Dix-sept ans d’hémovigilance en France : bilan, perspectives

Dix-sept ans d’hémovigilance en France : bilan, perspectives

Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150 État de l’art Dix-sept ans d’hémovigilance en France : bilan, perspectives Seventeen years of h...

548KB Sizes 0 Downloads 80 Views

Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

État de l’art

Dix-sept ans d’hémovigilance en France : bilan, perspectives Seventeen years of haemovigilance in France: Assessment and outlook M. Carlier a,∗ , M.-P. Vo Mai a , L. Fauveau a , N. Ounnoughene a , I. Sandid a , P. Renaudier b a

Agence fran¸caise de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), unité d’hémovigilance, 143/147, boulevard Anatole-France, 93285 Saint-Denis cedex, France b Hospices civils de Lyon, hôpital de la Croix-Rousse, 103, Grande rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France

Résumé Depuis sa mise en place en 1994, le système franc¸ais d’hémovigilance n’a cessé d’évoluer. Reposant initialement sur le signalement et la déclaration d’informations en provenance des receveurs, il s’est rapidement intéressé au champ des procédures transfusionnelles, pour participer à l’amélioration de la sécurité transfusionnelle. Malgré certaines lacunes (sous-déclaration, gestion déclarative lourde), l’hémovigilance franc¸aise va continuer à améliorer la sécurité transfusionnelle, tant au niveau des receveurs que des donneurs, et participer à l’amélioration plus globale de la qualité des soins. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hémovigilance ; Sécurité transfusionnelle ; Effets indésirables receveur ; Effets indésirables graves donneur ; Incidents graves de la chaîne transfusionnelle ; Analyse des causes racines

Abstract Since 1994, the French haemovigilance network has not stopped evolving. Based initially on the reporting of informations and incidents related to recipients, it quickly became interested in the procedures and other activities related to blood component transfusion, in order to improve blood safety. Despite some failures (under reporting, heavy declarative management), the French haemovigilance network is going to continue working on improving blood safety, both at the level of the recipients and the donors, and participate to the global improvement of quality of care. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Haemovigilance; Blood safety concept; Adverse reactions in a recipient; Complication in a donor; Transfusion serious adverse events; Root cause analysis

1. Introduction L’article L1221-13 du Code de santé publique dispose que « l’hémovigilance a pour objet l’ensemble des procédures de surveillance et d’évaluation des incidents, ainsi que des effets indésirables survenant chez les donneurs ou les receveurs de produits sanguins labiles. Elle porte sur l’ensemble de la chaîne transfusionnelle allant de la collecte des produits sanguins labiles jusqu’au suivi des receveurs. L’hémovigilance comprend également le suivi épidémiologique des donneurs » [1]. Si en 2004, l’hémovigilance faisait encore figure de nouveau concept [2], elle entre sept ans plus tard en phase de maturité, tout au



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Carlier).

1246-7820/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.tracli.2011.02.024

moins en France. Certains systèmes nationaux sont en effet d’installation plus récente [3]. L’hémovigilance est le principal pilier de la sécurité transfusionnelle. 2. Avant-hier Le système national d’hémovigilance franc¸ais est reconnu par tous comme étant le promoteur de nombreuses autres démarches nationales. Cela non pas tant par le fait de son ancienneté historique que de la rigueur et de la qualité des éléments mis en place à sa création [4]. Hémovigilance et transfusion sanguine sont indissociables. Pionnier dans le cadre de l’hémovigilance, la France le fut aussi dans le domaine de la transfusion sanguine. Pays dans lequel eut lieu la première transfusion sanguine thérapeutique chez l’homme (J. B. Denys, 15 juin 1667) (Fig. 1), la France est également dépositaire du

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

Fig. 1. Première transfusion thérapeutique chez l’homme. Illustration de « Des Chirurgischen Lorbeer Krantz, oder Wund Artzney » de Matthaus Gottfried Purmann, Francfort, Leipzig, 1705.

premier acte d’hémovigilance [5]. Dès le 10 janvier 1670 en effet, le parlement de Paris interdisait la transfusion du fait de ses dangers, bientôt et déjà suivi par ses homologues européens [6]. Il faudra plus de deux cents ans pour que la transfusion apparaisse de nouveau comme un acte thérapeutique majeur. Son installation officielle date de 1923, avec la création du premier centre de transfusion sanguine à l’hôpital Saint-Antoine par le Dr A. Tzanck. 3. Hier Soixante-dix ans plus tard, après le bouleversement introduit par le drame du sang contaminé, la nécessité d’une surveillance organisée des effets indésirables et de la qualité des produits sanguins distribués s’impose : elle se fera sous l’égide de la loi du 4 janvier 1993, qui à la fois réforme l’organisation de la transfusion sanguine et institutionnalise la surveillance des produits sanguins par le biais de la création de l’Agence franc¸aise du sang (AFS). Bien entendu, l’idée de suivre et d’analyser les effets indésirables de la transfusion était déjà présente chez certains acteurs de la chaîne transfusionnelle, avant que le décret du 24 janvier 1994 ne vienne jeter les bases d’un véritable système d’hémovigilance, reposant sur un réseau local d’acteurs de terrain d’une part, régional et national d’autre part. En considérant ces dix-sept dernières années, on peut se rendre compte que l’histoire de l’hémovigilance franc¸aise s’est construite sur trois périodes d’égale durée.

141

férents échelons : local, régional et national. L’échelon local est représenté par l’ensemble des « signalants » d’une part, professionnels de santé de tous horizons et d’autre part, par l’ensemble des « déclarants » correspondants d’hémovigilance, qu’ils officient en établissements de santé (publics et privés) et hôpitaux des armées ou au sein des établissements de transfusion sanguine (établissement franc¸ais du sang [EFS] et centre de transfusion des armées [CTSA]). Ces correspondants, médecins ou pharmaciens de formation, sont vite apparus comme étant les garants du respect de la mise en place et de l’application sur le terrain des bonnes pratiques transfusionnelles. D’autres leviers ont contribué au respect de cette exigence, notamment la mise en place d’une part, d’inspection externe et d’agrément des établissements de transfusion sanguine, que l’Agence franc¸aise du sang a engagé à l’automne 1993 et d’autre part, d’inspection externe et d’autorisation des dépôts de sang hospitaliers. Si au début, la prise de fonction des correspondants d’hémovigilance a été parfois délicate, leur présence est maintenant communément admise au sein des établissements de santé. L’hémovigilance doit beaucoup à leur action quotidienne et continue d’animation, de formation, d’information et de proposition des mesures correctives et préventives nécessaires à l’amélioration de la sécurité transfusionnelle au sein de leurs établissements. C’est en 1995 également que l’échelon régional a été mis en place et que les premiers coordonnateurs régionaux d’hémovigilance ont été nommés : animant tous les acteurs du réseau régional (formation, information, veille à l’application des procédures et de la réglementation relatives à l’hémovigilance et à la trac¸abilité..), mais étant également l’interface indispensable entre l’échelon local et l’échelon national. L’hémovigilance a cette particularité d’être la seule vigilance, en France, à posséder un médecin régional, ce qui certainement lui confère son dynamisme, et surtout sa réactivité. Le positionnement du coordonnateur, à la fois logé dans la structure administrative régionale en charge de la santé publique, et en relation fonctionnelle régulière avec l’agence nationale en charge de l’hémovigilance (Agence franc¸aise de sécurité sanitaire des produits de santé [Afssaps]) est un gage de crédibilité auprès des acteurs de la chaîne transfusionnelle. Il offre également des possibilités d’interaction avec d’autres vigilances et avec des problématiques connexes de sécurité sanitaire (Fig. 2).

3.1. 1995–2000 : mise en place d’un système, initialement orienté vers le receveur

3.1.2. Groupes de travail Dès 1995 à l’échelon national, la cellule d’hémovigilance de l’Agence franc¸aise du sang recueillait les premières fiches d’incident transfusionnel (FIT) transmises par le réseau. Dès les premières analyses apparaissait la nécessité de mettre en place un premier groupe de travail, consacré aux infections bactériennes transmises par transfusion (groupe de travail IBTT). Les travaux de ce groupe ont d’emblée été à l’origine de propositions relatives aux incidents bactériens, retranscrites dans une circulaire de 1985 par le ministère de la Santé [7].

3.1.1. Réseau Les cinq premières années (1995-2000) ont été marquées par la mise en place du réseau des acteurs, dont l’organisation était calquée sur l’organisation administrative franc¸aise, avec ses dif-

3.1.3. Animation du réseau Pour parfaire le fonctionnement du réseau, il est apparu d’emblée primordial d’établir une communication de qualité entre les différents acteurs. C’est pourquoi a été décidée

142

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

Fig. 2. Organisation générale de l’hémovigilance en 2010.

l’édition d’une revue, le bulletin d’hémovigilance, préparé et rédigé par les différents représentants du réseau d’hémovigilance : correspondants d’hémovigilance des établissements de santé et de transfusion sanguine, coordonnateurs régionaux d’hémovigilance et spécialistes d’hématologie. Le choix des auteurs et des thèmes abordés par le comité de rédaction en font encore à ce jour la source d’information et le miroir du dispositif d’hémovigilance mis en place avec l’ensemble du réseau depuis 1994. En collaboration avec les membres du réseau, l’unité nationale d’hémovigilance pilotait par ailleurs des études cliniques (étude RECEPT chez le receveur de produits sanguins [8]. . .). 3.1.4. Contrôle Si le paysage hospitalier de l’époque se transforme, il en va de même pour les établissements de transfusion sanguine qui vont se réorganiser et surtout vivre leurs premières inspections. Dans le monde transfusionnel de l’époque, il s’agit d’une pratique totalement nouvelle. Accueillies avec beaucoup de réserve au tout début par une partie du milieu transfusionnel, mais bien vite admises et appréciées pour ce qu’elles sont, à savoir un gage de crédibilité du service public transfusionnel et d’amélioration continue de la qualité des pratiques transfusionnelles, ces inspections sont mises en place dans le but de s’assurer que les principes de bonnes pratiques (prélèvement, qualification biologique du don, préparation et distribution ou délivrance des produits sanguins labiles), édictés par l’AFS, sont bien appliqués sur l’ensemble du territoire. Le paysage transfusionnel franc¸ais acquiert dès lors un caractère plus homogène.

3.1.5. Tra¸cabilité Socle de l’hémovigilance, sans lequel aucune enquête ascendante ou descendante ne serait possible, elle se met en place d’abord via la circulaire de 1994, pour une transmission papier entre établissements de santé et établissements de transfusion sanguine, et ensuite via la circulaire de 1997 pour l’informatisation de cette trac¸abilité [9,10]. Les normes Afnor sont venues compléter cette dernière circulaire. Le suivi régulier de la mise en oeuvre de cette informatisation est assuré par le Comité national de l’informatisation de la trac¸abilité des produits sanguins labiles, placé depuis 2000 auprès de l’Afssaps.

3.1.6. Système déclaratif C’est à cette même époque que vont apparaître pour la première fois sous un format standardisé, les fiches de déclaration des incidents transfusionnels survenus chez les receveurs de produits sanguins labiles, ces fameuses FIT qui, même si elles sont devenues des fiches d’effet indésirable receveur (FEIR), restent utilisées sous cet acronyme de nos jours au sein du système national de télé-déclaration e-FIT. Initialement uniquement sur support papier, ces FIT-FEIR permettent dans un premier temps, de donner l’alerte sur un événement indésirable et d’apporter secondairement les renseignements cliniques et diagnostiques indispensables à son analyse. Leur gestion et surtout leur exploitation étaient particulièrement lourdes, ce qui rendit rapidement nécessaire de les informatiser, via le système Gifit (Gestion informatique des fiches d’incidents transfusionnels). La centralisation informatique des données se faisait alors sur plusieurs bases qui n’étaient que très rarement concordantes. La nécessité de ne disposer que d’une seule base de données, unique outil de travail pour l’ensemble des hémovigilants, s’impose alors.

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

3.2. 2000–2005 : l’assise, avec élargissement du système au donneur 3.2.1. Standardisation Le changement de siècle s’est accompagné d’une transformation importante du paysage transfusionnel. L’Établissement franc¸ais du sang (EFS) a été créé par la loi du 1er juillet 1998, unique opérateur civil de la transfusion sanguine en France avec un siège social et 18 délégations régionales dont quatre pour les départements d’outre-mer [11]. Parallèlement, dans le prolongement de l’Agence du médicament, l’Agence franc¸aise de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a été créée par la même loi [11]. Cette agence rec¸oit notamment les compétences pour mettre en oeuvre les vigilances relatives aux produits de santé, dont l’hémovigilance. Elle est également chargée d’évaluer les produits sanguins labiles, d’en dresser la liste, d’agréer les établissements de transfusion sanguine et de les inspecter. Sous sa coordination, l’hémovigilance va, durant cette période, se préciser, s’organiser, consolider ses acquis, prendre naturellement sa place dans la chaîne de soins, devenir plus rigoureuse en acquérant un caractère plus scientifique. Les coordonnateurs régionaux d’hémovigilance s’organisent en conférence nationale qui se réunit régulièrement de fac¸on coordonnée avec l’animateur national du réseau qu’est l’Afssaps. Pour assurer avec efficience le rôle qui leur est dévolu d’animation, de formation, et d’information de leur réseau, ils mettent sur pied les réunions régionales annuelles d’hémovigilance. L’un des premiers travaux de la conférence nationale des coordonnateurs sera de rédiger le guide de remplissage des FIT. Ce guide, labellisé par l’Afssaps, permettra aux déclarants de disposer d’un référentiel qui initiera des modalités homogènes de déclaration des incidents transfusionnels au niveau du territoire national. 3.2.2. Évaluation Le recueil plus cohérent des données et l’utilisation d’un premier outil informatique permettent de réaliser les premières analyses à caractère épidémiologique ou de santé publique. Ils servent, entre autres, à l’élaboration du rapport annuel d’hémovigilance de l’Afssaps, qui puise sa valeur dans la qualité des données fournies par le réseau sous le regard critique des coordonnateurs régionaux d’hémovigilance et de l’unité nationale d’hémovigilance. C’est donc dans ce contexte que tout naturellement se développent les groupes de travail au sein de l’Afssaps. De composition pluridisciplinaire, composés d’experts venant d’horizons divers, les groupes de travail analysent une grande partie des déclarations transmises à l’agence. Dans ce cadre, ils sont amenés à demander des compléments d’information au réseau des hémovigilants. Ils peuvent statuer sur ces déclarations, essentiellement en ce qui concerne l’orientation diagnostique, le grade de gravité ou le niveau d’imputabilité. Au nombre de six actuellement, ces groupes ont vu leurs missions évoluer avec le temps. Ils proposent maintenant des recommandations ou des fiches techniques spécifiques, accessibles sous forme d’un corpus cohérent de monographies disponibles à la fois dans l’application e-FIT (espace téléchargement) et sur le site internet de l’Afssaps.

143

3.2.3. Développement du système 3.2.3.1. Déclaration des effets indésirables receveurs de grade « zéro ». La déclaration des effets indésirables receveurs de grade zéro ou incidents transfusionnels qui survenaient sans conséquence clinique ou biologique, comme par exemple les erreurs de destination de produits sanguins labiles pour des receveurs de même groupe sanguin anticipe la transposition de la règlementation européenne, ce type de déclaration ayant été mis en place en France fin 2003 [12,13]. Elle a permis de mettre en évidence un certain nombre de dysfonctionnements isolés, souvent méconnus des acteurs de l’acte transfusionnel du fait de leur absence de conséquences chez les patients. Néanmoins, pour ces évènements considérés comme des évènements porteurs de risque, une analyse des causes racines s’avère souvent indispensable, afin de prévenir leur récurrence. Leur mise en évidence, par le biais de l’hémovigilance, peut être révélatrice de dysfonctionnements du système de santé en général. L’exemple le plus fréquent en est la fréquente intrication entre l’hémovigilance et les problèmes relatifs à la gestion des identités des patients, qui au-delà du strict cadre transfusionnel, appelle une démarche globale et concertée des acteurs (au sein de l’établissement de santé et à l’interface avec l’établissement de transfusion sanguine ; avec d’autres entités telles que les laboratoires extérieurs, les transporteurs. . .). 3.2.3.2. Mise en service en mai 2004 de l’application e-FIT. Évènement majeur, dont l’originalité réside dans le fait que toutes les déclarations sont rassemblées sur une seule et même base de données : • accessible de fac¸on sécurisée à tous les acteurs du réseau (chacun en fonction de son profil et de ses droits d’accès) ; • permettant d’exécuter des analyses individuelles (événement par événement) et épidémiologiques ; • et surtout autorisant les correspondants d’hémovigilance des établissements de santé et de transfusion sanguine à se soustraire de la lourdeur du support papier pour bénéficier de l’efficacité et de l’interconnectivité de l’informatique. L’outil déclaratif se rapproche ainsi davantage du terrain, et surtout renforce la rapidité et la sensibilité de l’alerte, les déclarations étant signalées dès leur mise en ligne à l’ensemble des acteurs autorisés du réseau grâce à l’émission de mails de création de déclaration. 3.2.3.3. Chaîne transfusionnelle et hémovigilance « donneurs ». Dans le contexte historique de sa création, l’hémovigilance franc¸aise s’est limitée au versant « receveur » de la sécurité transfusionnelle. La loi de 2004 et l’ordonnance de 2005 qui transposent la directive européenne 2002/98/CE vont désormais élargir son champ d’action à l’hémovigilance des donneurs de sang et aux incidents de la chaîne transfusionnelle (audelà des déclarations des grades « zéro ») [12,14,15]. Elle couvre donc désormais l’ensemble de la chaîne transfusionnelle, depuis la collecte du sang et de ses composants jusqu’au suivi des produits sanguins labiles transfusés. En modernisant le système de veille, d’alerte et de gestion des situations d’urgence

144

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

sanitaire, le législateur intègre dans le réseau d’hémovigilance l’Institut de veille sanitaire, dont une des missions est d’assurer le suivi épidémiologique des donneurs de sang [14].

principaux enjeux d’hémovigilance et dans l’éclairage des décisions à prendre, par le biais des études et travaux réalisés par ses groupes de travail. Ceux-ci ont plus particulièrement en charge l’étude et l’analyse des évènements indésirables de type :

3.3. 2005 à 2010 3.3.1. Transposition des directives européennes La transposition initiée en 2004–2005 au niveau législatif, s’est déclinée par la suite par les décrets et décisions d’application notamment le décret de 2006 modifié qui fixe l’actuel cadre du système franc¸ais d’hémovigilance [14,16]. Les modalités pratiques de déclaration des effets indésirables survenus chez les receveurs de produits sanguins labiles, des effets indésirables graves survenus chez les donneurs de sang et des incidents graves de la chaîne transfusionnelle sont déclinées respectivement par les décisions du Directeur général de l’Afssaps du 5 janvier 2007, du 1er juin 2010 et du 24 décembre 2010 [17–19]. La réglementation franc¸aise a néanmoins maintenu ou créé les dispositions suivantes plus strictes que celles des directives européennes [20] : • tous les effets indésirables survenus chez les receveurs de produits sanguins labiles, quels que soient leurs grades de sévérité et quels que soient leurs liens avec la qualité et la sécurité de ces produits, sont déclarés en France. La réglementation européenne limite la déclaration, d’une part aux seuls effets indésirables graves et d’autre part, aux seuls effets indésirables liés à la qualité et la sécurité du sang et de ses composants. C’est ainsi que les effets indésirables graves de type incompatibilité immunologique ne sont normalement pas déclarés au niveau communautaire puisque non liés à la qualité et la sécurité des produits ; • les effets indésirables graves survenus chez les donneurs de sang sont déclarés en France, alors que la réglementation européenne n’a à ce jour défini ni la forme ni le contenu ni les modalités de déclaration de ces événements ; • les incidents graves de la chaîne transfusionnelle sont déclarés en France quels que soient leurs lieux de survenue (établissements de transfusion sanguine, établissements de santé disposant ou non d’un dépôt de sang). La réglementation européenne limite la déclaration aux seuls incidents graves survenus soit dans un établissement de transfusion sanguine soit dans un dépôt de sang ; les incidents graves survenus dans un établissement de santé ne sont pas déclarés au niveau communautaire et cela pour respecter les dispositions de l’article 168 (ancien article 152) du traité instituant la Communauté européenne. 3.3.2. Création de la Commission nationale d’hémovigilance (CNH) Composée de tous les représentants de l’acte transfusionnel, elle atteste bien l’originalité de la démarche d’hémovigilance, qui transcende les frontières des diverses institutions du système de santé, en associant l’ensemble des acteurs qui évoluent tout au long de la chaîne transfusionnelle. Autonome d’un point de vue scientifique, mais siégeant auprès de l’Afssaps, cette commission a un rôle essentiel dans l’évaluation collégiale des

• oedème pulmonaire, qu’il soit d’origine transfusionnelle (TRALI : Transfusion Related Acute Lung Injury) ou de surcharge (TACO : Transfusion Associated Circulatory Overload) : groupe de travail TACO-TRALI ; • allergie : groupe de travail Allergie ; • incidents transfusionnels par contamination bactérienne (ITCB) : groupe de travail ITCB ; • incompatibilités ABO et incidents de la chaîne : groupe de travail analyse des causes racines (ACR) ; • hémovigilance donneurs : groupe de travail Hémovigilance donneurs de sang ; • un groupe de travail (RNHV : réseau national d’hémovigilance) a compétence sur l’ensemble du champ d’activité de l’hémovigilance et veille plus spécifiquement à la qualité des données fournies par le réseau. Une cellule d’aide méthodologique vient en support des groupes pour valider la méthodologie des études et travaux à réaliser. Une autre cellule est chargée de fixer les orientations du rapport national d’hémovigilance et de présenter à la CNH pour validation un rapport annuel structuré et analysé. 3.3.3. Formulaires de déclaration 3.3.3.1. Déclaration d’effets indésirables receveur. La déclaration d’incident transfusionnel devient la déclaration d’effet indésirable chez le receveur de produits sanguins labiles se fait au moyen d’une fiche (FEIR), dont la forme, le contenu et les modalités de transmission est fixée par décision du Directeur général de l’Afssaps [17]. 3.3.3.2. Déclaration d’effets indésirables graves donneur. La déclaration d’effet indésirable grave survenu chez un donneur de sang se fait au moyen d’une fiche (FEIGD), dont la forme, le contenu et les modalités de transmission est fixée par décision du Directeur général de l’Afssaps [18]. La version 2010 de cette décision a modifié les critères de déclaration et les définitions des niveaux de gravité. Le grade 4 correspondant au décès du donneur dans les sept jours suivant un don de sang ou de ses composants, paraissait improbable en 2007 et était initialement absent de la fiche de déclaration. Il apparaît désormais sur cette fiche, consécutivement à un événement dramatique, le décès d’une donneuse survenu en 2009 au décours immédiat d’un don de plasmaphérèse. Les critères de déclaration et les grades de sévérité de la décision du 1er juin 2010 sont désormais identiques aux critères internationaux issus des travaux de l’International Society of Blood Transfusion (ISBT) et de l’International Haemovigilance Network (IHN) [21]. 3.3.3.3. Déclaration d’incident grave. La déclaration d’incident grave de la chaîne transfusionnelle se fait au moyen d’une fiche (FIG), dont la forme, le contenu et les modalités

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

145

pour tous les processus de déclaration. Cette évolution, certes encore partielle, permet néanmoins, à l’unité d’hémovigilance de l’Afssaps de mieux faire face aux 20 % d’augmentation de l’activité déclarative de ces cinq dernières années, augmentation qui témoigne de l’importance de l’implication du réseau. 4. Aujourd’hui

Fig. 3. Évolution de la trac¸abilité depuis 1994.

de transmission est fixée par décision du Directeur général de l’Afssaps [19]. Les déclarations sont analysées au fil de l’eau par le réseau d’hémovigilance et notamment l’Afssaps, ainsi qu’à distance par le groupe « Analyse des causes racines » de la CNH. Les travaux du groupe ont permis la mise au point d’une grille d’analyse spécifique dite analyse des causes racines. En fonction de la typologie des incidents déclarés, les membres du réseau, spontanément ou à la demande de l’Afssaps, peuvent être amenés à l’utiliser en tant qu’outil d’aide à l’analyse des déclarations, dans un but didactique et préventif. 3.3.4. Trac¸abilité La transmission des données de trac¸abilité entre établissements de santé et de transfusion sanguine se fait encore au travers de documents papier. La transmission informatisée de cette trac¸abilité fait intervenir un tiers. En tout état de cause, et en cumulant les modes de transmission des données, la trac¸abilité des produits sanguins labiles avoisine désormais les 100 % (Fig. 3). Elle n’aura finalement été que peu impactée par le déploiement progressif de 2007 à 2009 par l’EFS de son logiciel médico-technique, unique pour tous les établissements de transfusion sanguine. Au-delà de son intérêt fondamental pour l’hémovigilance (pilier indispensable aux enquêtes ascendantes ou descendantes), la trac¸abilité contribue à l’évaluation de l’exhaustivité du niveau de déclaration notamment pour les incidents concernant les patients transfusés par erreur avec les produits sanguins labiles (compatibles) destinés à d’autres patients (incidents de grade « zéro »). L’expérience de quatre années de déclarations d’incidents graves montre que, pour bon nombre d’incidents, la détection de l’erreur de patient transfusé se fait au retour de trac¸abilité. 3.3.5. Évolution du système télé-déclaratif Le renforcement du système déclaratif serait difficilement gérable sans évolution du système de télé-déclaration. Celle-ci a débuté en mars 2010, avec l’ouverture du portail de déclaration des incidents graves de la chaîne transfusionnelle et des effets indésirables graves survenus chez les donneurs de sang, en lien avec l’application e- FIT. Même si actuellement la fonctionnalité du portail n’est pas optimale [22], son évolution est en marche et devrait permettre en 2012, avec la version 3 de l’application e-FIT, l’obtention d’un environnement identique

L’hémovigilance intègre l’ensemble de la chaîne transfusionnelle, du donneur au receveur, dans une démarche continue d’amélioration de la qualité des soins et dans le but ultime de garantir la sécurité de la personne, saine (donneur), ou malade (receveur). L’évolution du paysage sanitaire franc¸ais tend à sortir le coordonnateur régional d’hémovigilance de son positionnement initial, en l’intégrant le plus souvent avec les autres vigilances dans le domaine de la santé publique au sein des Agences régionales de santé. Les interactions possibles qu’offre ce nouveau positionnement devraient améliorer sa réactivité. Ce mode de fonctionnement interactif existe également depuis plusieurs années au sein des établissements de santé (coordination des vigilances). Il en est de même à l’Afssaps, où le Civrasp (Coordination de l’information, des vigilances, des risques et des actions de santé publique) a pour objectif d’exercer des activités transversales sur l’ensemble des produits de santé, en assurant la coordination des vigilances et la gestion transversale des risques liés à la composition des différents produits de santé. Quel que soit l’impact de ces réorganisations dans les années à venir, l’évaluation de l’activité du système national d’hémovigilance fait d’ores et déjà preuve de son dynamisme, aussi bien dans le domaine de l’alerte que dans ceux de l’épidémiologie ou de la trac¸abilité. 4.1. Nombre global d’évènements déclarés Le nombre global des évènements déclarés est en augmentation constante pour les versants « hémovigilance donneurs » et « incidents de la chaîne ». 4.1.1. Effets indésirables receveurs Le taux de déclaration des effets indésirables receveurs (EIR) est en lente diminution depuis 2003 pour se fixer vraisemblablement aux alentours de 2,5 EIR pour 1000 produits sanguins labiles transfusés en 2010 (Fig. 4). Ce niveau inférieur de déclaration des EIR par rapport à nos collègues européens peut s’expliquer en partie par l’amélioration de la qualité des produits sanguins labiles apportée depuis 1998 par leur déleucocytation systématique (1998 : déleucocytation systématique des concentrés de globules rouges et des concentrés plaquettaires ; 2001–2002 : déleucocytation systématique des plasmas), et/ou les techniques d’inactivation mises en place sur les concentrés de plaquettes (2005 pour les concentrés plaquettaires traités par amotosalen) et le plasma (1992 pour le plasma traité par solvantdétergent; 2008 pour les plasmas traités par bleu de méthylène ou par amotosalen) [23]. La question se pose néanmoins d’une certaine lassitude des hémovigilants d’établissements de santé face à la lourdeur des enquêtes complémentaires qu’impose l’analyse exhaustive des EIR et de certains incidents graves de

146

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

et la compréhension des facteurs contributifs (actifs et passifs), participent sans aucun doute à l’appropriation du réseau de ces modalités de déclaration. 4.2. Adaptabilité du réseau à la gestion de crises L’évolution est événementielle. C’est l’événement qui fait l’évolution et l’événement - en l’occurrence la circonstance - fait la transformation (Yves Coppens, Le monde de l’éducation, décembre 1999). Depuis sa mise en place en 1994, l’hémovigilance évolue, à un rythme parfois accéléré par l’actualité. Le décès d’une donneuse survenu en 2009 au décours immédiat d’une aphérèse plasmatique a imposé un plan d’actions et d’évolution à l’ensemble du réseau, reposant sur cinq axes principaux, mis en place très rapidement mais sans précipitation :

Fig. 4. Répartition depuis 1994 du nombre de déclarations d’effets indésirables et d’incidents graves : nombre d’effets indésirables receveur pour 100 000 produits sanguins labiles (---), nombre d’effets indésirables et d’incidents graves pour 100 000 prélèvements (—), nombre d’incidents graves avec des produits sanguins labiles transfusés pour 100 000 produits sanguins labiles (····) ; * données 2010 non consolidées.

la chaîne transfusionnelle, en particulier celle de ceux suivis par les groupes de travail thématiques de la CNH. 4.1.2. Effets indésirables graves donneurs L’augmentation importante du nombre de déclarations d’effets indésirables graves donneurs (EIGD) s’explique par l’amélioration de la sensibilité du système apportée par les nouveaux critères de sévérité et gravité implémentés en 2010. 4.1.3. Incidents graves de la chaîne transfusionnelle Le nombre de déclarations des incidents graves de la chaîne transfusionnelle est aussi en augmentation, malgré les imperfections de l’organisation du système déclaratif [22] : • difficulté d’appréhension par les hémovigilants de la notion de gravité, en particulier pour les incidents n’ayant pas occasionné d’EIR, la notion de gravité faisant appel à celle de criticité, criticité non déterminée à l’échelon national ; • une proposition de contournement de cette difficulté est apportée par la décision de 2010, qui met à disposition du réseau une liste détaillée des incidents à considérer comme graves [19]. L’impact de cette mesure est à évaluer sur les mois à venir. Cette augmentation est d’autant plus remarquable qu’elle s’accompagne, dans 20 % des cas environ, de la réalisation d’une analyse des causes racines de l’incident, démarche particulièrement lourde et chronophage pour l’ensemble des équipes ayant participé à la genèse de l’incident. Les démarches d’accréditation et de certification des établissements de santé par le biais de l’impulsion qu’elles ont données à la gestion des risques et de la qualité, la mise en place progressive dans ce cadre d’une culture positive d’apprentissage par l’analyse de l’erreur

• à l’EFS : renforcement et homogénéisation de la prise en charge des évènements graves survenant chez des donneurs de sang ; • chez les fabricants de dispositifs médicaux : mise en oeuvre de mesures de sécurisation avec mise en place de systèmes de détrompage au niveau des connexions tubulures/solutés ; • au niveau réglementaire : révision des modalités de déclaration des effets indésirables graves survenant chez un donneur de sang ; • à l’Afssaps : actualisation des procédures internes à l’agence concernant les échanges d’informations sur les EIGD et les incidents graves (IG), et création d’un groupe de travail de la CNH « donneurs de sang », en charge de l’amélioration de la sécurité et du bien-être des donneurs dont on ne saurait trop remercier l’exceptionnelle et solidaire implication ; • au sein du réseau d’hémovigilance : intensification du flux d’information entre l’échelon national (Afssaps) et l’échelon régional (CRH), de manière à mieux identifier les enjeux système à partir de cas individuels, favorisée par l’ouverture du portail d’hémovigilance en mars 2010. 4.3. Analyse effectuée par les groupes de travail de la CNH et publications et mesures qui en découlent 4.3.1. Groupe de travail RNHV Un des objectifs du groupe de travail RNVH a été d’identifier les problématiques prioritaires de sécurité transfusionnelle et d’impulser une dynamique d’étude centrée sur des sujets tels que l’oedème pulmonaire de surcharge, classé au cinquième rang de fréquence par le nombre de déclarations, ou l’identito-vigilance, problématique au premier rang des déclarations d’incidents graves. 4.3.2. Groupe de travail TRALI–TACO Si la dénomination TRALI est apparue dès 1983, elle n’émerge comme l’une des complications graves les plus fréquentes de la transfusion qu’à partir des années 2000 [24]. Depuis, le nombre annuel de cas notifiés au réseau national d’hémovigilance n’a cessé d’être en hausse (Fig. 5). En 2005, le TRALI apparaît même être la première cause de décès lié

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

Fig. 5. Évolution des déclarations de TRALI (transfusion-related acute lung injury) depuis 1994, d’imputabilité 2 à 4 : TRALI (—), tous effets indésirables receveurs (---).

à la transfusion en France [25]. La définition du TRALI a été précisée lors de la conférence de consensus internationale de Toronto et retranscrite deux ans plus tard dans une mise au point Afssaps [26]. L’analyse des déclarations de 2007 et 2008 a mis en évidence un taux de TRALI rapporté au type de produits sanguins labiles beaucoup plus élevé pour les plasmas frais congelés mono donneurs et les concentrés de plaquettes d’aphérèse que pour les concentrés de globules rouges. Le groupe de travail a posé la problématique de la prévention du TRALI par la sélection des donneurs et du rapport bénéfice–risque entre TRALI et indisponibilité des produits sanguins labiles. Depuis, l’EFS a mis en place des mesures d’éviction des donneuses immunisées. L’analyse des FEIR relatives aux déclarations de TACO se met en place (Fig. 6). Cet EIR est actuellement l’EIR de grade 3 et 4 le plus fréquemment déclaré au sein d’e-FIT [27]. 4.3.3. Groupe de travail Allergie Le nombre de déclarations d’EIR de type allergique d’imputabilité 2 à 4, tous produits sanguins labiles et grades confondus, est relativement stable depuis quelques années (Fig. 7). Néanmoins, l’analyse statistique de tous les cas d’allergie grave au plasma déclarés entre 2005 et 2009 et l’analyse au cas par cas des allergies graves au plasma frais congelé traité par le bleu de méthylène déclarées entre 2008 et 2009 a mis en évidence un nombre d’événements allergiques

Fig. 6. Évolution des déclarations de TACO (Transfusion Associated Circulatory Overload), imputabilité 2 à 4 : taco (—), tous effets indésirables receveurs (---).

147

Fig. 7. Évolution des déclarations de réactions allergiques, imputabilité 2 à 4 : allergies (—), tous effets indésirables receveurs (---).

graves déclarés pour ce produit significativement supérieur au nombre attendu sous l’hypothèse nulle, que les EIR soient d’imputabilité 2 à 4 ou 3 et 4 seulement. Quelques allergies au bleu de méthylène ont été diagnostiquées, grâce à la procédure d’exploration des EIR allergiques élaborée par le groupe de travail en 2008 et mise en ligne sur le site de l’Afssaps, à disposition de l’ensemble du réseau [28]. Il serait intéressant de mettre en évidence des cas liés au procédé d’inactivation, mais il faudrait pouvoir disposer de plasma frais congelé traité par le bleu de méthylène pour les tests cutanés et in vitro, ce qui est jusqu’à présent exceptionnellement réalisable. L’extension de la mise en place des procédés d’inactivation (plasmas et plaquettes, bleu de méthylène et amotosalen) nécessite que l’analyse des réactions allergiques soit étendue à l’ensemble des produits sanguins labiles. Dans l’attente des analyses complémentaires, en fonction de la disponibilité des différents plasmas présents sur le marché franc¸ais et des résultats ci-dessus, l’EFS s’oriente vers une majoration à terme de la production de plasma frais congelé traité par solvant-détergent, plasma pour lequel les données de l’hémovigilance font état d’un nombre inférieur d’EIR, qu’il s’agisse de TRALI ou d’effet indésirable de type allergique.

4.3.4. Groupe de travail IBTT Premier à être mis en place, les travaux du groupe de travail IBTT ont amené l’EFS à améliorer la qualité des produits sanguins labiles prélevés : la mise en place de mesures spécifiques d’hygiène lors du prélèvement et la dérivation et l’exclusion des 20 premiers ml prélevés au cours du don ont permis la réduction des contaminations bactériennes. Les préconisations réglementaires issues des travaux du groupe de travail participent également à l’amélioration de la sécurité du receveur (surveillance clinique du receveur pendant 15 minutes après la pose du produit sanguin labile, matériel de réanimation à proximité) [29]. L’analyse des premières déclarations améliore de plus la qualité du système de santé, par le biais de la mise en place et/ou de la reconnaissance de laboratoires d’analyse bactériologique référents, répondant à un cahier des charges exhaustif. Dès 2003, les mesures mises en place s’accompagnent d’une chute des déclarations comme le montre la Fig. 8.

148

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

5. Demain Outre l’évaluation des mesures mises en place jusqu’à présent, le réseau devra s’engager dans différentes voies. 5.1. Hémovigilance donneurs

Fig. 8. Évolution des déclarations de suspicion d’infection bactérienne transmise par transfusion (IBTT), imputabilité 2 à 4 : IBTT (—), tous effets indésirables receveurs (---).

L’hémovigilance donneurs vient de se mettre en place et se doit d’être proactive : la réglementation mise en place en 2010 impacte déjà le système déclaratif avec une augmentation nette des déclarations consécutive aux modifications des critères de sévérité des effets indésirables pris en compte [18]. Le groupe de travail « hémovigilance donneurs » qui vient de se mettre en place devra, à moyen terme, faire des propositions concrètes de prise en charge diagnostique et thérapeutique des principaux effets indésirables graves rencontrés et en évaluer l’efficacité. 5.2. Information post-don L’information post-don entre dans le champ élargi de la première. Elle doit être intégrée dans la réglementation et au sein du système national de télé-déclaration. En effet, actuellement les informations post-don sont déclarées sans support standardisé par les hémovigilants de l’établissement franc¸ais du sang, et sous format papier, ce qui interfère avec leur analyse et leur suivi.

Fig. 9. Évolution des déclarations d’incompatibilités ABO, imputabilité 2 à 4 : incompatibilités ABO (—), tous effets indésirables receveurs (---).

4.3.5. Groupe de travail Analyse des causes racines Les travaux initiaux par le groupe de travail Analyse des causes racines sur les incompatibilités ABO ont participé à la baisse de leur déclaration (Fig. 9). Le groupe de travail est par ailleurs à l’origine de la création de la grille d’analyse des causes racines mise à disposition du réseau d’hémovigilance, ainsi que du kit de formation permettant son appropriation. L’analyse qu’effectue le groupe de travail des déclarations d’incidents graves de la chaîne transfusionnelle a souligné la problématique ubiquitaire de l’identification des patients (acquisition, échange et vérification d’identité), cible prioritaire des travaux à venir du groupe du fait du caractère systémique de ce type d’incidents par ailleurs sous-déclarés. Une étude plus poussée des incidents liés aux échanges électroniques intra et interétablissements va également se mettre en place, de même qu’une analyse à terme des incidents liés aux systèmes de transport automatisé des produits sanguins labiles et/ou des prélèvements d’analyse biologique. Le respect de l’ensemble des procédures encadrant l’acte transfusionnel permettant d’éviter la survenue des accidents ABO, le groupe de travail a également initié une étude dont les objectifs sont : • d’estimer l’incidence de ces erreurs de transfusion ; • d’identifier les barrières de la chaîne transfusionnelle, leurs failles et leurs robustesses ; • d’identifier les facteurs associés aux échecs (ou succès) de ces barrières.

5.3. Communication La communication est indispensable à la réactivité du réseau, qu’elle se fasse entre ses membres ou leurs structures d’appartenance. 5.3.1. Communication entre les membres du réseau La mise à disposition à terme de e-FIT3, base de données unique pour l’ensemble des déclarations d’hémovigilance en sera le premier pas. Elle devrait être suivie par la mise en oeuvre d’une plate-forme collaborative, qui permettra les échanges d’une manière plus proactive entre les différents intervenants du réseau de la transfusion (hémovigilants et transfuseurs). 5.3.2. Communication entre les structures de santé Les échanges régionaux informatisés des données transfusionnelles entre les établissements de santé, l’Établissement franc¸ais du sang et les laboratoires de biologie médicale publics ou privés peinent à se mettre en place. Malgré les outils informatiques et les moyens de télécommunications modernes dont nous disposons, les établissements de santé en sont encore souvent réduits au support papier pour la gestion du dossier transfusionnel de leurs patients, de la commande et de la délivrance des produits sanguins et du suivi de leur trac¸abilité. Des systèmes régionaux d’intercommunication entre les différents opérateurs existent déjà et ont montré leur fiabilité. Ils doivent montrer la voie pour une meilleure sécurité transfusionnelle des patients. Néanmoins, les solutions sont différentes selon les projets et ne permettent pas toujours la réalisation d’échanges inter-régionaux. Une réflexion nationale est donc actuellement

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

menée par l’Agence des systèmes d’information partagés de santé concernant l’interopérabilité des systèmes d’information de santé. Elle pourrait mener à la création d’un identifiant national de santé qui permettra de sécuriser les échanges. En parallèle, les travaux d’identito-vigilance sont déjà bien avancés au sein de l’EFS : l’évolution vers un fichier donneur unique et dans un deuxième temps vers un fichier receveur unique est à terme le gage d’une amélioration de la sécurité transfusionnelle. Cette démarche est facilitée par le nombre limité des établissements de transfusion sanguine comparativement à celui des établissements de santé. Néanmoins, quel que soit le lieu, disposer d’une identité fiable et reconnue aussi bien par l’établissement de santé que par l’ensemble de ses partenaires (établissement franc¸ais du sang, laboratoires de biologie médicale. . .) reste un enjeu capital pour un bon échange des données transfusionnelles. L’apport de nouvelles technologies, telles que l’utilisation élargie des systèmes de codes à barres, la technologie RFID ou les techniques d’identification biométriques, imprimeront vraisemblablement une nouvelle dynamique à cette démarche dans l’avenir. 5.4. Bonnes pratiques L’amélioration de la sécurité transfusionnelle dans le cadre d’une démarche qualité, ne se fera pas également sans l’implication indispensable du réseau dans l’application des bonnes pratiques transfusionnelles. L’adhésion du corps médical y est généralement mauvaise, soit par méconnaissance de leur existence, soit du fait du comportement du praticien, soit en relation avec la qualité des documents [30]. Les recommandations de bonne pratique concernant la transfusion sont actuellement en cours de révision par l’Afssaps. La communication de leur publication à l’ensemble du réseau sera un gage de leur appropriation. Leur mise en oeuvre devra être évaluée. Cette évaluation, sous l’angle du rapport bénéfices/risques, semble primordiale, à l’aube d’une augmentation importante des besoins liée au vieillissement de la population : dans 25 ans, la population âgée de 65 ans et plus, forte consommatrice de produits sanguins labiles, représentera plus de 37 % de la population franc¸aise [31]. L’acte transfusionnel doit donc être plus réfléchi que jamais, sans excès ni défauts [32]. 6. Conclusion L’hémovigilance a montré durant ces vingt-cinq dernières années ses capacités d’évolution. Elle a permis à la sécurité transfusionnelle d’être une des parties de la médecine moderne qui a le plus évolué en un temps très court, qui a su se remettre complètement en question à plusieurs reprises tant au niveau des établissements de transfusion sanguine et de l’EFS qui les a regroupés à partir de 1999, qu’au niveau des établissements de santé, et cela en grande partie grâce à la réactivité de son réseau, maillon indispensable de son fonctionnement. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

149

Remerciements Les auteurs remercient l’ensemble du réseau (Établissement franc¸ais du sang, établissements de transfusion sanguine, coordonnateurs régionaux d’hémovigilance, correspondants d’hémovigilance d’établissements de santé publics et privés, correspondants d’hémovigilance d’établissements de transfusion sanguine et transfuseurs) pour leur active implication au sein du système d’hémovigilance franc¸ais. Remerciements particuliers à Messieurs J.-P. Aullen et P. Breton pour leurs conseils judicieux.

Références [1] Code de la Santé publique. Titre II, Chapitre premier, Art L1221-13. [2] Rouger P. Perspectives et organisation de l’hémovigilance en application de la Directive européenne 2002/98. Transfus Clin Biol 2004;11:119–22. [3] Faber JC. Revue des principaux systèmes d’hémovigilance dans le monde. Transfus Clin Biol 2009;16:86–92. [4] Rebibo D, Hauser L, Slimani A, Hervé P, Andreu G. The French Haemovigilance system : organization and results for 2003. Transfus Apher Sci 2004;31:145–53. [5] Bernard J. La légende du sang. Paris: Flammarion; 1992. [6] Jaulin P, Lefrère JJ. Les premières transfusions sanguines en France ´ (1667R1668). Transfus Clin Biol 2010;17:205–17. [7] Circulaire DGS/DH/AFS no 85 du 10 octobre 1995 relative à la conduite à tenir en cas d’incident bactérien lié à la transfusion sanguine. BO ministère des Affaires sociales 1995;46:93–107. [8] Mathoulin-Pelissier S, Salmi LR, Venet C, Demoures B. for the RECEPT investigators. Blood transfusion in a random sample of hospitals in France. Transfusion 2000;40:1140–6. [9] Circulaire DGS/DH no 92 du 30 décembre 1994 relative à la trac¸abilité. [10] Circulaire DGS/DH/AFS/97 no 97/816 du 24 décembre 1997 relative à l’informatisation de la trac¸abilité des produits sanguins labiles. [11] Loi no 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme. JO 151 du 2 juillet 1998. [12] Directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 2003 établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la 14 transformation, la conservation et la distribution du sang humain, et des composants sanguins, et modifiant la directive 2001/83/CE. [13] Directive 2005/61/CE de la Commission du 30 septembre 2005 portant application de la directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière de trac¸abilité et la notification des réactions et incidents indésirables graves. [14] Loi no 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. JO 185 du 11 août 2004. [15] Ordonnance no 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine. [16] Décret no 2006-99 du 1er février 2006 relatif à l’Établissement franc¸ais du sang et à l’hémovigilance et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires), modifié par les décrets no 2006-550 du 15 mai 2006, no 2006-1589 du 12 décembre 2006, no 2007-1110 du 17 juillet 2007 et no 2010-344 du 31 mars 2010. [17] Décision du 5 janvier 2007 fixant la forme, le contenu et les modalités de transmission de la fiche de déclaration d’effet indésirable survenu chez un receveur de produit sanguin labile. [18] Décision du 1er juin 2010 fixant la forme, le contenu et les modalités de transmission de la fiche de déclaration d’effet indésirable grave survenu chez un donneur de sang, abrogeant la décision du 7 mai 2007. [19] Décision du 24 décembre 2010 fixant la forme, le contenu et les modalités de transmission de la fiche de déclaration d’incident grave, abrogeant la décision du 7 mai 2007.

150

M. Carlier et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 140–150

[20] Sandid I. Réglementation européenne relative au sang et à ses composants : déclinaison au niveau de la réglementation franc¸aise. Transfus Clin Biol 2010;17:310–4. [21] Standard for Surveillance of Complications Related to Blood Donation. Working Group on Complications Related to Blood Donation, International Society of Blood Transfusion, Working Party on Haemovigilance, European Haemovigilance Network. [22] Daurat G. Le signalement et la déclaration des incidents graves de la chaîne transfusionnelle. Transfus Clin Biol 2010;17:362–5. [23] Faber JC. Work of the European Haemovigilance Network. Transfus Clin Biol 2004;11:2–10. [24] Popovsky MA, Abel MD, Moore SB. Transfusion-related acute lung injury associated with passive transfer of antileukocyte antibodies. Am Rev Respir Dis 1983;128:185–9. [25] Rapport annuel hémovigilance Afssaps 2005. en ligne sur le site de l’Afssaps : http://www.afssaps.fr/var/afssaps site/storage/original/ application/36f443cce339a1a7 41d6f269df1c7b67.pdf. [26] AFSSaPS. Mise au point : Le syndrome de détresse respiratoire aiguë posttransfusionnel ou TRALI. 2006. http://afssaps.sante.fr/htm/10/ trali/sommaire trali.htm.

[27] Afssaps : Rapport annuel Hémovigilance 2009 : en ligne sur le site de l’Afssaps : http://www.afssaps.fr/var/afssaps site/storage/original/ application/0dd2cd67b2710f0ca2a1baff80d5e7ad.pdf. [28] Procédure d’exploration des réactions allergiques graves (grades 3 et 4) lors d’une transfusion comportant du PVA-BM : en ligne sur le site de l’Afssaps : www.afssaps.fr/content/download/16547/192611/version/3/file/procedureexplorationreactions+ allergiques-pva-bm.pdf. [29] Circulaire DGS/DHOS/Afssaps no 2003-581 du 15 décembre 2003 relative à la conduite à tenir en cas de suspicion d’incident transfusionnel par contamination bactérienne. [30] Molliex S, Samama CM. La médecine factuelle et la « vraie vie » : pourquoi les cliniciens n’appliquent-ils pas les référentiels ? Ann Fr Anesth Reanim 2010;29:859–61. [31] Robert-Bobée I. Projections de population pour la France métropolitaine à l’horizon 2050 : la population continue de croître et le vieillissement se poursuit. Insee 2006;1089. [32] Sicard D. L’avenir de la transfusion entre le risque de rupture et le risque de commercialisation. Transfus Clin Biol 2007;14:18–20.