Efficacité de la cure thermale dans la prise en charge de la gonarthrose, quelles sont les preuves ?

Efficacité de la cure thermale dans la prise en charge de la gonarthrose, quelles sont les preuves ?

G Model MONRHU-328; No. of Pages 3 ARTICLE IN PRESS Revue du rhumatisme monographies xxx (2016) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.s...

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G Model MONRHU-328; No. of Pages 3

ARTICLE IN PRESS Revue du rhumatisme monographies xxx (2016) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Efficacité de la cure thermale dans la prise en charge de la gonarthrose, quelles sont les preuves ? Efficiency of crenobalneotherapy in the management of knee osteoarthritis, what are the proofs? Romain-Jacques Forestier ∗ , Fatma-Begüm Erol-Forestier , Alain Franc¸on Service de rhumatologie, centre de recherche rhumatologique et thermal, 15, avenue Charles-de-Gaulle, 73100 Aix-les-Bains, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Accepté le 25 janvier 2016 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Crenobalneothérapie Cure thermale Crenothérapie Balneothérapie Gonarthrose

r é s u m é La cure thermale est l’ensemble des techniques de soins utilisant l’eau thermale. Bien codifiée en France et dans de nombreux autres pays européens, elle a fait l’objet de nombreuses publications dont nous présentons les plus rigoureuses. Il apparaît que le radon ne semble pas avoir d’effet significatif dans la gonarthrose. La cure thermale, prise dans son ensemble comme un traitement à composantes multiples, est capable d’améliorer la douleur et les capacités fonctionnelles des patients atteints de gonarthrose. Cette amélioration est cliniquement pertinente. L’effet sur la qualité de vie/et la consommation médicamenteuse est inconstant selon les études. La tolérance à ce traitement semble bonne, même si on manque de données épidémiologiques sur les événements rares et graves. © 2016 Société franc¸aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Crenobalneotherapy Spa therapy Crenotherapy Balneotherapy Knee osteoarthritis

(Creno) balneotherapy is the treatment modality that uses thermomineral water. Well codified in France and some other European countries, there have been many publications about its efficacy and efficiency in knee osteoarthritis, and here we report the most rigorous ones. It appears that radon has no significant effect on knee osteoarthritis. Spa therapy as a complex treatment is improving pain and physical function in knee osteoarthritis. This improvement is clinically relevant for patients. Its effect on quality of life and drug consumption is not observed in all of the trials. This treatment seems to be well tolerated even if we have no data about the presence of serious and rare side-effects. © 2016 Société franc¸aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction

sa prise en charge, mais il reste remboursé en France, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Allemagne, en Turquie sous certaines conditions, ainsi que dans de nombreux pays d’Europe de l’Est. Il représente chaque année des dizaines de millions de patients. La cure thermale est un traitement multifactoriel qui a en commun l’utilisation de l’eau thermale prélevée à la source et délivrée rapidement aux points d’usages. Cette eau est délivrée sous différentes formes de douches et de bains, généralement à la température de 38 ◦ C, de piscines généralement à 35 ◦ C, de brumisation dont la température s’échelonne entre 37 et 44 ◦ C. L’eau peut être mélangée à différentes sortes d’argiles qui sont ensuite appliquées directement sur la peau à la température de 45◦ C sous formes de péloïdes ou de cataplasmes. L’eau peut enfin servir de support à un massage comme dans la « douche massage ».

Le thermalisme fait partie des traditions européennes et orientales, le plus souvent depuis l’antiquité. Il avait presque complètement disparu au moyen âge, puis est réapparu progressivement avec les débuts de la révolution industrielle. D’abord réservé à une élite, il s’est démocratisé quand il a commencé à être remboursé par les caisses de sécurité sociale dans la plupart des pays d’Europe. Par la suite, la nécessité de réduire les dépenses de santé a conduit une partie des états à supprimer

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R.-J. Forestier).

http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2016.01.003 1878-6227/© 2016 Société franc¸aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Forestier R-J, et al. Efficacité de la cure thermale dans la prise en charge de la gonarthrose, quelles sont les preuves ? Revue du rhumatisme monographies (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2016.01.003

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Le thermalisme a été largement évalué. Ainsi, en 2012, une revue systématique a analysé plus de 36 essais thérapeutiques sur les effets de la cure thermale ou d’un de ses composants [1]. Lorsqu’on va analyser l’effet du thermalisme, il faudra attentivement distinguer ce qui a été délivré comme soin dans le groupe thermal et dans le groupe témoin pour comprendre quel composant de la cure thermale a été évalué. Ainsi, une étude qui comparera un bain dans l’eau thermale à un bain dans l’eau du robinet évaluera spécifiquement les propriétés chimiques de l’eau thermale selon une logique explicative, comparable à celle des médicaments. À l’opposé, une étude qui délivrera des exercices à domiciles au groupe témoin

et les mêmes exercices plus un programme thermal complet de 18 jours au groupe thermal, comportant des massages, des séances de rééducation en piscine et des applications de boue évaluera la cure thermale dans son ensemble, de fac¸on pragmatique, mais ne permettra pas d’évaluer la part de l’effet qui revient à chaque composante. 2. Qualité méthodologique des études La qualité méthodologique des études est importante pour que le résultat de la comparaison soit imputable non à un biais mais

Tableau 1 Effet du traitement thermal sur la gonarthrose. Étude Franke et Franke, 2013 [3]

Fioravanti et al., 2012 [4]

Fioravanti et al., 2015 [5]

Forestier et al., 2010 [6]

a

a

j0

3 mois

6 mois

9 mois

P 3 m, 6 m, 9 m

3,9 ± 1,9 3,9 +/8 − 1,9

−0,56 ± 1,64 −0,33 ± 1,76

−0,50 ± 1,60 −0,31 ± 1,79

−0,32 ± 1,90 −0,45 ± 1,55

0,096 0,050a 0,092

39 [31–60] 45 [30–55]

2,5 [0–32,7] 45 [24–50]

x x

x x

< 0,05

9,5 [6,4–11] 11 [7,5–15]

2,5 [1,5–6,5] 10 [7,5–13,5

x x

x x

< 0,001

37,5 [27–38] 41,8 [29–48]

10,7 [1,1–17) 36,4 [21–48]

x x

x x

< 0,001

14 [7–28] 27 [10–50]

3,7 [0–12] 41,5 [12–50]

x x

x x

< 0,001

30,9 [20–37] 42,5 [18–58]

5 [2,5–20] 42,5 [29–58]

x x

x x

< 0,001

40,2 [16–61] 35,2 [21–50]

63,2 [20–78) 30,6 [20–40]

x x

x x

< 0,001

2,42 [2,1–2,8] 2,56 [2,0–3,4]

1,78 [1,4–201] 2,63 [1,7–3,1]

x x

x x

< 0,001

5,41 7,04

3,88 5,98

4,32 6,64

5,73 7,28

< 0,01 < 0,05 NS

WOMAC dérouillage Groupe thermal Groupe non thermal

2,47 3

1,79 2,68

1,39 2,94

1,98 3,18

< 0,01 < 0,001 NS

SF 12 physique Groupe thermal Groupe non thermal

28,66 27,63

41,27 28,54

38,3 26,77

36,08 24,68

< 0,001 < 0,01 NS

EQ5D Groupe thermal Groupe non thermal

0,46 0,37

0,71 0,49

0,65 0,41

0,56 0,44

< 0,001 < 0,01 NS

EQ5D EVA Groupe thermal Groupe non thermal

59,54 57,06

70,15 58,88

69,67 55,32

72,56 55,98

< 0,05 NS < 0,1

107/183 70/179

99/195 68/187

93/173 62/173

0,005

63/183 50/179

64/195 53/187

70/174 56/173

0,34

37,7 38,4

36,1 39,7

36,5 41,5

0,005

32,8 33,7

32,5 34,3

33 35,2

0,02

40,7 39,8

40,7 40,6

39,9 39,3

NS

WOMAC total Groupe thermal Groupe non thermal Douleur EVA 3 mois Groupe thermal Groupe non thermal Lequesne Groupe thermal Groupe non thermal WOMAC douleur Groupe thermal Groupe non thermal WOMAC dérouillage Groupe thermal Groupe non thermal WOMAC fonction Groupe thermal Groupe non thermal SF 36 physique Groupe thermal Groupe non thermal AIMS Groupe thermal Groupe non thermal WOMAC douleur Groupe thermal Groupe non thermal

Amélioration cliniquement pertinente (MCII) X Groupe thermal X Groupe non thermal État cliniquement acceptable (PASS) Groupe thermal 27/225 36/223 Groupe non thermal Douleur EVA 48,4 Groupe thermal 44,6 Groupe non thermal WOMAC fonction 41,1 Groupe thermal 38,4 Groupe non thermal SF36 physique 37,4 Groupe thermal 38,6 Groupe non thermal

Dans cette étude, le seuil de signification statistique est de 0,05/3 = 0,0166 car il y a 3 mesures à 3, 6 et 9 mois.

Pour citer cet article : Forestier R-J, et al. Efficacité de la cure thermale dans la prise en charge de la gonarthrose, quelles sont les preuves ? Revue du rhumatisme monographies (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2016.01.003

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à la différence réelle entre les 2 traitements comparés. C’est ainsi que nous avons sélectionné les 4 meilleures études publiées récemment (trois positives et une négative) pour analyser les effets de la cure thermale dans la gonarthrose. Sur le plan de la validité interne, ces études ont une procédure de randomisation adéquate, un insu de la randomisation, elles décrivent les traitements avec suffisamment de précisions pour qu’ils puissent être reproduits, elles font appel à des thérapeutes et des investigateurs expérimentés, l’observance au traitement est contrôlée, tout comme la prise des traitements associés et le nombre de perdus de vue dans chaque groupe, l’analyse statistique est réalisée en intention de traiter [2]. Sur le plan statistique, l’analyse utilise des tests adaptés, prend en compte le risque de faux-négatif par manque de puissance statistique et de faux-positif par hasard statistique. 3. Efficacité de la cure thermale dans la gonarthrose L’article de Franke et al. (n = 206) est une étude réalisée sur 7 centres en Autriche et en Allemagne dont 6 centres qui ont comparé 2 semaines de bains d’eau naturellement bicarbonatée avec Radon et 2 semaines de bains bicarbonatés reconstitués et sans radon [3]. Comme le Radon est un gaz incolore et inodore, il y avait la possibilité d’obtenir un insu du patient, du thérapeute et de l’évaluateur. Il n’y avait pas de différence à 6 mois pour la douleur, une différence pour la fonction à 6 mois mais pas à 9 mois. Il n’y avait pas de différence pour la consommation médicamenteuse entre les 2 groupes. L’article de Fioravanti et al. (n = 60) a comparé 2 semaines de bains (12 sessions) dans l’eau thermale à 37◦ avec la poursuite du traitement habituel [4]. L’amélioration était en faveur du traitement thermal pour la douleur, les composantes « douleur », « fonction » et « raideur » de l’indice Western Ontario an MacMaster universities Ostearthritis Index (WOMAC), la dimension physique du questionnaire de qualité de vie Short Form 36 Health Survey (SF36) et l’indice de qualité de vie Arthritis Impact Measurement Scale (AIMS). Un autre article de Fioravanti et al. (n = 105) est une étude monocentrique qui a comparé les effets du « traitement habituel » avec 12 séances de boue et de piscine thermale + traitement habituel [5]. Ils observent une amélioration significative du groupe thermal par rapport au groupe témoin pour la douleur, les sous-échelles douleur dérouillage et fonction de l’indice WOMAC, la dimension physique du SF12 (indice de qualité de vie), l’échelle de qualité de vie EuroQOL 5D et l’échelle visuelle analogique de l’EuroQOL 5D. L’article de Forestier et al. (n = 460) était une étude multicentrique qui a comparé des exercices à domicile avec un traitement thermal qui comportait des séances de boue, de brume thermale, de bains à hydrojets, de massages sous l’eau et d’exercices dans l’eau [6]. Ils ont constaté une amélioration cliniquement pertinente de la douleur et/ou de la fonction (WOMAC). Cette amélioration concordait avec l’opinion du patient et du médecin examinateur. À l’opposé, il n’y avait pas d’amélioration de la consommation médicamenteuse ni de la qualité de vie par rapport au groupe témoin. Le nombre de patients atteignant un état cliniquement acceptable n’était pas significativement supérieur dans le groupe thermal. Par ailleurs, il a pris en compte le fait que la gonarthrose survenait souvent dans un contexte d’arthrose généralisée. La cure thermale s’est également avérée efficace dans cette sous-population [7]. Les principaux résultats cliniques des différentes études sont présentés sur le Tableau 1.

3

4. Tolérance au traitement thermal Le traitement thermal a la réputation probablement justifiée d’être bien toléré. Cela dit, il n’y a pas d’étude épidémiologique réalisée à suffisamment grande échelle pour déceler d’éventuels événements indésirables rares et graves : problèmes cardiaques, accidents vasculaires cérébraux ou effets mutagènes du radon utilisé dans certaines stations allemandes et autrichiennes. Les effets secondaires les plus courants ont été collectés par Graber-Duvernay et al. dans une étude épidémiologique sur 6000 patients [8]. Ils ont observé par ordre de fréquence décroissante : des infections bénignes des voies aériennes supérieures (8 %), des troubles nerveux bénins (nervosité, troubles du sommeil : 6 %), une accentuation des douleurs (5 %), des dermatoses (en particulier mycoses : 2 %), des chutes (1 %), des infections urinaires, des arythmies cardiaques (0,35 %), des érysipèles (0,005 %), 3 pneumopathies non légionnelle (0,005 %). En l’absence de groupe témoin, l’imputabilité de ces effets indésirable est incertaine. Dans les essais randomisés, on a également observé des cas d’érysipèles, une accentuation occasionnelle des douleurs et quelques infections des voies aériennes supérieures. En conclusion, le traitement thermal semble apporter une amélioration de douleurs et des capacités fonctionnelles chez les patients souffrant de gonarthrose. La tolérance à ce traitement semble bonne, même si on manque de données épidémiologiques sur les événements rares et graves. Déclaration de liens d’intérêts Le Dr Romain Forestier est remboursé de ses dépenses de déplacement par l’association franc¸aise pour la recherche thermale (AFRETh) association à but non lucratif mais financée par les établissements thermaux. Il a rec¸u en 2010 une rémunération de 5000 D pour la réalisation d’une étude sur la gonarthrose par la région Rhône-Alpes et le conseil général de la Savoie et en 2014 pour la réalisation d’une étude sur l’arthrose par la société Valvital. Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Forestier R. Components of crenobalneotherapy for knee osteoarthritis: a systematic review. In: Henrotin Y, Bennel K, Rannou F, editors. Nonpharmacological therapies in the management of osteoarthritis. Bussum: Bentham Science Publishers; 2012. p. 64–81. [2] Boutron I, Moher D, Tugwell P, et al. A checklist to evaluate a report of a nonpharmacological trial (CLEAR NPT) was developed using consensus. J Clin Epidemiol 2005;58:1233–40. [3] Franke A, Franke T. Long-term benefit of radon spa therapy in rheumatic diseases: result of the mulricentre IMuRa trial. Rheumatol Int 2013;33: 2839–50. [4] Fioravanti A, Giannitti C, Bellisai B, et al. Efficacy of balneotherapy on pain, function and quality of life in patients with osteoarthritis of the knee. Int J Biometeorol 2012;56:583–90. [5] Fioravanti A, Bacaro G, Giannitti C, et al. One-year follow-up of mud-bath therapy in patients with bilateral knee osteoarthritis: a randomized, single-blind controlled trial. Int J Biometeorol 2015;59:1333–43. [6] Forestier R, Desfour H, Tessier JM, et al. Spa therapy in the treatment of knee osteoarthritis: a large randomised multicentre trial. Ann Rheum Dis 2010;69:660–5. [7] Forestier R, Genty C, Waller B, et al. Crenobalneotherapy (spa therapy) in patients with knee and generalized osteoarthritis: a post-hoc subgroup analysis of a large multicenter randomized trial. Ann Phys Rehab Med 2014;57: 213–27. [8] Graber-Duvernay B, Forestier R. Enquête prospective sur les effets indésirables et les pathologies de rencontre observés dans un échantillon de 6000 curistes à Aix-les-Bains. Press Therm Clim 1994;131:215–21.

Pour citer cet article : Forestier R-J, et al. Efficacité de la cure thermale dans la prise en charge de la gonarthrose, quelles sont les preuves ? Revue du rhumatisme monographies (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2016.01.003