés. Ils démontrent l’intérêt d’un suivi rapproché chez les transplantés anciens fumeurs permettant de dépister le cancer à un stade précoce. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Riquet).
http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.04.007 0761-8417/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
316
KEYWORDS Transplantation; Lung cancer; Surgical treatment
A. Arame et al.
Summary Background. — The incidence of lung cancer is reputed to be higher and prognosis worse in solid organ transplant recipients than in the general population. Our purpose was to review the results of surgery in this group of patients. Methods. — We retrospectively reviewed 49 male and 6 female patients; mean aged 60.6 years (38—85). Transplanted organ was heart (n = 37), kidney (n = 12), liver (n = 5) and both-lungs (n = 1); 48 patients had smoking habits and 42 heavy comorbidities (76.4%). Lung cancer was diagnosed during surveillance (78.2%, n = 43) or because of symptoms (21.8%, n = 12). We reviewed TNM and other main characteristics, among them histology (squamous-cell-carcinoma n= 23, adenocarcinomas n = 24, others n = 8). Results. — Surgery consisted of: exploratory thoracotomy (n = 2), wedge resections (n = 6), segmentectomy (n = 1), lobectomy (n = 42), pneumonectomy (n = 4). Postoperative mortality was 7.4% (n = 4) and complication rate 34.5% (n = 19). Five-year survival rate was 46.4% (65.4% for stage I patients, n = 25). Among the 35 dead patients during follow-up, 14 died of their lung cancer (40%). Two had been re-operated from another lung cancer: one after 3 and 8 years who survived 16 years, and the other after 2 years who survived 70 months. Conclusions. — Surgery results are good and postoperative events acceptable despite theoretically increased risks. This also supports performing a close follow-up of transplanted patients and particularly those with smoking history in view of detecting lung cancer appearing at an early stage. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction L’augmentation de l’incidence de certains cancers chez les transplantés d’organes retient l’attention depuis longtemps [1]. Il s’agit principalement d’épithéliomas cutanés, de lymphomes malins non-Hodgkiniens et de sarcomes de Kaposi. Leur survenue est imputable au traitement immunosuppresseur. Au début, les cancers bronchiques post-transplantation (CBPT) semblaient peu fréquents [1], et jusque vers les années 2000, les publications concernaient essentiellement des cas observés après transplantation cardiaque [2]. Les séries de la littérature rapportaient une incidence de 0,7 à 2,2 % et de mauvais résultats en matière de survie [2]. Sampaio et al. [3] ont interrogé la Base nationale américaine de transplantation et ont rapporté que l’incidence de survenue d’un cancer était de 8,0 après transplantation du rein (TR), de 11,0 après transplantation du foie (TF), de 14,3 après transplantation du cœur (TC) et de 19,0 après transplantation du poumon (TP) : le CBPT se voit chez 1,12 % des TR (n = 123380) et 2,18 % des TF (n = 43 106), en deuxième position après les lymphomes malins non-hodgkiniens. Il est le premier cancer après TC (3,4 % de 16 511 transplantés) et TP (5,94 % de 10 908 transplantés). Le nombre des transplantations d’organe augmente régulièrement et les résultats obtenus permettent des survies de plus en plus longues. Des cas de CBPT sont donc maintenant régulièrement opérés. Notre propos a été de faire un point sur les caractéristiques et le devenir de ces patients transplantés pris en charge pour le traitement chirurgical d’un cancer du poumon.
Patients et méthode Nous avons revu rétrospectivement les 55 patients porteurs d’une greffe et adressés dans le service pour prise en
charge thérapeutique chirurgicale d’un cancer bronchopulmonaire. Le premier patient, un transplanté rénal, a été opéré en 1983 mais, les autres patients ont été opérés de 1993 à 2013. Les greffes réalisées étaient cardiaques (n = 37), rénales (n = 12), hépatiques (n = 2) et bipulmonaire (n = 1). Il y avait 49 hommes et 6 femmes. L’âge moyen était de 60,6 ans (38—85). L’intervalle moyen entre la greffe et le diagnostic de cancer était de 105 mois (30—216). Dans les antécédents était noté un tabagisme chez 48 patients (dont un tabagique actif au moment du diagnostic) avec une consommation moyenne de 46 paquetsannée (10—120) ; dans 4 cas, cette notion n’était pas mentionnée. Quarante-deux patients présentaient de lourdes pathologies associées : insuffisance rénale (n = 19 dont 3 au stade terminale), athérosclérose évoluée (n = 11), infection par un virus de l’hépatite (n = 9), cancer synchrone ou antécédent de cancer (n = 12), diabète (n = 16), coronarite (n = 8), HTA (n = 22), insuffisance cardiaque (n = 3), troubles du rythme (n = 5), sclérose latérale amyotrophique (n = 1), plusieurs comorbidités pouvant être associées chez un même malade. Tous les patients étaient sous traitement immunosuppresseur. Les tumeurs ont été découvertes dans le cadre de la surveillance systématique de cette population chez 43 malades (78,2 %) (radiographies de thorax pluriannuelles et TDM thoraciques semestrielles puis annuelles chez les fumeurs), et devant des symptômes cliniques chez 12 malades (21,8 %) : pneumopathies (n = 7) dont une avec pleurésie purulente, hémoptysie de petite abondance (n = 2), déficit neurologique révélant une métastase cérébrale d’un adénocarcinome (n = 1), douleur thoracique (n = 1) et maladie thromboembolique (n = 1). L’évaluation préopératoire comprenait systématiquement une fibroscopie bronchique, une tomodensitométrie thoraco-abdominale, un TEP-scanner les 8
Chirurgie du cancer du poumon chez les greffés d’organe solide dernières années de l’étude, des épreuves fonctionnelles respiratoires, une scintigraphie pulmonaire de perfusion et un bilan cardiaque. Le diagnostic histologique a été obtenu par biopsie sous fibroscopie bronchique (n = 19), ponction transthoracique (n = 7), médiastinoscopie (n = 1) et par la chirurgie dans les autres cas (n = 28). Tous les patients ont été suivis jusqu’au décès ou jusqu’à décembre 2013. La durée moyenne du suivi a été de 43,8 mois (0—198) pour l’ensemble des malades et de 49,8 mois (4—143) pour les malades encore en vie. Aucun malade n’a été perdu de vue. Les courbes de survie ont été calculées par la méthode de Kaplan-Meier. Pour tous les tests statistiques, le seuil de signification a été fixé à 5 % (p < 0,05). Les données ont été analysées sur le logiciel SEM [4]. L’extension tumorale a été classée selon l’International Staging System for NSCLC récemment modifié concernant le T et le M [5,6].
Résultats Les interventions ont consisté en : 2 thoracotomies exploratrices, 6 résections atypiques (wedges), 1 segmentectomie, 38 lobectomies, 2 lobectomies avec résection anastomose de la bronche souche, 2 bilobectomies et 4 pneumonectomies. La mortalité postopératoire a été de 7,3 % (n = 4) : 1 insuffisance hépatocellulaire chez un patient atteint d’hépatite B chronique, 1 septicémie à staphylocoque et 2 pneumopathies. Des complications postopératoires (n = 24) ont été observées chez 19 malades (34,5 %) : 10 pneumopathies (dont 3 avec insuffisance respiratoire
Tableau 1
317 temporaire), 9 drainages prolongés, 1 suppuration pleurale, 1 hémorragie, 1 méningo-encéphalite et 2 de nature digestive. L’histologie consistait en 23 cancers épidermoïdes, 24 adénocarcinomes, 4 cancers indifférenciés à grandes cellules, 1 cancer adénosquameux, 1 cancer neuroendocrine à grandes cellules avec composante adénocarcinomateuse et 2 cancers composites. Trente-cinq patients (64,8 %) étaient N0. Le staging pathologique consistait en 29 stade I, 15 stades II, 9 stades III et 2 stade IV. Le détail de l’ensemble de ces caractéristiques est figuré dans les Tableaux 1—3 en fonction du type de transplantation d’organe réalisée. Onze patients avaient des antécédents de cancer traités et considérés en rémission : 3 survenus avant la transplantation (1 rénal et 2 pulmonaires) et 8 survenus après (3 ORL, 2 prostates, 1 mélanome, 1 estomac et 1 pulmonaire) (Tableau 1). Sept patients avaient des nodules associés (Tableau 3) ; 6 avaient des histologies différentes et étaient donc des cancers pulmonaires synchrones. La survie de la population a été de 46,4 % à 5 ans avec une médiane de survie de 33 mois. Le détail de la survie est donné dans le Tableau 4. R0 et N0 étaient des facteurs de bon pronostic. La présence d’un cancer synchrone ou d’un antécédent de cancer n’était pas un facteur de mauvais pronostic. La survie en fonction du type de transplantation est représentée dans la Fig. 1. Un antécédent de TF était de mauvais pronostic. Les causes des décès à distance (n = 35) ont été liées au cancer du poumon n = 14, à une cause médicale n = 8 (dont 1 embolie pulmonaire et 2 pneumopathies), et n’ont pas pu être précisée chez 11 malades.
Principales caractéristiques.
Transplantation
Cœur
Rein
Foie
Poumon
Nombre Homme Femme Âge moyen (ans) Extrêmes (ans) Tabagiques Non tabagiques Tabac non précisé Nombre de PA Comormiditésa IC Insuffisance rénale HTA Trouble du rythme Diabète coronarite Athérosclérose Hépatite virale Cancer méta ou synchrone Histologie préopératoire + Fibroscopie mediastinoscopie Ponction/TDM
37 34 (91,9 %) 3 60,8 ± 6,5 47—71 33 (89,2 %) 1 3 (23) 49 ± 26 29 (78,4 %) 0 15 + 3 16 2 4 6 5 5 8 (21,6 %) 16 (43,2 %) 10 0 6
12 10 (83,3 %) 2 60,6 ± 12 36—85 10 (83,3 %) 1 1 (9) 40 ± 21 8 (66,7 %) 2 0 5 2 0 2 4 1 2 (16,7 %) 8 (66,7 %) 6 1 1
5 5 (100 %) 0 64,2 ± 1,8 62—66 5 (100 %) 0 0 (5) 44 ± 17 5 (100 %) 1 1 0 1 3 0 2 3 2 (40 %) 3 (60 %) 3 0 0
1 0 (0 %) 1 38 38 0 (0 %) 1 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 (0 %) 0 0 0 0
Valeur p 0,049 0,26 0,0046
0,38 0,14
0,70 0,33
Total 55 49 (89,1 %) 6 60,6 ± 8,4 36—85 48 (87,3 %) 3 4 (37) PA 46 ± 24 42 (76,4 %) 3 19 22 5 7 8 11 9 12 (21,8 %) 27 (49,1 %) 19 1 7
PA ; paquet-année ; IC : insuffisance cardiaque ; HTA : hypertension artérielle ; TDM : tomodensitométrie ; TNM : classification TNM. a Un malade pouvait avoir une ou plusieurs comorbidités.
318 Tableau 2
A. Arame et al. Traitement chirurgical.
Transplantations
Cœur
Rein
Foie
Poumon
Nombre Thoracotomie exploratrice R2 Métastase opérée R1 R0 Résection atypique (wedge) Segmentectomie Lobectomie Lobectomie RA Bilobectomie Pneumonectomie Décès postopératoires Complicationsa Suppuration plèvre Hémorragie Pneumopathie Drainage prolongé Encombrement Insuffisance respiratoire Autre
37 1 0 0 3 33 (89,2 %) 5 (13,5 %) 1 (2,7 %) 26 (70,3 %) 2 (5,4 %) 2 (5,4 %) 0 4 (10,8 %) 11 (29,7 %) 0 0 2 6 2 0 2
12 0 1 1 0 10 (83,3 %) 0 0 10 (83,3 %) 0 0 2 (16,7 %) 0 5 (41,7 %) 1 1 2 2 0 1 1
5 1 0 0 1 3 0 0 2 0 0 2 0 3 0 0 1 1 0 2 0
1 0 0 0 1 0 (0 %) 1 (100 %) 0 0 0 0 0 0 0 (0 %) 0 0 0 0 0 0 0
(60 %)
(40 %)
(40 %) (60 %)
Valeur p
0,078 0,045
0,56 0,36
Total 55 2 (3,6 %) 1 (1,8 %) 1 (1,8 %) 5 (9,1 %) 46 (83,6 %) 6 (10,9 %) 1 (1,8 %) 38 (69,1 %) 2 (3,6 %) 2 (3,6 %) 4 (7,3 %) 4 (7,3 %) 19 (34,5 %) 1 1 5 9 2 3 3
RA : résection anastomose bronchique ; il n’y a eu ni fistule, ni paralysie récurrentielle. a Un malade pouvait avoir une ou plusieurs complications.
transplantation cardiaque. Le deuxième patient avait été opéré par lobectomie supérieure droite pour un épidermoïde en 2003, puis par culminectomie pour un épidermoïde en 2005, présenté une récidive traité par radiofréquence en 2006 et était décédé en 2009 après avoir survécu 70 mois à son premier cancer et 16 ans à sa transplantation.
Discussion Épidémiologie
Figure 1. Taux de survie des patients opérés de cancers bronchiques post-transplantation (CBPT) en fonction du type de transplantation : courbe 1 : transplantation cardiaque (48,9 %) ; courbe 2 : transplantation rénale (61,7 %) ; et courbe 3 : transplantation hépatique (0 %), p = 0,020.
Deux patients sont décédés d’un nouveau cancer pulmonaire. Ils avaient présenté des cancers du poumon métachrones suivis dans le service. Le premier (TC) avait été opéré d’un cancer épidermoïde du LSG en 1995, puis d’un adénocarcinome droit en 1998 et en 2006 réopérés. Il avait récidivé en 2010 et été traité par radiofréquence avant de décéder de métastases cérébrales en août 2011 ; il avait survécu 16 ans à son premier cancer et 21 ans à sa
Dans notre série, seuls 2 CBPT vus au début de notre expérience [2] pouvaient être classés parmi les complications de la transplantation (1 adénocarcinome avec métastase cérébrale révélatrice chez une patiente non tabagique et 1 carcino-sarcome chez un patient en rejet sévère motivant un traitement immunosuppresseur à fortes doses). La fréquence de survenue de ces CBPT ne semble donc pas être en rapport avec leur statut de transplanté d’organe. Par contre, nous retrouvons un taux de 94,1 % de patients tabagiques : 97 % des TC, 91 % des TR et 100 % des TF). L’augmentation de l’incidence des CBPT chez les TC semble imputable au tabagisme [7], ce qui semble associé au nombre croissant de cardiopathies coronariennes secondaires à un tabagisme important ayant motivé la greffe [8]. Concernant les autres types de transplantation, le tabac joue un rôle évident dans notre série. Toutefois les données sont rares dans la littérature. Le rôle du tabac semble confirmé après TF chez les 8 patients rapportés par Génébès et al. [9] et les 2 patients rapportés par Shoji et al. [10]. L’incidence de survenue des CBPT est significativement plus faible après TR qu’après
Chirurgie du cancer du poumon chez les greffés d’organe solide Tableau 3
319
Aspects anatomo-pathologiques et TNM.
Transplantation
Cœur
Rein
Foie
Poumon
Nombre Epidermoïdes Adénocarcinome Grandes cellules Adenosquameux Autre Taille moyenne
37 (67,3 %) 15 (40,5 %) 15 (40,5 %) 3 (8,1 %) 1 (2,7 %) 3 (8,1 %) 25 ± 15,8
12 (21,8 %) 5 (41,7 %) 6 (50 %) 1 (8,3 %) 0 0 39,7 ± 41,1
5 (9,1 %) 3 (60 %) 2 (40 %) 0 0 0 50 ± 30
1 (1,8 %) 0 (0 %) 1 (100 %) 0 0 0 30
< 30 31—50 51—70 > 70 Nodulea Noduleb T1a + b T2a + b T3 T4 N0 N1 N2 N2 1 station N2 2 stations N0N2 Stade Ia + b Stade IIa + b Stade IIIa + b Stade IV
29/36 (80,5 %) 4 2 1 3 (8,3 %) 2 (5,6 %) 2+6 12 + 2 4 2 24/37 (64,9 %) 7 6 6 0 3 13 + 7 6+4 6+0 0
7 (58,3 %) 4 0 1 0 1cl (8,3 %) 6+0 5+0 1 0 9/12 (75 %) 1 2 1 1 0 6+1 1+1 1+0 2
2/4 (50 %) 0 1 1 0 1 (25 %) 0+0 2+1 1 1 1/4 (25 %) 2 1 1 0 0 0+1 1+1 1+0 0
1 (100 %) 0 0 0 0 0 0+0 0+0 1 0 1/1 (100 %) 0 0 0 0 0 0+0 0+1 0+0 0
Valeur p 0,98
0,013 (1/3) 0,083 (1/2) 0,24
0,53 0,064
0,58
0,21
Total 55 23 (41,8 %) 24 (43,6 %) 4 (7,3 %) 1 (1,8 %) 3 (5,5 %) 30,3 ± 26,2 39/53 (73,6 %) 8 3 3 3 (5,7 %) 4 (7,5 %) 8+6 19 + 3 7 4 35/54 (64,8 %) 10 (18,5 %) 9 (16,7 %) 8 (88,9 %) 1 3 (33,3 %) 19 + 10 8+7 9+0 2
cl : lobe controlatéral. a Même lobe. b Autre lobe.
Tableau 4
Détails de la survie à long terme.
Survie
Nombre
Médiane (mois)
5 % à 5 ans (%)
Globale R0 TE, R2, R1 R0, T1 R0, T2 R0, N1 R0, N1 + N2 R0, stade I R0 stade II + III Histoire de cancer Pas de cancer
51 42 9 20 17 30 12 25 17 12 39
33 NA 13 NA 28 NA 20 NA 28 21 NA
46,4 53,2 13,3 71,3 31,9 67,8 18,2 65,4 35,2 32,1 50,4
Valeur p 0,0068 0,004 0,0077 0,091 0,18
R0 : résections complètes ; le TN pathologique est utilisé. Les décès postopératoires sont exclus.
TC et TF, ce qui pourrait s’expliquer par le fait que le tabagisme est beaucoup moins répandu dans cette population [9]. Le cas de survenue d’un CBPT après TP reste particulier : l’incidence observée après transplantation rapportée à celle observée dans la population générale serait
au maximum dans ce groupe (5,9 versus 1, 4 pour TR, 1,6 pour TF et 2,1 pour TC) [11]. Dickson et al. [12] ont rapporté ne l’avoir rencontré qu’après transplantation unipulmonaire sur le poumon natif et jamais après transplantation bipulmonaire (6,9 % versus 0 %, p = 0,002). Le cas que nous avons
320 observé 108 mois (Tableau 1) après transplantation bipulmonaire fait figure d’exception.
Pronostic et dépistage Les CBPT ont la réputation d’être de mauvais pronostic, mais cette notion de gravité repose essentiellement sur le fait que les diagnostics semblent avoir été posés à un stade évolué de la maladie [2]. Cependant, l’analyse de plusieurs séries rapportées dans la littérature a montré que 41 % des patients avaient pu bénéficier d’une exérèse carcinologique [2]. Ce taux est supérieur aux 20 à 25 % des cancers diagnostiqués dans la population générale bénéficiant d’un traitement chirurgical. On ne peut donc conclure que cette notion soit justifiée. Le mauvais pronostic des CBPT chez les TC constaté dans certaines séries s’explique par le nombre élevé de patients non opérés car diagnostiqués à un stade tardif et par le nombre important de carcinomes à petites cellules inclus dans les études [2]. Ce pronostic peut être amélioré par un dépistage radiologique ciblé dans cette population suivie régulièrement. Toutefois, certains auteurs ont remis en cause l’efficacité de ce dépistage lors de la surveillance [8,13]. Dans ces séries, les analyses rétrospectives des radiographies de thorax avaient montré les limites de la radiographie standard qui étaient liées à la qualité de son interprétation, 44 % à 66 % des patients présentant une lésion détectable mais méconnue en moyenne 12 mois avant le diagnostic de CBPT.
Évolution De même que le CBPT n’est généralement pas induit par le traitement immunosuppresseur, il semble que l’évolution ne soit pas influencée par la poursuite de celui-ci. Ceci serait donc différent de ce que l’on observe dans d’autres formes d’immunodépression notamment l’infection par le VIH, comme l’ont constaté Johnson et al. [14]. L’étude européenne multicentrique de Brunner et al. [15] va dans le sens de cette constatation : l’analyse de la courbe de survie à long terme montre qu’il n’existe aucune différence entre les patients greffés rénaux et les patients dialysés atteints d’un cancer bronchique.
Évolutions carcinologiques particulières Un premier cancer survenu et traité avant le diagnostic du CBPT, le malade étant alors vu dans le cadre d’une prise en charge pour cancer multiple, est rare et n’a été rapporté que sous forme de quelques cas cliniques [16,17]. Peu fréquents initialement [2], ils représentent maintenant 24 % des patients de notre série et il est vraisemblable qu’ils seront observés de plus en plus souvent dans l’avenir. Ils ne représentent pas une contre-indication à opérer le CBPT et les survies observées à long terme sont encourageantes. La présence d’un antécédent de cancer chez les patients candidats à une transplantation soulève un point intéressant. Un antécédent de cancer rend en effet l’indication de la transplantation problématique et classiquement, il est conseillé d’attendre un délai de longueur variable selon le type de cancer pour s’assurer de l’absence de récidive [18]. Nous avons observé 2 cas transplantés la même année que celle de la chirurgie de leur cancer qui étaient vivants 11 ans
A. Arame et al. (cancer du rein et TR) et 19 ans (cancer du poumon et TC) après la transplantation. Peu de renseignements sont disponibles mais une chirurgie R0 pour des cancers de petit stade devrait permettre selon nos observations de proposer au patient la transplantation sans tenir compte des délais théoriques.
Conclusion Le CBPT ne semble pas être une complication de la transplantation mais plutôt du tabagisme. Le dépistage itératif et ciblé chez les transplantés devrait permettre un traitement chirurgical du CBPT à un stade précoce avec des résultats encourageants. L’émergence de cancers multiples est de plus en plus fréquente et la présence d’un autre cancer n’est pas une contrindication à opérer un CBPT dés lors que ce dernier est en rémission complète.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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