Pathologie Biologie 59 (2011) e115–e118
Article original
Se´ropre´valence et facteurs de risque de l’he´patite virale E chez la femme enceinte dans le centre tunisien Seroprevalence and risk factors of hepatitis E among pregnant women in central Tunisia N. Hannachi a,*, S. Hidar b, I. Harrabi c, S. Mhalla a, M. Marzouk a, H. Ghzel a, H. Ghannem c, H. Khairi b, J. Boukadida a a
Laboratoire de microbiologie-immunologie, unite´ de recherche UR02SP13, CHU Farhat Hached, avenue Ibn Jazzar, 4000 Sousse, Tunisie Service de gyne´cologie-obste´trique, CHU Farhat Hached, avenue Ibn Jazzar, 4000 Sousse, Tunisie c Service d’e´pide´miologie, CHU Farhat Hached, avenue Ibn Jazzar, 4000 Sousse, Tunisie b
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 8 juin 2009 Accepte´ le 26 juin 2009 Disponible sur Internet le 5 novembre 2009
Objectif. – De´terminer la se´ropre´valence et les facteurs de risque de l’infection par le virus de l’he´patite E (VHE) chez des femmes enceintes tunisiennes. Me´thodes. – Un total de 404 femmes enceintes a e´te´ e´tudie´. Les donne´es concernant les caracte´ristiques sociode´mographiques ou facteurs de risques ont e´te´ releve´s graˆce a` un questionnaire. Les tests se´rologiques comprenaient la recherche des anticorps immunoglobulines de type M (IgM) et immunoglobulines de type G (IgG) anti-VHE, IgG anti-virus de l’he´patite A (IgG anti-VHA), l’antige`ne HBs (AgHBs) et les anticorps anti-virus de l’he´patite C (Ac anti-VHC). L’analyse des facteurs de risque d’infection par le VHE a e´te´ re´alise´e par re´gression logistique univarie´e et multivarie´e. Re´sultats. – Les pre´valences des IgG anti-VHE, IgM anti-VHE, IgG anti-VHA, de l’AgHBs et des Ac antiVHC e´taient respectivement de 12,1, 0, 97, 3 et 0,5 %. L’analyse des facteurs de risque a montre´ que l’aˆge (> 30 ans) et la pre´sence de plus de deux personnes par pie`ces dans le logement e´taient significativement corre´le´s a` l’infection par le VHE (p < 0,05). Aucune association n’a e´te´ retrouve´e avec le travail en milieu agricole, le type d’eau de boisson ou du syste`me d’e´puration de l’eau, la pre´sence d’animaux domestiques ou avec un facteur de risque d’une transmission sanguine. Conclusion. – Le taux important de se´ropositivite´ du VHE chez les femmes enceintes est compatible avec l’ende´micite´ de l’infection en Tunisie. Le diagnostic de l’he´patite E doit eˆtre e´voque´ devant une he´patite aigue¨ durant la grossesse. L’infection se ferait de manie`re sporadique avec transmission interhumaine. Le re´servoir naturel du virus reste a` pre´ciser. ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Virus de l’he´patite E Femme enceinte Se´ropre´valence Facteurs de risque Tunisie
A B S T R A C T
Keywords: Hepatitis E virus Pregnant women Seroprevalence Risk factors Tunisia
Objectives. – The study was conducted to investigate the prevalence and risk factors for hepatitis E virus (HEV) infection in Tunisian pregnant women. Methods. – A total of 404 pregnant women were enrolled. Data were collected through a standard questionnaire which covered sociodemographic characteristics and risk factors. Blood samples were collected and were tested for HEV IgM and IgG antibodies, IgG against hepatitis A (anti-HAV IgG), hepatitis B virus surface antigen (HBsAg) and hepatitis C virus antibody (anti-HCV). Risk factors were analyzed using univariate and multivariate logistic regression models. Results. – Prevalence of anti-HEV IgG, anti-HEV IgM, anti-HAV IgG, HBs Ag and anti-HCV was 12.1 %, 0 %, 97 %, 3 % and 0,5 %, respectively. In multivariate analysis age (>30 years) and the number of persons per room (>2) in the house were independent factors predicting HEV infection. History of agricultural work, kind of water, sewage treatment, use detergent to wash vegetables, contact with animals and parenteral risk factors were not correlated with the presence of anti-HEV IgG. Conclusion. – The important seropositive rate among pregnant women is compatible with endemicity of HEV in Tunisia. Hepatitis E should be considered in the diagnosis of acute hepatitis during pregnancy.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (N. Hannachi). 0369-8114/$ – see front matter ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.patbio.2009.06.004
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N. Hannachi et al. / Pathologie Biologie 59 (2011) e115–e118
Our result suggests that infection occurs sporadically by person-to-person transmission route but further investigations are needed to determine the natural reservoir of infection. ß 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction L’he´patite E repre´sente la premie`re cause mondiale d’he´patite virale aigue¨ non-A a` transmission ente´rale. Cette infection constitue un proble`me de sante´ publique majeur dans certaines re´gions du globe alors que la situation demeure impre´cise dans beaucoup d’autres re´gions. L’he´patite E se distingue de l’he´patite A par sa gravite´ importante chez la femme enceinte avec une mortalite´ e´leve´e pouvant atteindre 20 % au cours des bouffe´es e´pide´miques [1,2]. La transmission verticale du virus entraıˆnerait par ailleurs une forte morbidite´ et mortalite´ pe´rinatales [3,4]. L’e´pide´miologie de l’infection semble faire intervenir des facteurs de risques inhe´rents aux conditions socioe´conomiques de la population. La transmission du virus de l’he´patite E (VHE) se fait principalement par voie ente´rale et les conditions pre´caires d’hygie`ne contribuent a` la forte pre´valence de l’infection dans les re´gions ende´miques [5]. Dans les pays de´veloppe´s et non ende´miques, les cas sporadiques d’he´patite E sont lie´s a` un se´jour en zone ende´mique mais aussi a` des cas autochtones [6,7]. La pre´sence d’un re´servoir animal du virus peut e´galement constituer une source de contamination [8]. En Tunisie, la situation de l’he´patite E a partiellement e´te´ explore´e [9,10], l’e´pide´miologie de l’he´patite E chez la femme enceinte est tre`s peu documente´e. En pratique, l’he´patite E est peu e´voque´e devant un tableau d’he´patite aigue¨ car conside´re´e comme rare [10]. Le but de ce travail est d’e´valuer la se´ropre´valence ainsi que les facteurs de risques de l’infection par le VHE dans une population de femmes enceintes de la re´gion du centre tunisien. 2. Mate´riel et me´thodes 2.1. Population Il s’agit d’une e´tude prospective portant sur 404 femmes enceintes, originaires du gouvernorat de Sousse, consultant a` la maternite´ du CHU Farhat Hached de Sousse dans le cadre d’un suivi de grossesse. La pe´riode d’e´tude e´tait de trois mois (de septembre a` novembre 2006). La taille de l’e´chantillon a e´te´ estime´e en se basant sur les crite`res suivants : pre´valence attendue de 10 % et pre´cision de 3 % pour un niveau de confiance de 95 %. Apre`s consentement, les donne´es e´pide´miologiques ont e´te´ recueillies graˆce a` un questionnaire : l’aˆge, la localite´ d’origine (rurale ou urbaine), le niveau de scolarite´, les conditions socioe´conomiques : professions de la femme et du mari, type de logement, nombre de personnes par pie`ce. . . Les e´ventuels facteurs de risques de contamination virale ente´rique ont e´te´ e´tudie´s : le travail en milieu agricole, le type d’eau de boisson (eau controˆle´e : mine´rale, robinet ou non controˆle´e : citerne ou puits), pre´sence et type du syste`me d’e´puration des eaux (tout a` l’e´gout, fosse septique) et l’utilisation de de´tergent ou d’eau de javel pour le lavage des crudite´s. Ont e´galement e´te´ recueillies les donne´es concernant la pre´sence d’animaux domestiques (porc, chat, chiens, moutons, poules, vaches. . .) ainsi que d’e´ventuels facteurs de risque de contamination sanguine (les ante´ce´dents d’avortement, de chirurgie, de transfusion et de tatouage ou scarification). Certaines informations concernant le de´roulement de la grossesse actuelle telles que la pre´sence d’un icte`re ont e´te´ demande´es. 2.2. Pre´le`vements Pour chaque femme enceinte, cinq millilitres de sang ont e´te´ pre´leve´s par ponction veineuse et achemine´s au laboratoire dans les deux heures qui suivaient le pre´le`vement. Les se´rums ont e´te´ re´cupe´re´s par centrifugation, aliquote´s et conserve´s a` 20 8C. 2.3. Tests se´rologiques La recherche des immunoglobulines de type G (IgG) et des immunoglobulines de type M (IgM) anti-VHE a e´te´ re´alise´e par un test immuno-enzymatique commercial (Globe Diagnostic SRL). Cette de´tection s’est base´e sur la recherche d’anticorps dirige´s contre des peptides de synthe`se code´s par les re´gions ORF2 et ORF3 du
ge´nome du VHE. Ces tests pre´sentent, selon le fournisseur, une sensibilite´ et une spe´cificite´ supe´rieures a` 98 % pour les IgG et une sensibilite´ et une spe´cificite´ supe´rieures respectivement a` 95 % et 98 % pour les IgM. Une se´rologie a` la recherche d’infection par les virus d’he´patite A, B et C (respectivement VHA, VHB et VHC) a e´galement e´te´ effectue´ : IgG anti-VHA, l’antige`ne HBs (AgHBs) et les anticorps anti-VHC (Ac anti-VHC). Ces trois marqueurs ont e´te´ teste´s par technique immuno-enzymatique commerciale automatise´e (Axsym system/Abbott). 2.4. Analyse statistique L’analyse statistique a e´te´ re´alise´e graˆce au logiciel SPSS version 10.0. Une analyse univarie´e a e´te´ effectue´e pour chacune des variables par test Khi2 ou test de Fisher. L’analyse multifactorielle a consiste´ en une re´gression logistique multivarie´e.
3. Re´sultats L’aˆge moyen de la population de l’e´tude e´tait de 30,08 5,95 ans (extreˆmes de 17 a` 52 ans), le terme moyen de grossesse e´tait de 24,33 13,31 semaines d’ame´norrhe´e (SA) (extreˆmes de deux a` 42 SA) et la parite´ moyenne de 1,25 1,35 (extreˆmes de 0 a` 7 parite´s). L’origine rurale a e´te´ retrouve´e dans 33,2 % des cas, le taux de scolarisation e´tait de 92,1 % et un bas niveau e´conomique a e´te´ estime´ a` 16 % (travail absent ou a` revenu modeste dans le couple). L’utilisation d’une eau de boisson controˆle´e a e´te´ releve´e dans 93,5 % des cas et un syste`me d’e´puration des eaux e´tait disponible dans 96,3 % des cas (le tout a` l’e´gout dans 71,5 % des cas). Sur les 404 femmes teste´es, 49 avaient des IgG anti-VHE soit 12,1 %. Aucune femme ne pre´sentait d’IgM anti-VHE. La recherche des IgG anti-VHA e´tait positive dans 392 cas (97 %), l’AgHBs e´tait positif dans 12 cas (3 %) et les anticorps anti-VHC dans deux cas (0,5 %) (Tableau 1). Onze femmes (2,7 %) ont pre´sente´ un icte`re durant la grossesse, la recherche d’une he´patite virale dans ce cadre n’a e´te´ positive que dans un cas et il s’agissait d’une he´patite B (AgHBs positif). L’analyse univarie´e des caracte´ristiques sociode´mographiques ou facteurs de risque de transmission ente´rale (Tableau 2) a montre´ que l’aˆge supe´rieur a` 30 ans, la parite´ supe´rieure a` 2 et la pre´sence de plus de deux personnes par pie`ces constituaient des facteurs de risque significatifs d’infection par le VHE (p < 0,05). Aucune corre´lation entre l’infection par le VHE n’a e´te´ retrouve´e avec le travail en milieu agricole, le type d’eau de boisson ou du syste`me d’e´puration de l’eau ou encore avec le lavage des crudite´s avec un de´tergent. La pre´sence d’aucun animal domestique ne constituait un facteur favorisant l’infection, le contact avec un porc en particulier n’a e´te´ releve´ chez aucune femme. Aucun facteur de risque de transmission sanguine n’a non plus e´te´ retrouve´ (Tableau 2). Tableau 1 Se´ropre´valence des he´patites virales chez 404 femmes enceintes de la re´gion de Sousse consultant entre septembre a` novembre 2006. Nombre
Pourcentage (%)
IgG anti-VHE (+) IgM anti-VHE (+) IgG anti-VHA (+) AgHBs (+) Ac anti-VHC (+)
49 0 392 12 2
12,1 0 97 3 0,5
Total de femmes teste´es
404
100
IgG anti-VHE : IgG anti-virus de l’he´patite E VHE ; IgG anti-VHA : IgG anti-virus de l’he´patite A ; AgHBs : antige`ne HBs ; Ac anti-VHC : anticorps anti-virus de l’he´patite C.
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Tableau 2 Analyse univarie´e des facteurs de risques d’infection par le VHE chez 404 femmes enceintes de la re´gion de Sousse consultant entre septembre et novembre 2006. Facteur de risque´
Caracte´ristiques sociode´mographiques ˆ ge supe´rieur a` 30 ans A Parite´ supe´rieure a` 2 Origine rurale Logement traditionnel Nombre de personnes par pie`ce supe´rieur a` 2 Fratrie supe´rieure a` 3 Profession ne´ant ou a` revenu modeste Absence de scolarisation Facteurs de risques de transmission ente´rique Travail en milieu agricole Eau de boisson non controˆle´e (citerne-puits) Absence de lavage des crudite´s (javel/de´tergent) Absence de syste`me d’e´puration des eaux Pre´sence d’animaux domestiques Pre´sence de poules Pre´sence de chats Pre´sence de chiens Pre´sence de moutons ou che`vres Pre´sence de vaches Facteurs de risque sanguins Ante´ce´dents d’avortement Ante´ce´dents de chirurgie Ante´ce´dents de transfusion Ante´ce´dents de tatouage ou scarification
Nombre total (n)
IgG anti-VHE+
OR
IC 95 %
p
n
%
172 154 134 125 45 307 65 32
30 27 19 15 11 42 10 4
17,4 17,5 14,2 12 24,4 13,7 15,4 12,5
2,36 2,20 0,75 0,98 2,73 2,03 0,73 0,96
1,28–4,37 1,20–4,02 0,40–1,40 0,51–1,87 1,28–5,83 0,88–4,69 0,34–1,54 0,32–2,87
0,006 0,010 0,375 0,958 0,009 0,090 0,412 0,947
68 26 285 15
8 1 31 2
11,7 3,8 10,8 13,3
0,95 0,27 1,46 1,11
0,42–2,15 0,03–2,07 0,78–2,72 0,24–5,11
0,920 0,212 0,235 0,884
58 31 77 24 3
6 4 7 1 0
10,3 12,9 9 4,2 –
1,28 1,00 1,80 1,10 –
0,52–3,16 0,33–2,97 0,23–4,25 0,13–9,04 –
0,585 0,999 0,567 0,925 –
250 129 23 108
32 20 4 10
12,8 15,5 17,4 9,2
0,84 0,64 0,63 1,46
0,45–1,58 0,34–1,18 0,20–1,95 0,70–3,04
0,599 0,157 0,430 0,312
IgG anti-VHE+ : IgG anti-virus de l’he´patite E VHE+ ; OR : odds ratio ; IC : intervalle de confiance a` 95 %.
L’analyse multivarie´e de ces diffe´rents facteurs a retrouve´ que seuls l’aˆge (p = 0,014) et le nombre de personnes par pie`ces (p = 0,016) e´taient associe´s a` l’infection par le VHE. 4. Discussion L’he´patite E figure parmi les principaux risques infectieux chez la femme enceinte et la connaissance de son e´pide´miologie permet un meilleur controˆle de l’infection. La pre´valence de l’infection par le VHE chez la femme enceinte dans la re´gion de Sousse est de 12,1 %. Dans les pays d’Afrique du Nord, une pre´valence proche (8,5 %) a e´te´ observe´e au Maroc et des pre´valences plus e´leve´es ont e´te´ releve´es en E´gypte : 45,2 % chez des donneurs de sang allant jusqu’a` 84 % chez des femmes enceintes vivant dans des re´gions rurales [11–13]. Les pre´valences en re´gion me´diterrane´enne rejoignent notre taux : 12,6 % chez la femme enceinte en Turquie, 16,6 % dans le sud de la France et 7,3 % en Espagne [14–16]. Des pre´valences moins e´leve´es (1 a` 5 %) sont note´es dans les pays de faible ende´micite´ tels qu’en Europe du Nord ou aux E´tats-Unis [5,17]. Par rapport aux pre´valences d’he´patite E ante´rieurement note´es en Tunisie, notre taux est interme´diaire entre le taux re´cemment de´crit de 4,3 % dans une jeune population dont l’aˆge moyen e´tait de 20 ans [10] et celui de 46 % retrouve´ chez des sujets aˆge´s de plus de 60 ans [9]. Ces diffe´rences s’expliquent par l’aˆge moyen interme´diaire de notre population qui est de 30 ans et concorde avec le fait que, dans notre se´rie, l’aˆge supe´rieur a` 30 ans constitue un facteur de risque d’infection par le VHE. L’augmentation de la pre´valence de l’infection par le VHE avec l’aˆge est une donne´e largement rapporte´e dans le monde [13,14,18]. En effet, en re´gion ende´mique, l’he´patite E est plus rare que l’he´patite A durant l’enfance, c’est une infection de l’adulte jeune, le pic d’incidence se produisant vers l’aˆge de 15 a` 35 ans [19,20]. L’he´patite E qui est particulie`rement grave durant la grossesse, dont la pre´valence n’est pas ne´gligeable dans notre re´gion et qui paraıˆt survenir pre´fe´rentiellement vers l’aˆge habituel de procre´ation, est donc a` e´voquer chez la femme enceinte tunisienne pre´sentant un tableau d’he´patite aigue¨.
Dans notre se´rie, la possibilite´ d’une he´patite E aigue¨ durant la grossesse n’a pas pu eˆtre objective´e meˆme en pre´sence d’icte`re, cela e´tant vraisemblablement lie´ au faible nombre de tableaux d’icte`re observe´s (11 cas). Ne´anmoins, dans l’un de ces cas, une positivite´ de l’AgHBs probablement lie´e a` une he´patite B chronique a e´te´ note´e. A` coˆte´ de l’infection par le VHE, l’he´patite B est e´galement pre´occupante durant la grossesse vu le risque de transmission verticale du virus et constitue une e´tiologie a` e´voquer dans notre pays ou` 4 % des femmes enceintes pre´sentent un AgHBs positif (3 % dans notre se´rie) [21]. Aucune he´patite A aigue¨ n’a non plus e´te´ retrouve´e, celle-ci est une e´ventualite´ plutoˆt rare chez un adulte dans un pays fortement ende´mique, car, comme le montre ce travail, la majorite´ des femmes adultes (97 %) sont immunise´es contre cette infection plutoˆt infantile [19,22]. La pre´valence retrouve´e beaucoup plus importante pour l’infection par le VHA (97 %) par rapport au VHE (12,1 %), qui partage pourtant un meˆme mode de contamination ente´rale, est explique´e par les proprie´te´s physico-chimiques du VHA qui est plus re´sistant et excre´te´ dans les selles en quantite´ plus importante que le VHE [23]. Dans la litte´rature plusieurs facteurs de´notant d’un faible statut socioe´conomique, de conditions de vie pre´caires ou de l’absence de re´seaux d’assainissement des eaux ont e´te´ associe´s a` l’infection par le VHE [13,24–26]. Ces facteurs n’ont pas e´te´ retrouve´s dans notre e´tude. Cela est lie´ au fait que la majorite´ des femmes teste´es utilisaient une eau de boisson controˆle´e (93,5 %) et que le traitement de l’eau use´e e´tait largement re´pandu (96,3 %) meˆme en re´gion rurale. D’ailleurs, le lavage des crudite´s par un de´tergent rapporte´ par certains auteurs comme facteur de protection contre l’infection VHE n’a pas influence´ la pre´valence des anti-VHE dans notre se´rie [13]. Cela explique e´galement l’absence de corre´lation retrouve´e entre le travail en milieu agricole et l’infection par le VHE ; des travaux ont, en effet, montre´ que l’utilisation d’eau non traite´e pour l’agriculture constituait un facteur de risque d’infection par le VHE [27]. La disponibilite´ en Tunisie d’un re´seau performant d’e´limination controˆle´e des eaux use´es explique en grande partie le faible risque infectieux lie´ a` une source hydrique.
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Cela rend tre`s probablement compte de l’absence d’e´pide´mies re´centes [10] puisque la plupart des e´pide´mies d’he´patite E dans le monde ont e´te´ lie´es a` une source d’eau contamine´e par le virus [19,28–30]. Dans notre pays, l’infection semble survenir par cas sporadiques. Une contamination interpersonnes, bien que de´crite comme rare [7], paraıˆt eˆtre pre´sente dans notre re´gion. Nous avons trouve´ qu’un nombre de personnes par pie`ces supe´rieur a` deux, de´notant donc d’une promiscuite´, e´tait un facteur corre´le´ a` l’infection. Dans la litte´rature l’association de l’infection avec la densite´ de la population ou le nombre de personnes par habitat a de´ja` e´te´ releve´e [7,13,24,31]. Malgre´ l’absence d’e´pide´mies de´crites en Tunisie, une pre´valence relativement e´leve´e de l’infection VHE est tout de meˆme retrouve´e chez la femme enceinte. Meˆme dans des pays industrialise´s comme l’Angleterre une fre´quence importante d’he´patite E autochtone a e´te´ note´e en l’absence d’un contexte e´pide´mique, un re´servoir animal comme le porc a ainsi e´te´ suspecte´ [32]. Plusieurs autres espe`ces animales ont e´te´ de´signe´es comme potentiels re´servoirs de l’infection a` VHE [33]. Dans notre e´tude, parmi les animaux recherche´s, aucun ne paraissait constituer un facteur de risque. Le re´servoir porcin n’a pas e´te´ retrouve´ dans notre travail vu sa rarete´ dans notre pays. Des e´tudes de l’infection par le VHE dans diffe´rentes populations animales paraissent ne´cessaires pour une meilleure pre´cision d’un e´ventuel re´servoir animal. Il n’est pas exclu qu’il existe une source de contamination animale du VHE telle que les rongeurs qui ont e´te´ associe´ a` l’infection dans certains travaux [34,35]. La transmission sanguine qui est e´galement un mode de contamination possible dans les infections sporadiques [36,37] n’a pas e´te´ note´e dans notre se´rie. En conclusion, une pre´valence relativement importante de l’infection par le VHE a e´te´ retrouve´e chez la femme enceinte de la re´gion de Sousse. Cette infection ne doit pas eˆtre conside´re´e comme rare et doit eˆtre recherche´e en particulier durant la grossesse vu l’important risque gravidique encouru. Des e´tudes pre´cisant l’incidence et la gravite´ de la maladie chez la femme enceinte en Tunisie sont ne´cessaires. L’infection paraıˆt sporadique favorise´e par des contacts interhumains e´troits. Ne´anmoins, la source de contamination reste impre´cise, un re´servoir animal qui n’a pas pu eˆtre pre´cise´ dans notre e´tude ou une importation a` partir d’une autre re´gion de la Tunisie plus fortement ende´mique sont possibles. ˆ ts 5. Conflits d’inte´re Aucun. Remerciements Cette e´tude a e´te´ finance´e par le ministe`re de l’Enseignement supe´rieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie : unite´ de recherche « Caracte´risation ge´nomique des agents infectieux UR 02SP13 ». Re´fe´rences [1] Khuroo MS, Teli MR, Skidmore S, Sofi MA, Khuroo MI. Incidence and severity of viral hepatitis in pregnancy. Am J Med 1981;70:252–5. [2] Nicand E, Buisson Y. Virus de l’he´patite E. In: Denis F, editor. Les virus transmissibles de la me`re a` l’enfant. Paris: John Libbey Eurotext; 1999 . p. 125–35. [3] Khuroo MS, Kamili S, Jameel S. Vertical transmission of hepatitis E virus. Lancet 1995;345:1025–6. [4] Patra S, Kumar A, Trivedi SS, Puri M, Sarin SK. Maternal and fetal outcomes in pregnant women with acute hepatitis E virus infection. Ann Intern Med 2007;147:28–33. [5] Nicand E, Bigaillon C, Tesse´ S. He´patite E : maladie e´mergente ? Pathol Biol (Paris) 2009;57(2):203–11. [6] Wu JC, Sheen IJ, Chang TY, Sheng WY, Wang YJ, Chan CY, et al. The impact of traveling to endemic areas on the spread of hepatitis E virus infection: epidemiological and molecular analyses. Hepatology 1998;27(5):1415–20.
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