Hémorragie alvéolaire suite à un bang de cannabis

Hémorragie alvéolaire suite à un bang de cannabis

Modele + PNEUMO-554; No. of Pages 4 ARTICLE IN PRESS Revue de Pneumologie clinique (2016) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.s...

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ARTICLE IN PRESS

Revue de Pneumologie clinique (2016) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Hémorragie alvéolaire suite à un bang de cannabis Alveolar haemorrhage following a cannabis water pipe Z. Moatemri ∗, H. Zaibi , S. Dabboussi , S. Mhamedi , C. Aichaouia , M. Khadhraoui , R. Cheikh Service de pneumologie, hôpital militaire principal d’instruction de Tunis, faculté de médecine de Tunis, Montfleury, 1008 Tunis, Tunisie

MOTS CLÉS Hémoptysie ; Cannabis ; Hémorragie alvéolaire ; Sevrage tabagique ; Pipe à eau

KEYWORDS Hemoptysis; Crack;



Résumé La consommation de cannabis n’a pas cessé d’augmenter notamment parmi les jeunes. La toxicité respiratoire du cannabis est aujourd’hui bien connue notamment avec les nouveaux modes de consommation. Une technique semble particulièrement grave. Nous rapportons l’observation d’un jeune de 25 ans, admis pour hémoptysies, l’évolution, rapidement défavorable, s’est faite vers l’insuffisance respiratoire aiguë. Les différentes explorations ont conclu à un syndrome de détresse respiratoire aiguë secondaire à une hémorragie alvéolaire diffuse. Le bilan étiologique a été initialement négatif. L’évolution était favorable pendant l’hospitalisation, autorisant la sortie du patient. Deux jours plus tard, il récidive son hémorragie alvéolaire, avec un bilan toxicologique positif au cannabis et le patient avoue avoir fumé du cannabis par « bang » en plastique. On illustre à travers ce cas la gravité des complications respiratoires engendrées par cette technique de consommation de cannabis, notamment les « bang » en matière plastique ; d’où la nécessité d’insister sur l’intérêt des prises en charge de sevrage et l’éducation des jeunes. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Summary Respiratory toxicity of cannabis is well-known today particularly with the new consumption patterns. We report the case of a 25-year-old man admitted for haemoptysis, with unfavourable outcome and acute respiratory failure. Various explorations concluded to acute

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Z. Moatemri).

http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2016.03.002 0761-8417/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Pour citer cet article : Moatemri Z, et al. Hémorragie alvéolaire suite à un bang de cannabis. Rev Pneumol Clin (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2016.03.002

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Z. Moatemri et al. Pulmonary haemorrhage; Smoking cessation; Water pipe

respiratory distress syndrome secondary to diffuse alveolar haemorrhage. Etiological assessment was initially negative. Outcome was favourable during hospitalization, authorizing the discharge of our patient. Two days later, alveolar haemorrhage recur, with positive toxicological tests for cannabis and the patient admits smoking cannabis by plastic ‘‘bang’’. We illustrate, through this case, the severity of respiratory complications caused by new methods of using cannabis, particularly with plastic ‘bang’, hence the need to insist of the importance of supported withdrawal and to inform young people how these techniques are serious.ssss © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Depuis quelques années la consommation de cannabis a connu une flambée parmi les jeunes. Si ses effets toxiques sur les poumons sont connus [1], l’introduction de nouvelles méthodes de consommation du cannabis semble associée à de nouvelles complications respiratoires [2]. Nous rapportons une observation d’une hémorragie alvéolaire grave survenant chez un homme de 25 ans dans les suites d’une consommation de cannabis sous forme de pipe à eau artisanale « bang ». À notre connaissance, c’est le second cas associé à une consommation exclusive de cannabis sous cette forme.

Observation Homme de 25 ans, tabagique, sans antécédents pathologiques particuliers hospitalisé pour une hémoptysie de moyenne abondance évoluant depuis 4 jours et associée à une fièvre sans altération de l’état général. L’examen physique trouvait une température à 38◦ C et des râles crépitants aux bases. La radiographie thoracique montrait des opacités alvéolaires bilatérales (Fig. 1). Le bilan biologique révélait un syndrome inflammatoire (globules blancs à 14 000 éléments par mL, CRP = 45 mg/L) et une anémie normochrome normocytaire à 9 g/dL. Le diagnostic de pneumopathie à germes atypiques a été

Figure 1.

Radiographie du thorax.

Figure 2.

TDM thorax coupe parenchymateuse.

retenu. L’évolution initiale, sous antibiothérapie à base d’amoxicilline—acide clavulanique associé à une clarithromycine, était rapidement défavorable avec installation d’une insuffisance respiratoire aiguë avec à la gazométrie : pH = 7,48, PaO2 = 36,6 mmHg, PaCO2 = 36,9 mmHg, SaO2 = 58,8 %, HCO3 = 28. Le patient a été transféré en réanimation où il a été intubé et ventilé. Le scanner thoracique révélait des plages d’hyperdensité en verre dépoli bilatérales et diffuses avec des condensations basales bilatérales (Fig. 2). La fibroscopie bronchique montrait un saignement spontané diffus. Le lavage bronchoalvéolaire était en faveur d’une hémorragie alvéolaire avec un liquide uniformément hémorragique. Le diagnostic de syndrome de détresse respiratoire aiguë secondaire à une hémorragie alvéolaire a été alors retenu. Dans le cadre du diagnostic étiologique, l’origine infectieuse non spécifique a été incriminée devant la persistance de la fièvre et du syndrome inflammatoire biologique malgré l’élargissement du spectre de l’antibiothérapie, mais l’enquête microbiologique était négative, y compris les hémocultures, les sérologies aspergillaire, virales (VIH, de l’hépatite B et C et du cytomégalovirus) et des germes atypiques, ainsi que l’examen bactériologique, mycologique et parasitologique du liquide bronchoalvéolaire et l’antigènurie du pneumocoque et de la legionnelle. Le diagnostic de tuberculose a été aussi évoqué devant les signes généraux, l’hémoptysie et les images tomodensitométriques mais les

Pour citer cet article : Moatemri Z, et al. Hémorragie alvéolaire suite à un bang de cannabis. Rev Pneumol Clin (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2016.03.002

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Hémorragie alvéolaire suite à un bang de cannabis recherches de bacilles de Koch dans les crachats et le liquide bronchique étaient négatives aussi bien à l’examen direct qu’aux cultures. Les pathologies d’ordre systémique ont été écartées devant l’absence de signes extra-respiratoires et d’anomalies rénales et la négativité du bilan immunologique. De même, l’origine cardiaque a été éliminée par l’échographie cardiaque normale. Par ailleurs, aucune notion d’exposition toxique particulière ou de prise médicamenteuse n’a été retrouvée à l’interrogatoire initial. L’évolution sous corticothérapie était favorable avec amélioration clinique, gazométrique et radiologique autorisant la sortie du patient. Mais deux jours après sa sortie, il reconsulte pour réapparition des hémoptysies de faible abondance bien tolérées. La radiographie thoracique retrouve une nouvelle opacité alvéolaire basale gauche. La fibroscopie bronchique avec lavage bronchoalvéolaire de nouveau hémorragique a confirmé l’hémorragie alvéolaire. La reprise de l’interrogatoire révèle, la notion de consommation de cannabis, niée initialement, qui précédait chronologiquement les deux épisodes, avec la particularité d’inhaler la fumée par une pipe à eau artisanale confectionnée dans une bouteille en plastique, qu’on appelle « bang ». L’examen toxicologique urinaire décèle des taux significatifs de cannabis. L’origine toxique liée à la technique de consommation de cannabis a été ainsi retenue d’autant plus que tout le reste du bilan étiologique était négatif. L’évolution après sevrage était favorable avec un nettoyage radiologique total et absence de récidive de l’hémoptysie.

Discussion Dans notre observation, le syndrome d’hémorragie alvéolaire diffuse a été évoqué devant la classique triade clinique associant l’insuffisance respiratoire, l’hémoptysie et l’anémie. L’imagerie était suggestive grâce à la mise en évidence de plages de verre dépoli diffuses et bilatérales. De même, elle était contributive au diagnostic par l’exclusion de causes focales d’hémorragie intra-bronchique qui seraient à l’origine de l’inondation de l’arbre respiratoire, en éliminant des éventuelles dilatations des bronches, une masse tumorale ou une caverne tuberculeuse. L’examen de choix reste le lavage bronchoalvéolaire qui a permis de confirmer le diagnostic sur l’aspect macroscopique du liquide. Un bilan étiologique initial nous a permis d’éliminer les causes classiques d’hémorragie alvéolaire notamment les causes infectieuses, les collagénoses, les vascularites et les causes cardiaques. Les troubles de la crase sanguine ont été aussi exclus par un bilan d’hémostase correct, ainsi que l’origine médicamenteuse et toxique éliminée initialement par l’interrogatoire. La notion de consommation de cannabis n’a été que secondairement découverte après la récidive de l’hémorragie alvéolaire. En effet, la toxicité respiratoire du cannabis est aujourd’hui bien connue. Sa fumée délivre plusieurs substances dont le tétrahydrocannabinnol (TCH) responsable d’une irritation bronchique chronique provoquant une augmentation de la prévalence de la toux, des expectorations, des sifflements thoraciques, et des signes cliniques évocateurs de BPCO chez le fumeur. Malgré l’effet

3 bronchodilatateur de la fumée de cannabis à court terme, à long terme elle provoque une augmentation des résistances des voies aériennes [1]. Sur le plan histologique, la muqueuse bronchique des fumeurs de cannabis présente un œdème avec une hyperplasie de cellules caliciformes, des cellules basales et une métaplasie malpighienne ; la consommation régulière de cannabis serait alors un facteur de risque de cancer bronchique. Il est actuellement admis que les capacités phagocytaires ainsi que l’activité bactéricide et fongicide des macrophages alvéolaires sont diminuées chez les fumeurs de cannabis ; ainsi l’usage de cannabis accroît le risque d’infection respiratoire [3]. À ce jour la fumée de cannabis seule n’a pas été incriminée dans la survenue d’hémorragie alvéolaire. Dans le cas rapporté par Grassin et al. [4], l’hémorragie alvéolaire était plutôt liée au mode de consommation du cannabis et non pas au cannabis lui même. Un second cas rapporté par Gilbert et al. [5] incrimine la consommation de cannabis « amélioré », c’est-à-dire coupé avec inclusion de cocaïne, et c’est plutôt la cocaïne cause habituelle d’hémorragies alvéolaire qui est incriminée. D’autres observations incriminent des additifs ajoutés aux cannabis, et le cannabis frelaté [4]. En fait, le cannabis est habituellement fumé sous forme de joints, et moins fréquemment avec une pipe à eau, appelée « bang » ou « douille » lorsqu’elle est confectionnée de fac ¸on rudimentaire par l’usager. Ce « bang » est composé d’un récipient, un tube en bambou ou une bouteille en plastique. Ainsi, le passage de la fumée à haute température dans le circuit peut entraîner la combustion des matières plastiques et générer des produits toxiques pour le poumon dont l’anhydride d’acide [2]. Ce dernier agit par deux mécanismes : une toxicité directe sur la muqueuse respiratoire, actuellement bien connue en pathologie professionnelle [4,6], et un syndrome anémie et hémorragie intra-alvéolaire, potentiellement grave fait d’hémoptysie et d’hémolyse intra-vasculaire, et qui ferait intervenir des réactions immuno-allergiques complexes [4,7]. Dans l’observation de Grassin [4], l’origine toxique a été retenue sur les données de l’autopsie qui a mis en évidence une hémorragie alvéolaire massive avec un aspect d’œdème alvéolaire lésionnel de type toxique et un examen toxicologique positif uniquement pour le cannabis. Dans notre cas, l’hypothèse toxique a été évoquée devant l’évolution favorable associée à l’éviction pendant l’hospitalisation et la récidive de l’hémorragie suite à une nouvelle consommation à la sortie de l’hôpital. L’imputabilité du bang de cannabis a été retenue suite aux aveux du patient, à un bilan toxicologique positif uniquement au cannabis et après avoir exclu toute autre cause d’hémorragie alvéolaire.

Conclusion Cette observation illustre la gravité des nouveaux modes de consommation du cannabis, en particulier le « bang » qui peut être responsable d’hémorragies alvéolaires et de détresse respiratoire aiguë. Cette hypothèse est à évoquer et à rechercher surtout devant l’augmentation importante de la consommation des drogues douces parmi les jeunes avec des techniques de combustion toxiques. La lutte contre la consommation du cannabis et la prise en charge de cette addiction devrait être couplée à la lutte contre le

Pour citer cet article : Moatemri Z, et al. Hémorragie alvéolaire suite à un bang de cannabis. Rev Pneumol Clin (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2016.03.002

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Z. Moatemri et al.

tabagisme, et l’éducation des jeunes incluse dans les programmes scolaires.

Source de financement Pas de source de financement.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

[2] Escamilla R. [A fatal bong]. Rev Mal Respir 2011;28:854—5. [3] Underner M, Urban T, Perriot J, Peiffer G, Meurice J-C. [Cannabis use and impairment of respiratory function]. Rev Mal Respir 2013;30:272—85. [4] Grassin F, André M, Rallec B, Combes E, Vinsonneau U, Paleiron N. [Fatal alveolar haemorrhage following a ‘‘bang’’ of cannabis]. Rev Mal Respir 2011;28:919—23. [5] Gilbert O, Mathieu D, Hanquet O, Lardinois I, Cornut P, Pierard P, et al. [Hemoptysis in a young man]. Rev Mal Respir 2006;23:471—6. [6] Venables KM. Low molecular weight chemicals, hypersensitivity, and direct toxicity: the acid anhydrides. Br J Ind Med 1989;46:222—32. [7] Kaplan V, Baur X, Czuppon A, Ruegger M, Russi E, Speich R. Pulmonary hemorrhage due to inhalation of vapor containing pyromellitic dianhydride. Chest 1993;104:644—5.

[1] Hancox RJ, Poulton R, Ely M, Welch D, Taylor DR, McLachlan CR, et al. Effects of cannabis on lung function: a population-based cohort study. Eur Respir J 2010;35:42—7.

Pour citer cet article : Moatemri Z, et al. Hémorragie alvéolaire suite à un bang de cannabis. Rev Pneumol Clin (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2016.03.002