Gastroenterol Clin Biol, 2004, 28
Détresse respiratoire et pneumomédiastin secondaires au changement endoscopique de sonde de gastrostomie
L
a gastrostomie percutanée endoscopique (GPE) est devenue, depuis son introduction en 1980, la méthode de référence d’alimentation entérale au long cours. Nous rapportons un cas de détresse respiratoire par pneumomédiastin et emphysème sous-cutané au décours du retrait endoscopique d’une sonde de GPE.
Observation
Discussion
Une femme de 82 ans était hospitalisée en septembre 2003 pour un changement de sonde de gastrostomie. Dans les antécédents de la malade, on notait une hémiplégie par accident vasculaire cérébral ischémique un an auparavant, une hypertension artérielle et un diabète non insulinodépendant. En raison de troubles de déglutition responsables d’inhalations répétitives, une sonde de gastrostomie endoscopique (Kit PEG, MIC®, type pull, diamètre 20 Fr), pourvue d’une collerette souple sans ailette, était mise en place lors de la période de convalescence de l’accident vasculaire cérébral. La dégradation de l’état de la sonde un an après amenait l’entourage de la malade à envisager son changement.
La gastrostomie endoscopique est devenue la méthode de référence d’alimentation entérale au long cours. Les complications de cette méthode sont bien connues. Elles sont secondaires à l’endoscopie, liées à la mise en place de la sonde ou au choix de la solution nutritive. Les sondes actuelles ont une durée de vie limitée allant de 3 à 9 mois. Le changement de la sonde a de ce fait un caractère inéluctable. Ce changement, pour les sondes non extractibles par voie percutanée (majorité des sondes disponibles dans le commerce à l’heure actuelle), se fait traditionnellement par la section du tube aux ciseaux, ce qui permet l’extraction endoscopique de la collerette intra gastrique à l’aide d’une anse. La sonde de remplacement, est en général pourvue d’un ballonnet, ce qui rend le recours ultérieur à l’endoscopie inutile. Peu de données sont disponibles sur les complications liées au changement de la sonde de gastrostomie. Une revue des complications de retrait endoscopique de sonde de GPE dans une population pédiatrique de 397 malades ne notait qu’un cas de complication à type de fuite cutanée persistante [1].
A l’examen clinique à l’entrée, on notait un bon état nutritionnel, l’absence de pathologie cardiovasculaire ou pleuro-pulmonaire concomitante. Sur le plan neurologique, la malade avait une hémiplégie flasque gauche et des troubles persistants de la déglutition. Une endoscopie œso-gastro-duodénale sous anesthésie générale était réalisée. L’exploration de l’œsophage, de l’estomac et du duodénum était normale. Selon la procédure habituelle, la collerette interne de la sonde était insérée dans une anse diathermique et le tube était sectionné au ras de la peau, ce qui permettait le retrait de la sonde à l’aide de l’endoscope, la collerette en aval, tube sectionné plaqué à l’optique de l’endoscope (sens inverse de la pose). Cependant, lors du retrait de la collerette, une sensation d’accrochage inhabituelle était notée dans l’œsophage cervical. La sonde était remplacée par une sonde à ballonnet à travers la fistule gastro-cutanée. Quelques minutes plus tard, survenait une détresse respiratoire associant une dyspnée majeure, une cyanose, une chute de la saturation en oxygène à 82 % et l’apparition progressive d’un emphysème sous-cutané cervical et thoracique. Après la mise en œuvre des moyens de réanimation et la stabilisation de l’état ventilatoire au moyen de ventilation au masque puis d’oxygénothérapie par sonde nasale, une radiographie pulmonaire était réalisée et mettait en évidence un pneumomédiastin, un emphysème sous cutané cervicothoracique et l’absence de pneumothorax et de pneumopéritoine associés (figure 1).
En raison du caractère relativement lourd et non dénué de risque de retrait endoscopique de la collerette distale de la sonde de GPE, il est de plus en plus préconisé un passage intestinal spontané de cette dernière lors de son changement. Cette méthode appelée « cut and push » consiste simplement à couper la sonde au ras de la peau, la pousser dans la cavité gastrique et attendre son élimination dans les selles en vérifiant au besoin sa progression par des radiographies itératives [2, 3]. Cette méthode n’est cependant pas dénuée de risque et peut se compliquer d’occlusion du grêle ou du pylore, voire de perforation par impaction de l’extrémité de la sonde de GPE. Le taux de complication occlusive est de 1 % chez l’adulte [3]. De plus, cette méthode se complique d’accidents obstructifs (2,7 %) dans les populations pédiatriques
En raison du contexte, un traitement conservateur était mis en place, associant une antibiothérapie par amoxicilline-acide clavulanique à la dose de 3 g/jour et ofloxacine à la dose de 400 mg/jour, une aspiration pharyngée continue et une oxygénothérapie par sonde nasale. L’évolution était rapidement favorable avec la disparition complète en 5 jours de l’emphysème et du pneumomédiastin. L’alimentation entérale était reprise au 3e jour. Aucune complication infectieuse n’était notée dans les suites. La malade était revue un mois plus tard. L’examen clinique était normal. La radiographie thoracique était normale.
Fig. 1 – Radiographie pulmonaire : pneumomédiastin et emphysème souscutané, avec croissant gazeux (flèches). ABRÉVIATION :
Chest X-ray: pneumomediatinum and subcutaneous emphysema. Note the air crescent (arrows).
GPE : gastrostomie per-endoscopique
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Lettres à la rédaction
(impaction pylorique) qui nécessitent un suivi clinique et radiographique rapproché [4]. Malgré ses risques, cette méthode tend à diffuser du fait de sa simplicité. Il a par ailleurs été décrit une autre méthode d’extraction non endoscopique de la collerette interne à travers la fistule cutanée par l’application répétée d’une traction sur la sonde permettant son retrait en 5 à 7 jours [5]. Cette méthode est peu utilisée en raison de son caractère douloureux et long, susceptible par ailleurs d’entraîner une rupture du trajet stomial. La perforation œsophagienne, en tant que complication de la GPE, est exceptionnelle. La revue de la littérature montre un cas de perforation œsophagienne secondaire à la mise en place de GPE. Celle-ci était secondaire à la ponction avec un trocard de la jonction oesogastrique, aboutissant à une perforation et une médiastinite secondaire [6]. Par ailleurs, 2 cas de perforation œsophagienne secondaire à l’impaction de la collerette interne du tube dans l’œsophage, après la méthode de « cut and push », ont été rapportés [4, 7]. Dans notre observation, la perforation de l’œsophage cervical par la collerette de la sonde, lors de son retrait, est vraisemblablement à l’origine du pneumomédiastin et de l’emphysème sous-cutané. Nous pensons a posteriori que la perforation est surtout secondaire à l’accrochage dans l’œsophage de l’extrémité acérée du tube sectionné avec des ciseaux. En effet, la capture à l’anse de la partie intra-gastrique de la sonde laisse toujours 2 à 3 cm de longueur de tubulure après la collerette qui ne peut, lors de son retrait, rester entièrement verticale et engendre d’inévitables accrochages de la muqueuse œsophagienne. Cette complication imprévisible, bien que d’évolution favorable, était cependant potentiellement létale, du fait de la nécessité de la mise en œuvre sans délai d’une ventilation assistée. Dans notre expérience de plus 100 procédures de retrait endoscopique de sonde de GPE, cette complication est restée isolée. Cependant, sa gravité potentielle, nous a amenés à abandonner la méthode d’extraction endoscopique au profit de la méthode « cut and push » qui tend à être préconisée par la plupart des auteurs. A la lumière de cette observation et de la revue de la littérature, nous préconisons pour tout changement de sonde de GPE, après l’information du malade des risques occlusifs, un passage
intestinal de la collerette interne (méthode « cut and push »). En cas de choix délibéré de retrait endoscopique de celle-ci, en raison d’antécédents occlusifs ou de sténose partielle du grêle ou du côlon, l’emploi d’un « overtube », ou mieux, d’un capuchon protecteur pour corps étranger, paraît être une solution de prudence. L’utilisation de sondes directement extractibles, sans le recours à l’endoscopie, est probablement la solution de choix et devrait à notre sens s’imposer progressivement .
Mehran HOWAIZI (1), Maamar ABBOURA (1), Françoise MAURER-CHAGRIN (1), Ali KHALFOUN (1), Mohammed-Saïd SBAÏ-IDRISSI (2) (1) Service de Gastroentérologie et Hépatologie, Fédération médicochirurgicale des maladies de l’appareil digestif ; (2) Service de Chirurgie digestive, Fédération médicochirurgicale des maladies de l’appareil digestif, Hôpital Simone VEIL 95602 Eaubonne. RÉFÉRENCES
1. Kobak GE, McClenathan DT, Schurman SJ. Complications of removing percutaneous endoscopic gastrostomy tubes in children. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2000;30:404-7.
2. Pearce CB, Goggin PM, Collett J, Smith L, Duncan HD. The ’cut and
push’ method of percutaneous endoscopic gastrostomy tube removal. Clin Nutr 2000;19:133-5.
3. Coventry BJ, Karatassas A, Gower L, Wilson P. Intestinal passage of the PEG end-piece: is it safe? J Gastroenterol Hepatol 1994;9:311-3.
4. Yaseen M, Steele MI, Grunow JE. Nonendoscopic removal of percu-
taneous endoscopic gastrostomy tubes: morbidity and mortality in children. Gastrointest Endosc 1996;44:235-8.
5. Seitz H, Telfeyan D, Vecsei V. A simple method for removal of per-
cutaneous endoscopically implanted gastrostomy tubes. Chirurg 1996;67:552-5.
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Spirou S, Skottis I, et al. Mediastinitis complicating a percutaneous endoscopic gastrostomy: a case report. BMC Gastroenterol 2003;3:11.
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Dépistage ciblé de l’hépatite C : comment rejoindre les populations à risque ? L’expérience d’une campagne dans un département rural
L
e dépistage ciblé de l’hépatite C est devenu en 1996 une priorité de santé publique en France, régulièrement confirmée depuis par les autorités sanitaires et les sociétés savantes [1, 2]. Si les facteurs de risque d’infection sont bien connus, les modalités pratiques pour atteindre les groupes à risque sont imprécises. Dressant en 2001 le bilan des différentes actions de dépistage menées en France, un comité d’experts préconisait l’étude de la pertinence de campagnes de sensibilisation du public pour amener les sujets à risque à pratiquer un dépistage [2]. Prenant acte de la faible efficience des actions centrées exclusivement sur les professionnels [3], le Réseau Ville Hôpital Hépatite C Franche Comté (REVHOC) a mis en place en octobre 1999 une campagne d’information visant le grand public et les acteurs de proximité dans le département de la Haute-Saône (229 732 habitants au recensement de 1999), avec le soutien de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés et de la Direction Générale de la Santé. Nous rapportons la méthode et les principaux résultats de cette campagne. 43 habitants/km2). Le Centre d’Examens Préventifs de Santé (CEPS) de Frotey les Vesoul, la Mutualité Sociale Agricole et le Comité Départemental d’Education pour la Santé (CODES) étaient partenaires de la campagne. La campagne s’est déroulée du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2001. Elle a comporté
Observation La Haute-Saône est un département rural (545 communes dont 2 seulement comptent plus de 10 000 habitants, densité : 817