Douleur chronique : comorbidité anxiodépressive et ségrégation corticale

Douleur chronique : comorbidité anxiodépressive et ségrégation corticale

Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2015) 16, 226—237 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com FAITES LE POINT Doule...

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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2015) 16, 226—237

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

FAITES LE POINT

Douleur chronique : comorbidité anxiodépressive et ségrégation corticale Chronic pain: Anxiodepressive comorbidity and cortical segregation Ipek Yalcin a,∗, Michel Barrot a, Eric Salvat a,b, Marie-José Freund-Mercier a,c a

Institut des neurosciences cellulaires et intégratives, centre national de la recherche scientifique, 5, rue Blaise-Pascal, 67084 Strasbourg, France b Hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg, France c Université de Strasbourg, 4, rue Blaise-Pascal, 67081 Strasbourg, France

Ipek Yalcin

MOTS CLÉS Douleur chronique ; Anxiété ; Dépression ; Comorbidité ; Cortex cingulaire antérieur



Rec ¸u le 3 juin 2015 ; accepté le 9 juin 2015 Disponible sur Internet le 29 juillet 2015

Résumé La douleur chronique a des répercussions sur divers aspects de la qualité de vie et des conséquences thymiques. La dépression et l’anxiété sont ainsi souvent observées chez les patients douloureux chroniques. Alors que cette comorbidité est cliniquement bien établie, les mécanismes sous-jacents restent à identifier. Depuis quelques années, le développement de modèles précliniques animaux pertinents a permis d’établir un lien de causalité entre douleur chronique et troubles de l’humeur et de commencer à apporter des informations mécanistiques. Des altérations morphofonctionnelles qui surviennent dans le cortex cingulaire antérieur, le noyau accumbens et l’hippocampe dans les conditions de douleur neuropathique, certains polymorphismes génétiques et facteurs environnementaux dans la fibromyalgie ou le déséquilibre des cytokines pro- et anti-inflammatoires et le rôle de l’amygdale dans la douleur inflammatoire, contribuent ainsi aux symptômes anxiodépressifs qui accompagnent la douleur chronique. Ces travaux suggèrent notamment que des mécanismes différents peuvent exister en fonction du type de douleur chronique. Les travaux précliniques complètent aussi les données cliniques pour mieux comprendre la ségrégation corticale des divers aspects de la douleur chronique, notamment de ses composantes sensorielles et émotionnelles. Entre clinique et laboratoire, l’effort actuel de recherche translationnelle fait progresser notre compréhension de la comorbidité douleur/dépression. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (I. Yalcin).

http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2015.06.008 1624-5687/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Douleur chronique : comorbidité anxiodépressive et ségrégation corticale

KEYWORDS Chronic pain; Anxiety; Depression; Comorbidity; Anterior cingulate cortex

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Summary Chronic pain has deleterious consequences on the quality of life, including on mood. Indeed, depression and anxiety are often observed in chronic pain patients. While this comorbidity is clinically well-established, the underlying mechanisms remain to be detailed. In the recent years, the development of relevant preclinical animal models allowed determining causal relations between chronic pain and mood disorders. These models also provided mechanistic insights. Morphofunctional alterations in the anterior cingulate cortex, the nucleus accumbens and the hippocampus in neuropathic pain, some genetic polymorphisms and environmental factors in fibromyalgia, and changes in the balance between pro- and anti-inflammatory cytokines and the role of the amygdala in inflammatory pain, contribute to the anxiodepressive symptoms accompanying chronic pain. Data also suggest that different mechanisms may underlie the consequences of different types of chronic pain. Preclinical work also completes clinical data to understand the separated cortical processing of the various components of chronic pain, in particular, its sensory and its emotional components. Between the clinic and the lab, present translational effort allows progressing in understanding the pain/depression comorbidity. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction

La fibromyalgie

Au-delà de son impact douloureux direct, la douleur chronique a aussi des répercussions sur divers aspects de la qualité de vie dont les interactions sociales et la vie professionnelle, les facultés cognitives, le sommeil, l’humeur [1,2]. . . Chronicisée, la douleur, expérience subjective et complexe, peut ainsi être considérée comme une pathologie [3,4]. Des conséquences psychiatriques, telles la dépression et l’anxiété, sont ainsi souvent observées chez les patients douloureux chroniques, avec des prévalences autour de 30 % pour les patients souffrant de douleur neuropathique [5,6] et jusqu’à près de 80 % selon certaines études menées chez les patients fibromyalgiques [7]. Bien que cette comorbidité entre douleur et troubles de l’humeur soit cliniquement bien établie, le mécanisme sous-jacent de cette association reste à identifier et la question des causes et des conséquences peut rendre les études cliniques difficiles.

La fibromyalgie, dont la prévalence dans la population est d’environ 2 %, est caractérisée par un état douloureux généralisé chronique. Ce syndrome a été initialement défini par le Collège américain de rhumatologie (ACR) par la présence de douleurs musculaires diffuses, avec douleur à la pression digitale de 11 points sur 18 testés, ou points gâchettes sur les insertions tendineuses. Cette définition, proposée en 1990, a été récemment réévaluée pour mettre en avant la présence, rapportée par le patient, de douleurs en diverses localisations avec l’association possible de fatigue, de troubles de la mémoire, d’une mauvaise qualité de sommeil et de dépression [11,12]. La prévalence des troubles anxieux et de dépression est en effet respectivement de 35 à 62 % et de 58 à 86 %, selon les études, chez les patients fibromyalgiques [13—15]. Des idées suicidaires plus fréquentes que dans la population générale ou chez les lombalgiques sont également décrites [16]. Cette étude récente renforce celles plus anciennes réalisées au Danemark [17], aux États-Unis [18] et en Espagne [19] qui rapportaient une augmentation du nombre de tentatives de suicide chez les fibromyalgiques. En fait, la présence d’idées suicidaires chez ces patients est étroitement liée à la comorbidité de troubles de l’humeur et de leur impact sur la vie quotidienne [20]. La fibromyalgie doit être considérée comme un désordre neurosensoriel. Il s’agit d’un syndrome de sensibilisation centrale de la perception de la douleur, se traduisant par des hyperalgésies et des allodynies. Il est d’ailleurs à noter que cette sensibilisation ne se limite pas forcément à la nociception mais peut parfois aussi affecter d’autres modalités de perception chez les patients, comme la sensibilité au bruit, aux odeurs ou à la température ambiante. Des débats importants et constructifs dans la communauté scientifique suggèrent que le syndrome de fibromyalgie regrouperait en fait des patients souffrant de pathologies diverses, certains d’entre eux ayant par exemple une neuropathie des petites fibres. Bien que les causes précises de la fibromyalgie soient encore peu connues, il a été proposé que cette pathologie résulte d’une combinaison entre une vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux. En effet, les études

Savoir si des troubles de l’humeur sont une conséquence directe de la douleur chronique, si la douleur n’a été que l’élément déclencheur d’une vulnérabilité préexistante ou si des troubles de l’humeur préexistants ont favorisé le développement de la douleur chronique [8], n’est pas aisé et il est vraisemblable que ces divers cas de figure coexistent parmi la grande hétérogénéité des patients. En dépit de ces difficultés, la recherche clinique progresse dans, par exemple, l’identification des facteurs pouvant augmenter ou prédire le risque de chronicisation de la douleur [9,10]. D’un autre côté, le développement récent de modèles précliniques permet d’explorer les conséquences anxiodépressives de la douleur chronique et de commencer à apporter des informations mécanistiques. Ce sont certaines de ces avancées que nous allons ici présenter.

228 Tableau 1 Fibromyalgie. Modifications morphologiques et fonctionnelles observées dans la fibromyalgie. Homme ↓ substance grise dans CCA, CPFm, In, lobe para-hippocampique ↓ des métabolites de la DA, NA, et 5-HT dans le LCR ↓ GAD ↓ ou ↑cortisol plamatique et salivaire Polymorphismes COMT, MAO-A, transporteur de la 5-HT, récepteurs ␤2 adrénergiques CCA : cortex cingulaire antérieur ; COMT : catécholamine-O méthyltransférase ; CPFm : cortex préfrontal médian ; DA : dopamine ; GAD : acide glutamique décarboxylase ; 5-HT : sérotonine ; In : insula ; LCR : liquide céphalorachidien ; MAO-A : monoamine oxydase A ; NA : noradrénaline.

cliniques décrivent une variété de facteurs de risque génétiques [21], tel que des polymorphismes nucléotidiques de la catécholamine-O-méthyle transférase [22,23], la monoamine oxydase A [24], la région promotrice du transporteur de la sérotonine [25] et des récepteurs ␤2 adrénergiques [26] (Tableau 1). Il est intéressant de signaler que ces gènes sont également incriminés dans diverses pathologies psychiatriques. En plus des facteurs génétiques, l’observation de formes juvéniles de fibromyalgie et leur évolution à l’âge adulte met en évidence l’importance de facteurs développementaux, sociaux et environnementaux [27]. Des altérations neuroendocrines, plus particulièrement de l’axe corticotrope, sont fréquemment associées aux troubles de l’humeur. Chez les patients fibromyalgiques, diverses études ont également montré des perturbations de l’axe corticotrope, mais avec des résultats contradictoires puisque des hyperactivités [28,29] mais aussi des hypoactivités [30,31] ont été rapportées (Tableau 1). Ces variations sont souvent minimes et pour certains auteurs, elles sont corrélées positivement aux symptômes dépressifs de la fibromyalgie [29,32]. Des altérations fonctionnelles et structurales du cerveau ont été observées chez les patients fibromyalgiques (Tableau 1). Alors que le volume global de la substance grise est inchangé, sa densité décroit dans des régions cérébrales spécifiques comme le cortex cingulaire antérieur, le cortex préfrontal médian, l’insula et le lobe parahippocampique [33—35]. En outre, un déséquilibre dans la connectivité fonctionnelle des systèmes descendants qui contrôlent la douleur et une augmentation de l’activité de la matrice douleur ont été rapportés dans plusieurs études [33,36,37]. Des variations dans les taux de neurotransmetteurs participent à ces mécanismes qui sous-tendent la fibromyalgie. L’analyse du liquide céphalorachidien met ainsi en évidence une diminution du taux de métabolites de trois amines biogènes, la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine[38], ce qui là-encore est à rapprocher de ce qui peut s’observer dans le cadre de troubles de l’humeur. La réduction du métabolisme de la dopamine a été plus spécifiquement corrélée, par tomographie à émission de positons, aux variations de la densité de substance grise dans les régions de projections de la voie mésocorticale [39]. La diminution de l’expression et/ou de l’activité de l’acide glutamique

I. Yalcin et al. décarboxylase, enzyme de synthèse du GABA, pourrait aussi jouer un rôle dans le développement de la pathologie et dans l’amplification sensorielle nociceptive, les troubles du sommeil et les troubles anxieux et dépressifs qui y sont associés [40].

La difficulté pour progresser dans la compréhension du mécanisme qui sous-tend la fibromyalgie réside dans l’absence de modèle animal convaincant. En effet, si les modèles actuellement proposés chez le rongeur tentent de reproduire certains symptômes de la pathologie et leur réponse aux traitements utilisés en clinique humaine, la validité étiologique reste faible. Certains de ces modèles reposent sur l’induction de douleurs musculaires par injection intramusculaire de substances comme la carraghénine [41], une solution saline acide [42] ou le facteur de nécrose tumorale (TNF-␣) [43], cytokine pro-inflammatoire. L’injection répétée de solution acide dans le muscle gastrocnémien chez le rat provoque ainsi une hyperalgie mécanique de longue durée, sans hyperalgie thermique, accompagnée de comportements anxiodépressifs sans déficit moteur [44]. Ces comportements anxiodépressifs se retrouvent chez l’animal dans une proportion proche de leur prévalence chez les patients fibromyalgiques [44]. D’autres modèles murins sont basés sur la déplétion des amines biogènes par un traitement chronique à la réserpine [45], qui est en fait plus communément connu comme un modèle animal de dépression, ou sur l’exposition intermittente à un stress au froid [46]. Ces deux modèles sont caractérisés par un abaissement général des seuils nociceptifs associé à des comportements de type dépressif et répondent à des traitements par des gabapentinoïdes ou certains antidépresseurs. Ces traitements sont aussi ceux autorisés contre la fibromyalgie dans certains pays puisque le gabapentinoïde prégabaline et les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine, duloxétine et milnacipran, sont les trois molécules approuvées par l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (Food and drug administration [FDA]) aux États-Unis et que l’antidépresseur tricyclique amitriptyline a aussi montré son efficacité [11]. Il est ici à rappeler que, comme dans le cas des douleurs neuropathiques, un antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine telle la fluoxétine n’a pas d’effet significatif sur les symptômes douloureux de la fibromyalgie.

Les douleurs inflammatoires chroniques La prévalence de dépression majeure chez les patients souffrants de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou d’arthrite rhumatoïde est trois fois celle observée dans la population générale [47—50]. Toutefois, les études précliniques s’intéressant à cette comorbidité sont encore peu nombreuses [51—55]. Le mécanisme proposé est essentiellement neuro-immunitaire et repose sur la présence d’un déséquilibre de la balance pro- et anti-inflammatoire des cytokines. Ainsi, l’expression du TNF-␣ augmente

Douleur chronique : comorbidité anxiodépressive et ségrégation corticale Tableau 2 Douleur inflammatoire. Modifications morphologiques et fonctionnelles observées dans la douleur inflammatoire chronique. Homme Somatique ↑ TNF-␣, IL-6 et IL-17 dans le plasma ↑ substance grise dans NAc et noyau caudé Viscérale ↑ substance grise dans CCA prégénual, CPF dorsolatéral gauche, COF, In postérieure, SII, lobe para-hippocampique Modèles murins Somatique ↑ TNF-␣ dans BLA ↑ IDO1, ↑ kynurénine/tryptophane, ↓ 5-HT/tryptophane dans l’hippocampe ↑ pERK1/2 dans CPF, LC, PGi, ME ↑ récepteurs des opiacés de type ␬ dans l’amygdale BLA : noyau basolatéral de l’amygdale ; COF : cortex orbitofrontal ; CPF : cortex préfrontal ; 5-HT : sérotonine ; IDO1 : indoleamine 2,3-dioxygénase 1 ; In : insula ; LC : locus cœruleus ; ME : moelle épinière ; pERK1/2 : forme phosphorylée des kinases 1 et 2 régulées par les signaux extracellulaires (extracellular signal-regulated kinases 1 and 2) ; PGi : noyau paragigantocellulaire ; SII : cortex somatosensoriel secondaire ; TNF-␣ : facteur de nécrose tumoral ␣.

dans le noyau basolatéral de l’amygdale après l’injection d’adjuvant complet de Freund chez la souris et l’infusion d’infliximab, un anticorps monoclonal se fixant au TNF-␣ humain, dans ce noyau de l’amygdale, bloque le comportement de type anxieux provoqué par l’inflammation [56]. Les études cliniques montrent aussi une augmentation du taux des cytokines TNF-␣ et interleukines IL-6 et IL-17 chez les patients souffrant d’arthrite rhumatoïde, l’évolution du taux de l’interleukine pro-inflammatoire IL-17 semblant corrélée aux troubles anxieux [57]. En outre, un lien serait présent entre les cytokines et les systèmes monoaminergiques. L’indoleamine 2,3-dioxygénase 1, ou IDO1, enzyme limitante dans le métabolisme du tryptophane, conduit à une augmentation du ratio kynurénine/tryptophane et à une diminution du ratio sérotonine/tryptophane. Une surexpression d’IDO1 est observée dans l’hippocampe de rats chez lesquels coexistent une monoarthrite et des signes dépressifs [53]. Cette surexpression hippocampique est provoquée par l’interleukine IL-6 qui, via la voie de signalisation intracellulaire JAK/STAT, participerait ainsi au mécanisme de régulation de la comorbidité entre douleur inflammatoire et dépression [53]. Ces données précliniques (Tableau 2) paraissent avoir une validité translationnelle puisqu’une augmentation des taux plasmatiques d’IDO1 a aussi été observée chez des patients douloureux chroniques et dépressifs [53]. Chez le rat, une monoarthrite chronique provoquée par l’injection d’adjuvant complet de Freund s’accompagne de symptômes nociceptifs, d’allodynie et d’hyperalgie mécanique, mais aussi d’un comportement de type dépressif, qui coïncident avec une augmentation de la forme phosphorylée

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de ERK1/2, c’est-à-dire de la forme active de cette kinase de la voie intracellulaire des MAP kinases, dans la moelle épinière, le locus cœruleus, le noyau paragigantocellulaire et le cortex préfrontal [52]. En outre, un traitement par l’anti-inflammatoire non stéroïdien diclofenac restaure les niveaux contrôle de phosphorylation de ERK1/2 et supprime l’état de type dépressif chez ces animaux [52]. Plusieurs travaux démontrent également le rôle de l’amygdale dans la composante aversive de la douleur inflammatoire chronique. Une injection intraplantaire de formaline, modèle de douleur chimique avec composante inflammatoire chez le rat, entraîne un évitement de l’environnement dans lequel cette injection a été faite. Ce comportement d’aversion de place conditionnée est réduit par les lésions bilatérales du cortex cingulaire antérieur ou de l’amygdale et cela sans perturbation des réponses sensitives nociceptives [58]. Dans le même modèle, des lésions bilatérales limitées aux seuls noyaux central ou basolatéral de l’amygdale aboutissent au même résultat qu’une lésion plus étendue de l’amygdale. Par contre, dans un modèle d’injection intrapéritonéale d’acide acétique, modèle de douleur viscérale inflammatoire, seule la lésion bilatérale du noyau central de l’amygdale est efficace pour réduire le comportement d’aversion de place conditionnée [59]. Des modifications de réponses comportementales semblables à celles de la lésion sont obtenues après injection locale dans le noyau central de l’amygdale d’un antagoniste des récepteurs adrénergiques de type ␤ ou d’un agoniste des récepteurs adrénergiques de type ␣2 [60], suggérant un rôle central des récepteurs adrénergiques du noyau central de l’amygdale dans la composante aversive de la douleur inflammatoire et par extrapolation dans les dysfonctionnements émotionnels qui accompagnent la douleur chronique. Chez le rat arthritique, l’administration d’un antagoniste des récepteurs de type 1 de la corticolibérine (CRF1) dans le noyau central de l’amygdale réduit non seulement les réponses nociceptives et douloureuses, comme le reflexe de retrait de la patte ou les vocalisations [61] mais aussi le comportement de type anxieux associé [62]. Enfin, des injections systémiques ou locales dans le complexe basolatéral de l’amygdale de faibles doses de morphine chez un rat monoarthritique, réduisent non seulement l’hypersensibilité mécanique des animaux mais aussi leurs comportements anxieux et les altérations cognitives [63]. En résumé, il apparaît que l’amygdale dans sa composante centrale mais aussi basolatérale serait impliquée dans l’anxiété qui accompagne une douleur inflammatoire chronique, via divers mécanismes faisant intervenir les cytokines, les récepteurs adrénergiques, le CRF et les opioïdes. Ces modifications cérébrales qui accompagnent la douleur inflammatoire chronique ne sont pas que moléculaires et fonctionnelles mais peuvent également être morphologiques, bien que là-encore des différences semblent présentes en fonction du type d’inflammation considérée. C’est ainsi qu’une augmentation de la substance grise est observée dans le cortex cingulaire antérieur prégénual, le cortex orbitofrontal, l’insula postérieure, le cortex somatosensoriel secondaire (SII), le lobe parahippocampique et le cortex préfrontal dorsolatéral gauche des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable [64]. Une augmentation de la substance grise est par contre observée dans les

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ganglions de la base, le noyau accumbens et le noyau caudé, mais dans aucune zone corticale chez les patients atteints d’arthrite rhumatoïde [65].

La douleur neuropathique La douleur neuropathique est une douleur survenant après une lésion ou une maladie du système somatosensoriel.

On distingue classiquement la douleur neuropathique périphérique, caractérisée par des atteintes des nerfs, et la douleur neuropathique centrale qui regroupe les douleurs consécutives à des lésions de la moelle épinière ou du cerveau. La plupart des symptômes de la douleur neuropathique sont retrouvés dans de nombreux modèles animaux de rongeurs, rats ou souris. De tels modèles sont basés sur la lésion de nerfs périphériques ou la mise en place de neuropathies diabétique, chimio-induite ou infectieuse [66—69]. Dans la dernière décennie, plusieurs laboratoires de recherche ont décrit des troubles de type anxiodépressifs dans des modèles de lésions de nerfs périphériques [70—77], de douleur neuropathique induite par le virus VIH ou les antirétroviraux [78—80], ainsi que dans un modèle de névralgie post-herpétique [81]. Chez les rongeurs, ces conséquences affectives de la douleur neuropathique s’installent progressivement. Il faut, par exemple, attendre 2 à 4 semaines après une lésion du nerf sciatique pour déceler des troubles de type anxieux et 6 à 8 semaines pour voir apparaître un comportement de type dépressif [74,76]. Chez les patients douloureux chroniques [82,83] ou dépressifs [84], des troubles du sommeil, insomnie ou hypersomnie, sont fréquemment observés. De fac ¸on similaire, dans les modèles animaux de douleur neuropathique, on décrit un sommeil moins efficace et une augmentation du nombre de périodes d’éveil [85], ainsi qu’un accroissement de la vigilance et une réduction du sommeil sans mouvement oculaire [86,87]. Des symptômes cognitifs accompagnent souvent la dépression majeure et les patients souffrant de douleur chronique se plaignent eux-aussi de déficits mnésiques et de troubles de l’attention [88,89]. Là-encore, les études précliniques confirment l’existence d’un lien entre douleur neuropathique et symptômes cognitifs, comme l’attestent les altérations de la mémoire de travail [90,91], de la mémoire spatiale, de l’attention et de la flexibilité mentale [92] dans des modèles animaux de douleur neuropathique périphérique. Il est intéressant de noter qu’une étude chez le rat suggère des effets différents suivant le côté de la lésion nerveuse. Ainsi, si la lésion périphérique est réalisée du côté gauche, elle aurait préférentiellement des conséquences émotionnelles alors que si elle se trouve du côté droit, les effets cognitifs seraient plus importants [92], mais cette latéralisation partielle des impacts affectifs et cognitifs de la douleur reste à confirmer. Les troubles de l’humeur sont souvent associés à des changements de l’axe corticotrope. Toutefois, en ce qui concerne la douleur neuropathique, il semble acquis que le fonctionnement de cet axe n’est pas modifié [76,93—95]

même lorsque les symptômes de type anxieux et/ou dépressifs sont installés [76]. La douleur neuropathique et ses conséquences ne peuvent donc pas se résumer à un simple stress chronique. Pour expliquer ces conséquences, une autre hypothèse a été émise par les chercheurs, celle de substrats neuroanatomiques communs. La douleur et l’humeur partagent en partie des circuits cérébraux communs et la douleur neuropathique, en altérant ces circuits, pourrait de fac ¸on secondaire modifier le traitement des informations liées à l’humeur. L’imagerie cérébrale fournit des informations intéressantes sur de telles modifications morphologiques et fonctionnelles accompagnant la douleur neuropathique et qui concernent notamment des régions connues pour leur implication dans des troubles affectifs et cognitifs tel que le cortex préfrontal ou l’hippocampe [96—100]. Parmi les structures potentiellement impliquées, la recherche préclinique a plus particulièrement mis en évidence le rôle de structures corticales comme le cortex cingulaire antérieur, mais aussi des structures souscorticales comme l’hippocampe, l’amygdale et les régions monoaminergiques. Le cortex cingulaire antérieur est un centre d’intégration connecté avec les cortex limbique et non-limbique, le thalamus, l’amygdale et notamment le noyau basolatéral, l’hypothalamus et quelques noyaux du tronc cérébral [101] et impliqué non seulement dans la perception douloureuse [102], mais aussi dans celle de diverses situations déplaisantes [103]. Chez les patients dépressifs, le cortex cingulaire antérieur montre des signes d’hypermétabolisme [104] et son volume est réduit [105]. Des données cliniques [106], mais aussi précliniques [107—109], mettent en évidence des changements similaires lors de douleurs neuropathiques (Fig. 1). Ainsi, dans un modèle de neuropathie périphérique chez le rat, le volume du cortex cingulaire antérieur diminue progressivement avec le temps et cette réduction de volume coïncide avec l’apparition des comportements anxiodépressifs [110]. De plus, une lésion du cortex cingulaire antérieur supprime la composante aversive de la douleur spontanée dans des modèles de douleur neuropathique [111] ainsi que les conséquences anxiodépressives de cette douleur [111] et cela sans affecter l’allodynie neuropathique. Ces résultats montrent que le cortex cingulaire antérieur joue un rôle central non seulement dans l’aspect désagréable de la douleur neuropathique mais aussi dans son impact sur l’humeur. Au niveau cellulaire, même si l’existence d’une corrélation avec les conséquences anxiodépressives n’est pas encore établie, des modifications à long terme de la transmission synaptique excitatrice sont mises en évidence dans les couches II/III du cortex cingulaire antérieur de souris douloureuses neuropathiques. On observe ainsi une augmentation de la probabilité de libération du glutamate au niveau présynaptique et de la densité des récepteurs du glutamate de type AMPA au niveau postsynaptique [112]. L’électrophysiologie in vivo a aussi mis en évidence une augmentation de la fréquence des oscillations spontanées des potentiels de membrane des neurones des couches II/III du cortex cingulaire antérieur [108] (Fig. 1), ces changements s’accompagnant de modifications structurales de la microcircuiterie locale de la couche V [113]. On note ainsi une perte des connexions inhibitrices sur les neurones pyramidaux excitateurs et une perte des connexions excitatrices sur les interneurones inhibiteurs, ce qui suggère

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Figure 1. Modifications cérébrales accompagnant la douleur neuropathique. Les données précliniques (schéma d’un encéphale de rongeur) sont détaillées pour 5 structures cérébrales. Les données cliniques sont résumées dans l’encart correspondant. AMPA : ␣-amino-3-hydroxy-5méthylisoazol-4-propionate ; AR : récepteur adrénergique ; CCA : cortex cingulaire antérieur ; CRF : corticolibérine ; GluR1 : sous-unité 1 du récepteur AMPA du glutamate ; NET : tranporteur de la noradrénaline ; TH : tyrosine hydroxylase.

une désinhibition du réseau cortical. De tels changements dans la balance excitation/inhibition pourraient en partie expliquer l’activation du cortex cingulaire antérieur observée par tomographie par émission de positons chez des patients avec douleur neuropathique chronique [114]. L’hippocampe est connu pour son implication dans l’apprentissage et la mémoire mais il intervient également dans l’anxiété et la dépression. Les déficits mnésiques mis en évidence chez les rongeurs douloureux neuropathiques peuvent être reliés non seulement à des modifications des plasticités synaptiques à court et à long terme des synapses CA3-CA1, mais aussi à une réduction du nombre de boutons synaptiques des synapses CA1 [91]. La réduction du volume de l’hippocampe de patients souffrant de douleurs neuropathiques chroniques est à mettre en parallèle avec l’observation d’une diminution de la neurogenèse dans le gyrus denté et des altérations de la transmission synaptique à court terme chez les souris neuropathiques [97]. Ces changements morphologiques et fonctionnels de l’hippocampe sont corrélés avec une augmentation du phénotype anxieux et une incapacité d’extinction de la peur conditionnée [97]. Les modifications observées dans l’amygdale sont très différentes de celles du cortex cingulaire antérieur et de l’hippocampe. En effet, une augmentation de volume de l’amygdale est observée dans les modèles de douleur neuropathique exprimant des comportements anxiodépressifs et cette augmentation serait associée à une prolifération cellulaire dans les noyaux central et basolatéral de l’amygdale [72]. Au plan fonctionnel, une augmentation

de l’excitabilité des neurones du noyau central de l’amygdale est présente [115]. Elle concerne la projection du noyau basolatéral au noyau central de l’amygdale [115], mais aussi la transmission synaptique entre les terminaisons des axones provenant du noyau parabrachial qui achemine des influx nociceptifs spinaux [116] et les neurones du noyau central de l’amygdale [115]. Les changements affectant ces synapses parabrachio-amygdaliennes sont indépendants des récepteurs du glutamate de type NMDA [115], contrairement à ce qui est observé pour les douleurs arthritiques et viscérales [117]. Par contre, les récepteurs du glutamate de type NMDA, comme d’ailleurs les récepteurs métabotropiques du groupe I, mGluR1 et mGluR5, contribuent au maintien des composantes sensorielles et émotionnelles de la douleur neuropathique, vraisemblablement en facilitant la transmission d’informations du noyau basolatéral vers le noyau central de l’amygdale et/ou la transmission synaptique entre les interneurones du noyau central [118]. L’augmentation des activités spontanées et évoquées des neurones du noyau central de l’amygdale dépend du temps écoulé depuis la lésion nerveuse. Elle est asymétrique et affecterait préférentiellement le noyau central gauche dans les premiers jours suivant une ligature des nerfs spinaux et le droit après la deuxième semaine post-ligature et ceci, quel que soit le côté où la ligature a été réalisée [119]. Ces changements des propriétés électrophysiologiques des neurones de l’amygdale accompagnent diverses modifications de neurotransmission qui ne sont encore que très partiellement décrites. Les récepteurs GABA-A du noyau central

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I. Yalcin et al.

de l’amygdale influencent les composantes sensorielles mais aussi affectives et motivationnelles de la douleur neuropathique [120] ; une lésion des nerfs périphériques augmente dans le noyau central de l’amygdale le niveau de corticolibérine [95,121], un neuropeptide connu pour son action dans l’anxiété, ainsi que la densité des récepteurs des glucocorticoïdes [95], sans affecter le fonctionnement de l’axe corticotrope [94] ; et une relation a été suggérée entre l’activité des récepteurs des opioïdes de type ␮ et ␦ dans l’amygdale et l’induction de troubles anxieux chez les animaux douloureux neuropathiques [122]. Les monoamines sérotonine et noradrénaline sont associées à la dépression et à ses traitements.

Dans un modèle de douleur neuropathique périphérique, un dysfonctionnement du système noradrénergique est présent. Il se traduit par une activité électrique accrue des neurones du locus cœruleus, une augmentation de l’expression du transporteur de la noradrénaline et de la tyrosine hydroxylase, enzyme qui catalyse la transformation de la L-tyrosine en L-DOPA et participe à la synthèse de la noradrénaline, une hypersensibilité des récepteurs ␣2 adrénergiques et coïncide avec le début du comportement anxiodépressif [70]. De tels changements peuvent également être retrouvés dans des modèles animaux de dépression et dans les tissus cérébraux post-mortem de patients dépressifs. Le système mésolimbique dopaminergique, en particulier la connexion de l’aire tegmentale ventrale au noyau accumbens, a également fait objet de nombreuses recherches dans le domaine de la dépression. C’est une des composantes principales du système de récompense impliqué aussi dans les réponses aux stimulations aversives et nociceptives [123] mais dont l’implication dans la douleur neuropathique a été peu étudiée. Chez les patients douloureux, l’augmentation fonctionnelle de la connectivité entre le cortex préfrontal médian et le noyau accumbens est prédictive de la transition entre douleur aiguë et chronique [10,124]. Dans un modèle animal de douleur neuropathique périphérique, les données moléculaires et celles d’imagerie cérébrale sont également en faveur d’une réorganisation du noyau accumbens touchant à la fois les sous-régions cœur et coquille de la structure [125]. Ainsi, après un mois de douleur neuropathique, les connectivités fonctionnelles entre le cœur du noyau accumbens et le striatum dorsal, le cortex insulaire et les cortex somatosensoriels SI/SII, ainsi que celles entre la coquille du noyau accumbens et ces mêmes régions corticales, sont diminuées. Les analyses moléculaires montrent que ces changements de connectivité fonctionnelle sont associés à une diminution de l’expression des récepteurs dopaminergiques D1A et D2 et des récepteurs des opioïdes de type ␬ [125]. Le noyau accumbens participerait donc à l’expression de la douleur neuropathique chronique. L’importance de la transmission glutamatergique du noyau accumbens dans la dépression est attestée par diverses études réalisées notamment dans le modèle de défaite sociale chez la souris [126]. Concernant la dépression induite par la douleur neuropathique, ce sont les récepteurs du glutamate de type AMPA, dont l’expression est augmentée dans les synapses du noyau accumbens, qui

sembleraient importants [127]. Bien que l’établissement de liens de causalité plus détaillés entre la douleur neuropathique et des symptômes précis reste à faire, l’ensemble de ces résultats suggère une participation du striatum ventral. Les diverses données décrites ci-dessus (Fig. 1) sont encore parcellaires et souvent phénoménologiques, mais elles sont récentes et illustrent la progression rapide des connaissances sur les conséquences anxiodépressives de la douleur neuropathique. Elles montrent aussi la pertinence de la modélisation animale pour progresser dans la compréhension pathophysiologique, établir des liens de cause à effet entre les modifications observées et les symptômes et permettre la recherche moléculaire de nouvelles cibles thérapeutiques.

Ségrégation corticale Il est devenu classique de considérer les régions corticales impliquées dans la perception douloureuse comme appartenant à la « matrice douleur » [102]. On distingue ainsi une matrice de premier ordre ou matrice nociceptive constituée chez l’homme de la région operculo-insulaire. Elle assure la spécificité somatique de la douleur via les voies spinothalamiques. Chez le singe, les expériences de trac ¸age neuroanatomique montrent que les régions corticales ciblées par ces projections sont l’insula postérieure, l’aire somatosensorielle SII, le cortex cingulaire moyen et dans une moindre mesure l’aire somatosensorielle SI [128]. Cette matrice de premier ordre ne peut toutefois pas rendre compte de toutes les nuances et variabilité de la perception douloureuse chez l’homme. Il est nécessaire d’inclure d’autres régions ou réseaux constituant les matrices de deuxième et de troisième ordre. Brièvement, la matrice de deuxième ordre, composée principalement des aires insulaire antérieure, pariétale postérieure et préfrontale, est importante pour la perception consciente de la douleur, sa modulation attentionnelle et les réponses végétatives qu’elle engendre [102]. La matrice de troisième ordre, avec les réseaux périgénual, orbitofrontal et limbique, introduit l’expérience douloureuse, le vécu de l’individu, ses croyances, sa culture ses émotions [102]. Parmi les aires corticales appartenant à la matrice douleur deux régions, le cortex insulaire et le cortex cingulaire antérieur sont particulièrement intéressantes à étudier car elles constituent vraisemblablement avec les aires SI et SII les seules régions corticales capables de distinguer la douleur réelle ressentie par l’individu de celle ressentie en présence de la douleur de l’autre [129]. Le cortex insulaire est connecté avec les cortex préfrontal, pariétal et temporal ainsi que les régions limbiques dont l’amygdale et le thalamus[130]. Chez l’homme, il constitue un centre important d’intégration des informations intéroceptives à la base de la sensation consciente du corps [130—132]. La partie postérieure du cortex cingulaire est pratiquement la seule région corticale dont la lésion peut entraîner chez l’homme un déficit douloureux spécifique et dont la stimulation provoque une douleur proportionnelle à l’amplitude de stimulation [133]. L’insula postérieure, associée principalement au cortex somatosensoriel SII, serait ainsi un site d’intégration de l’aspect sensoriel de la douleur et de son intensité, par contre, les parties antérieure

Douleur chronique : comorbidité anxiodépressive et ségrégation corticale et moyenne du cortex insulaire interviendraient vraisemblablement dans les aspects émotionnels et attentionnels associés à la perception douloureuse [102,134]. Les données concernant l’implication du cortex insulaire dans les troubles anxiodépressifs sont récentes. Des réductions de volume de substance grise du cortex cingulaire, corrélées aux symptômes cliniques cognitifs et émotionnels, ont été mises en évidence dans des pathologies psychiatriques et notamment dans la dépression majeure [135,136]. Celle-ci est aussi associée à une diminution de l’activité de repos du cortex insulaire droit [137] et de la connectivité fonctionnelle impliquant le cortex insulaire [138]. Le cortex cingulaire antérieur, associé à l’insula antérieure et aux régions pariétales postérieures, n’est pas une région corticale spécifique de la douleur mais il contribue largement à sa perception consciente, ses composantes attentionnelles et autonomes et à sa mémorisation [102]. C’est également une des structures importantes dans les pathologies psychiatriques et il occupe une large place dans les circuits neuronaux proposés comme substrats neuroanatomiques de la pathologie dépressive [104,105]. En dépit de l’importance fonctionnelle de ces deux structures corticales dans les pathologies douloureuses et les troubles psychiatriques, les données concernant leur implication dans les conséquences anxiodépressives de la douleur chronique sont souvent anciennes. Elles mettent cependant en évidence, bien que de manière indirecte, une ségrégation fonctionnelle. C’est ainsi que des reports de cas cliniques, cités par Rainville et al. [139], soulignent que des patients ayant subit des lobotomies frontales ou des cingulotomies peuvent encore ressentir de la douleur mais qu’elle est moins pénible, moins désagréable. L’utilisation de l’hypnose, couplée à la tomographie par émission de positons, a permis de montrer que le cortex cingulaire antérieur est important pour encoder l’aspect déplaisant de la douleur alors que les aires somatosensorielles SI et SII ne sont pas concernées par cet aspect affectif de l’expérience douloureuse mais plutôt par les aspects sensoridiscriminateurs [139]. Le recours à l’expérimentation animale confirme la dissociation corticale des divers aspects et conséquences de la douleur neuropathique. Récemment, Barthas et al. [111], en utilisant une approche lésionnelle dans un modèle de souris douloureuses neuropathiques présentant des symptômes anxiodépressifs [76], ont ainsi mis en évidence une ségrégation fonctionnelle du cortex cingulaire antérieur et de la partie postérieure du cortex insulaire. En effet, la lésion bilatérale du cortex cingulaire antérieur n’a aucune conséquence sur l’allodynie mécanique statique caractéristique du modèle utilisé. Par contre, la lésion de la partie postérieure du cortex insulaire empêche la chronicisation de ce symptôme. En utilisant un test de préférence de place conditionnée, les auteurs montrent également que la lésion du cortex cingulaire antérieur, mais pas celle de la partie postérieure du cortex insulaire, supprime le ressenti déplaisant de la douleur. En outre, les comportements anxiodépressifs observés dans le modèle après plusieurs semaines de douleur neuropathique [76] ne s’expriment plus

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chez les animaux avec lésion du cortex cingulaire antérieur, alors qu’ils restent présents chez les animaux avec lésion de la partie postérieure du cortex insulaire. Ainsi, chez l’animal comme chez l’homme, la partie postérieure du cortex insulaire semble bien appartenir à la matrice douleur de premier ordre, c’est-à-dire à un réseau cortical assurant la spécificité somatosensorielle de la douleur, alors que le cortex cingulaire antérieur, au sein de la matrice douleur de deuxième ordre, serait avant tout un centre important pour la perception consciente de la douleur à travers son aspect désagréable et aversif. De plus, les données obtenues chez l’animal montrent que l’expression des troubles anxiodépressifs liés à la douleur chronique nécessite la présence du cortex cingulaire antérieur mais pas celle de la partie postérieure du cortex insulaire.

Conclusion Un nombre grandissant d’articles scientifiques sont parus ces 5 dernières années, permettant d’établir un lien causal entre douleur chronique et troubles de l’humeur. En plus des informations épidémiologiques, les études cliniques d’imagerie cérébrale et de génétique ont amélioré nos connaissances sur les mécanismes susceptibles d’expliquer cette situation. Les données précliniques permettent de traiter la question aux niveaux moléculaire et cellulaire pour mettre ensuite en évidence des relations de causalité entre le mécanisme et l’effet. Comme observé par les études récentes, la comorbidité entre douleur chronique et troubles de l’humeur s’accompagne de changements cérébraux morphologiques et fonctionnels. Les altérations qui surviennent dans le cortex cingulaire antérieur et l’hippocampe dans les conditions de douleur neuropathique, le polymorphisme de la catécholamine-O-méthyle transférase et du transporteur de la sérotonine dans la fibromyalgie ou le déséquilibre des cytokines et le rôle de l’amygdale dans la douleur inflammatoire, sont toutes des pistes ouvertes pour tenter de mieux comprendre la coexistence dans la douleur chronique de désordres de type psychiatriques. Des études restent également à mener pour approfondir nos connaissances sur le rôle des facteurs génétiques ainsi que des facteurs environnementaux. Il est également important de prendre en considération que des différences de mécanisme en fonction du type de douleur chronique peuvent exister. Entre clinique et laboratoire, le développement d’une véritable recherche translationnelle devrait faire progresser notre compréhension et le traitement de la comorbidité douleur/dépression.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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