Dysplasies et chirurgie correctrice

Dysplasies et chirurgie correctrice

Revue du Rhumatisme 76 (2009) 334–340 Dysplasies et chirurgie correctrice Dysplasia and conservative surgery Jean-Christophe Lambotte a,∗ , Ronan Lan...

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Revue du Rhumatisme 76 (2009) 334–340

Dysplasies et chirurgie correctrice Dysplasia and conservative surgery Jean-Christophe Lambotte a,∗ , Ronan Lannou a , Jean-Michel Frieh b , Henri Migaud c , Christophe Hulet d a

Service de chirurgie orthopédique, hôpital Sud, CHU de Rennes, 16, boulevard de Bulgarie, 35203 Rennes, France b Service d’orthopédie, centre hospitalier La-Roche-sur-Yon, Les-Oudairies, 85000 La-Roche-sur-Yon, France c Service de chirurgie orthopédique, CHU de Lille, rue du Professeur-Émile-Laine, 59000 Lille, France d Service de chirurgie orthopédique, CHU de Caen, avenue Côte-de-Nacre, 14000 Caen, France Accepté le 7 octobre 2008 Disponible sur Internet le 14 mars 2009

Mots clés : Hanche dysplasique ; Butée ; Ostéotomies Keywords: Hip dysplasia; Shelf arthroplasty; Osteotomy

Dans la coxarthrose secondaire débutante sur dysplasie, le tableau usuel est celui de douleurs arthrosiques progressivement croissantes qui relèvent d’une correction chirurgicale de la dysplasie par butée, ostéotomies fémorale ou acétabulaire. Parfois, le tableau peut être également celui de douleurs aiguës de dégénérescence du labrum, dont les symptômes sont assez voisins de ceux des conflits fémoroacétabulaires. Cependant, dans ces lésions du labrum secondaires à la dysplasie, le traitement sera essentiellement la correction chirurgicale de la dysplasie. Les interventions de chirurgie correctrice de la dysplasie de hanche entre 20 et 50 ans sont devenues rares dans nos services puisqu’elles ne concernent actuellement que 10 à 20 % des coxarthroses que nous traitons chez les patients de moins de 50 ans, soit cinq à dix opérations conservatrices par an et par équipe. Cette décroissance s’explique bien sûr par un meilleur dépistage de la maladie luxante de hanche chez le nouveau-né ou le nourrisson et l’efficacité accrue des traitements de nos collègues orthopédistes pédiatres ; mais surtout parce que chez le coxarthrosique, la chirurgie prothétique, même avant l’âge de 50 ans, l’emporte sur la chirurgie conservatrice pour des raisons de facilité opératoire et de précocité des résultats. Définir les indications de la chirurgie correctrice à 35 ans, âge moyen de nos opérés, c’est donc comparer ses résultats et son pronostic et ceux de la prothèse à cet âge. Mais deux approfondissements complémentaires sont nécessaires ; l’un



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-C. Lambotte).

concerne la qualité de la vie de l’opéré : il faut en effet évaluer ce qui fait le point faible de la chirurgie conservatrice, la durée de l’arrêt de travail, et de la boiterie postopératoire ; et son point fort qu’est la possibilité pour le patient de mener une vie sans précaution particulière car il n’a pas à craindre comme dans les prothèses les infections secondaires hématogènes [1], ni le descellement par surmenage. L’autre est le pronostic lointain de la dysplasie opérée lorsque s’est épuisé l’effet de la chirurgie initiale. En effet, après une quinzaine d’années, la chirurgie conservatrice, au même titre qu’une prothèse de première intention, peut s’être dégradée et il faut alors réopérer par prothèse totale. Cette intervention de seconde intention va-t-elle donner un meilleur résultat fonctionnel et une meilleure longévité après dégradation de chirurgie correctrice ou après descellement d’une première prothèse totale ? Afin de mieux répondre à ces questions une table ronde a été suscitée par la Société d’orthopédie de l’Ouest et a rassemblé six CHU [2,3]. Nous présentons donc ici un travail multicentrique permettant de préciser la qualité du résultat fonctionnel mais aussi la longévité des interventions de chirurgie conservatrice dans la coxarthrose débutante sur dysplasie, grâce à une série de 283 patients opérés avec un recul moyen de 15 ans. Nous commencerons par une étude analytique des critères radiologiques de la dysplasie et nous préciserons les facteurs de pronostic. Puis nous présenterons les résultats des techniques chirurgicales conservatrices, butée, ostéotomies du fémur et de l’acétabulum, en les comparant avec les résultats de la chirurgie prothétique. Enfin, nous préciserons nos indications thérapeutiques actuelles.

1169-8330/$ – see front matter © 2009 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2008.10.014

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Fig. 1. Angles pathologiques définissant la dysplasie. a : face : VCE ≤ 20◦ , angle d’obliquité du toit acétabulaire HTE > 15◦ , cervicodiaphysaire (CC’D) ≥ 140◦ ; b : faux profil : VCA ≤ 20◦ .

1. Bilan préopératoire 1.1. Bilan radiologique Il a trois objectifs : • mesurer l’importance des anomalies morphologiques acétabulaires [4] et fémorales ; • quantifier la sévérité de l’arthrose ; • s’assurer que l’arthrose est bien la conséquence de la dysplasie et est donc accessible à un traitement étiologique. La dysplasie acétabulaire se mesure sur le cliché de bassin de face et sur le faux profil selon Lequesne. L’élément essentiel est l’angle de couverture acétabulaire latéral (VCE) sur la face et antérieur (VCA) sur le faux profil (Fig. 1). La dysplasie est dite modérée si le VCE est entre 20◦ et 0◦ , sévère de 0◦ à −14◦ , et extrême en dec¸à de −15◦ . Au niveau fémoral [5], on mesure l’angle d’antéversion par une coupe scannographique comparant l’antéversion du col fémoral par rapport au bord postérieur des condyles, et l’angle cervicodiaphysaire (CC’D). Cela permet de tracer ce dernier sur une radio de bassin de face réalisée en rotation interne du fémur égale à l’antéversion mesurée sur le scanner et en aucun cas sur la radio de face standard où la fréquente rotation externe de hanche donne une fausse impression de coxa valga. On retient une dysplasie fémorale à type de coxa valga si l’angle CC’D atteint ou dépasse 140◦ . La connaissance précise des dysplasies permet de savoir si elles sont chirurgicalement corrigeables ou non. Une dysplasie acétabulaire modérée ou sévère pourra être corrigée par une butée mais une dysplasie extrême ne pourra être traitée que par une ostéotomie du bassin. Une dysplasie fémoroacétabulaire sur coxa valga ne pourra être considérée comme « complètement » traitée que si l’on a rétabli à la fois la couverture acétabulaire par une butée ou une ostéotomie pelvienne et ramené l’angle CC’D à 120◦ , par une ostéotomie fémorale de varisation.

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La « sévérité » de l’arthrose doit être quantifiée. Plusieurs classifications peuvent être utilisées, les plus usuelles étant celles de de Mourgues et Patte [6] ou celle de Tönnis [7]. Le stade 1 de la classification de de Mourgues et Patte correspondant à une dysplasie sans arthrose, mais avec des douleurs persistantes, c’est le stade 0 de Tönnis. Le stade 2 de de Mourgues et Patte se caractérise par des signes d’hyperpression avec condensation sous-chondrale et des géodes débutantes mais sans pincement de l’interligne (Tönnis 1). Le stade 3 montre un pincement articulaire global inférieur à 50 % ou un pincement partiel supérieur à 50 % (Tönnis 2). Le stade 4 correspond à un pincement global supérieur à 50 % (Tönnis 3) ; une chirurgie correctrice y est sans doute illusoire. La « correspondence » entre la dysplasie et la localisation de l’arthrose est indispensable au diagnostic de coxarthrose sur dysplasie. Si les signes de souffrance articulaire sont au bord supérieur de l’acétabulum en dehors et en avant, ainsi que dans la portion adjacente de la tête fémorale, c’est bien la dysplasie qui est à l’origine de l’arthrose, la localisation des signes de souffrance supéroexterne à la scintigraphie isotopique va dans le même sens : dans ces cas la correction des dysplasies a de très bonnes chances de stabiliser ou de guérir cette arthrose débutante. À l’inverse, si chez un patient porteur d’une dysplasie de maladie luxante on constate un pincement global de l’interligne sans aggravation supéroexterne, c’est que la dysplasie n’est pas la cause principale de la dégradation articulaire et que sa correction n’apportera pas d’amélioration importante. Il peut par exemple s’agir d’une coxarthrose de surmenage survenant sur une dysplasie où les signes de souffrance sont présents sur la totalité de l’articulation, comme le montre également la scintigraphie. Ce n’est pas parce que cette coxarthrose de surmenage est survenue sur une dysplasie que le traitement de la dysplasie permettra de la faire régresser. D’autres facteurs de risque de coxarthrose : l’hérédité, le sport de compétition entre autres sont à rechercher systématiquement (cf. l’article correspondant dans ce même numéro). 1.2. Facteurs de pronostic Trois facteurs de pronostic sont essentiels : la « sévérité » de l’arthrose ; la correction « complète possible » de la dysplasie (acétabulaire par butée ou ostéotomie du bassin, fémorale par ostéotomie de varisation) ; l’« âge » du patient lors de l’opération. Une intervention avant 40 ans aboutit le plus souvent, si la correction chirurgicale est complète et l’arthrose peu évoluée, à une stabilisation de l’arthrose pendant près de 20 ans. À l’inverse, si l’intervention a lieu après 40 ans, la longévité de l’opération est bien moindre. Bien entendu, on observe souvent chez les patients de plus de 40 ans une arthrose déjà évoluée, l’association de l’âge à la détérioration articulaire étant de mauvais pronostic. Ainsi, lorsqu’on analysera les facteurs de pronostic en perspective d’une chirurgie conservatrice d’une dysplasie, on pourra être confronté à trois tableaux : • aucun facteur de mauvais pronostic : l’opéré a moins de 40 ans, l’arthrose est modérée (de Mourgues 2 ; Tönnis 1),

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on peut corriger la totalité des dysplasies acétabulaires ou fémorales : le pronostic est excellent ; • un seul facteur de mauvais pronostic : on peut corriger la totalité des dysplasies mais on retrouve déjà soit une arthrose évoluée (stade 3) soit un âge de plus de 40 ans ; l’intervention sera efficace mais sa longévité ne dépassera pas une quinzaine d’années ; • deux facteurs de mauvais pronostic sont présents, par exemple la dysplasie ne peut être complètement corrigée et cela chez un patient de plus de 40 ans : la chirurgie conservatrice est dépassée et il faudra recourir à la prothèse dès que le traitement médical sera devenu inopérant. 2. Traitements chirurgicaux Notre étude multicentrique concerne 56 butées, 100 ostéotomies fémorales de varisation associées ou non à des butées et 127 ostéotomies du bassin de type Chiari. Il s’agit de séries continues de patients opérés entre 1978 et 1996. L’âge moyen à l’opération était de 35 ans. Seuls 15 % des patients ont été perdus de vue avant dix ans et le recul moyen est de 15 ans. Afin d’établir des courbes de survie, ont été considérés comme des échecs les cas avec au dernier recul un score de Postel-Merle d’Aubigné inférieur à 14 sur 18 ou réopérés par prothèse totale de hanche dans la période de suivi clinique.

Fig. 2. Butée isolée. Hanche avec trois facteurs favorables : dysplasie acétabulaire isolée ; arthrose stade 1 ou 2 ; âge inférieur à 40 ans. a : préopératoire ; b : bon résultat à 23 ans de recul.

2.1. Butée isolée

de stade 3 ou âge de plus de 40 ans, le taux de survie de l’intervention n’était plus que de 66 ou 63 % à 15 ans, avec une dégradation avant 20 ans (Fig. 3). Notre série est donc en accord avec les conclusions de Judet [8], Migaud et al. [9], Saïto et al. [10] : la butée pour traiter une dysplasie acétabulaire isolée modérée, parfois sévère mais non extrême, reste une intervention éprouvée, prudente, bénigne, préservant l’avenir, sans compliquer une éventuelle reprise ultérieure par arthroplastie.

Il s’agit d’une technique décrite initialement chez l’enfant, supplantée dans cette indication par les ostéotomies pelviennes, puis adaptée à l’adulte, qui permet un agrandissement de la cavité acétabulaire, corrigeant la dysplasie antérieure et latérale. Elle assure une meilleure répartition des contraintes, diminue l’hyperpression localisée et retarde l’évolution arthrosique. Cette greffe osseuse prélevée au niveau de l’os iliaque du patient vient s’appuyer sur la capsule qui subit une métaplasie fibrocartilagineuse. Il s’agit donc d’une technique permettant un agrandissement de la cavité acétabulaire mais par un tissu qui est de moins bonne qualité qu’un cartilage hyalin ; néanmoins les modifications radiologiques montrent la bonne adaptation de la hanche à sa nouvelle morphologie, rendant la butée efficace pendant longtemps, avec une dégradation secondaire tardive. Nous avons étudié une série continue de 56 butées, dont 89 % ont été revues ; trois patients seulement ont été perdus de vue avant dix ans. L’âge moyen des opérés était de 35 ans. La dysplasie acétabulaire était authentifiée et isolée (CC’D moyen de 133◦ ). Nous rapportons 5 % de complications et un recul moyen de 15,8 ans. Nous avons retrouvé 87 % de bons résultats à 15 ans, lorsque les trois facteurs de bon pronostic étaient réunis (arthrose de stade 1 ou 2, opération avant 40 ans, dysplasie acétabulaire isolée). Dans ces cas, il n’apparaissait pas, au dernier recul, de signe annonciateur de dégradation, et celle-ci semble ne survenir, de fac¸on inconstante, qu’au-delà de la 20e année (Fig. 2). Lorsqu’ était présent un facteur de mauvais pronostic, arthrose

Fig. 3. Courbes de survie après butée isolée. a : selon l’âge : 87 % de bons résultats à 15 ans si l’opéré a moins de 40 ans mais seulement 63 % s’il a plus de 40 ans ; b : selon l’arthrose : 85 % de bons résultats à 15 ans pour les stades 1 et 2 mais 66 % pour les stades 3.

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2.2. Ostéotomie de varisation L’ostéotomie fémorale de varisation permet de corriger la coxa valga en ramenant l’angle CC’D à 120◦ . Elle s’associe parfois à une ostéotomie de correction de l’hyperantéversion, en fait d’indication rare chez l’adulte. La correction d’hyperantéversion n’est en effet réalisée que chez les patients qui marchent genou en rotation interne, témoignant d’un recentrage dynamique de leur hyperantéversion. Il est rare que la coxa valga soit isolée : elle s’accompagne plus de neuf fois sur dix d’une dysplasie acétabulaire plus ou moins sévère, qui doit être corrigée dans le même temps opératoire, le plus souvent par une butée. Cent ostéotomies fémorales ont été revues, avec un recul moyen de 15 ans. L’âge moyen à l’opération était de 35 ans. La coxa valga moyenne était de 141◦ mesurée strictement dans le plan du col. Elle s’associait à une dysplasie acétabulaire dans 95 % des cas, mais une augmentation de la couverture acétabulaire par butée, donc une correction complète, n’a été réalisée que dans 63 % des cas. Les hanches étaient non excentrées avec une distance tête fémorale-U radiologique (TU) moyenne de 12 mm et la congruence en abduction [11] contrôlée par un cliché radiographique préopératoire était satisfaisante. Nous avons relevé 10 % de complications ayant nécessité une reprise chirurgicale (pseudarthrose, infection) et ayant guéri sans conséquence sur l’évolution. L’intervention est suivie par un appui seulement partiel jusqu’au troisième mois postopératoire et une reprise d’activités professionnelles vers le septième mois. Une boiterie d’adaptation due à la moindre tension des fessiers persiste pendant 12 à 18 mois, puis généralement disparaît. L’intervention entraîne un raccourcissement de 10 à 15 mm nécessitant parfois une compensation partielle par talonnette. Dans les cas réunissant les trois facteurs de pronostic favorable, un bon résultat était obtenu à 15 ans dans 85 % des cas, souvent sans signe annonciateur de dégradation (Fig. 4). Lorsque n’étaient présents que deux facteurs de pronostic favorable (en raison par exemple d’une correction complète de la dysplasie mais associée soit à une arthrose débutante, soit à un âge de plus de 40 ans), le taux de succès baissait à 70 % à 15 ans avec une dégradation avant 20 ans. Lorsque trois facteurs de mauvais pronostic étaient réunis, il ne persistait que 55 % de bons résultats à dix ans. L’ostéotomie fémorale de varisation est donc une intervention hautement efficace lorsqu’elle est proposée avant 40 ans dans une arthrose de stade 1 ou 2. Si une dysplasie acétabulaire est associée, l’ostéotomie fémorale doit être complétée par une butée, on obtient alors 85 % de bons résultats à 15 ans, qui semblent durer au-delà de 20 ans (Fig. 5).

Fig. 4. Varisation + butée. Hanche avec trois facteurs favorables : correction des deux éléments de la dysplasie fémorale et acétabulaire ; arthrose stade 1 ou 2 ; âge inférieur à 40 ans. a : préopératoire ; bon résultat à 14 ans de recul ; b : face ; c : faux profil.

2.3. Ostéotomie de Chiari Il s’agit d’une ostéotomie sus cotyloïdienne extra-articulaire ascendante avec un mouvement de translation interne de l’hémibassin inférieur [12]. Cette ostéotomie agit par trois mécanismes : elle permet une couverture complète en avant et en dehors de la tête fémorale, elle diminue les contraintes exercées sur la tête fémorale et enfin diminue le travail du moyen fessier

Fig. 5. Courbe de survie après varisation + butée. Dans les indications favorables (correction totale des dysplasies ; arthrose 1 ou 2 ; âge inférieur à 40 ans), la survie est de 85 % à 15 ans.

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risquée, la survie fonctionnelle n’est plus que de 58 % à 15 ans avec un risque de boiterie dans 30 % des cas et un arrêt de travail d’un an. Ces deux derniers éléments doivent faire partie de la discussion avec le patient, ils sont à mettre en compétition avec les suites plus rapides d’une prothèse de première intention. 2.4. Ostéotomie périacétabulaire de Ganz

Fig. 6. Ostéotomie de Chiari sur dysplasie sévère et excentration avec arthrose stade 2. a : préopératoire ; b : bon résultat à 20 ans de recul.

(Fig. 6). Elle s’adresse aux dysplasies sévères de l’adulte jeune avec ou sans arthrose. Nous avons étudié une série continue de 127 cas d’ostéotomie de Chiari isolée (sans ostéotomie fémorale associée). L’âge moyen à l’opération était de 34 ans. Le recul moyen était de 14 ans. Il s’agissait de hanches dysplasiques sévères avec une couverture antérieure et latérale nulle. La hanche incriminée était souvent latéralisée et subluxée. Une arthrose avant l’intervention était retrouvée dans 65 % des cas et elle était liée à l’âge du patient au moment de la chirurgie. Nos résultats comportent 12 % d’échecs précoces et 7 % d’échecs relatifs, la dégradation de ces derniers a nécessité la mise en place d’une prothèse totale de hanche en moyenne neuf ans plus tard. Dans tous les cas il s’agissait d’arthrose sévère. Au plus grand recul, 64 % étaient côtés bons ou très bons résultats avec une excellente efficacité antalgique. La courbe de survie était de 84 % et 70 % à respectivement dix et 15 ans (Fig. 7). La sévérité de la dysplasie, l’âge initial inférieur à 40 ans et l’arthrose peu évoluée sont les facteurs de bons pronostics avec 75 à 80 % de survie à 15 ans. Même en cas d’arthrose sévère, la survie fonctionnelle à 15 ans est de 58 % [13]. L’ostéotomie de Chiari est donc une intervention conseillée chez un patient jeune avec une dysplasie sévère et une arthrose peu importante, la survie fonctionnelle est alors de 85 % à 15 ans et de 71 % à 20 ans. Pour un patient de plus de 40 ans avec une dysplasie sévère et une arthrose évoluée, c’est une indication

Fig. 7. Courbe de survie après ostéotomie de Chiari, série globale : 84 % à dix ans, 70 % à 15 ans.

L’ostéotomie périacétabulaire est une ostéotomie qui fait tourner le cartilage acétabulaire pour le placer en regard de la zone la plus sollicitée de la tête fémorale. Il s’agit d’une ostéotomie de réorientation, qui n’augmente pas la surface articulaire mais fait fonctionner au niveau optimal le cartilage hyalin. Elle n’est indiquée que lorsque la dysplasie est modérée, puisqu’il n’y a pas d’effet additif de surface articulaire, et lorsqu’il n’y a pas d’arthrose. Notre expérience de l’ostéotomie acétabulaire est trop récente et trop limitée pour être significative. Nous rapportons donc les séries de littérature, telle celle de Dagher et al. [14], et surtout celle des promoteurs bernois de cette ostéotomie [15]. Ils rapportent les résultats des 75 premiers cas réalisés avec un recul maximal de près de 20 ans. La moitié des cas ne présentait aucune arthrose et un tiers une arthrose de stade 1. Le recul moyen est de 11 ans : il est rapporté 13 % de reprises par prothèse et seulement 73 % de bons résultats, ce qui est un chiffre inférieur aux résultats des techniques classiques, ostéotomie fémorale et butée, quoique les cas opérés ici présentaient pour la plupart une arthrose minime et pas de dysplasie sévère. L’ostéotomie périacétabulaire bernoise, qui est de technique délicate, est indiquée seulement en l’absence d’arthrose et dans les dysplasies modérées. Les séries les plus anciennes montrent des résultats au-delà de dix ans inférieurs à ceux des chirurgies classiques pourtant utilisées dans des dysplasies plus importantes ou plus arthroses. 3. Chirurgie conservatrice et qualité de vie Le reproche fait habituellement aux chirurgies conservatrices est la lenteur de leur récupération ; retard à la permission d’appui complet, boiterie, reprise de travail différée. Afin de mieux appréhender ce facteur, nous avons adressé des questionnaires de qualité de vie à nos 283 opérés. Il s’agissait de trois échelles visuelles analogiques concernant le bilan fonctionnel, d’un questionnaire évolutif étudiant notamment la pénibilité de l’opération et le temps écoulé avant la reprise des activités préopératoires et d’un questionnaire d’évaluation fonctionnelle inspiré du WOMAC [16] et des grades d’activité de Devan et al. [17]. En ce qui concerne la butée, les patients ont exprimé leur grande satisfaction habituelle, avec une reprise de travail vers quatre mois et demi. Ils précisaient qu’ils recommanderaient cette intervention à quelqu’un souffrant de la même pathologie, se réjouissaient d’en avoir bénéficié. Pour les ostéotomies de varisation avec butée, la satisfaction était exprimée deux fois sur trois, avec une petite réticence liée à la durée de l’arrêt de travail de sept mois et demi en moyenne.

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Fig. 8. Courbe de survie des prothèses totales de hanche secondaires à une ostéotomie fémorale : 83 % de bons résultats à 15 ans.

Les patients ne recommandaient pas en général l’ostéotomie de Chiari en raison de la persistance de la boiterie dans un tiers des cas, d’un arrêt de travail moyen de 12 mois et d’un nombre élevé de complications. 4. Prothèse totale après chirurgie conservatrice Une question essentielle est de savoir si, lorsqu’une chirurgie conservatrice voit ses effets s’épuiser, elle peut être reprise par une prothèse totale de hanche sans perte de chances d’un bon résultat. À cet effet, a été étudiée une série continue [18] de 92 reprises d’ostéotomies fémorales par prothèse totale de hanche (ces malades, référés secondairement pour échec, n’appartenaient pas à la série continue étudiée). L’intervention a eu lieu en général 11,5 ans après la chirurgie conservatrice, chez des patients d’âge moyen 56 ans. La réalisation de la prothèse s’est révélée un peu plus complexe que dans les hanches primaires, mais la courbe actuarielle de ces prothèses sur reprise montre 92 % de bons résultats à dix ans et 83 % de bons résultats à 15 ans (Fig. 8). Cette courbe de survie est comparable à celle des prothèses de Charnley réalisées avant l’âge de 50 ans [19], ce type de prothèse étant, parmi celles actuellement posées avec les prothèses à couple céramique [20], celui qui a le plus grand recul publié. On en déduit que, lorsqu’on pratique une chirurgie conservatrice avec une bonne indication sur des sujets âgés d’environ 35 ans, ceux-ci auront 85 % de bons résultats à 50 ans et qu’une prothèse réalisée à ce moment leur permettra, à l’âge de 65 ans, d’avoir 83 % de bons résultats. Si à l’âge de 35 à 40 ans, avait été proposée une prothèse, celle-ci aurait eu de fortes chances d’être reprise vers 55 ans, avec à 65 ans un taux de succès moindre puisque l’on sait que la survie des arthroplasties itératives est nettement inférieure à celle des arthroplasties de première intention. Ainsi, la réalisation chez l’adulte jeune d’une chirurgie conservatrice permet de gagner 15 à 20 ans de bonne fonction et n’obère en aucun cas le pronostic de la prothèse qui pourra être secondairement réalisée. 5. Discussion Étudier en 2008 l’intérêt de la chirurgie correctrice dans la dysplasie décompensée, c’est comparer les résultats de cette

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chirurgie avec ceux de la prothèse totale réalisée vers 35 à 40 ans. On sait que ces résultats sont bons sur le plan de l’indolence, de la mobilité, mais la longévité des prothèses chez le sujet jeune reste encore insuffisante. En effet, à dix ans de recul une série multicentrique de la SOFCOT rapporte 84 % de résultats satisfaisants chez les opérés de moins de 50 ans [21]. Dans les pays scandinaves, la totalité des arthroplasties est répertoriée sur un registre qui permet de connaître précisément le délai de leur reprise par une nouvelle prothèse. Le registre norvégien pour l’année 2005 indique 85 % de survie prothétique à dix ans [22]. Mais à 15 ans de recul, les résultats sont moins satisfaisants, avec une moyenne de 75 % de bons résultats (de 68 % pour les prothèses les moins satisfaisantes, à 82 % pour les meilleures). Ces chiffres rejoignent ceux de Wroblewski et al. [19] (1300 prothèses de Charnley avec 84 % de bons résultats à 15 ans) ou du registre suédois [23].Quant à la durée moyenne d’arrêt de travail après une prothèse sur hanche dysplasique, classiquement réalisée par trochantérotomie, elle est de cinq mois pour un patient actif. Au total, on peut considérer que le taux de survie moyenne d’une prothèse 15 ans après son implantation chez un sujet de 20 à 50 ans est de l’ordre de 80 %. C’est en fonction de ce critère que l’on peut comparer les résultats de la chirurgie conservatrice. Nous considérons comme intervention « gagnante » celle qui, à 15 ans, apporte plus de 80 % de bons résultats, tandis qu’à ce recul aucune dégradation ne paraît imminente. Pour être considérée comme gagnante, l’intervention de chirurgie conservatrice doit de surcroît relever d’une technique simple, à morbidité faible, et ne compromettant pas ultérieurement les résultats et la longévité d’une arthroplastie. Selon le type et la sévérité de dysplasie, trois indications de chirurgie correctrice correspondent à ce critère d’intervention gagnante ; chez les patients âgés de moins de 40 ans, et avec une arthrose de stade 1 ou 2 (Tönnis 1) : • si la dysplasie acétabulaire est modérée et isolée, c’est la butée qui donne 87 % de bons résultats à 15 ans ; • si la dysplasie acétabulaire est sévère ou la hanche latéralisée, c’est l’ostéotomie de Chiari qui permet 85 % de résultats satisfaisants à 15 ans ; • en cas de dysplasie mixte fémoroacétabulaire, avec un cliché en abduction favorable, c’est l’ostéotomie de varisation associée à la butée : elle donne 85 % de bons résultats à 15 ans. Ainsi, ces opérations gagnantes sont non seulement équivalentes aux résultats d’une prothèse totale mais supérieures, puisque pendant les 15 à 20 ans ou plus d’efficacité de la chirurgie conservatrice le patient n’a pas besoin de prendre les précautions habituelles après une arthroplastie : pas de risques d’infection hématogène, de luxation traumatique, possibilité de vie active, voire sportive. Lorsque est retrouvé un facteur de mauvais pronostic (âge supérieur à 40 ans ou arthrose stade 3 [Tönnis 2]), la chirurgie conservatrice n’est capable de stabiliser l’arthrose pendant 15 ans que dans 70 % des cas et son indication ne doit donc être posée que chez des patients ayant des souhaits très spécifiques, par exemple de continuer une vie professionnelle ou de loisirs très active.

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J.-C. Lambotte et al. / Revue du Rhumatisme 76 (2009) 334–340

Nous ne retenons plus actuellement d’indication de chirurgie conservatrice pour les arthroses de stade 4. 6. Conclusion Cette revue à long terme de la chirurgie correctrice nous permet de confirmer que, pour la dysplasie de hanche opérée vers 35 ans, il existe des indications gagnantes donnant des résultats sur la douleur et la mobilité au moins aussi bons que la prothèse, mais avec une meilleure longévité et la possibilité d’une vie très active. Selon la sévérité de la dysplasie, la butée, la varisation associée à une butée ou l’ostéotomie de Chiari permettent d’obtenir pendant plus de 15 ans un très bon résultat fonctionnel, en menant une vie active sans précaution particulière. L’inconvénient de cette chirurgie conservatrice est la durée de sa convalescence puisque la reprise d’une vie active a lieu habituellement vers le cinquième mois pour les butées, soit une durée qui peut être équivalente à celle après prothèse totale, mais un arrêt de travail plus long pour les ostéotomies de varisation et de Chiari. La chirurgie correctrice requiert donc un certain investissement en temps, mais susceptible d’apporter à ces jeunes patients un considérable supplément de vie active. Le rhumatologue doit donc informer le patient qui vient le voir avec un début de décompensation douloureuse et/ou arthrosique d’une dysplasie de hanche qu’il existe d’excellentes solutions chirurgicales pour lui permettre de continuer une vie active pendant une vingtaine d’années avant de recourir à la prothèse. Le recul que nous avons sur des séries réalisées dans plusieurs établissements universitaires confirme la fiabilité de cette chirurgie conservatrice, qui doit donc rester au premier plan des indications chirurgicales lorsque l’on s’intéresse à la qualité de vie et que l’on prend en considération la longévité de nos patients. Références [1] Langlais F, Audic C, Arvieux C, et al. Prosthetic infections: incidence of “hematogenenous” contamination. Ann Orth Ouest 1999;31: 93–8. [2] Langlais F, Lambotte JC, Lannou R, et al. Hip pain from impigement and dysplasia in patients aged 20–50 years. Workup and role for reconstruction. Joint Bone Spine 2006;73:614–23. [3] Langlais F, Belot N, Lambotte JC, et al. Shelf femoral osteotomy and Chiari in DDH. Clin Orthop Relat Res; in press. [4] Mast JW, Brunner RL, Zebrack J. Recognizing acetabular version in the radiographic presentation of hip dysplasia. Clin Orthop Relat Res 2004;418:48–53.

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