Cystite toxoplasmique pseudotumorale révélatrice d’un syndrome d’immunodéficience acquise

Cystite toxoplasmique pseudotumorale révélatrice d’un syndrome d’immunodéficience acquise

Annales de pathologie (2011) 31, 46—49 CAS ANATOMOCLINIQUE Cystite toxoplasmique pseudotumorale révélatrice d’un syndrome d’immunodéficience acquise ...

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Annales de pathologie (2011) 31, 46—49

CAS ANATOMOCLINIQUE

Cystite toxoplasmique pseudotumorale révélatrice d’un syndrome d’immunodéficience acquise Pseudotumoral toxoplasmic cystitis revealing acquired immunodeficiency syndrome Raluca Ples a, Frédéric Méchaï b, Bernard Champiat a, Stéphane Droupy c, Michel Huerre d, Catherine Guettier a, Sophie Ferlicot a,∗ a

Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, université Paris-Sud 11, hôpital de Bicêtre, AP—HP, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France b Service de médecine interne et maladies infectieuses, université Paris-Sud 11, hôpital de Bicêtre, AP—HP, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France c Service de chirurgie urologique, université Paris-Sud 11, hôpital de Bicêtre, AP—HP, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France d Unité d’histotechnologie et de pathologie, Institut Pasteur, 25, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris cedex 15, France Accepté pour publication le 12 f´ evrier 2010 Disponible sur Internet le 26 janvier 2011

MOTS-CLÉS Toxoplasmose vésicale ; VIH ; Cystite pseudotumorale

KEYWORDS Bladder; Toxoplasmosis; HIV; Pseudotumoral cystitis



Résumé Nous rapportons le cas d’un patient caucasien de 57 ans chez lequel le diagnostic de toxoplasmose vésicale a été porté difficilement en raison d’une présentation clinique trompeuse. Le patient s’est présenté pour une pollakiurie et des brûlures mictionnelles. L’imagerie mettait en évidence un épaississement pseudotumoral de la paroi vésicale. Le diagnostic de toxoplasmose vésicale a permis de révéler l’infection par le VIH. Le décès est survenu rapidement par atteinte neurologique. Ce cas est le second cas décrit dans la littérature de toxoplasmose vésicale révélatrice d’une infection par le VIH. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary A case of bladder toxoplasmosis in a 57-year-old male Caucasian patient was diagnosed with difficulty due to misleading clinical presentation. The patient presented with pollakiuria and urination burning. Imagery showed pseudotumoral thickening of the vesicle wall. Previously unknown status of HIV infection was found positive through the diagnosis of bladder toxoplasmosis. The patient died rapidly from neurological complications. This is the second published case in which bladder toxoplasmosis reveals an HIV infection. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (S. Ferlicot).

0242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2010.11.001

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Figure 1. Présence de kystes toxoplasmiques au sein de la musculeuse de la paroi vésicale (flèches), HES. Toxoplasmic cysts in the muscularis propria (detrusor muscle), (arrows), HES.

La toxoplasmose est une pathologie fréquente des malades immunodéprimés et touche préférentiellement le système nerveux central (SNC). La toxoplasmose extracérébrale est rarement diagnostiquée sur des prélèvements tissulaires de patients VIH positifs. Nous rapportons le cas d’un patient pour lequel le diagnostic de toxoplasmose vésicale a été révélateur d’une infection par le VIH.

Figure 2. Trois kystes toxoplasmiques PAS positifs (flèches), coloration de PAS. Three toxoplasmic cysts PAS positive (arrows), Periodic Acid-Schiff staining.

Observation anatomoclinique Un homme caucasien de 57 ans sans antécédents a consulté en urologie pour pollakiurie et brûlures mictionnelles. L’échographie objectivait un épaississement pariétal vésical hémicirconférentiel. Le scanner abdominal montrait une infiltration du grand épiploon. Les copeaux de résection transurétrale de vessie (RTUV) mettaient en évidence un infiltrat inflammatoire riche en polynucléaires éosinophiles de la muqueuse vésicale. Devant l’apparition d’une altération de l’état général avec amaigrissement, une biopsie échoguidée de l’épiploon était réalisée, montrant des remaniements inflammatoires non spécifiques. Un scanner et une IRM cérébrale réalisés pour troubles de la vigilance révélaient de multiples lésions évocatrices de métastases, associées à une hypertension intracrânienne avec début d’engagement amygdalien. Des prélèvements d’épiploon et de vessie étaient effectués au cours d’une laparotomie exploratrice. L’examen extemporané réalisé sur le fragment de vessie ne montrait pas de tumeur, mais faisait suspecter une parasitose devant la présence de structures kystiques ou pseudokystiques dans les cellules musculaires lisses vésicales. Sur l’examen définitif (Fig. 1), une fibrose inflammatoire riche en lymphocytes et plasmocytes dissociait la paroi vésicale. On y observait des kystes toxoplasmiques, de nombreux pseudokystes ainsi que des formes végétatives libres (tachizoïtes). Les pseudokystes, PAS négatifs, étaient constitués de multiples tachyzoïtes à l’intérieur d’une vacuole située dans le cytoplasme de la cellule musculaire lisse. Les vrais kystes, PAS positifs (Fig. 2), également présents dans le cytoplasme des cellules musculaires lisses, étaient constitués de bradyzoïtes. L’anticorps anti-Toxoplasma gondii (Argene Biosoft 11.132, Clone G II 9, France) confirmait le diagnostic (Fig. 3). De rares tachyzoïtes libres ou sous la forme de petits pseudokystes étaient observés dans le cytoplasme des adipocytes de l’épiploon. La relecture des

Figure 3. Marquage d’un des kystes avec l’anticorps antiToxoplasma gondii. Immunoreactivity of a cyst with anti-Toxoplasma gondii antibody.

fragments de RTUV permettait de retrouver les mêmes kystes et pseudokystes (moins volumineux et moins nombreux que sur le prélèvement réalisé lors de la laparotomie). Malgré l’instauration immédiate d’un traitement antitoxoplasmique, le patient était transféré en réanimation pour un coma Glasgow 5. Une sérologie VIH était alors demandée et revenait positive. Le taux de lymphocytes CD4 était à 12 cellules/mm3 et la charge virale plasmatique à 271 000 copies/mL. Quelques jours après, le patient décédait de ses complications neurologiques. Il n’était pas réalisé d’autopsie.

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Discussion Toxoplasma gondii est un protozoaire de la classe des sporozoaires. Il apparaît sur coupes tissulaires sous la forme de tachyzoïtes (ou trophozoïtes), de kystes et de pseudokystes. Les tachyzoïtes, stade végétatif actif, s’observent sous forme libre ou de pseudokystes (amas intracytoplasmiques de plusieurs dizaines de tachyzoïtes). Toutes les cellules sauf les hématies peuvent être infectées. Le kyste toxoplasmique, forme de résistance intratissulaire, est localisé surtout dans les cellules du SNC, de la rétine, du muscle strié et du myocarde. Il est limité par une paroi propre PAS positive et renferme des bradyzoïtes (formes végétatives quiescentes) riches en amylopectine, également PAS positifs. La toxoplasmose se développe à la suite d’une primo-infection, d’une réinfection ou d’une réactivation secondaire en cas d’immunodépression. Les manifestations tissulaires observées à l’examen anatomopathologique varient selon le stade de la maladie et le niveau d’immunodépression de l’organisme. Il existe un spectre continu entre l’absence totale de réaction inflammatoire tissulaire [1] et des phénomènes suppurés et nécrotiques [2—4]. La principale cause de maladie symptomatique au cours du sida est la réactivation d’une infection latente. Des formes graves de toxoplasmose sont relativement fréquentes lorsque les lymphocytes T CD4 sont inférieurs à 100 cellules/mm3 . L’atteinte est essentiellement cérébrale, mais des formes extracérébrales ont également été décrites, dans le cadre de dissémination multiviscérale et plus rarement dans une forme monoviscérale [1]. Le diagnostic précoce de toxoplasmose permet d’instituer rapidement un traitement spécifique et d’obtenir une rémission de la maladie. Le diagnostic de toxoplasmose cérébrale ne pose pas de problème chez des patients VIH connus, avec une imagerie évocatrice. Le diagnostic de toxoplasmose extracérébrale est difficile en raison de l’absence de spécificité des signes cliniques et d’imagerie évocatrice, nécessitant une preuve objective de la présence du parasite [2,5]. Le diagnostic devient plus difficile chez les patients dont l’infection par le VIH est ignorée et dont la présentation clinique est trompeuse, orientant dans un premier temps vers un diagnostic de tumeur, comme ce fut le cas pour notre patient. Les données de la littérature montrent que la révélation d’une infection VIH ou d’un sida par une toxoplasmose avec une présentation clinique initiale extracérébrale est exceptionnelle [5,6]. La toxoplasmose vésicale est rare même chez les patients VIH, les localisations extracérébrales les plus fréquentes de la toxoplasmose étant le poumon, le cœur et l’œil [1,3]. Une étude réalisée sur 199 autopsies de patients VIH positifs avec une toxoplasmose extracérébrale révèle seulement 1 % de cas de toxoplasmose vésicale [7]. Six cas de toxoplasmose vésicale de découverte ante mortem ont été décrits dans la littérature [5,6,8—10]. L’un d’entre eux était révélateur d’une infection VIH [6]. Les symptômes révélateurs de la toxoplasmose vésicale ne sont pas spécifiques, comme ceux de notre patient : dysurie, pollakiurie, impériosités mictionnelles. L’aspect endoscopique trompeur est toujours le même : épaississement pariétal pseudonéoplasique de la vessie.

R. Ples et al. Une autre particularité de notre observation est la découverte dès le premier bilan d’imagerie d’un épaississement pseudotumoral du grand épiploon. Le prélèvement a permis d’identifier le parasite au sein du cytoplasme des cellules adipeuses. Cette localisation est inhabituelle, mais cependant pas très étonnante car le parasite peut infester toutes les cellules nucléées de l’organisme. L’analyse immuno-histochimique permet de réaliser le typage précis du parasite et d’affirmer sa présence lorsqu’il existe une altération des tissus ou lorsque l’infestation est faible (infestation mineure, patients sous traitement). Le cas de notre patient représente un mode de révélation exceptionnel d’un sida. Il s’agit à notre connaissance du second cas décrit dans la littérature de cystite toxoplasmique révélatrice d’une infection à VIH. La présentation clinique et l’aspect en imagerie orientaient vers une pathologie tumorale et le diagnostic anatomopathologique n’avait pas été porté sur les prélèvements vésicaux initiaux de RTUV ; le diagnostic de toxoplasmose doit être envisagé devant tout infiltrat inflammatoire riche en polynucléaires éosinophiles. Ce cas illustre une forme sévère à présentation inhabituelle de toxoplasmose, telle qu’on peut l’observer chez les patients immunodéprimés.

Conflit d’intérêt Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt dans le cadre de cette publication.

Remerciements Les auteurs remercient les docteurs Dagher C, LadouchBadre A, Lazure T et Rocher L pour leur avis diagnostique.

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