Immunothérapie et mélanome : l’exemple des anticorps immunomodulateurs

Immunothérapie et mélanome : l’exemple des anticorps immunomodulateurs

Bull Cancer 2016; 103: S132–S137 Article en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/bulcan www.sciencedirect.com Immunothérapie et mélanom...

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Bull Cancer 2016; 103: S132–S137

Article

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/bulcan www.sciencedirect.com

Immunothérapie et mélanome : l’exemple des anticorps immunomodulateurs Cécile Pagès, Barouyr Baroudjian, Celeste Lebbé Service de dermatologie, Hôpital saint Louis, 1 av Claude Vellefaux 75010 Paris, 0142385312

Auteur correspondant : [email protected]

Mots-clés Ipilimumab nivolumab pembrolizumab essai clinique

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Keywords Ipilimumab Nivolumab Pembrolizumab Clinical trials

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 Résumé La prise en charge du mélanome au stade métastatique connait depuis ces dernières années un véritable bouleversement rendant rapidement toute tentative de recommandation rapidement obsolète. Depuis 2011, 8 agents ont obtenu l’AMM pour cette indication dont des molécules d’immunothérapie, inhibiteurs de checkpoint immunitaire, représentant une véritable révolution de concept pour cette pathologie. La chimiothérapie a disparu du paysage de traitement de première ligne du mélanome métastatique, devancée pour ce qui est des immunothérapies par l’ipilimumab d’abord, anticorps monoclonal anti CTLA4, lui-même devancé par la suite par le nivolumab et le pembrolizumab, anticorps anti PD-1 ; auxquels on privilégiera bientôt vraisemblablement l’association anticorps antiCTLA4 et anti PD1. Les perspectives de développement de nouvelles molécules d’immunothérapies et/ou d’association sont riches et font plus que jamais du mélanome un modèle d’action de cette classe thérapeutique permettant non seulement d’allonger la survie des patients, mais aussi de décrire de nouveaux profils de réponse et de toxicités.

 Summary Immunomodulator antibodies and melanoma Recently, metastatic melanoma has known real therapeutic improvement. Since 2011, 8 drugs have been approved for advanced melanoma such as immunotherapy checkpoint inhibitors. ­Chemotherapy is no longer used in the first setting of metastatic melanoma treatment. In 2010, the advent of ipilimumab, an anti CTLA 4 inhibitor, changed the scenario and in the f­ollowing years, many studies confirmed the efficacy of nivolumab and pembrolizumab, two anti PD 1  ­inhibitors, as a first line treatment. Furthermore, the combination of first-line nivolumab plus ipilimumab might lead to improved outcomes compared with first-line ipilimumab alone in patients with advanced melanoma. The results suggest encouraging survival outcomes with immunotherapy in this population of patients. However, the management of tumoral response and immune related toxicity, patient selection (what would be the most effective therapy for an individual patient?) are a real challenge.

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tome 103 > Supplément 1 > Novembre 2016 © 2016 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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CTLA4, molécule exprimée à la surface des lymphocytes T activés, interagit avec CD80 et CD86 situées à la surface des cellules présentatrices de l’antigène entrainant un signal d’inactivation du lymphocyte T. L’ipilimumab est un anticorps monoclonal qui, en bloquant le CTLA4, lève ce frein inhibiteur physiologique et restaure ainsi l’activation des lymphocytes. Initialement, deux anticorps monoclonaux bloquant le CTLA4 étaient en développement : le tremelimumab (IgG2, Pfizer) et l’ipilimumab (IgG1, BMS). Suite aux résultats négatifs de la phase III d’enregistrement pour le tremelimumab, seul l’ipilimumab a par la suite été approuvé dans le traitement du mélanome métastatique. L’ipilimumab est un pionnier dans la génération nouvelle d’immunothérapie efficace car il s’agit du premier traitement à avoir montré une amélioration de la survie globale des patients porteurs de mélanome métastatique. Le premier essai pivot publié en 2010 comparait, chez des patients antérieurement prétraités, l’ipilimumab seul à la posologie de 3 mg/kg versus ipilimumab + vaccination par GP100 versus vaccination peptidique seule [1]. La médiane de survie était de 10.1 mois et 10 mois pour les patients traités par ipilimumab seul ou associé au GP100 et de 6.4 mois pour ceux traités par GP100 seul (HR = 0,66 ; p = 0,003 et HR = 0,68 ; p < 0,001). L’ipilimumab (à la posologie de 10 mg/kg) associé à la dacarbazine a aussi montré sa supériorité en comparaison à la dacarbazine seule au travers d’un essai de phase III chez des patients naïfs de traitement publié en 2011 [2]. La survie globale était augmentée d’un peu plus de 2 mois dans le bras d’association avec l’ipilimumab (11,2 mois pour ipilimumab + dacarbazine contre 9,1 mois pour le bras dacarbazine seule ; HR = 0,78 ; p = 0,0009). Le taux de réponse dans le bras d’association était de 15,2 % versus 10,3 % pour la dacarbazine seule mais même si ce taux de réponse peut paraitre décevant, il faut souligner que les durées de réponse sont en revanche très différentes de celles habituellement rapportées avec les traitements dits classiques et en faveur du bras ipilimumab : 19,3 mois pour l’association versus 8,1 mois pour la dacarbazine seule. L’ipilimumab a ainsi obtenu l’AMM en France en 2011 sous le nom de Yervoy®, en première et deuxième ligne de traitement des patients atteints de mélanome métastatique avec comme schéma retenu d’administration : 4 perfusions à 3 semaines d’intervalle à la posologie de 3 mg/kg. Certaines questions restent cependant actuellement non résolues comme la posologie optimale (3 ou 10 mg/kg), le rythme des injections (traitement d’entretien ou non ?). Les données récemment rapportées à l’ESMO 2016 par Ascierto et al montrent une efficacité supérieure de ipilimumab 10 mg/kg versus 3 mg/kg (médiane de survie 15,7 vs 11,5 HR 0,84 p 0,04) mais au prix d’une toxicité significativement plus importante. Certains essais autorisaient une réinduction par 4 perfusions d’ipilimumab en cas de progression survenant après un bénéfice ; sur 676 patients inclus dans ces essais, 40 ont été ré-induits. Les taux de réponse objective des patients ré-induits étaient meilleurs que

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ceux de la population générale de l’étude : 37,5 % contre 11 % dans le bras ipilimumab seul et 13 contre 6 % dans le groupe ipilimumab + GP 100, le profil de tolérance était similaire en cas de ré-induction [3]. On peut regretter que la réinduction des patients ne soit pas autorisée dans le cadre de l’AMM actuellement. Une étude de phase II a évalué plus spécifiquement les cas des patients avec métastases cérébrales, symptomatiques ou non, traités par ipilimumab à 10 mg/kg [18]. Sur les 72 patients, le taux de réponse intracrânienne à 3 mois était de 18 % et 5  % respectivement chez les patients asymptomatiques et symptomatiques, avec des médianes de survie de l’ordre de 7 et 3,7 mois [4]. Chez les patients porteurs de métastases cérébrales symptomatiques, dont la progression est rapide, le délai d’action retardé de l’ipilimumab peut expliquer le faible taux de réponse et en limiter l’utilité dans cette indication en monothérapie. Ainsi l’association ipilimumab-fotemustine a montré, sur 20 patients porteurs de métastases cérébrales asymptomatiques, un taux de réponse de 50 % et une médiane de survie de 13,4 mois [5]. Les courbes de survie des deux essais de phase III sont similaires sur plusieurs points : allongement de la survie globale statistiquement significatif par rapport au bras contrôle, séparation relativement tardive des courbes le plus souvent après le troisième mois de traitement traduisant des réponses cliniques observées dans des délais plus longs que ceux décrits avec des traitements classiques ; enfin, un effet plateau traduisant la notion de la durabilité de la réponse dans le temps. Cette notion de survie à long terme a été validée notamment par l’analyse poolée des données de survie à long terme de 12 essais de phase II et III publiée en 2015 et portant sur un total de 1 861 patients [6]. La médiane de survie globale était de 11,4 mois (95 % CI, 10,712,1 mois) avec un plateau à 3 ans ; le taux de survie à 3 ans était de 22 %. Depuis 2015, en situation métastatique, l’ipilimumab ne doit plus être considéré comme l’immunothérapie de première ligne en monothérapie du mélanome métastatique du fait du développement d’autres inhibiteurs de checkpoint immunitaire, les anticorps anti PD-1 comme le nivolumab et le pembrolizumab et du developpement encore plus récent d’association entre elles des anti CTLA4 et des anti PD1. Du mécanisme d’action de l’ipilimumab découle un nouveau profil d’effets secondaires d’ordre immunologique (immune related adverse events, irAE), différents de ceux rencontrés avec les chimiothérapies classiques. Les principales cibles sont la peau, le tube digestif, le foie, et les glandes endocrines. Les manifestations cutanées sont le plus souvent modérées, apparaissent au cours des premières semaines de traitement, ne nécessitent pas l’interruption du traitement et recouvrent principalement une éruption maculo papuleuse diffuse (20 à 50  % des cas) et/ou un prurit (20 à 30  % des patients). C’est l’atteinte digestive par colite « crohn like », qui a pu être responsable de décès dans le premier essai pivot lorsque les algorithmes de prise en charge étaient moins bien définis qu’actuellement [1]. On observait en effet dans cet essai 7 à 10 % de colites de grade 3-4 dans les bras ipilimumab et 7 décès liés a des irAE dont 5 par colite et/ou perforations digestive.

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A Ipilimumab, anticorps monoclonal anti CTLA-4

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Ces effets secondaires sont gérables par une équipe entrainée et pluridisciplinaire avec surveillance attentive des patients. L’information et la sensibilisation des patients à ce risque est un élément important de la prise en charge. Le profil de toxicité dans le second essai de phase III comparant l’ipilimumab à la dacarbazine était différent puisque la principale cible n’était plus le tube digestif mais le foie avec la survenue de 32 % d’hépatites auto-immunes de grade « 3‑4 dans le bras association sans qu’aucun décès n’ait été à déplorer. C’est cette toxicité hépatique qui a conduit à interrompre le traitement chez plus de 40 % des patients recevant la combinaison. Avec l’ipilimumab, de nouveaux profils de réponse ont également été décrits avec notamment la possibilité de progression initiale des lésions cibles voire l’apparition de nouvelles localisations précédant une stabilisation voire une réponse clinique du patient. Ainsi, de nouveaux critères d’évaluation de la réponse sous immunothérapies ont été développés (« immune related response criteria ») mais ne sont pas utilisés encore en pratique courante. Cette cinétique particulière de réponse explique l’importance de confirmer toute progression par une nouvelle évaluation 4 à 6 semaines plus tard. Il n’existe pas à ce jour de biomarqueurs prédictifs de réponse clairement validés pour l’ipilimumab. Ce point est abordé en D. Le profil de toxicité de l’ipilimumab couplé à un relatif faible taux de patients bénéficiant du traitement à moyen terme rend plus que jamais nécessaire le développement et la validation de biomarqueurs. Les taux de survie à 5 ans chez les patients pris en charge pour un mélanome de stade III varient de 70 % pour un stade IIIA à 39 % pour les stades IIIC. En situation adjuvante, si l’interféron α garde une AMM dans cette indication, cette molécule ne saurait être considérée comme un standard car elle n’offre pas en règle de bénéfice en survie globale (6bis). Dans ce contexte adjuvant, l’ipilimumab a été testé au travers de deux essais de phase III versus placebo (EORTC 18071) ou versus interféron fortes doses (ECOG 1609). Dans l’essai EORTC 18071, les patients étaient randomisés soit dans le bras de traitement par ipilimumab (10 mg/kg), 4 perfusions espacées de 3 semaines suivies d’un traitement d’entretien tous les 3 mois soit dans le bras contrôle placebo [8]. Les résultats étaient en faveur du bras ipilimumab avec une survie sans récidive de 26.1 mois versus 17,1 mois pour le bras contrôle (HR : 0,75 ; p = 0,0013). En analyse de sousgroupe les patients bénéficiant le plus du traitement adjuvant par ipilimumab étaient ceux dont la tumeur primitive était ulcérée et/ ou avec une maladie ganglionnaire microscopique. Des toxicités de grade 3‑5 étaient rapportées dans 43 % des cas pour le bras ipilimumab versus 2 % dans le bras placebo avec 5 décès rapportés liés au traitement à l’étude : 3 par toxicité digestive, 1 cas de myocardite et 1 cas de syndrome de Guillain-Barré. L’ipilimumab a été autorisé par la FDA pour les patients pris en charge pour mélanome de stade III réséqué mais n’est pas disponible en France dans cette indication. La situation pourrait changer dans un très proche avenir du fait de la publication récente d’un bénéfice

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en survie globale : réduction du risque de décès de 28 % avec un HR a 0,72 p 0,001 (Ascierto et al ESMO 2016)

B Anticorps anti-PD1 Le nivolumab (OPDIVO®) et le pembrolizumab (KEYTRUDA®) sont les 2 premiers représentants d’une nouvelle classe d’immunothérapie, les anticorps monoclonaux humanisés, inhibiteurs de PD-1. Après l’anticorps monoclonal anti-CTLA4, ces nouveaux inhibiteurs de checkpoint immunitaire ont montré des résultats spectaculaires en terme d’amélioration de la survie globale chez ces patients faisant aujourd’hui de l’ipilimumab une immuno­ thérapie de 2e intention en monothérapie. Ces 2 anticorps anti-PD1 ont actuellement l’AMM en France pour le traitement des patients atteints de mélanome non résécable ou métastatique, quel que soit son statut mutationnel vis-à-vis de B-RAF. Les anticorps anti PD1 ou anti PDL1 ont également bouleversé la prise en charge de nombreux cancers dont le cancer bronchique épidermoïde non à petites cellules. cancer du rein et de la vessie. Le nivolumab et le pembrolizumab sont des anticorps monoclonaux humanisés de type IgG4 qui se lient au récepteur PD-1 et bloquent son interaction avec PD-L1 et PD-L2. Le récepteur PD-1 est un régulateur négatif de l’activité des cellules T. La liaison du PD-1 avec les ligands PD-L1 et PD-L2, exprimés à la surface des cellules présentatrices d’antigène, des cellules tumorales ou par d’autres cellules du micro-environnement tumoral entraîne une inhibition de la prolifération des cellules T et de leur production de cytokines. Les anticorps anti-PD1 potentialisent ainsi les réponses T anti-tumorales. Dans un essai de phase 3 ouvert et contrôlé, l’essai CheckMate 037, 272 patients étaient randomisés dans le bras nivolumab et 133 dans le bras chimiothérapie selon le choix de l’investigateur. Il s’agissait de patients préalablement traités par ipilimumab et/ ou inhibiteur de BRAF en cas de mutation du gène. Dans cette étude, le taux de réponse objective dans le bras nivolumab était de 31,7 %, 95 % CI 23,5‑40,8 contre 10,6 %, 95 % CI 3,5‑23,1 dans le bras chimiothérapie [11]. Une seconde étude de phase 3, CheckMate-066, chez 418 patients BRAF sauvages et naïfs de traitement comparait le nivolumab (3 mg/kg tous les 15 jours) à la dacarbazine. A 1 an, le taux de survie globale dans le bras nivolumab était de 72,9 % (95 % CI, 65,5‑78,9) versus 42,1 % (95 % IC, 33,0‑50,9) avec un hazard ratio de 0,42 ; 99,79 % CI, 0,25 to 0,73 ; P < 0,001. La médiane de survie sans progression était de 5,1 mois dans le groupe nivolumab contre 2,2 mois dans le groupe dacarbazine (hazard ratio 0,43 ; 95 % CI, 0,34 to 0,56 ; P < 0,001). Le taux de réponse objective était de 40,0 % (95 % IC, 33,3-47,0) dans le groupe nivolumab versus 13,9 % (95 % IC, 9,5‑19,4) dans le groupe dacarbazine (odds ratio, 4,06 ; P < 0,001) [12]. Dans un autre essai de phase 3, Keynote 006, 834 patients étaient randomisés de manière équilibrée dans 3 bras de traitement : pembrolizumab 10 mg/kg toutes les 2 ou toutes les 3 semaines et ipilimumab (4 perfusions à 3 mg/kg espacées de 3 semaines).

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diarrhées sous anti-PD1 relèvent d’un autre mécanisme [19]. Les toxicités endocrinologiques sont dominées par les dysthyroïdies (hypothyroïdie, thyroïdites avec une phase d’hyperthyroïdie suivie d’une hypothyroïdie) qui surviennent chez environ 7 % des patients. Des hépatites peuvent survenir chez environ 3 % des patients avec exceptionnellement des hépatites grade 3 ou 4. Des pneumopathies interstitielles ont été rapportées chez environ 2 % des patients avec exceptionnellement des tableaux sévères de syndrome de détresse respiratoire aigüe. On notera également de manière plus rare des toxicités neurologiques (centrale à type de méningite lymphocytaire et périphérique), rénale, la survenue parfois très brutale de diabètes, de myosites. Des données récentes de l’ASCO suggèrent qu’il n’y aurait pas de signal de toxicité accrue chez les patients plus âgés. Ainsi les anticorps anti PD1 ont révolutionné le paysage de l’arsenal thérapeutique de prise en en charge des patients atteints de mélanome métastatique et ont obtenu l’AMM à la posologie de 3 mg/kg tous les 15 jours pour le nivolumab et à la posologie de 2 mg/kg toutes les 3 semaines pour le pembrolizumab en première ou en seconde ligne après échec d’un traitement par thérapies ciblées pour les patients porteurs de la mutation BRAF.

C Association ipilimumab et anticorps anti-PD 1 Finalement, tant dans le domaine des thérapies ciblées que dans le domaine des immunothérapies, ce sont deux combinaisons stars qui ont été développées et qui ont fait l’actualité ces 2 dernières années ; pour l’immunothérapie, l’association anti CTLA4 et anti PD1 a permis de décrire des résultats spectaculaires au travers notamment d’un large essai de phase  3 publié en 2015 [20]. Cet essai incluait 945 patients atteints de mélanome avancé, naïfs de traitement et randomisés dans 3 bras de traitement : nivolumab seul 3 mg/kg tous les 15 jours, association nivolumab 1 mg/kg toutes les 3 semaines + ipilimumab 3 mg/kg toutes les 3 semaines pendant 4 cycles puis entretien par nivolumab seul 3 mg/kg tous les 15 jours, ipilimumab seul 3 mg/kg toutes les 3 semaines pour 4 doses. Dans cet essai, 58  % des patients étaient stade M1c AJCC, 36,1 % avaient des LDH élevés, 31,5 % étaient mutés BRAF et 23,6 % avaient une tumeur exprimant PD-L1. Au moment de l’analyse des données, le suivi médian allait de 12,2 à 12,5 mois selon les groupes. 37,4 % des patients du groupe nivolumab, 29,7 % des patients du groupe combinaison et 16 % des patients groupe ipilimumab étaient toujours en traitement. La survie sans progression médiane était de 11,5 mois (95 % IC 8,9‑16,7) dans le bras combinaison versus 2,9 mois (95 % IC 2,8‑3,4) dans le bras ipilimumab ; hasard ratio 0,42 ; 99,5 % CI, 0,31 to 0,57 ; P < 0,001 et de 6,9 mois (95 % IC 4,3‑9,5) dans le groupe nivolumab seul ; hasard ratio versus ipilimumab seul 0,57 ; 99,5 % CI, 0,43 to 0,76 ; P < 0,001. La survie sans progression était significativement plus élevée dans les groupe nivolumab et combinaison que dans le groupe ipilimumab y

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Dans cette étude, la survie sans progression à 6 mois était estimée à 47,3 % dans le groupe pembrolizumab/2 semaines, 46,4 % pour le pembrolizumab/3 semaines et 26,5 % dans le groupe ipilimumab (hazard ratio 0,58 ; P < 0,001pour les 2 posologies de pembrolizumab versus ipilimumab ; 95 % IC, 0,46‑0,72 et 0,47‑0,72 respectivement). À 12 mois, les taux de survie étaient estimés à 74,1 %, 68,4 % et 58,2 respectivement avec là encore des résultats hautement significatif sur la supériorité de l’anti-PD1 comparé à l’anti-CTLA4 [13]. Tout comme avec le nivolumab, l’efficacité du pembrolizumab après progression sous ipilimumab a été démontrée dans un essai de phase 2, l’essai KEYNOTE-002, incluant 540 patients au cours duquel des patients préalablement traités par ipilimumab ou inhibiteur de BRAF (en cas de mutation BRAF) étaient randomisés dans 3 bras de traitement : pembrolizumab 2 ou 10 mg/kg toutes les 3 semaines ou une chimiothérapie. Les survies sans progression à 6 mois étaient de 34 % (95 % CI 27‑41), 38 % (31‑45) et 16 % (10‑22) dans les 3 groupes respectivement [14]. Pour les 2 molécules, un profil de réponse similaire est observé avec un bénéfice en terme de survie sans progression, de survie globale, des réponses parfois tardives tels qu’observées avec l’anti-CTLA4 et un effet plateau traduisant la durabilité de la réponse dans le temps. Concernant l’efficacité de ces inhibiteurs de checkpoint immunologique à l’étage cérébral, des données récemment rapportées à l’ASCO suggèrent là encore une supériorité des anti-PD1 à l’anti-CTLA4. Les survies sans progression à 6 et 12 mois étaient de 29,0 (19,9‑42,2) et 24,2 (15,3‑38,2) dans le groupe antiPD1 contre 17,9 (9,6‑33,4) et 8,9 (3,5‑22,7) dans le groupe ipilimumab [15]. Par ailleurs, des données très rassurantes d’actualisation de survie sous anti-PD1 ont été rapportées à l’ASCO en 2016. La médiane de survie globale des 655 patients sous pembrolizumab (recevant 2 mg/kg/3semaines et 10 mg/kg toutes les 2 ou 3 semaines) atteignait 24,4 mois (20,2‑29,0) et 32,2 mois (27,2-NR) chez les patients naïfs de traitement antérieur. On notera de manière très intéressante que les réponses étaient maintenues chez 59/61 (97 %) des patients en réponse complète après arrêt du pembrolizumab [16]. Comme sous anti-CTLA4, les toxicités sous anti-PD1 sont à médiation immunologique avec toutefois des différences par rapport à l’ipilimumab. Le très bon profil de tolérance semble être le même avec les 2 anticorps anti-PD1 commercialisés. Parmi les effets indésirables fréquents, on signalera une fatigue chez 36 % des patients. Sur le plan cutané, des effets indésirables à type de prurit, rash et vitiligo sont rapportés dans environ 1/3 des patients. Ces toxicités sont généralement contrôlées par les émollients et les dermocorticoïdes. Il semblerait que la survenue d’un vitiligo soit associée à une meilleure réponse thérapeutique [18]. Les toxicités digestives à type de diarrhée surviennent chez environ16 % des patients et sont dans l’immense majorité des cas des grades 1 ou 2. Il n’a pas été observé de tableau de colite perforative comme sous ipilimumab et il semblerait que les

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compris dans les analyses de sous-groupes (statut PD-L1, statut BRAF, stade AJCC). Parmi les patients avec tumeur exprimant PD-L1, la médiane de survie sans progression était de 14,0 mois (95 % IC, 9,1 – NR) dans le groupe nivolumab, 14,0 mois (95 % IC, 9,7 – NR) dans le groupe combinaison et 3,9 mois (95 % IC, 2,8 – 4,2) dans le groupe ipilimumab. Chez les patients au statut PD-L1 négatif, la survie sans progression médiane était de 5,3 mois (95 % IC, 2,8 – 7,1), 11,2 mois (95 % IC, 8,0 – NR) et 2,8 mois (95 % IC, 2,8 – 3,1) respectivement. Il était observé plus de réponses complètes dans le groupe combinaison (11,5 %) que dans les groupes nivolumab (8,9 %) et ipilimumab (2,2 %). Ces excellents résultats sont à mettre en balance avec une fréquence beaucoup plus élevée des toxicités et notamment des toxicités sévères. En effet, dans le bras de combinaison on note 55 % d’effets indésirables grades 3 et 4 versus 16,3 % dans le bras nivolumab seul et 27,3 % dans le groupe ipilimumab. L’effet indésirable le plus fréquent dans le bras association était la diarrhée (44,1 % des patients), l’asthénie (35,1 %) et le prurit (33,2 %). Les interruptions de traitement pour toxicités étaient beaucoup plus fréquentes dans la combinaison (36,4 %) que dans les groupes nivolumab seul (7,7 %) et ipilimumab (14,8 %). La combinaison ipilimumab et nivolumab est disponible aux Etats Unis depuis Octobre 2015, elle n’est en revanche disponible en France que dans le cadre d’essais cliniques de phase IIIb/IV ; le profil de toxicité de cette association rend plus que jamais d’actualité le développement et la validation de biomarqueurs prédictifs de réponse. G. Long et al. ont rapporté en 2016 à l’ASCO les résultats préliminaires de la Keynote-029 étudiant l’association pembrolizumab 2 mg/kg toutes les 3 semaines pendant 24 mois à l’ipilimumab 1 mg/kg toutes les 3 semaines pour 4 injections [21]. 153 patients naïfs d’immunothérapie étaient inclus dont 56 % de patients M1c, 83 % de patients avec tumeur PD-L1 positive. 110 (72 %) ont reçu les 4 doses d’ipilimumab. Au moment de l’analyse, le traitement était interrompu chez 67 (44 %) des patients pour cause de toxicité (n = 31), progression (n = 29), sortie du patient de l’étude (n = 2), réponse complète (n = 3), décès (n = 1) et introduction d’un autre traitement anticancéreux (n = 1). Les auteurs ont fait la distinction entre les toxicités liées au traitement et les toxicités à médiation immunologique. Ainsi, les toxicités grade 3 et 4 survenaient chez 42 % des patients et les toxicités immunologiques de grade 3 et 4 survenaient chez 25 % des patients. Aucun décès lié au traitement n’était observé. Les évènements les plus fréquemment rapportés étaient la fatigue (46 %), le prurit (39 %), un rash (39 %), la diarrhée (24 %), élévation de la lipase (18 %), vitiligo (18 %), xérostomie (16 %), nausée (16 %) et hypothyroïdie (16 %). Concernant l’efficacité de cette association, le taux de réponse objectif était de 57 % (49 %-65 %) avec un taux de contrôle de la maladie de 78 % (71 %-85 %). Une réponse complète était atteinte chez 10 % des patients. La survie sans progression à 6 mois était de 70 % avec une médiane de survie sans progression non atteinte dans cette étude.

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C. Pagès, B. Baroudjian, C. Lebbé

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D Biomarqueurs Il n’existe pas aujourd’hui de biomarqueurs validés, utilisable en pratique quotidienne pour prédire l’efficacité des anti CTLA4, des anti PD1 ou de l’association. Les analyses de sous groupes des essais cliniques, des données de vies réelles et des études d’immunomonitoring sur des séries de patients suggèrent fortement le rôle prédictif négatif de la lymphopénie, de l’inflammation tels que l’élévation plasmatique de la CRP et de l’IL6, de l’élévation des LDH circulantes, véritable témoin d’un métabolisme reposant sur la glycolyse anaérobie. Dans les tissus tumoraux, l’infiltration par les lymphocytes T CD8 sur le front tumoral, l’expression de PDL1, ligand de PD1, par les cellules tumorales ou stromales, la conservation de la machinerie cellulaire permettant la présentation antigénique et la charge en neoantigènes seraient associés a une meilleure réponse [17]. L’ensemble de ces paramètres et d’autres à venir définissent ce que Blank et al appellent « l’immunogramme » [22]. La validation de ce concept permettra sans doute à l’avenir de mieux définir les sous groupes de patients susceptibles de bénéficier des anticorps antiPD1 seuls et ceux nécessitant le recours d’emblée a l’association d’anti PD1 et d’anti CTLA4. Au total, l’immunothérapie par anti PD1 permet aujourd hui d’obtenir une médiane de survie de plus de 24 mois dans le traitement du mélanome avancé. Si l’ipilimumab a montré des réponses durables chez 20 % de patients avec un recul de maintenant 10  ans, on peut espérer, en s’appuyant sur l’ensemble des essai cliniques réalisés depuis 10  ans dont certains encore en cours, qu’un plateau puisse être obtenu aux alentours de 40 % de survivant long terme pour les anti PD1 seuls et peut être de 50 % pour l’association anti PD1 et anti CTLA4. La recherche continue et l’année 2017 sera marquée par de nombreux essais d’associations dans lesquelles les anticorps anti PD1 auront un rôle de « dénominateur » : tentatives de diminuer la dose d’ipilimumab dans la combinaison anti CTLA4 anti PD1, combinaisons de thérapies ciblées et d’anti PD1 ou anti PDL1, essais stratégies thérapies ciblées/immunothérapie, combinaison de vaccination par virus oncolytique et d’anticorps anti PD1, destinée a enrichir les tumeurs « froides » en lymphocytes, combinaison d’anti PD1 et d’autres agents immunomodulateurs tels que les inhibiteurs de l’enzyme IDO Indoleamine_2,3-dioxygénase, impliquée dans le métabolisme du tryptophane et la régulation (négative) du système immunitaire. Liens d’intérêts Céleste Lebbe : activité de consultant pour Bristol Myers Squibb Cécile Pagès Pagès : activité de consultant pour Bristol Myers Squibb Barouyr Baroudjian : l’auteur n’a aucun intérêt en lien avec cet article.

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Références

Article

Immunothérapie et mélanome : l’exemple des anticorps immunomodulateurs

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