Compétences des patients vis-à-vis de leur traitement anticoagulant oral par antivitamines K et anticoagulants oraux directs

Compétences des patients vis-à-vis de leur traitement anticoagulant oral par antivitamines K et anticoagulants oraux directs

PHCLIN-333; No of Pages 6 Rec¸u le : 24 juillet 2014 Accepte´ le : 17 novembre 2014 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ...

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PHCLIN-333; No of Pages 6

Rec¸u le : 24 juillet 2014 Accepte´ le : 17 novembre 2014

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com



Article original

Compe´tences des patients vis-a`-vis de leur traitement anticoagulant oral par antivitamines K et anticoagulants oraux directs Skills of patients concerning direct oral anticoagulants and vitamin K antagonists A. Rey (e´tudiant en pharmacie)a,1, M. Deppenweiler (e´tudiant en pharmacie)a,1, A. Berroneau (docteur en pharmacie)a,1, K. Martin-Latry (docteur en pharmacie, docteur es sciences universitaires) b,c,d,*,1, D. Breilh (docteur en pharmacie, docteur es sciences universitaires) (Chef de service pharmacie clinique)a,c,e,1 a

PUI Haut-Le´veˆque, groupe hospitalier Sud, 33600 Pessac, France Centre d’exploration, de pre´vention et de traitement de l’athe´roscle´rose, CHU de Bordeaux, 33600 Pessac, France c U1034, adaptation cardiovasculaire a` l’ische´mie, universite´ de Bordeaux, 33600 Pessac, France d U1034, Inserm, adaptation cardiovasculaire a` l’ische´mie, 1, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France e Laboratoire de pharmacocine´tique et de pharmacie clinique, colle`ge sante´, UFR sciences pharmaceutiques, universite´ de Bordeaux, 33000 Bordeaux, France b

Summary

Re´sume´

Introduction. Although presented as easier to use, direct oral anticoagulants (DOA) are a potential source of iatrogeny. Objectives. To assess the skill of patients treated with direct oral anticoagulants. Methods. Patients over 18-years-old, hospitalized between July and November 2013 and treated with oral anticoagulants were included in the study. Knowledge and attitudes were assessed using a questionnaire. Three groups of patients were created: first treatment with DOA, treatment with DOA after a switch from vitamin K antagonists (AVK) and treatment with AVK as a reference group. Results. One hundred patients were included. While overall AVK patients can manage their treatment well, patients with direct oral anticoagulants have little knowledge and skills, fact that is reinforced when a patient has no history of treatment with AVK. Discussion and conclusion. It is necessary to develop actions to prevent iatrogeny that is already present for AVK. This could be done

Introduction. Bien que pre´sente´s comme plus faciles d’utilisation, les anticoagulants oraux directs (AOD) sont une source potentielle de iatroge´nie. Objectifs. E´valuer les compe´tences des patients vis-a`-vis de leur traitement par AOD. Me´thode. Les patients de plus de 18 ans, sous anticoagulants depuis au moins 7 jours et hospitalise´s au CHU entre juillet et novembre 2013 ont e´te´ inclus. Un questionnaire a permis d’e´valuer les savoirs, les savoir-eˆtre et les savoir-faire. Les re´ponses des patients mis « directement » sous AOD et de ceux ayant rec¸u un traitement ante´rieur par AVK ont e´te´ compare´es. Un groupe de patients sous AVK a e´te´ constitue´ comme re´fe´rence. Re´sultats. Cent patients ont e´te´ inclus. Si les patients sous AVK savent ge´rer leur traitement, les patients sous AOD ont peu de compe´tences, ce qui est renforce´ lorsqu’un patient n’a pas d’ante´ce´dent de traitement par AVK.

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (K. Martin-Latry). 1 Contribution des auteurs : A. Rey a participe´ a` l’e´laboration de l’e´tude et a` l’e´criture de l’article et a re´alise´ l’e´tude ; M. Deppenweiler a participe´ a` l’e´laboration de l’e´tude et a` l’e´criture de l’article ; A. Berroneau a participe´ a` l’e´laboration de l’e´tude ; K. Martin-Latry a participe´ a` l’e´laboration de l’e´tude, a supervise´ la re´alisation de l’e´tude et son analyse et a participe´ a` l’e´criture de l’article; D. Breilh a participe´ a` l’e´laboration de l’e´tude et a` l’e´criture de l’article. http://dx.doi.org/10.1016/j.phclin.2014.11.006 Le Pharmacien Hospitalier et Clinicien 2015;xxx:1-6 2211-1042/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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through educational workshops. It would be probably important to distinguish patients with and without a historical treatment with AVK. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Skills of patients, Direct oral anticoagulants, Therapeutical patient education, Vitamine K antagonists anticoagulants

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Discussion et conclusion. Il est ne´cessaire de mettre en place des actions correctrices afin d’e´viter la iatroge´nie de´ja` si pre´sente pour les me´dicaments de la pre´ce´dente ge´ne´ration. Ceci pourrait se faire au moyen d’ateliers e´ducatifs. Il conviendrait probablement de distinguer les patients avec et sans ante´ce´dent de traitement par AVK. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Compe´tences des patients, Anticoagulants, E´ducation the´rapeutique du patient, Anticoagulants oraux directs, Antivitamines K

Introduction Les anticoagulants sont des me´dicaments majeurs dans la pre´vention des e´ve´nements thromboemboliques. Parmi eux, les antivitamines K (AVK), qui sont utilise´s depuis plus de 50 ans, constituent la premie`re cause d’hospitalisation iatroge`ne en France avec 12,3 % des hospitalisations pour cause me´dicamenteuse, principalement suite au risque he´morragique qui est duˆ a` leur effet pharmacologique [1]. Les anticoagulants oraux directs (AOD), comme le dabigatran et le rivaroxaban, sont aujourd’hui une alternative aux AVK. Ils sont actuellement indique´s dans la pre´vention des e´ve´nements thromboemboliques veineux en lien avec une chirurgie orthope´dique, dans la pre´vention de l’accident vasculaire ce´re´bral (AVC) et de l’embolie syste´mique (ES) chez les patients adultes atteints de fibrillation atriale non valvulaire et pre´sentant un ou plusieurs facteur(s) de risque, ainsi que dans la pre´vention ou le traitement des thromboses veineuses profondes ou embolies pulmonaires. Ils sont pre´sente´s comme ayant l’avantage de ne pas pre´senter d’interaction alimentaire, moins d’interaction me´dicamenteuse et d’eˆtre plus facile d’utilisation que les AVK. En effet, contrairement a` ces derniers, il n’est pas re´alise´ de suivi biologique e´valuant l’activite´ anticoagulante. Ceci peut conduire a` une banalisation de ces traitements en laissant percevoir ces me´dicaments comme les autres traitements chroniques cardiovasculaires pour lesquels il a e´te´ clairement montre´ des difficulte´s d’observance the´rapeutique [2–4] avec des conse´quences me´dicales graves [5]. Cependant, les risques restent les meˆmes que pour les AVK avec un risque thrombotique ou he´morragique en cas de me´susage. Ils font donc l’objet d’une surveillance e´troite et re´gulie`re au niveau national par l’Agence nationale de se´curite´ des me´dicaments (ANSM) et au niveau europe´en par les autorite´s de sante´ compe´tentes. De par la forte iatroge´nie qui est associe´e aux AVK depuis des de´cennies, un avenant a` la convention nationale entre l’assurance maladie et les pharmaciens d’officine a e´te´ signe´ en juin 2013 visant a` l’accompagnement des patients chroniques sous anticoagulants oraux par les pharmaciens au moyen

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d’entretiens pharmaceutiques [6]. Il n’est pas pre´vu a` ce jour de re´aliser ce type d’entretien pour les AOD. Devant l’importance du me´susage possible, nous avons souhaite´ re´aliser une e´tude afin d’analyser les compe´tences des patients traite´s par anticoagulants oraux directs et ainsi e´valuer les actions correctives a` mettre en place dans notre e´tablissement en fonction des besoins et des attentes.

Me´thode Population e´tudie´e Cette e´tude s’est de´roule´e sur 4 mois (juillet a` novembre 2013). Tous les patients aˆge´s de plus de 18 ans, hospitalise´s en cardiologie au CHU, sous traitement anticoagulant oral depuis un minimum de 7 jours et ayant accepte´ de participer ont e´te´ inclus dans l’e´tude. Ce de´lai de 7 jours a e´te´ choisi afin de laisser un de´lai minimum pour permettre au patient d’acque´rir des compe´tences sur son nouveau traitement aupre`s de l’e´quipe soignante a` l’origine de la prescription. Les personnes qui ne ge´raient pas seules leur traitement ou ayant des difficulte´s de communication ont e´te´ exclues de l’e´tude. Apre`s identification des patients via le logiciel de dispensation de l’hoˆpital, il leur a e´te´ propose´ de participer a` l’e´tude durant leur hospitalisation. Deux groupes ont e´te´ constitue´s : un concernant les patients traite´s par AOD et un concernant les patients traite´s par AVK, ce dernier groupe servant de re´fe´rence en matie`re de compe´tences. Eu e´gard a` une file active de patients traite´s par AOD re´duite a` l’heure actuelle, le de´lai de l’e´tude et afin de pouvoir comparer les re´sultats entre les deux groupes, nous avons choisi d’inclure une cinquantaine de patients par groupe.

Questionnaires d’e´valuation Deux questionnaires distincts ont e´te´ re´alise´s et utilise´s : un pour les patients sous AOD et un pour les patients sous AVK. Ces questionnaires ont e´te´ inspire´s des recommandations de l’ANSM sur les informations a` connaıˆtre par les patients sur ces traitements [7,8]. Les questions e´taient ouvertes et le

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Compe´tences des patients vis-a`-vis de leur traitement anticoagulant

patient pouvait s’exprimer librement lors d’un entretien individuel d’environ 20 minutes. Les re´ponses aux questions ont ensuite e´te´ cote´es par mots-clefs. Ces questions ont e´te´ choisies pour permettre d’appre´cier les trois axes piliers de l’e´ducation the´rapeutique [9] : le savoir (connaissances du me´dicament, modalite´s de prise, risques. . .), le savoir-eˆtre (adapter son hygie`ne de vie, pre´venir les professionnels de sante´. . .) et le savoir-faire (ge´rer son traitement, re´agir en cas de saignements. . .) (Annexe 1). A` la fin de l’entretien, un temps a e´te´ consacre´ pour refaire un point sur les re´ponses attendues et remettre le carnet d’information et de suivi des AVK ou AOD aux patients qui n’en posse´daient pas.

Analyse statistique Pour l’analyse des re´sultats, nous avons tout d’abord calcule´ le pourcentage de patients ayant re´pondu correctement a` chaque question dans chacun des groupes : patients sous AOD et patients sous AVK. Dans le groupe AOD, nous avons distingue´ les patients avec une primo-prescription d’AOD sans ante´ce´dents de prescription d’AVK et les patients pour lesquels le traitement par AOD avait e´te´ mis en place en relais d’un traitement par AVK. Des tests statistiques ont e´te´ re´alise´s pour comparer les patients sous AOD avec ou sans ante´ce´dent de traitement par AVK, ainsi que les groupes AVK et AOD global. Les analyses statistiques ont e´te´ effectue´es, par le test du Chi2 avec une correction de Fisher (risque alpha de 1re espe`ce bilate´ral de 5 %).

Re´sultats Cent patients ont e´te´ interroge´s durant la pe´riode de l’e´tude : 50 traite´s par AOD et 50 traite´s par AVK. Parmi les patients sous AOD, 21 (42 %) avaient une primo-prescription de AOD et 27 (54 %) avaient pre´ce´demment e´te´ traite´s par AVK. Cette information n’a pas pu eˆtre retrouve´e pour deux patients et les donne´es relatives a` ces deux patients n’ont pas e´te´ prises en compte dans l’analyse des re´sultats.

Caracte´ristiques des patients inclus Groupe « AOD » L’aˆge moyen e´tait de 67,4 ans (extreˆmes : 46–88) et le sex ratio H/F e´tait de 2,1. Vingt-six patients (52 %) e´taient traite´s par dabigatran a` une posologie de 110 mg (n = 15) ou 150 mg (n = 11) deux fois par jour. Vingt-quatre patients (48 %) suivaient un traitement par rivaroxaban a` la dose de 15 mg une (n = 5) ou deux (n = 1) fois par jour ou 20 mg une fois par jour (n = 18). L’indication principale e´tait la fibrillation auriculaire (n = 44, 88 %). L’instauration du traitement datait d’en moyenne 5 mois (extreˆmes : 1 semaine–2 ans) et avait e´te´ re´alise´e a` 88 % par un cardiologue (75 % a` l’hoˆpital et 25 % en ville). Trois patients avaient e´te´ mis sous traitement par leur

me´decin traitant. Sur l’ordonnance de sortie de l’hoˆpital, en moyenne six me´dicaments e´taient associe´s (extreˆmes : 1–15). La clairance moyenne, calcule´e avec la formule de Cockcroft et Gault, e´tait de 81  31 mL/min. Groupe « AVK » L’aˆge moyen e´tait de 63,7 ans (extreˆmes : 22–80) et le sex ratio H/F de 2. Trente-huit patients (76 %) e´taient traite´s par fluindione, 10 (20 %) par warfarine et 2 (4 %) par ace´nocoumarol tous dosages confondus. Les indications principales e´taient la pre´vention d’un accident thrombotique lie´ a` une fibrillation auriculaire (n = 27, 54 %) ou suite a` la pose d’une valve cardiaque (n = 7, 14 %), et l’embolie pulmonaire ou thrombose veineuse profonde (n = 4,8 %). La clairance moyenne e´tait de 77,2  43,2 mL/min. Le traitement e´tait instaure´ depuis en moyenne 7,5 anne´es (extreˆmes : 15 jours–25 ans).

Comparaison des groupes AVK et AOD Les connaissances des patients sous AVK sont globalement satisfaisantes (tableau I) avec des pourcentages de re´ponses variant de 62 a` 98 % pour les connaissances. Les risques thrombotiques en cas de sous-dosage (lie´s a` une mauvaise observance ou une mauvaise adaptation de la posologie) sont moins bien connus que les risques de saignement en cas de surdosage (62 % versus 76 %). En termes de savoir-faire, 84 % des patients savent ge´rer un saignement a` type de compression et appel d’un me´decin si le saignement continue, repe´rer les saignements alarmants (he´maturies, he´moptysies. . .) et environ 25 % des patients ne savent pas ge´rer un oubli ou la prise de me´dicament d’autome´dication. En termes de savoir-eˆtre, la carte de surveillance est mal connue et peu utilise´e. Le re´flexe de pre´venir les professionnels de sante´ (dentiste, pharmacien. . .), lui, est bien ancre´ (92 %). Pour les patients sous AOD, les meˆmes questions ont e´te´ pose´es hormis celles concernant l’INR. Il apparaıˆt clairement que les pourcentages de patients compe´tents vis-a`-vis de leur traitement sont plus faibles, quelle que soit la question. Une exception : celle concernant la prise de me´dicament sans avis me´dical (92 % vs 76 % sous AVK, p = 0,05). Seuls 68 % savent citer leur me´dicament anticoagulant, 82 % son roˆle et 58 % son indication. Les modalite´s de prises sont globalement connues (86 %) mais seuls 54 % ont e´te´ informe´s sur ce qu’il fallait faire en cas d’oubli. A` l’inverse des patients traite´s par AVK, les risques lie´s aux sous-dosages sont « mieux » connus que les risques en cas de surdosage (52 % et 42 %). Un autre fait alarmant est la non-compe´tence vis-a`-vis des saignements : 56 % seulement y sont sensibilise´s et savent les ge´rer. Le port sur soi de la carte de surveillance indiquant que le patient est sous AOD est faible avec un pourcentage de 22 % de patients qui l’ont dans leur portefeuille. Il est inte´ressant de noter qu’ils sont plus nombreux (40 %) a` connaıˆtre son roˆle. Ce sont le plus souvent des patients qui e´taient avant sous AVK et qui se souviennent d’avoir eu cette carte

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Tableau I Comparaison des connaissances et compe´tences des patients traite´s par AVK, par AOD apre`s relais et par AOD en premie`re intention. Comparison of skills of patients treated with VKA, with DOA after switch and with DOA without a first treatment with VKA. AVK

Savoir

Savoir-faire

Savoir-eˆtre

Nom du me´dicament anticoagulant Roˆle du me´dicament Indication Modalite´s de prise Risques sous-dosage Risques surdosage Connaissance de l’INR Fre´quence de controˆle de l’INR Valeurs cibles l’INR Facteurs pouvant modifier l’INR Aliments Me´dicaments Alcool Autres Ge´rer un oubli Ge´rer un saignement Ne pas prendre de me´dicaments sans avis me´dical Pre´venir les professionnels de sante´ Carte de surveillance dans porte feuille Roˆle carte de surveillance

AOD avec AVK

AOD sans AVK

p

n

%

n

%

n

%

47 44 36 49 31 38 44 48 44

94 88 72 98 62 76 88 96 88

23 21 16 25 17 15 – – – –

85,2 77,8 59,3 92,6 63,0 55,6 – – – –

11 18 12 16 8 5 – – – –

52,4 85,7 57,1 76,2 38,1 23,8

0,024 0,712 1,000 0,215 0,145 0,040 – – – –

41 7 5 3 38 42 38 46 21 31

82 14 10 6 76 84 76 92 42 62

18 19 27 22 9 13

66,7 70,4 100 81,5 33,3 48,1

8 8 17 11 2 7

38,1 38,1 81 52,4 9,5 33,3

0,079 0,040 0,031 0,058 0,083 0,382

Les e´le´ments en gras mettent en e´vidence visuellement les comparaisons de donne´es dont la diffe´rence est statistiquement significative.

d’information, mais qui indiquent qu’on ne leur a jamais redonne´ une carte pour le traitement par AOD.

Comparaison des patients traite´s par AOD ayant de´ja` eu ou non un traitement par AVK Mise a` part pour la question relative au roˆle du me´dicament, nous observons clairement que les patients n’ayant jamais eu de traitement par AVK sont moins compe´tents vis-a`-vis de leur traitement. Cela est visible dans chaque cate´gorie de questions (tableau I) : les patients ont donc moins de connaissances, ils sont moins aptes a` ge´rer et vivre avec ce traitement. Cette diffe´rence n’est cependant significative que pour quatre questions : nom du me´dicament (85,2 % versus 52,4 %, p = 0,024), risques de surdosage (55,6 % versus 23,8 %, p = 0,04), ge´rer un saignement (70,4 % versus 38,1 %, p = 0,04) et e´viter l’autome´dication (100 % versus 81 %, p = 0,031), en raison du faible nombre de patients inclus dans l’e´tude. Plusieurs points sont particulie`rement alarmants chez les patients mis « directement » sous AOD, notamment sur les risques en cas de surdosage, ou` seuls 23,8 % citent le risque de saignement. Par ailleurs, 62 % ne sauraient pas ge´rer un saignement. Seuls 36 % des patients se souviennent d’avoir e´te´ informe´s sur leur traitement par AOD, en majorite´ par leur me´decin traitant, puis leur pharmacien et l’infirmie`re. Les taux de re´ponses plus e´leve´s chez les patients ayant eu des AVK pourraient donc s’expliquer par une re´manence des compe´tences pre´ce´demment acquises pour les AVK.

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Discussion Cette e´tude montre que les patients traite´s par AOD pre´sentent peu de compe´tences pour la gestion au quotidien de leur traitement, encore plus particulie`rement s’ils n’ont pas e´te´ pre´ce´demment traite´s par AVK. Le suivi me´dical pour ces nouvelles classes d’anticoagulants oraux e´tant possiblement alle´ge´ en l’absence de ne´cessite´ de suivi re´gulier du dosage de l’INR, il est possible que cela puisse contribuer a` ce que les compe´tences soient moindres. Par ailleurs, meˆme si les patients traite´s par AVK sont plus a` meˆme de prendre soin d’eux, les savoir-faire et savoir-eˆtre ainsi que les risques en cas de sous- et surdosage sont les compe´tences les moins retrouve´es. Plusieurs e´tudes ont pre´ce´demment mis en e´vidence ce manque de compe´tences chez les patients traite´s par AVK [10,11] meˆme si les chiffres relate´s sont un peu plus e´leve´s que dans notre e´tude. Ces re´sultats ame`nent a` re´fle´chir sur les actions a` mener. En l’absence actuelle d’entretiens pharmaceutiques, des ateliers e´ducatifs pourraient eˆtre au minimum cre´e´s. L’inte´reˆt des programmes d’e´ducation the´rapeutique des patients sous anticoagulants oraux est bien connu et de´montre´ [12,13], notamment pour permettre un meilleur e´quilibre de leur traitement [14] et diminuer la fre´quence des incidents he´morragiques [15]. S’ils sont aujourd’hui bien de´veloppe´s pour les AVK, ils le sont beaucoup moins pour les AOD, qui pre´sentent, nous l’avons dit pre´ce´demment, eux aussi des risques d’incidents he´morragiques. Cela est d’autant plus urgent que le personnel hospitalier connaıˆt moins bien ces nouveaux

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traitements et est moins a` l’aise pour de´livrer une information au patient. Des fiches d’information et des carnets ont e´te´ re´alise´s par les laboratoires pharmaceutiques ou dans le cadre d’initiatives locales, mais aucun document officiel n’existe. Peu de patients y ont donc acce`s. Ces programmes doivent donc eˆtre encourage´s et de´veloppe´s pour les patients sous AOD. Il conviendrait alors probablement de distinguer les patients avec ou sans ante´ce´dents de traitement par AVK. Cela permettrait, pour les patients ayant eu un traitement par AVK, de faire un point sur les acquis et expliquer que, meˆme si ces deux traitements ont la meˆme indication, ils diffe`rent en plusieurs points comme l’absence d’interaction avec certains aliments ou encore l’absence de dosage de l’INR pour les AOD meˆme s’il est recommande´, pour ces nouveaux anticoagulants, d’avoir un suivi re´gulier (tous les 3–6 mois) de la fonction re´nale. Pour les autres patients, il s’agirait alors de leur apporter les compe´tences ne´cessaires a` la gestion du soin de soi. Dans le cadre communautaire, il pourrait e´galement eˆtre discute´ d’e´tendre les entretiens pharmaceutiques de´ja` de´veloppe´s pour les AVK a` ces anticoagulants oraux directs dans le cadre du relais ville/hoˆpital. Les pharmaciens hospitaliers et officinaux, de par leurs compe´tences en matie`re de me´dicaments, ont toute leur place dans ces accompagnements.

Conclusion L’acquisition de compe´tences en matie`re de traitements anticoagulants oraux directs pour les patients traite´s par ces me´dicaments est ne´cessaire afin d’en optimiser la gestion quotidienne. Si l’information du patient mis sous AVK est aujourd’hui de´veloppe´e, elle doit l’eˆtre e´galement pour les AOD, qui sont certes plus simples d’utilisation, mais qui restent des me´dicaments a` risque de iatroge´nie similaire.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Annexe 1. Questionnaires AOD et AVK

AOD 1) Comment s’appelle votre me´dicament anticoagulant ? 2) Savez-vous a` quoi il sert et la raison pour laquelle il vous a e´te´ prescrit ? 3) Pouvez-vous m’expliquer les modalite´s de prise de votre traitement ? 4) Que faites-vous en cas d’oubli ? 5) Quels sont les risques, signes que peut induire ce traitement si vous eˆtes en sous-dosage ?

6) Quels sont les risques, signes que peut induire ce traitement si vous eˆtes en surdosage ? 7) Quelle est l’attitude a` suivre en cas de saignements, qui pre´venez-vous ? 8) Vous arrive-t-il de prendre des me´dicaments sans avis me´dical ? 9) Pensez-vous a` pre´venir les professionnels de sante´ avant tout acte pouvant occasionner un saignement (extraction dentaire, injection, kine´sithe´rapie. . .) ? 10) a. Avez-vous la carte de surveillance dans votre portefeuille ? b. Connaissez-vous l’inte´reˆt de l’avoir syste´matiquement sur soi ? 11) Avez-vous pre´sente´ un saignement pendant votre traitement ? 12) Avez-vous rec¸u une information sur votre traitement anticoagulant par un professionnel de sante´ ? AVK 1) Connaissez-vous le nom de votre me´dicament anticoagulant ? 2) Savez-vous a` quoi il sert et la raison pour laquelle il vous a e´te´ prescrit ? 3) A` quel moment de la journe´e faut-il le prendre ? 4) Que faites-vous en cas d’oubli ? 5) Connaissez vous le test biologique utile a` la surveillance de votre traitement anticoagulant ? 6) A` quelle fre´quence doit-il eˆtre controˆle´ ? 7) Dans quelle fourchette doit-il se situer ? 8) Quels sont les risques, signes que peut induire ce traitement si vous eˆtes en sous-dosage ? 9) Quels sont les risques, signes que peut induire ce traitement si vous eˆtes en surdosage ? 10) Quelle est l’attitude a` suivre en cas de saignements, qui pre´venez-vous ? 11) Avez-vous un carnet de suivi AVK ? Si oui, le comple´tez-vous syste´matiquement ? 12) Avez-vous la carte de´tachable dans votre porte feuille ? Connaissez-vous l’inte´reˆt de l’avoir syste´matiquement sur soi ? 13) Pensez-vous a` pre´venir les professionnels de sante´ avant tout acte pouvant occasionner un saignement (extraction dentaire, injection, kine´sithe´rapie. . .) ? 14) Pouvez-vous me citer des facteurs pouvant modifier votre INR ? 15) Vous arrive-t-il de prendre des me´dicaments sans avis me´dical ? 16) Avez-vous pre´sente´ un saignement pendant votre traitement ? 17) Avez-vous rec¸u une information sur votre traitement anticoagulant par un professionnel de sante´ ?

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Re´fe´rences [1]

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S-informer/Points-d-information-Points-d-information/ Le s-n ouve a ux-a nti co ag ul an t s-orau x-d abi g atran -etrivaroxaban-dans-la-fibrillation-auriculaire-ce-qu-il-fautsavoir-Point-d-Information, acce´de´ le 20 juin 2014]. Grange L, Allenet B. Principe et re´alisation pratique de l’e´ducation the´rapeutique du patient (ETP). Revue du Rhumatisme Monographies 2013;80(3):146–51. Labrosse H, Vantard N, Garcia K, Leboucher G, Charpiat B. Pharmaceutical counselling and evaluation of the knowledge of hospitalized patients treated with anti-vitamin K drugs. Ann Pharm Fr 2006;64(5):344–9. Chastagner M, Gault M, Aboyans V, Lacroix P. A long-term follow-up quality evaluation of patients taking oral anticoagulant therapy. Arch Mal Coeur Vaiss 2005;98(3):199–204. Gras-Champel V, Voyer A, Lematte C, Pakula P, Roussel B, Lefre`re JJ, et al. Assessment of the quality of oral anticoagulation management in patients admitted to Amiens University Hospital. Therapie 2005;60(2):149–57. Janoly-Dume´nil A, Bourne C, Loiseau K, Luaute´ J, Sancho PO, Ciancia S, et al. Traitement anticoagulant oral–E´valuation des connaissances des patients hospitalise´s en services de me´decine physique et re´adaptation. Ann Phys Rehabil Med 2011;54(3):172–80. Saligari E, Belle L, Berry C, Gonod M, Poire´ V, Picard A, et al. E´valuation d’un programme d’e´ducation des patients sous antivitamine K. Ann Cardiol Angeiol 2003;52(5):297–301. Le´ger S, Allenet B, Pichot O, Figari G, Calop J, Carpentier P, et al. Impact d’un programme d’e´ducation the´rapeutique sur les attitudes de pre´vention vis-a`-vis du risque iatroge`ne e´tude pilote controˆle´e visant les patients sous anticoagulants oraux pour maladie thromboembolique veineuse. J Mal Vasc 2004;29(3):152–8.