Greffes et septicémies : problèmes et perspectives diagnostiques

Greffes et septicémies : problèmes et perspectives diagnostiques

MiSE AU POINT M~d Mal Infect. 1992 ; 22 : 923-7 Greffes et septic mies : probl mes et perspectives diagnostiques* F. MERMET", E BEUHORRY-SASSUS", ...

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MiSE AU POINT

M~d Mal Infect. 1992 ; 22 : 923-7

Greffes et septic

mies :

probl mes et perspectives diagnostiques* F. MERMET", E BEUHORRY-SASSUS", D. TALON", M.J. DUPONT'" et Y. MICHEL-BRIAND" RESUME

Cette ~tude porte sur les septicemies diagnostiqu~s par hemoculture, et survenues chez les malacles ayant b~n~fici~ de greffes hepatique, renale, ou de greffes de mo~lle au CHRU de Besan¢on. L'incidence des septicemies varie beaucoup en fonction du type de greffe : 37,0 % pour les greffes de foie, 18,5 % pour les greffes de mo~lle et 7,5 % pour les greffes de rein. Dans la plupart des cas, les septic~mies sont dues/~ des souches bacteriennes hospitali~res. Chez ce type de malade, le diagnostic differentiel entre bact~riemie et contamination est tr~s difficile. Les crit~res classiques d'interpretation (nombre d'hemocultures, nature de ragent bact~rien, polymicrobisme et culture tardive) perdent leur valeur. Les hemocultures peuvent demeurer faussement n~gatives au cours de vraies septicemies : la cause principale ~tant la pr~cocite d'une antibiotherapie/~ large spectre. L'~tude du pourcentage d'hemocultures positives chez les malades traites par les antibiotiques et les malades non trait~s determine les conditions techniques ideales d e pr~l~vement et montre qu'au-del~ de la 48 ~rae heure de traitement, la sensibilite de cet examen est faible. Le r~sultat des hemocultures, en particulier chez les malades greffes, dolt etre discute et confronte aux r~sultats des prelevements l~ripheriques. Mots-d~s

: Greffe -Septicemie - H~moculture - Infection.

Cette etude porte sur les septicemies diagnostiquees par hemoculture et survenues chez les malades ayant ben(Sficie d'une greffe hepatique, renale ou d'une greffe de mo~lle au CHRU de Besan9on durant l'annee 1990. Chez ces malades A risque infectieux majeur, nous (~valuons la valeur diagnostique des hemocultures en terme de sensibilite et sp~cificite.

mences : flacon a~robie (Biolyon - ref. 34551) et bouillon anaerobie Schaedler (Biolyon - ref. 41081). L'observation ~tait quotidienne pendant 10 jours. RESULTATS

Uetude concerne les hemocultures pratiquees chez les diff(~rents malades en post-greffe durant un mois. Pour chaque h(~moculture, deux flacons sont ense-

L'analyse montre que le pourcentage d'hemocultures positives (tableau I) est sensiblement identique pour les malades greff(~s et pour l'ensemble des malades hospitalis~s : 8,6 % pour les premiers, 8,26 % pour les seconds, mais la situation est het~.rog(~ne en fonction du type de greffe. En effet, (tableau II), l'incidence des septic~mies chez les greffes h(~patiques est de 37 % (pourcentage comparable 8 l'exp~rience d'auires equipes : Bismuth (38,8 %), Paya (30 %) et Ho (30 %), (10, 14, 15). Pour les greffes de mo~lle, l'incidence des septicemies est plus faible : 18,5 %. Ce resultat est similaire/~ d'autres (~tudes (1, 3, 5). Pour les greffes de rein, rincidence des septicemies est de 7,5 %.

* Re(~u le 2 7 . 0 1 . 1 9 9 2 . Acceptation d(~flnltive le 29.04.1992. ** Bact~riologie, CHR Jean Mlnjoz, I:-25030 Besan¢on cedex.

La repartition des esp~ces bacteriennes responsables de septicemies chez les greff~s est comparable ~ celle

MATERIEL

ET METHODE

Le nombre de malades ayant benefici(~ d'une greffe et entrant dans cette etude est de 94, se repartissant comme suit : - greffe de foie : 27 patients, - greffe de moelle : 27 patients, - greffe de rein : 40 patients.

923

Tableau IV : Etude du pourcentage d'hhmocultures positives chez les patients trait~s avec des antibiotiques et chez les patients non trait~s.

Tableau ! : H~mocultures chez les greff~s par rapport/i l'ensemble des malades bospitalis~s. Patients

H~mocultures Nombre % positives

Ensemble des patients Hospitalis~s Greff~s foie rein mo~lle

25 000

Greffes

8,28

640 307 59 274

foie rein mo~lle*

8,6 11,7 6,7 5,5

Greffe de foie Greffe de rein Greffe de mo~lle

37 % 7,5 % 18,5 %

Patients greff~s

Patients hospitalis~s

Nomb~

%

%

11 7 3 1

61 39 16,6 5,5

52 31 13,4 7,6

Cocci ~ Gram n~gatlf Escherichia coil Klebsiella pneumonlae Enterobacter cloacae Acinetobacter spp.

5 0 1 2 2

28 5,5 11,0 11,0

22, I 11,7 5,2 4,2 1

Levures

2

11

Cocci ~ Gram positif Staphylocoque coagulase Staphylococcus aureus Streptocoque spp.

80,5 % 100 % 33,5 %

L'analyse des dossiers des malades greff& nous a permis d'~tablir le pourcentage des h~mocultures positives pr~lev~es chez des malades sous antibiotiques et de le comparer au pourcentage chez des malades non trait~s. Les r~sultats sont consign~s dans le tableau IV. Pour les greffes de foie, seul Acinetobacter a pu ~tre isol~ des h~mocultures de malades trait& par vancomycine et/ou teicoplanine. Pour les greffes de mo~Ue, le pourcentage d'h~mocultures positives sous traitement antibiotique est de 33,5 %. Ces h~mocultures ~taient pr~lev~es dans les 48 premi&es heures apr& le d~but du traitement empirique de l'~pisode f~brile.

Tableau !II : Fr~quence des microorganismes responsables de septic~mies chez les patients greff~s et chez la totalit~ des patients bospitalis~s au CHRU.

Microorganisme

19,5 % 0% 33,5 %

sont les plus fr6quents, suivis par Staphylococcus aureus et par les streptocoques. Pour les bact&ies Gram n~gatif, les bact&ies hospitali~res type Acinetobacter, Enterobacter et Klebsiella sp sont pr~dominantes chez les greff~s alors qu'Escherichia coli est responsable de la majorit~ des septic~mies Gram n~gatif pour l'ensemble des malades hospitalis&.

Incidence

(27) (40) (27)

Patients non trait~

* 33 % des h~moculturesse sont rt,v~l~es positives et ont permis la mise en 6vidence de levure.

Tableau I! : Incidence des septic~mies par type de greffe. Patients greff&

Patients trait~s par antibiotique(s)

DISCUSSION

9

rencontr~e chez les malades hospitalis~s (tableau III). Le pourcentage de bact&ies a Gram positif est d'environ 60 %, alors que les bact&ies ~ Gram n~gatif ne repr~sentent que 20 t~ 30 % et les levures 11%. Pour les deux groupes de malades, les esp&es bact&iennes a Gram positif se r~partissent de fagon identique. Les staphylocoques coagulase n~gative 924

Chez les malades greffC~s, le risque infectieux est majeur (tableau V). Pour les greffes de mo~Ue, le d~ficit immunitaire pr~domine ; les septic~mies surviennent durant la phase de neutrop~nie profonde, les traitements cytotoxiques en alt&ant les muqueuses favorisent rinvasion bact&ienne (2, 7). L'intervention chirurgicale est le facteur de risque dominant pour les greffes de foie et de rein. Le taux ~.lev#. de septic~.mies rencontr~es chez les greffes h~patiques est directement li~ a la complexit~ et au caract&e septique de cette transplantation. Les bact&ies responsables de ces septic~mies sont multir~sistantes. L'~tude du ph~notype de r~sistance montre le caract&e nosocomial des infections chez les greff~s. Les staphylocoques isol~s (staphylocoque coagulase n~gatif, S. aureus) ~taient toujours des

Tableau V : Evaluation du risque infectieux en fonction du type de flreffe. Mo~lle l~ficit immunitaire * endog6ne li~ * exog~ne li~ - chimioth6rapie - irradiation corporelle - neutrop~nie

Foie

< 4 semaines > 4 semaines la maladie h6matologique +++ ++ + + +

l'insuffisance h6patique

+++

++

--

_

_

+

--

_

propre contamin~e aseptique (classe If) risque important si dur~e de 6/~ 14 h (m~diane 8 h)

- dur~e +

rhypoprotid6mie

++

Intervention chirurgicale - nature

- cath~t~risme

Rein

+

propre (classe I)

+

+

Tableau VI : Antibioprophylaxie et traitement antibiotique syst6matique pratiqu6s pendant la p6riode de r6tude. Antibioprophylaxie

Traitement antibiotique syst~matique en post-greffe

Greffe de foie

C6phalosporine II + Quinolones II 24-48 heures (+ Tib6ral si 6chinococcose) Pas de d~contamination intestinale

Greffe de rein Greffe de mo~lle

Pas d'antibioprophylaxie Pas d'antibioprophylaxie D6contamination intestinale

souches

oxacilline

r~sistantes. Les s o u c h e s

C~phalosporine III + Quinolones II Antibioth6rapie empirique si fi~vre

U n e bact~.ri~mie transitoire cons~.cutive a une manipulation instrumentale ou chirurgicale avec une seule h~moculture positive peut ~.tre a rorigine de complication septic6mique. L'implantation d'un c a t h e t e r p e r m e t t~ un s t a p h y l o c o q u e coagulase n6gative du fait de ses propri~t~s d'adh6rence, d'gtre responsable de septic~mie vraie. Uaugmentation des infections a staphylocoque clans les greffes de mo~lle, semble li~e aux catheters centraux dont rutilisation est devenue syst~matique depuis 1980. On observe un isolement croissant de staphylocoque coagulase n~gative, de corynebact~ries et de streptocoques a h~molytiques qui n'~taient pas pris en consid~.ration avant cette p~riode (3).

d'Enterobacter cloacae isol6es lors de deux septic6mies produisaient une c~phalosporinase d~r~.prim6e. La souche de Klebsiella pneumoniae isolC~e await une p~nicillinase ~ spectre ~largi.

Contamination ou bact6ri6mie vraie Tout germe isol~ d'une h~moculture ne doit pas gtre consid~r~ obligatoirement comme pathog~ne (16). Les trois crit~res retenus habituellement en faveur d'une contamination sont : - U n e seule h~.moculture positive sur plusieurs

pr~lev~es. - Un d~veloppement bact~rien tardif t~moin d'un inoculum initial peu important. - La nature de ragent bact~rien : bact~rie ~ pouvoir p a t h o g t m e faible (bact6rie cutan~e) e t / o u polymicrobisme.

Enfin, une antibioprophylaxie ou une antibioth~rapie r~alis~e avant pr~l~.vement p e u t conduire t~ une culture tardive de bact~rie potentiellement pathog~ne. Le tableau VI r~sume l'antibioprophylaxie et le traitement antibiotique syst~matique utilis~s durant la p~riode de l'~tude. Chez ce type de malade, les crit~res classiques d'interpr~tation perdent donc leur

Chez les greff~s, le diagnostic de contaminant est beaucoup plus difficile du fait de l'immunod~pression.

925

valeur. Certains auteurs ont propos~ la numeration des bact~ries du sang (13). Les travaux r~cents ont montr~ que Iors de septic~mie certaine, le nombre de bact~ries pouvait Otre inf~rieur ~ 1/ml de sang (16, 17). La culture de catheter et l'~tude simultanb~e des marqueurs ~pid~miologiques des bact~ries isol~es clans le sang et le cathb~ter doivent permettre d'~liminer les contaminants (6, 8, 12).

Les conditions techniques id~ales de pr~l~vement propos~es pour le diagnostic des septic~mies par h~mocultures sont : Avant antibioth~raple : deux h~mocultures clans deux sites veineux diff~rents ~ventuellement r~p~t~es 24 heures plus tard pendant rascension thermique.

-

- Apr@s antibioth~rapte : on ne peut pratiquer les h~mocultures que dans les 45 premit~res heures. Audell, la valeur diagnostique des h~mocultures est faible.

H~mocultures faussement n~gatives Celles-ci ne sont pas sp~cifiques des malades greff~s. Les h~mocultures peuvent demeurer n~gatives au cours de septic~mies authentiques (16). La pratique g~n~ralement tr~s pr~coce chez les greff~s d'une antibioth~rapie souvent a spectre large est responsable d'une r~duction importante de la sensibilit~ de cet examen. Pour am~liorer la performance diagnostique, une fen~tre th6rapeutique de 48 heures est illusoire, de m0,me que la surveillance prolong6e des hamocultures. Deux techniques sont pr~conisaes (4, 9, 11, 18) : - H~moculture ~ r~sine, syst~me Bactec. - H~moculture avec centrifugation lyse, s y s t ~ m e Isolator Merck. SUMMARY

CONCLUSION

Les greff~s sont des malades ~ risque infectieux tr~s important. La pratique de l'h~moculture est une technique de diagnostic peu sensible chez ces malades. Darts ce contexte, le r~sultat des h~mocultures dolt ~tre soigneusement discut6 qu'il soit positif ou n(~gatif. L'h~mocutlure ne peut constituer le seul argument diagnostique et doit toujours ~tre compl~t~e par des pr~l~vements p~riph~riques pour diff,rencier les bact~ries contaminantes des bact~ries pathog~nes.

GRAFTS AND SEPTICEMIA DIAGNOSTIC PROBLEMS AND PERSPECTIVES

This study covers septicemia diagnosed by hemoculture in patients who have undergone liver, kidney or bone marrow grafts in the University of Franche-Comt~ Besan¢on Medical School Hospital. The number of cases of septicemia vary greatly according to the type of graft : 37.0 % for liver grafts, 18.5 % for bone marrow grafts and 7.5 % for kidney grafts. In most cases, bacterlemas are caused by bacterial species expressing resistance to multiple antimicrobial drugs. With this type of patient the differential diagnosis between bacteremla and contaminants is very difficult. The classical interpretation criteria (n ° of hemocultures, nature of the bacterial agent, polymicrobism and delayed culture) no longer have the same value. The hemocultures can remain fulsely negative during true septicemia. The major cause in the early administration of an all inclusive antibiotherapy. A study of the percentage of positive hemocultures tn treated and non treated patients determined the ideal technical sampling conditions and showe that beyond the 48th hour of treatment the sensitivity of this examination is low. Results of blood cultures, specialy from graphts patients, should be compared with those of other specimens. Key-words

: Graft - Septicemia - Hemoculture - Infection.

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