mise au point
| formation
Hépatite virale E : risque pour la femme enceinte et le nouveau-né L’hépatite E est la première cause d’hépatite aiguë virale, avec dans le monde 20 millions d’infections par an. Chez la femme enceinte, l’hépatite E est à l’origine d’une mortalité élevée (20 %) faisant de cette infection un problème important de santé publique.
Caractéristiques virologiques
Conséquences pour la femme enceinte
Le virus de l’hépatite E (VHE) est un virus à ARN monocaténaire non enveloppé (figure 3).
Des formes graves avec hépatite fulminante sont observées avec le génotype 1 essentiellement, les autres génotypes étant à l’origine d’hépatite E d’évolution spontanément favorable. Comme pour les autres hépatites virales, la plupart des hépatites E sont asymptomatiques mais la sévérité des formes symptomatiques est plus importante lors de l’hépatite E (figure 4).
| Figure 3. Virus de l’hépatite E en microsopie électronique.
4 génotypes différents ont été identifiés. En Europe où l’on observe une émergence de l’hépatite E, c’est essentiellement le génotype 3 qui est impliqué alors que ce sont les génotypes 1 et 2 qui sont prépondérants dans les pays en voie de développement (Asie, Afrique).
Modalités de transmission Concernant les génotypes 1 et 2 la transmission est le plus souvent indirecte par ingestion d’eau contaminée par les excréments humains (106 à 108 particules virales/g de selles). La transmission de personne à personne est faible d’où la rareté des cas secondaires. Les génotypes 3 et 4 ont des réservoirs animaux, particulièrement les porcs, la séroprévalence du VHE de certains élevages pouvant atteindre 90 %. Pour ces deux génotypes c’est le plus souvent la consommation de porc insuffisamment cuit qui est à l’origine de la contamination (encadré 3).
| Figure 4. Symptomatologie de l’hépatite E.
Diagnostic virologique Encadré 3. Epidémiologie des hépatites E en fonction des génotypes. Génotypes 1 et 2
Grandes épidémies et cas sporadiques Pays en voie de développement Transmission par l’eau de boisson Hépatite d’importation pour les pays développés
Génotypes 3 et 4
Cas sporadiques Pays industrialisés dont la France Transmission par ingestion de porc Hépatite autochtone
La détection du génome viral par PCR en temps réel dans le sang ou les selles est la méthode de diagnostic constituant actuellement le gold standard. Le diagnostic indirect sérologique est l’autre méthode utilisée. Il consiste en la détection précoce d’IgM anti-VHE (sensibilité 82 à 90 %, spécificité 99,5 à 100 %).
Hépatite E au cours de la grossesse Dans le monde la fréquence de l’hépatite E est plus élevée chez la femme enceinte que chez celle non enceinte (17,3 % versus 2,1 %).
OptionBio | mardi 18 juin 2013 | n° 492
17
formation |mise au point
Tableau III. Transmission verticale et conséquences. VHE
Évolution obstétricale de 26 femmes Hépatites fulminantes (15)
Décès de la mère avant l’accouchement Accouchement à terme Accouchement d’un prématuré Avortement
5 6 3 1
Hépatites virales aiguës (11)
Accouchement à terme Accouchement d’un prématuré Avortement
9 1 1
Grossesse
Charge virale élevée
Récepteur
Génotype 1
Progestérone Mutation sur le récepteur
D’après Khuroo MS. J. Viral Hepat, 2009.
Hépatite fulminante Th1
Tableau IV. Transmission verticale et conséquences.
IL-12
Évolution néonatale (19 bébés) 15 transmissions materno-fœtales (79 %) 7 hépatites ictériques
5 hépatites anictériques
3 élévations de la bilirubine sans cytolyse
7 décédés, 1 prématuré, 6 hépatites graves
Mort maternofœtale
D’après Khuroo MS. J. Viral Hepat, 2009.
L’hépatite fulminante est observée chez la femme enceinte avec une mortalité élevée (20 %) lorsqu’elle survient au cours du 3e trimestre (figure 5). La transmission du virus de la mère à l’enfant est la règle tout au long de la grossesse mais elle est particulièrement importante au cours du 3e trimestre (tableaux III et IV). Chez les bébés contaminés et développant une hépatite néonatale, la surveillance biologique de ceux qui survivent montre une normalisation des tests hépatiques en 8 semaines et une clairance du VHE en 4 à 32 semaines après la naissance avec persistance des IgG anti-VHE. Chez la femme enceinte pour laquelle la durée de la virémie est prolongée, le niveau de la charge virale est un facteur pronostique majeur. Le rôle de la réponse immunitaire a par ailleurs été démontré dans l’hépatite E où il a été mis en évidence qu’une réponse Th1 forte favorise l’hépatite fulminante.
| Figure 5. Facteurs de risque au cours de l’hépatite E chez la femme enceinte.
montré une efficacité de 100 % de ce vaccin (15 hépatites E dans le groupe contrôle, 0 dans le groupe vacciné). En conclusion, bien que l’hépatite E ne soit pas fréquente encore en France (3 cas mais aucun décès), elle doit être suspectée, chez la femme enceinte devant toute cytolyse. La prévention de l’hépatite E essentiellement due au génotype 3 repose chez la femme enceinte sur la suppression du porc de l’alimentation ou sa cuisson prolongée. Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Source D’après une communication de J.-M. Perron (CHU Toulouse). CEMI 18 – Prévention des infections transmises de la mère à l’enfant – mars 2013.
CHANTAL BERTHOLOM
Prévention Un vaccin est en cours de production en Chine. Une étude randomisée effectuée sur 56 302 vaccinés et 56 302 placebos a
18
OptionBio | mardi 18 juin 2013 | n° 492
Professeur de microbiologie École nationale de physique-chimie-biologie – Paris
[email protected]